1 Association internationale des Conseils économiques et sociaux et Institutions similaires (AICESIS) ASSEMBLEE GENERALE MOSCOU, 17-18 septembre 2015 Point 7 Rapport de l’AICESIS pour COP21 Objet : Point 7 de l’Agenda Rapport de l’AICESIS pour la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21) POUR DEBAT ET DECISION L’Assemblée générale est invitée à débattre de ce document et approuver la version éventuellement amendée. Le document final sera présenté à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21 - Paris, France ; 30 novembre - 11 décembre 2015). FR 2 Association internationale des Conseils économiques et sociaux et Institutions similaires (AICESIS) Document de réflexion COMMENT LES CES-IS MEMBRES DE L’AICESIS PEUVENT_ILS AIDER A RÉUSSIR LA CONFÉRENCE CLIMAT PARIS 2015 ? M. Bernard GUIRKINGER et Mme Céline MESQUIDA, rapporteurs Conseil Economique, Social et Environnemental (France) NB : Le présent document tient compte des commentaires des membres de l’AICESIS reçus jusqu'au 31 juillet, comme annoncé. Ceux arrivés hors délais pourront être présentés par leurs auteurs lors du débat de l’Assemblée générale. Une synthèse finale sera rédigée à l'issue du débat et présentée à la COP 21. _____________ 1- La tenue en France, fin 2015, de la 21ème Conférence des parties de la Convention cadre des Nations Unies (COP21) est l’occasion pour l’AICESIS d’affirmer l’importance qu’elle accorde aux enjeux du changement climatique et du réchauffement de la planète, et son souhait que la négociation aboutisse à accord global, juste et ambitieux intégrant le principe de responsabilité commune mais différenciée. I- UN CONSTAT ALARMANT 2- Toutes les données scientifiques convergent vers le même constat alarmant : le réchauffement de la planète s’accentue sous l’effet d’une augmentation sans précédent des émissions de gaz à effet de serre (GES). Sur tous les points du globe, les manifestations des dérèglements climatiques sont d’ores et déjà plus que tangibles et n’iront qu’en s’aggravant si rien n’est fait, comme le souligne le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC). 3- A tous les endroits de la planète, on observe des dérèglements sensibles qui pourraient s’amplifier, comme par exemple la précocité des périodes de floraison ; la récurrence d’incendies géants ; la multiplication et l’intensification des inondations ; l’acidification accrue des océans qui menace les écosystèmes et la biodiversité marine aux quatre coins du globe ; l’extension des déserts ; le risque de stress hydrique, de submersion et d’érosion dans de nombreuses régions. Par ailleurs, le risque d’apparition de nouvelles maladies infectieuses ne peut pas être écarté. Enfin, les impacts du changement climatique sur une planète peuplée 3 de 9 milliards d’habitants en 2050 peuvent devenir catastrophiques sur les plans agricole et alimentaire. 4- Les populations les plus vulnérables et les plus démunies principalement situées dans les pays en développement sont dès à présent les premières exposées à la raréfaction de l’eau, des ressources alimentaires et à une contraction soudaine de leurs moyens de subsistance. On peut craindre que les gains obtenus au cours des dernières décennies dans le combat contre la pauvreté soient, avec les bouleversements en cours, largement annulés. 5- Les perspectives sont d’autant plus inquiétantes qu’il en va de la vie des générations actuelles et prochaines, compromise si on ne remet pas en cause des modes de production et de consommation incompatibles avec des ressources limitées et une répartition équitable des richesses. II- UNE DIPLOMATIE DU CLIMAT QUI PIETINE 6- Les grandes conférences internationales sur le changement climatique qui se succèdent peinent à progresser vers une régulation internationale du climat : 7- A Copenhague, en 2009, les États se sont engagés à limiter collectivement le réchauffement en dessous des 2 degrés. Pour aider plus précisément les pays en développement, ils se sont également engagés à leur apporter une assistance financière, de plus de 35 milliards de dollars pour la période 2010-2012 ; 8- A Cancún, en 2010, a été actée la mise en place d’un Fonds Vert dédié à financer le soutien aux pays en voie de développement afin de les aider à réduire leurs émissions de GES et à s’adapter aux effets du dérèglement climatique. Appelé à être abondé à hauteur de 100 milliards par an à partir de 2020, la Banque mondiale en a été désignée l’administrateur temporaire ; 9- A Durban, en 2011, les États se sont entendus pour qu’un accord global soit adopté d’ici 2015. 