
Résumé
Ce chantier vise à analyser les changements intervenus dans les paysages de la région Franche-Comté durant les
dernières décennies. L’objectif est à la fois thématique et méthodologique, faisant appel à des analyses
géographiques appuyées par des collaborations en écologie. Sur le plan thématique, il s’agit d’examiner
parallèlement deux dimensions essentielles du paysage : d’une part le « paysage visible », qui relève de notre
rapport avec notre cadre par la visibilité ; d’autre part le « paysage écologique », où le paysage constitue un
ensemble de ressources abritant une certaine biodiversité. Sur le plan méthodologique, le travail est fondé sur une
approche modélisatrice, où l’occupation du sol est une donnée-clé pour évaluer les dimensions visible et écologique
du paysage. La question est donc de mettre en place un protocole pour (1) modéliser la qualité esthétique du
paysage à partir de données numériques (occupation du sol et altitude), (2) modéliser le potentiel écologique du
paysage, (3) examiner les changements d’occupation du sol intervenus depuis les années 1980 et évaluer leurs
impacts pour les deux dimensions étudiées. Le terrain d’étude est une zone d’environ 700 km2 encadrant
l’agglomération de Besançon, soumise à des enjeux d’étalement urbain associés à des changements agricoles et
à une densification des réseaux de transport.
La première phase du chantier a consisté à mettre en place un « mode d’occupation du sol » (MOS) multi-date. Ce
travail a nécessité une approche à grande échelle, pour que les cartes résultantes soient intégrées dans les
modèles de visibilité et de réseau écologique. Le MOS de référence a été produit pour l’année 2010, sur l’ensemble
de la Franche-Comté. Un traitement par Système d’Information Géographique (SIG) a fait l’objet d’une
automatisation pour réaliser l’assemblage de multiples entrées de deux bases de données nationales (BD TOPO®
de l’IGN et Registre Parcelle Graphique – RPG- de l’ASP). Un travail complémentaire de photo-interprétation a été
mené, conduisant à la mise en place d’un MOS contenant 12 catégories d’occupation du sol définies à une
résolution spatiale de 5 m. Une campagne de relevés de terrain a permis de valider l’ensemble de ce MOS.
L’analyse rétrospective s’est ensuite focalisée sur la zone d’étude de l’agglomération de Besançon, prenant comme
référence les dates de 1956 et 1984. Ces dates ont été définies en fonction de de la disponiblité d’anciennes
couvertures de photographies aériennes. Chaque catégorie d’occupation du sol a fait l’objet d’un travail spécifique
pour aboutir à une cartographie aux deux dates antérieures avec les mêmes spécifications que le MOS 2010.
Le volet « paysage visible » de l’étude a débuté par le développement de Pixscape, un outil de modélisation de la
visibilité destiné à améliorer les possibilités des logiciels utilisés par l’équipe dans ce domaine. Cet outil permet de
caractériser le paysage potentiellement visible depuis chaque point par un grand nombre de métriques de visibilité,
dont plusieurs sont originales par rapport aux outils existants. Deux formes de validation du modèle ont été mises
en place. La première a consisté à relier les métriques de visibilité à un indicateur de satisfaction résidentielle issu
d’une recherche antérieure dans la zone périurbaine de Besançon. La seconde s’est appuyée sur une enquête de
préférence paysagère par le biais d’un photo-questionnaire en ligne. Dans les deux cas, les résultats ont montré
que plusieurs métriques se combinent pour expliquer la valeur esthétique du paysage, malgré les variations
constatées entre trois groupes de jugement. Il est donc possible d’évaluer la qualité du paysage visible depuis
chaque lieu de la zone d’étude, selon les critères qui font un consensus parmi les observateurs.
Le volet « potentiel écologique » s’est appuyé sur la notion réseau écologique, qui désigne les infrastructures
d’habitat et de déplacement disponibles pour les espèces animales. Pour modéliser ces réseaux, l’équipe a mis en
place des méthodes fondées sur la théorie de graphes (les graphes paysagers), reconnues pour leur efficacité en
termes de diagnostic spatial. Ces méthodes ont été implémentées de façon intégrée dans le logiciel Graphab. Pour
une espèce donnée, le graphe paysager est une représentation simplifiée du réseau écologique, qui permet de
quantifier la connectivité à plusieurs niveaux d’échelle. Pour englober un large spectre de la biodiversité, la
démarche s’est appliquée à une série d’espèces animales regroupées en 16 profils. Ces profils ont été définis
selon un protocole de sélection associant les listes d’espèces à enjeux de conservation, et les informations
disponibles pour caractériser leur réseau écologique.