qu’il implique de nombreux acteurs : la victime et l’auteur du dommage, les tiers payeurs, les
assureurs, l’employeur et la collectivité publique à travers les fonds d’indemnisation.
Quel est l’office du juge en la matière ? Trancher la question de la responsabilité,
déterminer l’existence d’une faute et d’un dommage, évaluer et chiffrer le préjudice, entre
autres. Le juge oscille alors entre l’application d’une législation technique et spécifique et
l’appréhension de la dimension humaine, tant de l’auteur du dommage que de la victime du
préjudice. On se trouve au carrefour de la médecine et du droit, en matière de responsabilité
médicale et d’indemnisation. C’est pourquoi nous nous focaliserons particulièrement sur le
rôle et les compétences reconnues aux experts médicaux dans de telles procédures. Toutefois,
l’avis de l’expert ne lie pas le juge, qui a donc, a priori, toute latitude pour statuer sur la
situation qui lui est soumise, son objectif ultime étant de trancher le litige. Mais ceci ne peut
se faire sans que le magistrat soit confronté à des incertitudes et à des doutes, pour aboutir à
une vérité judiciaire qui est forcément humaine et toute relative.
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Mercredi 12 novembre
Guillaume Lachenal, maître de conférences en histoire des sciences à l’université Paris
Diderot, membre de l’Institut universitaire de France,
et Céline Lefève, maître de conférences en philosophie de la médecine à l’université Paris
Diderot, directrice du Centre Georges Canguilhem.
La médecine du tri, une routine d'exception
L’intervention présentera sous l’angle de trois disciplines, l’histoire, l’anthropologie et la
philosophie, la routine d’exception que constitue le tri en médecine. Elle reviendra sur les
problèmes soulevés par l’ouvrage qui vient de paraître aux Presses Universitaires de France
sous la direction de G. Lachenal, C. Lefève et V.-K. Nguyen : La médecine du tri. Histoire,
éthique, anthropologie. Cet ouvrage fait l’hypothèse que le tri est un des paradigmes majeurs
de la médecine de notre temps.
Opération fondamentale mise au point au 19ème siècle sur les champs de bataille, le
« triage » est devenu, dans l’humanitaire et les services d’urgence, une technique de routine
permettant de hiérarchiser les patients selon leurs besoins et les possibilités de traitement.
Promesse d’une décision rationnelle et juste dans des situations dramatiques, il reste pourtant
une manière d’évaluer les existences, qui risque de reconduire sans les interroger les normes
sociales et culturelles : un acte médical à la fois indispensable et insupportable, qui sauve et
qui sacrifie des vies. Qui soigner d’abord quand les ressources manquent ? Qui faire
attendre ? Quels principes éthiques et quels critères médicaux utiliser pour classer les patients
par ordre de priorité ?
Nous reviendrons sur l’histoire du triage ; ses théâtres, ses pratiques très diverses, de
l’humanitaire et de la gestion des pandémies à la médecine générale, en passant par la
réanimation ; les logiques sociales qui l’irriguent, et les concepts éthiques qu’il mobilise.
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