L`Institut de Biologie Physico-Chimique : un projet visionnaire, des

L'Institut de Biologie Physico-Chimique : un projet visionnaire, des structures
adaptées, une formule qui marche
U
n projet visionnaire
"Cet Institut aura pour but de rechercher les mécanismes physico-
chimiques des phénomènes de la vie…. A cette fin, prenant pour
directives générales les doctrines de Claude Bernard sur le déterminisme
physico-chimique de la vie, et s'efforçant de continuer l'œuvre de ce grand
physiologiste, le nouvel Institut réunira des physiciens, des chimistes et
des biologistes pour étudier les problèmes que posent les diverses
fonctions physiologiques. Cette collaboration souvent désirée, mais non
organisée jusqu'ici sera un caractère essentiel de l'Institut Edmond de
Rothschild."
[Extrait d'une communication à l'Académie des Sciences de P. APPELL, M.
MOUREU et J. PERRIN (1927)]
A l'origine de
l'Institut de
Biologie Physico-
Chimique (IBPC),
on trouve deux
hommes Jean
Perrin, Prix
Nobel de
Physique en
1926, pour ses
travaux sur la
structure
atomique de la
matière, et le Baron Edmond de Rothschild, grand
philanthrope. Esprit très ouvert, Jean Perrin s'intéressait à la
nature des rayons cathodiques, au mouvement brownien, à
l'astrophysique mais aussi à la chimie physique et à la biologie. Il
est le fondateur du Palais de la Découverte, de l'Institut
d'Astrophysique de Paris et il est aussi le père du Centre National
de la Recherche Scientifique. Le Baron Edmond de Rothschild a
été le mécène qui a permis l'édification de l'Institut de Biologie
Physico-Chimique, terminé en 1930 et considéré alors comme le
laboratoire le plus moderne de France. Le Baron Edmond de
Rothschild, membre de l'Académie des Beaux-Arts, s'intéressait
aux sciences et, en particulier, à la biologie à laquelle l'avait initié
Claude Bernard. Il avait été fasciné par le mouvement brownien
que lui avait montré Jean Perrin et souhaitait que l'on
s'intéressât aux bases physico-chimiques de la vie.
A une période (1930) où des raisons technologiques,
mais aussi épistémologiques séparaient et
hiérarchisaient les différentes sciences, la création de
l'Institut de Biologie Physico-Chimique a été un
événement important dans le monde scientifique.
Cette démarche a aussi été visionnaire. C'est
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seulement récemment que l'importance du
mouvement brownien en biologie a été reconnue, par
exemple dans le fonctionnement de ces moteurs
moléculaires rotatifs que sont les ATP synthétases,
enzymes fondamentaux dans l'énergétique cellulaire.
De manière plus générale, l'interdisciplinarité est
devenue un mot d'ordre actuel de la recherche dans
le domaine des Sciences du Vivant. En effet, le
déchiffrage des génomes, véritable bottin des gènes
et des protéines d'un organisme, rend possible la
compréhension au niveau moléculaire des différentes
fonctions physiologiques, mais l'exploitation de cette
masse de données - la caractérisation des objets et
phénomènes que révèle l'étude analytique, la
compréhension des systèmes intégrés - requiert une
approche pluridisciplinaire. Les mathématiques,
l'informatique, la physique et la chimie sont aussi
nécessaires que la biologie à l'étude du vivant.
L'Institut de Biologie Physico-Chimique qui relève des
Départements des Sciences du Vivant et des
Sciences Chimiques du CNRS, a gardé l'ouverture
d'esprit des fondateurs et est un lieu privilégié de
recherche pluridisciplinaire.
D
es structures adaptées
" Il y a au moins trois cas la création d'une institution de
recherche est nécessaire : celui cette institution doit
donner refuge à la liberté de recherche menacée par un
conformisme imposé, ainsi est le Collège de France ; le
second cas est celui où l'on veut rassembler des hommes de
sciences avec des praticiens variés à l'application des
découvertes, et ce fut la raison de la création de l'Institut
Pasteur ; le troisième cas est celui l'on veut faire vivre et
travailler côte à côte des chercheurs de différentes
disciplines sur des problèmes aux frontières de ces
disciplines, et c'est ce qu'a voulu faire le Baron Edmond de
Rothschild en fondant l'Institut de Biologie Physico-Chimique
".
[Extrait du discours d'A. MAYER, Professeur au Collège de
France et premier directeur du service de physiologie de
l'Institut de Biologie Physico-Chimique, prononcé en 1953 à
l'occasion du 25ème anniversaire de la fondation de
l'Institut.]