10- Lors de la Conférence de Lima, en 2014, les pays ont adopté un cadre général pour formaliser avant le 1er mars 2015, leurs actions en matière de réduction des émissions de GES. Une synthèse de l’ensemble des engagements souscrits sera effectuée d’ici au 1er novembre 2015 par le secrétariat de la Convention des Nations Unies, qui permettra de mesurer l’effort global envisagé. C’est un élément majeur de l’agenda « Paris 2015 ». Et au regard du retard pris, à ce stade, dans la consolidation des différents engagements pris par les États, la possibilité de tenir collectivement l’objectif d’un plafonnement à 2 degrés représente un réel défi. 11- En parallèle, des initiatives bilatérales ou collectives ont été prises par des Etats. 12- Les Etats-Unis et la Chine ont signé, le 12 novembre 2014 à l’occasion du Sommet de l’APEC, un accord par lequel la Chine définissait un objectif de diminution de ses GES après 2030 au plus tard, et les Etats-Unis une réduction des leurs de 26 à 28% d’ici 2025, par rapport à 2000. 13- Les États-Unis et l’Inde, 3ème émetteur mondial, ont également passé, le 25 janvier 2015, un accord qui vise à une coopération renforcée en faveur du développement des énergies renouvelables. 4 14- L’Union européenne a, quant à elle, entériné, lors du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, de nouveaux objectifs en matière de politique climat-énergie. Elle projette une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. 15- Dans ce contexte, l’objectif de la conclusion, à Paris, d’un accord global, juste et ambitieux qui permette de limiter la hausse de la température à deux degrés, constitue un défi de taille. Les CES, de par leur composition, ont une valeur ajoutée à apporter dans l’émergence d’une approche collective des problématiques liées au climat et, au-delà, au développement durable. Ils élaborent des rapports et des avis appréciés, basés sur l’expérience de terrain de leurs membres, combinée avec l'expertise de l’administration et des institutions de recherche avec lesquels ils dialoguent. Leur appartenance à des unions internationales d'institutions aux fonctions similaires, source d'échanges enrichissants issus de l'expression d'une grande variété d'organisations de la société civile, renforce la qualité de leurs travaux. Ils disposent d'une capacité de relayer et d'expliquer auprès des populations les politiques définies par les pouvoirs publics en concertation avec eux, pouvant ainsi jouer un rôle de médiation et d'apaisement utile dans l’accompagnement et la mise en œuvre de politiques et réformes potentiellement impopulaires. À ce titre, ils affichent leur ferme volonté de contribuer au débat. III- LES INITIATIVES POSITIVES SE MULTIPLIENT 16- Les initiatives pour combattre le réchauffement climatique et s’adapter à la hausse des températures se multiplient au niveau des Etats, des villes, des régions, des entreprises petites moyennes ou grandes, des ONG et des citoyens. Les organisations syndicales, les grandes organisations internationales, sont également très actives et contribuent à la mobilisation des sociétés civiles et des responsables politiques. Rappelons aussi que des mobilisations importantes sont apparues depuis longtemps, en Afrique. Ainsi le continent africain est aux sources du développement du droit international de l’environnement (DIE), la première convention de sauvegarde de la nature ayant été la Convention pour la protection des animaux en Afrique, adoptée en 1900. De même, le « barrage vert », initié par le gouvernement algérien dans les années 1970, complète par le Sénégal dans années 1980 a pris dès la fin du XXe siècle une dimension panafricaine, cette ceinture verte basée sur la reforestation, la plantation d’arbres fruitiers, la construction d’ouvrages hydrauliques et les actions de désenclavement s’étendant de Djibouti à Dakar sur plus de 7.000 km. 17- Parmi les initiatives d'Etats, citons celle baptisée « la Nouvelle économie du climat », animée par des chefs de gouvernement, des ministres des finances et des experts économistes, qui inclut des pays tels que l’Éthiopie, le Mexique et l’Afrique du Sud. En République Démocratique du Congo (RDC), une politique d'amélioration des jachères afin de mieux fixer l’azote de l’air, améliore la qualité des sols pour la production d’aliments et de bois de chauffe, répondant aux besoins alimentaires et énergétiques des populations des zones périurbaines et rurales. 