Mécanique Physique (S2) 8
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ème
partie
Introduction à la mécanique des fluides
Notes de cours de
Licence de Physique
de A. Colin de Verdière
Introduction
Connaissant les difficultés pour traiter le mouvement de deux corps en interaction
gravitationnelle et l’impossibilité du calcul (autre que numérique) du mouvement à 3 corps,
on peut se demander si c’est bien raisonnable de se lancer dans l’analyse du mouvement d’un
fluide qui consiste de fait en une infinité de particules en interaction. La raison principale est
que l’on vit avec deux fluides « air et eau » présents partout autour de nous. L’un gaz, l’autre
liquide, avec des masses volumiques très différentes, ρ
air
1.2 kg m
-3
(aux conditions
ordinaires de température et de pression -voir plus loin) et ρ
eau
10
3
kg m
-3
. On sait
intuitivement que l’on peut comprimer un gaz et réduire son volume mais que par contre c’est
très difficile pour un liquide. En dépit de ces différences, les principes de la Mécanique des
fluides sont généraux et vont s’appliquer aux gaz et aux liquides. Ces principes posés, des
approximations spécifiques devront être élaborées pour progresser dans la prédiction des
mouvements des fluides car les équations sont juste trop compliquées… Ces équations sont
générales et connues depuis l’époque d’Euler (1707-1738) et Lagrange (1736-1813). Par
contre les solutions exactes se comptent sur les doigts de la main ! L’art d’approximer les
équations générales pour un problème particulier est au cœur de la recherche en Mécanique
des fluides.
On peut citer quelques phénomènes qui apparaissent dans ces fluides en mentionnant les
vitesses caractéristiques impliquées et l’échelle spatiale de l’écoulement. Que veut-on dire par
échelle spatiale de l’écoulement ?
Imaginons un profil de vitesse observé
à une section d’une rivière.
On va définir la vitesse caractéristique
(ou l’échelle de vitesse) par :
U = max (|u(x)|)
Maintenant l’échelle spatiale L est choisie pour estimer la dérivée du/dx de l’écoulement
appelée aussi cisaillement).
On definit : L =
max
dx
du
U
(voir sur le dessin à quoi correspond L). Si on a un phénomène périodique L correspondra à la
longueur d’onde/2π. Bien souvent on ne connaît pas assez bien l’écoulement pour être très
précis et seul l’ordre de grandeur de L sera estimé. La notion d’ordre de grandeur est
L
x
(position
aux berges)
u
max
u(x)
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importante. C’est typiquement la puissance de 10 la plus proche d’une quantité donnée A.
Plus précisément on va dire que A aura l’ordre de grandeur 10
n
si :
3 10
n-1
< |A| < 3 10
n
Bien souvent en physique une estimation de l’ordre de grandeur des quantités importantes
permet de faire le tri entre les processus physiques importants et ceux qui sont négligeables
pour l’observation que l’on est en train de faire. Listons quelques exemples de phénomènes et
les échelles associées :
Ecoulements Echelle
de vitesse U
Echelle
de longueur L
Mélange du lait dans votre café qques cm s
-1
1 cm
Fumées de cigarettes qques cm s
-1
1 cm
Mouvements dans une casserole d’eau
chauffée qques cm s
-1
1 cm
Ecoulements autour d’un avion (voiture,
bateau) 10 à 100 m s
-1
1 m à 100 m
Vagues à la surface de l’eau 10 m s
-1
(vitesse de phase) 1 m à 1 km
Musique (acoustique) 300 m s
-1
(vitesse de phase) 1 mm à 100 m
Marées océaniques 10-200 m s
-1
(vitesse de phase) 100 à 10 000 km
Circulation océanique 1 cm s
-1
1 000 km
Mouvements dans un nuage convectif 10 m s
-1
1 à 10 km
Tornades 100 m s
-1
100 m
Ouragans tropicaux 50 m s
-1
500 km
Circulation atmosphérique 10 m s
-1
1 000 à 10 000 km
Mouvements internes
de la croûte terrestre (Fluide ?) 1 cm/an 1 000 à 10 000 km
Ondes sismiques (séismes) 10 km s
-1
(vitesse de phase) 1 à 100 km
Tableau 1
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Dans la liste apparaissent des mouvement périodiques (musique, vagues, marées, ondes
sismiques) et pour ceux là, c’est la vitesse de propagation des ondes qui est donnée. Cette
vitesse de propagation qui n’a rien a voir avec la vitesse des particules (petite par rapport à la
vitesse de propagation). La liste est sans fin si on ajoute l’atmosphère des planètes, le soleil
etc…
Quels sont les paramètres importants qui gouvernent la physique de ces mouvements de
fluides sur la terre ?