L'audace du projet de Jean Perrin rendait peu
probable sa réalisation dans un cadre universitaire et
c'est à une initiative privée, philanthropique, celle du
Baron Edmond de Rothschild que l'on doit la création
de l'IBPC. Ayant brisé les barrières des structures
universitaires, les fondateurs ont inventé un cadre de
fonctionnement nouveau.
La pluridisciplinarité imposait l'existence de services
autonomes. En 1930, l'IBPC comprenait le Service de
Physique dirigé par Jean Perrin (auquel participaient
F. Perrin et P. Auger), le Service de Chimie, dirigé
par Georges Urbain (auquel participaient G.
Champetier, E. Aubel, J. Duclaux) le Service de
Physiologie, dirigé par André Mayer (auquel
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participaient L. Plantefol, E. Fauré-Fremiet, B.
Ephrussi, R. Wurmser) et le Service de Chimie
Physique Physiologique dirigé par Pierre Girard.
Initialement, les personnels de l'IBPC étaient
rétribués par la Fondation Edmond de Rothschild et
libres de toute tâche d'enseignement.
" J'ai eu l'honneur, avec les physiologistes Pierre Girard et
André Mayer, avec les chimistes André Job et Georges
Urbain, d'organiser et de diriger cet établissement. Assez
naturellement, nous avons rêvé d'en généraliser le principe,
et, dans nos discussions hebdomadaires, nous avons établi
un projet de Service National de Recherches, que je me suis
chargé de rédiger et de publier "
[Jean-Perrin (1938) discours prononcé au Conseil Supérieur
de la Recherche Scientifique]
L'IBPC a été l'éprouvette dans laquelle Jean Perrin a
préparé le Centre National de la Recherche
Scientifique. Son projet retenait les trois
caractéristiques de l'Institut : la pluridisciplinarité,
l'existence d'unités fonctionnelles et la rétribution des
personnels faisant de la recherche leur activité
principale. Au cours des années, le poids du
fonctionnement de l'IBPC s'est avéré trop lourd pour
la Fondation et, en 1997, l'ensemble a été dévolu au
CNRS. L'organisation voulue par les fondateurs a été
conservée. Les services sont devenus des Unités de
recherche (UPR ou UMR) regroupées en Institut
Fédératif de Recherche. Chaque unité est évaluée
indépendamment et le fonctionnement de l'IFR
s'appuie sur un comité de pilotage, auquel participent
les Départements des Sciences Chimiques et des
Sciences de la Vie du CNRS. La Fondation Edmond de
Rothschild pour le Développement de la Recherche
garde un intérêt constant pour l'IBPC et maintient
une présence généreuse dans l'Institut.
L'existence d'unités scientifiquement et
administrativement indépendantes permet le
développement d'un esprit de liberté, d'initiative et
d'échange, conforme à la tradition de la Maison. Ce
souci d'indépendance des Unités s'accompagne d'une
volonté d'ouverture et d'efficacité.
A l'intérieur, la mise en place de moyens communs
importants est en route. A la suite d'une réflexion
avec le Conseil Scientifique, l'implantation d'un
laboratoire de cristallographie sous la responsabilité
du directeur de l'Institut, a été décidée. Ce
laboratoire intéresse actuellement trois unités de
l'IBPC mais aussi des laboratoires de la Montagne
Sainte Geneviève.
L'IBPC est ouvert vers l'extérieur. Tout d'abord vers
l'Université, et les cinq Unités composantes ont un
statut d'Unité Associée ou d'Unité Mixte avec les
Universités P. et M. Curie Paris 6 et René Descartes
Paris 7. L'IBPC est aussi membre de l'Association de
la Montagne Sainte Geneviève, qui rassemble l'Ecole
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Normale Supérieure (ENS), l'Ecole de Physique et
Chimie Industrielles de la Ville de Paris (ESPCI),
l'Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris
(ENSCP) et l'Institut Curie. Cette association
d'institutions particulièrement prestigieuses a centré
son activité sur les sciences du vivant. Par sa taille,
elle permet le développement de plateaux
technologiques importants et par sa diversité, elle
est le lieu idéal de la pluridisciplinarité.
U
ne formule qui marche
La démarche de Jean Perrin et d'Edmond de
Rothschild relevait-elle du rêve ? En 1930, les
distances séparant physique, chimie et biologie
étaient grandes et il a fallu du temps pour leur
rapprochement. Parmi les points de rencontre,
l'étude des systèmes d'oxydoréduction et leurs
rapports avec le métabolisme est l'un des plus
frappants. E. Aubel, L. Rapkine et surtout R.
Wurmser se sont illustrés dans ce domaine, alliant
rigueur et intuition en particulier au niveau de la
micro-hétérogénéité cellulaire, notion qui sous-
tendait la compartimentation cellulaire. La
photosynthèse a particulièrement intéressé R.