18- Avec le soutien des Nations Unies, a été créée en 2010 l’initiative Regions of Climate Action (R20), qui réunit les grandes institutions de gouvernance régionale autour de projets concrets pour lutter contre les émissions de GES, produire localement, créer de l’emploi et mieux protéger l’environnement. Beaucoup de collectivités locales, en collaboration avec des entreprises, se mobilisent autour de l’objectif d’une réduction de leur consommation d’énergie. A cet égard, des efforts significatifs ont été entrepris pour la valorisation d’une part des déchets, d’autre part dans le secteur de l’eau, des eaux usagées, source de carbone pour la production d’engrais naturels ou de l’énergie, voire pour l’irrigation de zones agricoles. 5 19- Des entreprises se mobilisent, sur tous les continents, pour réduire leur empreinte carbone dans le cadre de leur politique de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE), en investissant notamment dans des technologies nouvelles plus efficientes en énergie et plus économes en matières premières. Au plan mondial, le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui regroupe une centaine de grands groupes internationaux, milite pour une économie « bas carbone ». Certains grands secteurs industriels qui rejettent d’importantes quantités de CO2 ont engagé des actions pour améliorer les procédés industriels et utiliser des combustibles de substitution (biomasse et boues de stations d’épuration, déchets urbains, déchets plastiques, cosses de café…). Le Sommet des Entreprises pour le Climat qui a été organisé à Paris les 20 et 21 mai derniers, auquel ont participé les représentants des principales organisations patronales mondiales, s’est conclu par un engagement solennel et fort de réduire les émissions de gaz à effet de serre. 20- Plusieurs expériences prometteuses sont menées par des ONG notamment dans les pays en développement plus spécifiquement touchés par les effets du dérèglement climatique. La Confédération syndicale internationale (CSI) met l’accent avec force sur l’ambition insuffisante des responsables politiques dans les négociations internationales sur le climat. Sa Secrétaire Générale a en outre pu affirmer lors du Congrès de 2014 : « il n’y a pas d’emploi sur une planète morte » témoignant de la considérable implication syndicale au niveau international. 21- Le climat doit être placé par chaque Conseil économique et social, assemblées réunissant l’ensemble des acteurs précités, au cœur des débats de société, afin de convaincre tous les acteurs de la société civile et les collectivités locales de poursuivre et d’amplifier leurs efforts dans un triple but : réduire les consommations d’énergie ; produire et consommer différemment en repensant les modèles économiques ; œuvrer en faveur de la mise au point de procédés et de technologies sobres en carbone. IV- POUR UN ACCORD GLOBAL, JUSTE ET AMBITIEUX 22- Cette mobilisation n’en appelle pas moins une régulation internationale entre l’ensemble des États membres de l’ONU. L’objectif que nous devons poursuivre est de convaincre les gouvernements de signer un accord qui comporte des engagements réciproques de réduction des émissions de GES. 23- EN PREMIER LIEU, LES ENGAGEMENTS DEVRONT REPONDRE A QUATRE EXIGENCES : a) S’inscrire dans le cadre multilatéral de négociations des Nations Unies, légitime pour traiter d’un défi planétaire et déboucher sur l’’adoption d’un accord global, juste et ambitieux b) Intégrer le principe de responsabilité commune mais différenciée qui vise à une répartition équitable des aides, c) Prévoir la mesure et la vérification des émissions des GES par un contrôle international du respect des engagements pris, assis sur un renforcement des procédures de contrôle. Sur leur base pourront être calculées les contreparties bénéficiant aux pays en développement que la Convention Climat prévoit. d) Favoriser la participation de la société civile de sorte qu’elle accompagne les pouvoirs publics dans leur mission pédagogique et de dialogue sur les enjeux climatiques, notamment par son association effective, en particulier des conseils économiques, sociaux et environnementaux, à la préparation de la COP21 et au suivi de la mise en œuvre de ses décisions ainsi que par l’insertion d’un volet sur les modalités d’information et de participation du public dans les contributions des différents États. 