(i) gravité g 10 m s
-2
Evidemment la force gravitationnelle est la force fondamentale !
(ii) rotationde la terre Période de rotation 24 heures
On n’a pas beaucoup parlé de la rotation mais on sait que la terre n’est pas un
repère inertiel et que si l’accélération d’une particule devient de l’ordre de
l’accélération terrestre, on a des soucis à se faire. L’accélération due a la rotation
de la terre subie par un mouvement de vitesse U (mesurée par un observateur
terrestre) est O (U) est la vitesse angulaire (2π/période) de la terre, un effet
de référentiel non inertiel due à l’accélération dite de Coriolis (en réalité
découverte par Laplace).
On s’aperçoit qu’il serait intéressant de savoir si gravité et/ou rotation sont importants dans
les écoulements de la Table 1. Pour ça il faudrait estimer les accélérations des particules de
fluide et les comparer à g et U respectivement. Imaginons une particule de fluide passant
d’une vitesse nulle à une vitesse U sur une distance (échelle) L. Cela se passe forcément en
un temps O(L/U) et donc l’accélération typique d’une particule fluide est :
a =
L
U
U
/
L
U
2
=
On est donc amené à comparer “a” à g et U via les nombres sans dimensions :
F =
gL
U
2
Nombre de Froude
R
0
=
L
U
U
L
U
2
=
Nombre de Rossby
Si F >> 1 La gravité ne joue pas un rôle important et inversement si F<<1.
Si R
0
>> 1 La rotation ne joue pas un rôle important et inversement si R
0
<<1.
Complétez les valeur de F et R
0
dans le tableau 1 pour chaque écoulement
1
.
En discutant de la mécanique des corps solides on s’intéresse à des blocs de matière
indéformable. Par expérience on sait que si les forces appliquées ne sont pas trop fortes, le
corps se déforme juste un peu (en fait très peu) et que si on supprime la force, il reprend sa
1
Il existe un autre nombre sans dimension très important : le nombre de Reynolds que l’on verra plus loin.
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forme initiale : dans ce régime dit élastique le corps a une mémoire de sa forme. On peut dire
que les atomes ne s’écartent pas beaucoup les uns des autres à cause de l’organisation en
réseau cristallin très ordonné qui prévaut aux échelles atomiques.
Par contraste un fluide n’a aucune mémoire de sa forme. Sa forme s’adapte aux frontières du
contenant. Une définition opérationnelle d’un fluide est la suivante :
« Sous l’effet d’une force de cisaillement, un fluide se met nécessairement en
mouvement : il y a écoulement ».
Je considère un petit bloc de fluide (isolé par une frontière fictive pointillée) à l’intérieur d’un
volume de fluide plus grand:
Les forces de cisaillement F sont des forces tangentielles, parallèles aux surfaces délimitant
le volume de contrôle. Notez que les deux forces sont opposées pour ne pas créer une nette
accélération de l’ensemble du bloc vers la droite (ou vers la gauche). Sous l’effet de ce
couple, le bloc de fluide se déforme (voir dessin). On peut se dire que la masse du bloc de
fluide que l’on suit doit être conservée. Si on suppose que le bloc est infini dans la direction
perpendiculaire à la page, et que sa masse volumique ρ est constante, cela implique que la
surface soit conservée au cours de la déformation et c’est ce que j’ai essayé de représenter sur
le dessin.
Si on continue notre comparaison entre la canique d’un bloc
solide et d’un bloc fluide, on sait que le mouvement du solide
indéformable s’analyse par la translation de son centre de masse et
de 3 rotations (maximum) autour de 3 axes passant par ce centre de
masse, soit 6 variables et leur 6 équations d’évolution. Maintenant
pour analyser le même bloc de fluide, il faut analyser le
mouvement de chaque particule de fluide qui le compose, a priori
un nombre infini de variables ! On peut essayer de réduire ce
nombre par une discussion sur la taille d’une particule fluide. Soit
λ la taille de cette particule de fluide. Alors pour un bloc fluide de
taille L il faut suivre le mouvement de (L/λ)
3
particules et donc
3(L/λ)
3
variables (3 composantes de la position).
