Francis Laclare,
Chercheur associé à l'Observatoire de la Côte d'Azur,
Membre du bureau de l'AMOPA des Alpes-Maritimes
E Soleil est une étoile quelque peu banale appartenant
à
notre galaxie qui en compte
à
peu près 200 milliards.
Son âge est de 4,6 milliards d'années et la Terre décrit son orbite autour de lui à 150 millions de kilomètres en
moyenne. Son rayon est d'environ 700000 kilomètres, sa densité moyenne de 1,4 et sa température effective sur
la photosphère, donc en surface, est de l'ordre de 5750 degrés tandis qu'elle croît considérablement jusqu'à 15
millions de degrés quand on pénètre vers son cœur. C'est dans ces conditions, que naissent alors les réactions
nucléaires de fusion d'hydrogène en hélium fournissant l'énergie que l'astre va rayonner dans son environnement
nous nous situons. Cette énergie ira jusqu'à plusieurs millions de kilomètres, dans la couronne, et sera dissipée dans tout le
système solaire. La Terre sera par conséquent soumise à ce flux énergétique de particules, appelé vent solaire.
La variabilité des champs magnétiques sur la photosphère, dont les taches sont la manifestation, est observable sur Terre
depuis plus de 1000 ans. Mais c'est avec la lunette de Galilée que les observations des taches deviennent régulières depuis 1610.
D'autres indicateurs de l'activité solaire verront le jour et seront perfectionnés avec les progrès de la technologie mais surtout
par le développement des observatoires embarqués sur des engins spatiaux.
Comme on peut aisément l'imaginer, la connaissance du
fonctionnement de notre étoile, et en particulier les variations de son
activité, ne seront pas sans conséquences sur la planète Terre. Dans cet
objectif plusieurs observatoires permanents répartis dans le monde,
conduisent des programmes d'observations systématiques des différents
paramètres solaires. Dans ce but également, le satellite français Picard,
financé par le CNES (Centre National d'Études Spatiales), a été lancé le 15
juin dernier à 16h42, heure de Paris, par une fusée DNIEPR depuis la base
de Yasny en Russie.
C'est dans le cadre d'une mission scientifique internationale
(1)
,
réunissant plusieurs instituts, que cet instrument permettra d'améliorer
notre connaissance du fonctionnement complexe de la
« machine solaire
».
Le satellite doit fournir des
données nécessaires
à
l'amélioration des modèles
utilisés pour prévoir lvolution
de l'activité solaire. Il a été conçu pour mesurer simultanément des paramètres comme
la vitesse de rotation du Soleil, sa puissance rayonnée, sa structure interne, la présence
de taches à sa surface, sa forme et son diamètre. Ces mesures comme celle du
rayonnement ultra-violet devraient permettre également d'évaluer l'influence de notre
astre sur les processus chimiques et dynamiques qui régissent l'équilibre de notre
atmosphère terrestre et contribuer ainsi à améliorer notre connaissance des éventuelles
variations climatiques. Pour conduire le programme scientifique de Picard, trois
instruments principaux sont embarqués sur le satellite: SOVAP, PREMOS et
SODISM
(2)
. Les deux premiers sont destinés à la mesure de l'irradiance solaire totale ou
encore, du flux dans plusieurs domaines spectraux. SODISM est, quant à lui, dévolu à la
mesure du diamètre solaire avec, pour objectif, l'ambition d'atteindre une précision de
l'ordre de la milliseconde de degré, soit un gain d'un facteur 100 sur les meilleures
mesures contemporaines faites au sol!
Ce satellite porte le nom de l'abbé Jean Picard, astronome français, qui entreprit au
XVII
e
siècle une série de mesures du
diamètre solaire. Ces mesures, couvrant une longue période à partir de 1666, devaient conduire à une bonne évaluation de
l'excentricité de l'orbite terrestre en comparant les observations faites quand la Terre est à l'apogée à celles obtenues au périgée.