Wurmser, qui a, contre l'opinion généralement
admise, proposé que le phénomène principal soit la
photolyse de l'eau et que la réduction du CO2 soit
une réaction disjointe. L'étude de la photosynthèse,
point de rencontre privilégié entre physiciens et
biologistes, a ensuite été continuée par P. Joliot,
élève de R. Wurmser et elle est le thème central de
l'activité de l'Unité Physiologie Membranaire et
Moléculaire du Chloroplaste, dirigée par F-A.
Wollman.
Le rapprochement entre physiciens, physico-
chimistes et biologistes a été fructueux sur le plan
conceptuel aussi bien que technologique. La chimie
macromoléculaire a été un thème de recherche
abordé dès la fondation de l'Institut, et pour ces
études, la diffraction des rayons X a été utilisée dès
1936, par G. Champetier. L'ultracentrifugation a été
développée avec des approches originales, que l'on
retrouve dans l'Airfuge de Beckman. L'étude de la
structure et de la fonction des protéines a été un
thème continuellement présent dans l'Institut :
caractérisation thermodynamique des réactions entre
antigène et anticorps (R. Wurmser, S. Filitti-
Wurmser, 1950), fluorescence de l'hème et de la
flavine du cytochrome b2 (A. Baudras, M. Iwatsubo,
F. Labeyrie, 1960). Dans les études enzymologiques,
les aspects physico-chimiques ont toujours été
privilégiés (J. Yon, J. Tonnelat). P. Douzou a
introduit la cryoenzymologie (1970) : l'étude à basse
température en solvant hydroorganique non congelé
d'intermédiaires réactionnels métastables ; la
préparation d'hémoglobines hybrides, avec des
hèmes dans des états d'oxydation différents (R.
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Cassoly, R. Banerjee) a ouvert des possibilités
d'études nouvelles des métaux hématiniques.
L'étude de la bioluminescence de la Pholade dactyle
(J-P. Henry, A-M. Michelson) a introduit la notion de
radicaux oxygénés en enzymologie et elle s'est
continuée par l'étude des superoxyde dismutases
(1970-1980).
L'étude des protéines est toujours un thème très
actuel à l'IBPC, avec une évolution vers les
problèmes structuraux et surtout vers l'étude des
protéines membranaires, thème principal de l'Unité
Physico-Chimie Moléculaire des Membranes
Biologiques dirigée par J-L. Popot. La structure des
membranes ne peut se comprendre sans l'étude des
lipides qui la composent. L'équipe de P. Devaux a
depuis 1978 développé cette recherche et obtenu
des résultats importants, dont la découverte de
l'origine enzymatique de l'asymétrie transverse des
bicouches lipidiques, due à l'existence d'une
"flippase". L'IBPC avait préalablement joué un rôle
important dans le domaine des lipides grâce à E.
Lederer, qui a introduit en France la technique de
chromatographie (1933).
La structure des acides nucléiques a intéressé les
chercheurs de l'IBPC (S. Guinand, J. Tonnelat) dès
1950. La forme et la taille de l'ADN ont alors été
étudiées par ultracentrifugation et diffusion de la
lumière. Plus tard (1960-1970), la polynucléotide
phosphorylase enzyme susceptible de synthétiser
des ARN, découverte par M. Grunberg-Manago dans
le Laboratoire de S. Ochoa permettra des études de
structure fructueuses (M. Michelson, J. Massoulié, W.
Guschelbauer). Une approche très riche a été
introduite par B. et A. Pullman, l'approche théorique.
Ces pionniers, après avoir appliqué les méthodes de
la chimie quantique à la biochimie (Quantum
Biochemistry, 1963) ont développé un ensemble de
méthodes adaptées à l'étude de la conformation des
macromolécules et, en particulier, des acides
nucléiques. Des efforts à la fois méthodologiques et
conceptuels ont permis de rapprocher de plus en
plus les calculs théoriques des situations
expérimentales, efforts qui sont encore ceux de
l'Unité de Biochimie Théorique, dirigée par R. Lavery.
La biologie moléculaire, ou plus exactement la
génétique moléculaire, ne s'appuie pas
systématiquement sur la physico-chimie.
Néanmoins, dans sa volonté d'explication de la
génétique au niveau moléculaire, elle rejoint la
biologie physico-chimique et à l'Institut Edmond de
Rothschild, cette recherche a été développée très
tôt. Dès 1935, B. Ephrussi développe la génétique de
la drosophile et accueille G.W. Beadle avec lequel il
entreprend les expériences qui donneront lieu à la
théorie un gène -> une protéine (Beadle et Tatum),
récompensée par un prix Nobel. Après la deuxième
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