La question est : Quelle valeur choisir pour
λ
?
Faut-il descendre à l’échelle moléculaire et suivre chaque molécule de fluide? Si on mesure la
vitesse dans un flux d’air laminaire avec une hélice et un compte tours on s’aperçoit que la
vitesse moyenne à l’échelle du capteur n’est pas erratique : elle est stable mais elle représente
de fait une moyenne des vitesses des milliards de molécules qui tapent sur l’hélice par uni
de temps. L’idée est donc que λ >> 10
-10
m (distance intermoléculaire). Existe-il une borne
supérieure pour λ ? C’est une question très difficile à laquelle on ne peut pas apporter une
réponse définitive car cela dépend de l’écoulement ! (un résultat montré par Kolmogorov en
1941 dans sa théorie de la turbulence). A nouveau on peut adopter dans cette introduction une
λ
L
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position minimaliste et se dire que λ doit dépendre de l’échelle de l’écoulement qui
m’intéresse, l’échelle L du tableau 1. Si je prends λ << L je devrais être tranquille et avoir
assez de résolution pour d’écrire correctement l’écoulement choisi. Imaginons que l’on
prenne L/λ = 100 alors le nombre de particules à suivre est (100)
3
et le nombre de
composantes de la position de ces particules est 3 10
6
. Il faut résoudre 3 10
6
équations
couplées traduisant l’application de la 2 eme loi de Newton à chacune des particules, chiffre à
comparer à 6 pour le bloc solide indéformable. Ceci illustre la difficulté du problème. En
conséquence la turbulence (un écoulement riche en échelles spatiales) reste un des grands
problèmes non résolu de la physique dont l’étude reste fondamentale pour la vie sur cette
planète.
Le volume de la particule fluide ayant été ainsi plus ou moins défini on peut déduire la masse
volumique comme ρ = M/V où M est la masse contenue dans le volume V.
De façon similaire on attribuera un vecteur vitesse U à un point x d’un fluide à un instant
donné t. En pratique les vitesses ainsi définies et la masse volumique seront supposées des
fonctions continues par morceaux (souvent dérivables aussi) de la position et du temps. La
notion mathématique associée à la continuité et à la dérivation implique de faire tendre le petit
volume de la particule V vers zéro. Mais physiquement on vient de voir que l’on ne fait pas
ça car on ne veut pas se retrouver dans le
domaine moléculaire. L’idée sous jacente est
que les prédictions faites sous ces hypothèses
doivent être confrontées avec succès aux
observations. Pour autant peut on négliger
totalement les mouvements moléculaires ? On
peut faire l’expérience suivante (par la
pensée) : on colore un petit volume de fluide au repos à t = 0. Même si notre U tel que
précédemment défini est nul et reste nul, il est observé une diffusion du colorant qui se
produit lentement mais inexorablement jusqu’au moment où la couleur sera uniforme (et pâlie
bien sûr) dans tout le volume disponible. Dans cet état final, les molécules de colorant se sont
réparties uniformément par collisions aléatoires avec leurs voisines non colorées. Un tel effet
moléculaire est représenté par un processus de diffusion dont l’intensité est gouvernée par les
vitesses moléculaires et les distances moyennes entre molécules. Il sera nécessaire d’inclure
cet effet si on veut que la solution des équations de cette Mécanique dite des Milieux Continus
représente le comportement des fluides réels. En particulier les mathématiciens du 19 eme
siècle avaient démontré l’impossibilité de vol d’un avion en l’absence de mouvements
moléculaires.
Les forces dans un fluide
Si je prend un petit volume élémentaire de fluide δV au sens défini plus haut, il va subir deux
types de forces :
(i) les forces de volume
Dans un champ de gravité, le poids W
s’écrira : W = ρ δVg avec ρ la masse volumique. Ce sont des forces qui agissent à
distance et qui sont proportionnelles au volume.
Allure de la tâche de colorant à 3 instants
δ
V
poids
W
1 / 18 100%
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