Picard obtenait ainsi, à cette époque, une bonne description du mouvement orbital de la Terre. En outre, et de manière
surprenante, les mesures révélaient un caractère variable du diamètre solaire, celui-ci étant apparemment plus grand d'environ
1 seconde de degré en période de faible activité magnétique solaire.
Le satellite Picard
Lancement du satellite Picard, le 15 juin 2010
La précision des mesures à cette époque, faites au moyen de l'ingénieux micromètre
d'Adrien Auzout, (astronome et physicien français, 1622-1691) restait limitée à des
valeurs situées entre 0,5 et 1,0 seconde de degré. Philippe de la Hire (1640- 1718), élève
de Picard, devait poursuivre le programme d'observations du diamètre par la méthode
des transits au quart de cercle méridien, méthode rendue possible par le gain en
précision dans la mesure du temps.
Aujourd'hui, toutes les observations en astronomie ont vu leur précision croître
considérablement; c'est en particulier le cas des éléments qui décrivent la géométrie
globale du Soleil, son diamètre, sa non-sphéricité, son rayonnement. En ce qui concerne
la connaissance des mécanismes internes, de nouvelles méthodes, comme
l'héliosismologie ont vu le jour ces dernières années, elles permettent par exemple de
connaître les vitesses de rotation de la sphère solaire qui sont fonction de la latitude et
de la profondeur. C'est bien par les progrès accomplis dans le domaine de
l'instrumentation et dans celui du traitement des données que la qualité des résultats a
progressé de manière aussi spectaculaire.
Pourtant, les mesures faites au sol souffrent de graves inconvénients: d'une part, pour
notre bien être sur Terre, il est vrai, le Soleil demeure «
astre du jour
»,
mais il en résulte
que l'alternance des jours et des nuits interdit aux astronomes son observation en continu. D'autre part, les résultats obtenus
dans nos observatoires sont toujours affectés par l'atmosphère qui constitue un masque turbulent, hétérogène, plus ou moins
opaque qui dégrade les images. Par conséquent, seules des mesures depuis l'espace permettent de s'affranchir de ces défauts
majeurs et de confirmer ou d'infirmer les résultats obtenus au sol. C'est déjà le cas pour la mesure de nombreux témoins de la
structure interne du Soleil et de ses variations. Ainsi, dans le domaine de la physique solaire par exemple, l'expérience
embarquée sur le satellite européen Soho a largement confirmé les modes d'oscillations observés, notamment au pôle Sud par
des équipes de l'observatoire de Nice.
LE SOLEIL, ÉTOILE VARIABLE
On peut effectivement considérer le Soleil comme appartenant à la classe des étoiles variables quand on observe les variations
d'énergie, périodiques ou non, qu'il émet dans le temps.
Il y a d'abord le cycle solaire, cycle dont la durée moyenne est de 11
ans au cours duquel le nombre de taches apparentes varie
de manière importante. Schwabe (1789-1875), astronome amateur Allemand, pharmacien de son état, découvrit cette périodicité
dans l'apparition des taches sur une série d'observations faites par lui-même entre 1826 et 1843. Rudolf Wolf (1816-1893),
astronome Suisse, entreprit ensuite une étude de l'activité passée à partir d'archives de différents observatoires européens et
définit un nombre, le nombre de Wolf, qui rend compte de l'activité mensuelle du Soleil. Il put ainsi remonter jusqu'en 1700 et il
se limita à mentionner les périodes de maximum pour la période comprise entre 1610 et 1700.
La phase et l'amplitude de ce cycle sont variables comme on peut le constater sur la figure et de façon quasi systématique, la
phase décroissante est de durée plus longue que la phase ascendante.
On remarque surtout des discontinuités sur cette série: un grand minimum entre 1645 et 1715, dit minimum de Maunder
(1851-1928), qui caractérisa le «
petit âge glaciaire »
sous le règne de Louis XIV et d'autres périodes de faible amplitude comme le
minimum de Dalton entre 1795 et 1830 et plus près de nous, une activité relativement basse à la fin du XIX
e
siècle. L'analyse
plus fine de cette série révèle également l'existence d'autres signaux périodiques tels que le cycle de Gleissberg, de période
voisine de 85 ans, et le cycle de Suess indiquant une période de 200 ans présente notamment dans la concentration du carbone
14.
