contradictoires et les débats soulevés au sein des mouvements de libération
nationale autour de cette question en sont témoins.
Par ailleurs, cette même histoire ne manque pas de nous rappeler que le
nationalisme arabe est né à la fin du XIXè s et au début du XXè s, contre
l’intégration ottomane qui s’était réalisée sur la base de l’islamité, et que le
courant intellectuel panarabe de cette époque, élaborait sa pensée en prenant
l’islam comme expression du génie arabe et non pas comme élaboration
théologique. L’issue historique de ces mouvements ayant, la plupart du temps,
donné raison et pouvoir aux élites anti- panislamistes, le traitement de la
question religieuse était promis à un avenir de changement.
En effet, et jusqu’aux années soixante-dix, ces expériences avaient plus ou
moins réussi à cantonner l’islam dans les limites des enjeux de l’Etat-nation, la
religion était mise dans l’Etat et soumise à ses projets, alors qu’auparavant, elle
avait toujours prétendu soumettre l’Etat à son autorité (notamment sous la
grande idée du califat, pouvoir qui se disait théocratique). Ces expériences
avaient réellement permis un certain intermède « libéral » caractérisé par la
relativisation et la réduction du magistère de la religion sur la société à travers
différentes mesures touchant aux législations et à la gestion sociale et culturelle
des ces sociétés. En relativisant les prétentions universelles du religieux, le
national a limité du même coup son magistère sur les sociétés.
Dans ce sens, une démarche de comparaison avec l’histoire du
christianisme8, nous met devant l’évidence que le plus grand changement
historique intervenu dans le rapport entre le politique et le religieux fut celui
porté par la montée des nations en Europe à l’époque moderne, et qu’en
intégrant le mouvement d’idées qu’avait représenté en s’accumulant,
l’Humanisme, la Réforme, la Renaissance et les Lumières, au mouvement
politico-historique de cette montée des Etats-nations, un rapport radicalement
nouveau, d’autonomie et d’équilibre vivable entre le politique et le religieux, a
pu être instauré. Ce même rapport, a pu perdurer- faut-il le rappeler- à la faveur
d’une condition primordiale qui est celle du règne des systèmes démocratiques,
les seuls à avoir prouvé, historiquement, leur capacité à assurer un équilibre sûr
entre les deux.
Dans le cadre des expériences nationales arabes, cet intermède libéral a très
vite fait de s’épuiser, pour des raisons qui lui sont intrinsèques d’abord et dont
la plus grave est la défaillance démocratique qui continue à caractériser ces
expériences, causant du même coup leur perte en crédibilité ; et pour des
raisons d’ordre exogène ensuite, liées aux effets de la mondialisation qui, en
8 O. Roy, dans un élan de générosité incompréhensible au vu de l’objectivité scientifique, nous incite à ne pas comparer, notamment dans
son livre « La laïcité face à l’islam, éd, Stock, 2005, 172 pages ». Pour nous le relativisme n’est pas un a priori mais une démarche, ou un
résultat appelé à être solidement établi par une démarche de comparaison.