6 24- LES ENGAGEMENTS DEVRONT AUSSI GARANTIR UN SOUTIEN EQUITABLE AUX POPULATIONS LES PLUS VULNERABLES, EN : a) Respectant les engagements financiers pris à Copenhague et à Cancùn en faveur du Fonds Vert. Il conviendra de veiller à ce que les 100 milliards de dollars par an prévus d’ici à 2020 pour constituer le Fonds Vert soient, pour l’essentiel, constitués de fonds publics additionnels et non d’un recyclage ou d’une ponction sur les programmes d’aide publique au développement. Pourraient être étudiées à cette fin la mise en place d’une taxe internationale sur les transactions financières avec une assiette large ; la mise à contribution des transports internationaux aériens et maritimes par l’institution d’un mécanisme financier sur le CO2 ; l’utilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds Monétaire International. b) Garantissant l’utilisation efficace et équitable du Fonds Vert. A cette fin : - une priorité d’affectation devrait être prévue, sur des critères lisibles, à des projets à destination des populations les plus vulnérables ; - une accessibilité réelle aux fonds devra être organisée en écartant des conditionnalités abusives dépassant le cadre des besoins d’appui technique et financier - la possibilité pour les collectivités locales de solliciter directement le Fonds Vert et plus largement les financements internationaux devrait être ouverte ; - conformément aux engagements de la Conférence de Cancún, le droit, pour les Etats de solliciter le Fonds Vert lorsque des déplacements de populations liés aux conditions environnementales sont en jeu, ainsi que d’obtenir un appui dans l’élaboration de leurs politiques visant à adapter leurs trajectoires de réduction d’émissions de GES ; - une orientation des aides au secteur privé prioritairement vers le tissu économique local notamment vers les secteurs des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la valorisation ou la revalorisation des terres agricoles. Les conditions d’attribution devraient garantir le respect des dispositions des Conventions internationales relatives au respect des droits humains, des droits sociaux et de la protection de l’environnement. - enfin, une participation directe des organisations de la société civile, et notamment des Conseils économiques et sociaux, au Conseil d’administration du Fonds devrait être prévue. Intégrant le défi climatique dans les politiques d’aide au développement Le dérèglement climatique aggrave la pauvreté et la misère dans les pays du Sud. Les agendas internationaux du climat et du développement sont donc intiment liés. C’est le sens des travaux sur les Objectifs pour le Développement Durable (ODD) enclenchés lors du Sommet de Rio en 2012. Il importe de renforcer les liens entre ces négociations et celles, plus larges, liées à l’environnement (climat, biodiversité et désertification). Dans cette perspective, l’accent doit être mis sur les projets qui ciblent les populations les plus vulnérables et qui doivent être soutenus sous forme de subventions, sur l’appui technique et administratif aux pays en développement pour la constitution de leurs propres sources de financement. Il convient de rappeler que le continent africain, responsable de moins de 4% des émissions de gaz à effet de serres, et qui en ressent fortement les effets négatifs, déploie de nombreuses mesures pour y faire face, bien que les moyens lui fassent défaut. « Ne s’appuyant plus exclusivement sur le financement extérieur, les pays du Sud financent de plus en plus les investissements verts [...] ». c) 25- Il convient enfin de penser l’accord de Paris de manière dynamique et évolutive dans le temps, comme une première étape importante sur un chemin qui en appellera d’autres, en particulier par une revue régulière des objectifs. A ce stade, nous n’en 7 sommes qu’aux prémices et ce long parcours nécessitera des ajustements au fur et à mesure que se révèleront les points d’achoppement. V- LES