Très récemment, il convient de citer une anomalie de taille! Le dernier minimum s'étale sur plus de 250 jours pendant
lesquels aucune tache n'a été vue sur le Soleil, et le flux radio ou le vent solaire n'ont été aussi faibles depuis 50 ans.
Associés à la présence des taches, les champs
magnétiques engendrent un cycle de 22 ans (cycle de
Hale). Les flots de particules électrisées arrivant du
soleil et attirées par les pôles terrestres vont alors se
manifester sous la forme d'aurores polaires. De
manière aléatoire apparaissent également les
spectaculaires éruptions et autres protubérances
visibles à l'aide de coronographes et mieux encore
depuis l'espace. Leur durée de vie est variable selon
leur type, de l'ordre de quelques heures à plusieurs
dizaines de jours avant d'éclater et de se répandre
dans la couronne solaire.
Au nombre des indices concourant à qualifier le
caractère variable de notre étoile citons la constante
solaire, appelée plus souvent aujourd'hui
« ir
radiance
»,
Il s'agit de l'énergie émise par le Soleil et reçue par la Terre hors
atmosphère, sa valeur moyenne est de 1368 W/m
2
• L'atmosphère terrestre rend les mesures depuis le sol très incertaines, et il a
fallu attendre les années 1930 pour que le physicien Américain Ch. Abott (1872-1973) évalue la constante solaire à 1355 W/m
2
; le
terme de constante solaire pour ce paramètre devenait impropre à partir des années 1970 avec le développement des
radiomètres et leur utilisation sur les satellites qui conduisirent à observer de manière plus précise la variabilité de cet indice.
Il
va sans dire que ces variations de l'énergie reçue par la Terre et leur corrélation avec l'activité contribuent largement à
alimenter les débats que nous connaissons aujourd'hui, sur l'éventuelle influence du Soleil sur le climat.
La variation totale de la constante solaire durant un cycle est d'environ 1,3 W/m
2.
Les mesures de l'irradiance sont acquises
par les radiomètres embarqués sur les missions spatiales Acrim et Virgo.
Et encore, devrions-nous citer de nombreux autres indices témoignant de la variabilité de notre étoile mais il en est un qui
constitue un objectif majeur de la mission Picard, et qui depuis une trentaine d'années suscite de nombreux débats. Il s'agit de la
mesure du diamètre solaire, de ses variations et de la forme du Soleil.
LE DIATRE DU SOLEIL EST-IL VARIABLE ?
Vouloir mesurer avec précision le diamètre d'une sphère gazeuse située à près de 150 millions de kilomètres, dont l'enveloppe
est en perpétuel changement relève bien de la gageure, et ceci d'autant plus, que l'atmosphère terrestre, à travers laquelle les
L
’activité solaire de 1610 à 2010
L’académicien Jean Picard (1620-1682)
observations sont faites, constitue un gros handicap. À ces difficultés s'ajoute celle de la définition du bord solaire qui sert de
repère géométrique pour délimiter la sphère solaire.
Et pourtant, malgré ces obstacles, la mesure du diamètre solaire et de ses variations depuis le
sol a constitué depuis les premières observations de J. Picard et celles de la Hire des
programmes de recherches dans de nombreux observatoires. Différentes méthodes ont été
utilisées; les éclipses de Soleil par la Lune ont procuré de bons résultats, le diamètre lunaire bien
connu servant de référence. Le transit de Mercure devant le Soleil constitue lui aussi une
technique mais très limitée à moins de 15 passages par siècle! Le diatre solaire fait l'objet
aujourd'hui de mesures régulières à partir d'instruments au sol utilisant des techniques
différentes telles que les observations visuelles, photoélectriques ou CCD.
