HISTOIRE DES ARTS (œuvre n° 3/5 en histoire-géographie) Evgueni Voutchetitch (1908-1974) : « La Statue de la Mère-Patrie » ou « L’Appel de la Mère-Patrie » à Stalingrad (réalisée de 1959 à 1967) 1. Historique de la bataille de Stalingrad La guerre d’anéantissement se différencie de la guerre traditionnelle par son objectif : la destruction complète de l’adversaire. La bataille de Stalingrad, qui dure du 17 juillet 1942 au 2 février 1943, correspond parfaitement à cette définition car elle est à la fois l’engagement total des forces armées ennemies (allemandes et soviétiques) en liaison avec les enjeux idéologiques de la guerre (nazisme et communisme) et également le premier point de retournement de la guerre en Europe (première grande défaite allemande). Depuis le 22 juin 1941, en effet, Hitler, rompant le pacte germanosoviétique d’août 1939 avec Staline, a envahi l’URSS lors de l’opération Barbarossa. La bataille de Stalingrad est la conséquence de cette invasion, avec un nombre considérable de soldats engagés, l’idée de conquête idéologique (la lutte contre le communisme mais aussi la perte de la « ville de Staline ») et l’accès aux ressources pétrolières de la Mer Caspienne. Elle se termine par la défaite allemande et entre un et deux millions de morts des deux côtés et des centaines de milliers de blessés. 2. Présentation du sculpteur Evgueni Voutchetitch est né le 28 décembre 1908 à Iekaterinoslav, dans les dernières années de l’Empire russe du tsar Nicolas II. Pendant la Seconde guerre mondiale, il combat dans l’armée soviétique où il a le titre de colonel et adhère au parti communiste pendant la bataille de Stalingrad. En 1959, il est nommé « Artiste du peuple de l’URSS », un titre honorifique décerné par le pouvoir soviétique aux personnes du domaine de la culture ayant fait un apport remarquable dans des domaines variés comme l’architecture, la littérature, le théâtre... Voutchetitch est surtout connu pour ses monumentales statues comme celle de la Mère Patrie à Stalingrad, mais aussi celle du Soldat Libérateur à Berlin, sa statue de la Mère Patrie à Kiev et ses très nombreuses statues de Lénine. Evgueni Voutchetitch meurt le 12 avril 1974 à Moscou. 3. Présentation et description de l’œuvre monumentale Présentation du lieu : La statue se trouve au mémorial de la Bataille de Stalingrad. Cette dernière prend le nom de Volgograd dans les années 1960, suite à la politique de déstalinisation engagée par Nikita Khrouchtchev. Le mémorial est situé sur la colline de « Kourgane Mamaïev » où s’est achevée la bataille de Stalingrad le 2 février 1943 et il est le lieu le plus visité de Russie. Commencé en 1958 et inauguré en 1967, il se compose de plusieurs éléments architecturaux : au sommet de la Colline, la statue « L’appel de la Mère-Patrie » ; les restes de 34.505 soldats morts pendant la bataille ; le Hall de la Gloire militaire avec la « flamme éternelle » et un musée sur les aspects militaires de la bataille. Nature de l’œuvre : « L’appel de la Mère-Patrie » est une statue gigantesque. Contexte historique : Le souvenir et la mémoire de la Bataille de Stalingrad (1942-1943), tournant décisif de la Seconde guerre mondiale. Description de la statue : Il s’agit d’une statue colossale haute de 52 mètres et même de 85 mètres avec l’épée (pour comparer, la Statue de la Liberté sans son socle est haute de 45 mètres). Au moment où elle est construite, cette statue est la plus élevée d’URSS et même du monde (devant la statue de la liberté et la Statue du Christ Rédempteur (« Corcovado ») au Brésil, elle est actuellement dépassée par une statue de Bouddha au Temple de la Source en Chine inaugurée en 2008). Son poids est de 8.000 tonnes. Dans sa main droite, elle tient une épée d’acier d’une longueur de 33 mètres et pesant 14 tonnes. L’épaisseur du béton de la statue est d’environ 25-30 cm. Le monument n’est pas fixé à la fondation mais maintenu par gravité, au sommet d’une colline artificielle de 14 mètres. La Mère-Patrie semble ici lancer un appel à ses fils pour commencer l’expulsion victorieuse de l’ennemi nazi qui a envahi le pays en 1941. Avec l’épée à la main, elle encourage les soldats et plus généralement l’ensemble du peuple soviétique à défendre la patrie. Sa jambe droite est un peu décontractée, le torse et la tête vigoureusement déployés vers la gauche. Son visage est sévère et volontaire, ses sourcils sont froncés, sa bouche est grand ouverte, ses cheveux sont courts et comme attisés par des rafales de vent, ses mains sont fortes, sa forme de corps est moulée dans une robe longue avec une écharpe flamboyante. L’idée est de créer un sentiment de force et d’encourager une exaltation du corps combattant. 4. Interprétation de l’œuvre Cette statue est d’abord conçue pour rappeler le souvenir de la bataille de Stalingrad et pour donner aux Soviétiques leur fierté de vainqueur des nazis (les Russes nomment la Seconde guerre mondiale « la Grande Guerre patriotique » et fixent sa journée du souvenir non pas le 8 mai mais le 9 mai). Elle est une interprétation contemporaine de l’antique Victoire (voir par exemple Athéna Niké sur le Parthénon dans l’Athènes antique ou bien la Victoire de Samothrace exposée au Musée du Louvre à Paris). On peut voir aussi qu’en URSS, on exalte le corps combattant par une allégorie féminine. On retrouve cela pour la république française issue de la Révolution avec la Marianne au bonnet phrygien. En fait, la symbolique soviétique, au départ plutôt masculine (la figure de l’ouvrier de la Révolution de 1917), s’est progressivement féminisée quand le régime a puisé dans le patriotisme russe. Les Soviétiques veulent ici aussi mettre en évidence que c’est la bataille de Stalingrad qui a été le véritable tournant de la guerre et qui a permis d’aboutir à la défaite allemande.