ENGAGEMENTS DEVRONT DEFINIR, PAR AILLEURS, UN CADRE GENERAL POUR DE NOUVEAUX MODELES DE DEVELOPPEMENT 26- La publication en 2006 du rapport de Nicholas Stern sur l’économie du changement climatique a marqué un tournant incontestable dans la manière d’appréhender économiquement la lutte contre les dérèglements climatiques. Il évaluait les coûts d’une inaction, à l’horizon 2050, entre 5% et 20% du PIB mondial chaque année. Le défi climatique aggravé depuis accentue l’urgence à agir. 27- Les transformations socioéconomiques en jeu sont de grande ampleur et impliquent une modification en profondeur et à grande échelle des modèles économiques, des pratiques et des investissements dans les secteurs industriels traditionnels (chimie, automobile, énergies fossiles, industrie agroalimentaire…). Les analyses et expériences socioéconomiques se multiplient depuis bientôt dix ans pour confirmer que la transition écologique de nos sociétés est un facteur de compétitivité, de création d’emplois et de richesses. • Un besoin de financement considérable 28- Les besoins en capitaux publics et privés pour financer la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique sont considérables. Le système financier international n’est effectivement aujourd’hui que peu adapté aux besoins d’investissements de long terme que pose ce défi. 29- Davantage de financements privés doivent être mis au service du défi climatique. Pour cela, des encouragements sont nécessaires pour inciter à la création de fonds dédiés, notamment par l’octroi d’incitations fiscales et de refinancements privilégiés. Ces mesures devraient cependant faire l’objet d’un encadrement défini par des autorités de régulation indépendantes, adossé à des mécanismes de contrôle et de sanctions (prêts à long terme, valeur des investissements, encadrement des taux). 30- Dans ce même contexte, les initiatives donnant un prix au carbone doivent être appuyées. Lors du Sommet du Climat le 23 septembre 2014, le Secrétaire Général des Nations Unies, 74 États, 11 Gouvernements infra-nationaux, 11 villes et plus de 1 000 entreprises ont soutenu l’introduction d’un prix pour le carbone via la campagne de la Banque Mondiale « Put a price on carbon ». Il est important que les dispositions prises ou envisagées en ce sens au niveau national soient insérées dans les mesures détaillées fournies par les États, dans la perspective de l’accord de Paris. Pareillement, il faut encourager les États et groupes d’État ayant déjà mis en place des marchés à les rendre plus efficaces, via une augmentation effective et transparente du prix du carbone, en évitant toutefois les effets d’aubaine. 31- Enfin, point crucial, il devient urgent de s’attacher à une sortie progressive des subventions aux énergies fossiles. En septembre 2009, le G20 de Pittsburgh adoptait une déclaration appelant à « la suppression à moyen terme des subventions inefficaces aux énergies fossiles » et notamment des subventions « qui encouragent la surconsommation, réduisent la sécurité énergétique, entravent les investissements dans les énergies propres et minent les efforts associés à la menace du changement climatique ». L’Agence Internationale de l’Energie évaluait ces subventions en 2009 à 312 milliards de dollars. Il faut maintenant dépasser les déclarations d’intention réitérées depuis 2009 et s’engager résolument au plan international sur la voie d’une réduction massive de ces subventions. 8 Un défi pour l’emploi de tous les pays 32- La réorientation des modèles de production et de consommation rendue incontournable pour économiser les ressources non renouvelables et productrices d’émissions de carbone entraîne obligatoirement des bouleversements dans les métiers et globalement l’emploi. Certains vont se réduire puis disparaître ; d’autres apparaissent, avant-garde de nouveaux métiers que nous peinons à imaginer ; un grand nombre, sinon la plupart, vont évoluer techniquement et dans leur organisation. Les migrations climatiques vont pousser en outre des populations entières à rechercher de nouveaux emplois. La question ne se limite donc pas aux « emplois verts ». • 33- Nous sommes à l’aube d’un monde nouveau que nous n’appréhendons que très partiellement. Une première nécessité est donc de réaliser des études socioéconomiques, par secteur et par zone géographique, pour évaluer selon différents scénarios les impacts à moyen et long terme sur l’emploi et les marchés du travail des potentielles politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, et corriger une tendance des politiques de développement durable à être trop focalisées sur l’économie au détriment des 2 autres piliers, la dimension sociale et l'approche écologique. 