La grande variété des instruments et des procédés de mesure, encore en usage aujourd'hui,
conduit
à
des ré- sultats disparates voire contradictoires pour la valeur nominale du diamètre
solaire mais aussi pour les variations détectées. C'est ainsi que ces dernières peuvent être
corrélées ou en opposition de phase avec l'activité magnétique. L’observatoire de la Côte d'Azur a
développé sur son site de Calern un instrument desti
à
la mesure du diamètre solaire. Cet
instrument, d'abord utilisé en mode visuel est progressivement devenu impersonnel et automatique par l'emploi de caméras
électroniques.
Les résultats obtenus sur une longue série de plus de 30 ans révèlent une variation
apparente du rayon en quasi-opposition de phase avec l'activité solaire représentée par le
cycle de taches. Sur l'ensemble de la série, les tendances entre rayon observé et activité
magnétique sont également de signes contraires. Bien que confirmé par des collègues
Américains à partir de mesures faites en ballon dans la stratosphère (Yale University), cette
conclusion mérite encore d'être confrontée aux observations hors atmosphère.
Un autre résultat, obtenu par les mesures faites à l'observatoire de Calern, concerne la
forme géométrique du Soleil. Celle-ci serait mieux approximée par un ellipsoïde que par une
sphère. Le rayon polaire observé paraît en effet inférieur au rayon sphérique d'environ 15 km.
Cet écart est
à
rapprocher de celui obtenu aux États- Unis (Nasa Goddard Space Flight
Center) qui mentionne une différence entre rayons de l'ordre de 6 km.
Le satellite Picard, qui vient d'être lancé, va donc entreprendre ces mesures fondamentales
des paramètres définissant l'activité solaire. Il y a tout lieu de penser que l'énergie rayonnée
par le Soleil, son diamètre et ses
variations, pourraient ne pas être sans incidence sur l'atmosphère terrestre
et donc sur le climat. La mission Picard vient s'ajouter
à
celles de nombreux
instruments conçus par les États-Unis ou l'Europe, qui se sont succédé dans
l'espace depuis une vingtaine d'années et dont le but était l'observation des
indicateurs du fonctionnement du Soleil.
La durée de vie d'un satellite reste cependant limitée à quelques années,
de l'ordre de 3
à
5, il convient alors d'assurer au sol une surveillance
à
plus
long terme des paramètres observés depuis l'espace. C'est dans cet esprit que
nous avons développé sur le site de Calern le segment « Sol » de la mission
Picard. Celui-ci est constitué de la réplique partielle du satellite et
d'instruments de mesures destinés
à
évaluer les effets atmosphériques sur la
mesure du diamètre au sol. Ces mesures continues pendant toute la durée du
vol couvriront de longues durées afin de rechercher des variations à long
terme qui pourraient contribuer par exemple à une meilleure connaissance du climat.
(1)
Le CNES est responsable du développement du système Picard, notamment du satellite et de son exploitation. Les participants au projet sont le CNRS, le Bureau Suisse
des Affaires Spatiales, le Service Public Fédéral de Programmation Politique Scientifique de Belgique.
Les partenaires scientifiques de la mission spatiale Picard sont:
*
L'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA)
*
Le Laboratoire Atmosphère, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS)
à
Paris
*
L'Observatoire de Davos en Suisse, (PMOD)
*
L'institut de Physique Spatiale
à
Paris (lAS)
*
Le département d'astrophysique, de physique des particules, de physique Nucléaire et d’Instrumentation associée (DAPNlA, CEA)
*
Le Laboratoire d'Études Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique (LESlA)
à
Paris
*
L'Agence Spatiale Canadienne et l'Université de Yale aux États- Unis
(2)
SOVAP: SOlar VAriability Picard
PREMOS: PREcision MOnitor Sensor
SODISM: SOlar Diameter Imager and Surface Mapper
Double protubérance observée par le
satellite Soho (ces protubérances s’étendent
sur environ 20 fois le diamètre terrestre)
Aurore boréale observée dans le Nord de la
Finlande
Rayon solaire observé à l’observatoire de Calern et activi
magnétique du soleil.
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