J. Bitsch
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L'une des questions posées aux morphologistes qui étudient la région pleurale
des segments d'insectes concerne le nombre et la disposition des stigmates, orifices
respiratoires qui donnent accès aux trachées. Les stigmates thoraciques manquent
chez de nombreux Protoures et chez les Collemboles, mais dans la plupart des
autres groupes d'Aptérygotes et de Ptérygotes, deux paires de stigmates
thoraciques sont présentes. Un cas plus complexe, très bien étudié par J. Barlet, est
celui de certains Diploures Japygidae chez lesquels il existe jusqu'à quatre paires de
stigmates thoraciques. En fait, Barlet montre qu'il y a lieu de distinguer au moins
deux séries de stigmates, ceux en position intersegmentaire (ou "présegmentaire") et
ceux placés au-dessus des arcs pleuraux (en position "postsegmentaire"). Ceci
explique que deux paires de stigmates peuvent coexister dans un même segment,
mais alors ces stigmates appartiennent à des catégories différentes. Cette
distinction est importante à considérer quand on utilise l'emplacement des stigmates
comme points de repère pour établir des homologies entre sclérites pleuraux.
Une comparaison avec les Ptérygotes "inférieurs" (Blattes, Orthoptères) et même
avec certaines larves de Ptérygotes holométaboles (en particulier celles du
Mégaloptère Corydalus), a permis à J. Barlet de retrouver dans ces groupes le plan
d'organisation de la région sterno-pleurale du thorax déjà mis en évidence chez les
Aptérygotes. Enfin, dans un de ses derniers travaux, publié en 1994, J. Barlet s'est
intéressé à la position des disques imaginaux alaires présents dans le thorax des
larves d'insectes holométaboles de la famille des Tenthrèdes (Hyménoptères),
abordant ainsi la question fondamentale, encore très discutée, de l'origine de l'aile
des Ptérygotes. On sait que les ailes des insectes holométaboles (à métamorphose
complète) se forment à partir de bourgeons internes, les "disques imaginaux", qui
s'accroissent mais restent indifférenciés durant toute la vie larvaire pour ne se
développer qu'au moment de la métamorphose, lors de la dernière mue, dite "mue
imaginale" (celle qui conduit à la forme adulte, ou imago). Utilisant cette fois des
coupes histologiques du thorax, J. Barlet observe que les bourgeons alaires des
larves âgées sont placés à la limite entre aire pleurale (anapleure) et aire tergale (ou
notale), plus précisément à la face inférieure du lobe paranotal qui prolonge de
chaque côté le tergite (ou notum) des segments méso- et métathoraciques. Cette
localisation plaide en faveur de l'origine paranotale de l'aile, conception opposée à
celle d'une origine appendiculaire qui admet que l'aile des Ptérygotes dérive d'une
branche latérale (exite) portée par un article proximal de la patte, article
secondairement incorporé à la paroi latérale du segment. Mais, ici encore, J. Barlet
fait preuve d'une extrême réserve dans l'énoncé de ses conclusions, estimant
nécessaire de multiplier les recherches sur la localisation précise des disques
imaginaux chez les holométaboles avant de pouvoir véritablement trancher le débat.
Au total, les études de J. Barlet sur la structure du thorax des insectes, ont abouti
à la publication d'une soixantaine de notes dont plusieurs présentées lors de
Congrès internationaux d'Entomologie. Ces notes apportent de nombreuses
données originales à la connaissance morphologique du thorax; elles se
caractérisent par leur exceptionnelle précision et sont accompagnées d'admirables
dessins, comme en témoignent les quelques figures reproduites ici. Il faut toutefois
reconnaître que la grande honnêteté scientifique de J. Barlet, son souci de ne rien
affirmer qui n'ait été rigoureusement contrôlé, de tenir compte de tous les détails
sans en négliger aucun, l'ont dissuadé de présenter ses résultats sous forme de