34- A partir des informations ainsi construites, il importe d’anticiper et d’accompagner les transformations avec un double objectif : celui de permettre aux travailleurs et à leurs familles, au Nord comme au Sud, de ne pas se retrouver sans emploi, en prévoyant des parcours de transition professionnelle pour un emploi décent, et des systèmes de protection sociale qui sécurisent leur position, dans un contexte d’évolutions socioéconomiques liées à la prise en compte du défi climatique ; celui de permettre aux secteurs directement impliqués, et plus largement à l’ensemble des secteurs économiques, d’intégrer les défis environnementaux globaux dans leur modèle économique, d’organiser leur transformation, leur reconversion et la redéfinition de leur place dans une économie nécessairement plus sobre en ressources naturelles. 35- La formation des travailleurs aux nouveaux processus et technologies est un élément essentiel de cette évolution, qui permettra que les investissements favorables à la transition produisent véritablement des effets. Des conditions d’emplois décentes et de qualité devront en outre être assurées dans les nouveaux secteurs identifiés comme porteurs d’innovations sociales et technologiques pour le climat. VI- LE DÉFI DES DÉPLACÉS ENVIRONNEMENTAUX 36- S’il est encore difficile d’attribuer au changement climatique un lien direct avec telle ou telle dégradation environnementale, on peut distinguer trois types d’impact possibles, chacun à l’origine de mouvements de population distincts : a) les évènements climatiques extrêmes suscitant des catastrophes naturelles, qui ont, entre 2008 et 2012, provoqué le déplacement de 142 millions de personnes ; b) les sécheresses, la dégradation des sols et la désertification, dont la première des conséquences est l’exode rural ; c) la hausse du niveau des mers avec la submersion de terres, source de déplacements de population appelés à prendre un caractère permanent mais qui peuvent être anticipés. 37- Les motifs de ces déplacements de population sont complexes et multiples, les défis se posant en termes de déficit d’emploi, d'environnement hostile, d’agriculture en difficulté, d’inaccessibilité de la ressource hydrique, de faim, de malnutrition, de problèmes de santé et de problèmes géopolitiques. 9 38- Les migrations climatiques ont d'ores et déjà des répercussions géopolitiques mondiales. 39- En plus de la menace d’une croissance économique en berne, les pays en développement dont une grande partie de la population, affligée par la pauvreté, migre, risquent de voir leurs maux s’appesantir ; ce qui ne sera pas sans conséquences pour le reste du monde. En effet : a) le déplacement des « refugiés climatiques » risque de susciter une recrudescence de la xénophobie et d’aggraver le problème de la gestion des flux migratoires ; b) les pays de départ, dont certains sont pourvus en matières premières en quantité mais n’ont pas les moyens de leur exploitation ou n’ont plus accès à ces ressources en raison des bouleversements environnementaux, risquent de souffrir d’une fuite d’investisseurs, de main-d’œuvre et de cerveaux, alors que commençait à se dessiner une petite tendance au « brain gain » du fait de la croissance économique soutenue de ces dernières années ; c) la paupérisation des populations peut alimenter les révoltes pour renverser les pouvoirs en place ou favoriser la multiplication de conflits pour le partage des ressources. Une telle instabilité ne peut qu’impulser l’expansion de régimes dictatoriaux et la montée au pouvoir de groupes extrémistes, menaçant la paix et la sécurité internationales. 40- La diversité des réponses politiques susceptibles d’être apportées impliquera un approfondissement de la réflexion autour de deux axes : le recours aux outils existants en matière de gouvernance des migrations internationales (accord régionaux ou bilatéraux) ; une gestion anticipée des déplacements afin de ne pas agir sous la pression des événements. ______________