Dominique Martin. Les métamorphoses du monde. Sociologie de la mondialisation Cet ouvrage est-il le énième livre sur la mondialisation ? Si cet ouvrage peut prétendre à une originalité, c'est bien parce que nous avons pris le double parti de faire dialoguer des savoirs propres à plusieurs disciplines (économie, histoire, etc.) et d'amorcer une réflexion sur l'interprétation scientifique du phénomène. D'abord, en discutant les pré-notions souvent utilisées pour justifier l'emploi du terme “mondialisation”. Ensuite, en remettant en cause un pseudo discours scientifique disant que la mondialisation est un phénomène avéré, inéluctable ou totalement inédit. Il n'y a pas encore, que l'on sache, une société mondiale ; les firmes dites “ globales ” restent rares ; le capitalisme n'est pas une vaste machinerie sans acteurs ; les résistances identitaires freinent la progression de l'uniformisation. C'est ici que la sociologie nous aide à repérer le poids des décideurs collectifs, la force des tensions et des luttes pour l'hégémonie. Vous dites que la mondialisation n'est pas la catastrophe qu'on se plaît à dénoncer. Seriezvous partisans de la “ mondialisation heureuse ” ? Les conceptions d'Alain Minc sur la mondialisation heureuse sont autant de facéties que les récriminations de Viviane Forrester contre “ l'horreur économique ”. Nous consacrons volontairement la moitié de cet ouvrage à déconstruire des mythes qui ont la vie dure : l'individu nomade dans le cyber-espace ; une économie structurée par des firmes globales œuvrant en tout point de la planète ; la fin du travail salarié qui entraînerait partout le chômage et la précarité ; ou encore la fin de l'État nation. Si ces trente dernières années ont, certes, créé les conditions favorables pour le triomphe du marché, il faut y voir moins la défaite du politique que le triomphe d'une certaine politique : celle du credo néo-libéral relayé par les grandes institutions mondiales. Dans ce paysage des “ métamorphoses du monde ”, voit-on émerger de nouvelles règles ou tout simplement poindre le chaos ? Un constat fait l'unanimité : les trente dernières années de la mondialisation contemporaine font que la planète va plus mal, avec son cortège récurrent de pauvreté accrue, de chômage dans les grands pays industrialisés, d'inégalités croissantes entre le Nord et le Sud, de violences et d'agressions contre l'environnement. Mais le monde n'est pas pour autant au bord du chaos. Il reste constitué par des équilibres instables en quête de nouvelles régulations. Il faut, pour comprendre cette mutation, revenir à des explications qui privilégient le rôle des acteurs, les effets souvent non maîtrisés de leur action collective et les tensions qui en découlent. Ces tensions n'ont plus grand-chose à voir avec la lutte des classes de jadis. Au-delà de la résignation quasi-générale, notre livre montre que les enjeux sont très complexes : aujourd'hui, ni les mouvements sociaux, ni les ONG, ni les organisations syndicales classiques, ne sont en mesure de fournir une forme de proposition cohérente et une stratégie unifiée de changement à l'échelle mondiale. Propos recueillis par Léa Monteverdi