L`avènement d`une société de la consommation, une chance pour l

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IEP de Toulouse
L’AVÉNEMENT D’UNE SOCIÉTÉ DE LA CONSOMMATION :
UNE CHANCE POUR L’ÉGLISE CATHOLIQUE ?
Pastorale étudiante de Toulouse : La diffusion d’un idéal chrétien à travers les médias de
masse
Mémoire préparé sous la direction d’Isabelle LACOUE-LABARTHE
Présenté par Marion MURACCIOLE
5e année du diplôme de l’IEP
Année universitaire 2013-2014
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui, m'ont accompagnée, aiguillée et
conseillée durant ce travail de longue haleine. De près ou de loin, elles ont toutes contribué
à faire de ce mémoire un travail riche en découvertes.
Un grand merci tout d'abord à ma directrice de mémoire, Isabelle LACOUELABARTHE, qui a accepté de me suivre pour ce travail. Ses conseils, son soutien et nos
échanges m’ont été d’une aide précieuse. Merci également de m’avoir accompagnée sur le
chemin semé d’embuches du choix de la thématique de recherche
Merci à l'abbé Simon d'ARTIGUE, qui a pris le temps de m’écouter et m’a orientée
vers des personnes susceptibles de m'éclairer pour ma recherche.
Je remercie également Bénédicte RIGOU-CHEMIN pour notre rencontre,
informelle mais instructive, son intérêt pour ma recherche et ses explications sur son très
riche travail de recherche.
Enfin, j’adresse un grand merci à mon entourage, Charles pour son soutien quasipermanent, son écoute et ses conseils, Christine HESSEL pour ses éclairages précieux et
nos discussions fréquentes sur mon sujet. Merci également à David et Béatrice pour leurs
relectures et leurs conseils avisés.
2
Table des matières
Introduction.......................................................................................................6
1e partie. Une proposition novatrice: une paroisse soucieuse des
préoccupations des étudiants toulousains........................................................16
I. Une paroisse à hauteur de son public............................................................17
A. Internet, une opportunité saisie avec brio....................................................17
1) Un site internet dynamique et moderne .................................................18
2) Une présence importante sur les réseaux sociaux...................................19
B. Une pastorale par les étudiants, qui construit une paroisse pour les étudiants
.........................................................................................................................21
1) Une pastorale par les étudiants: l'horizontalité et la participation...........21
2) Une paroisse pour les étudiants..............................................................23
C. Permettre aux étudiants de se retrouver dans les propositions de la paroisse
25
1) Quel que soit son degré de pratique et ses aspirations
........26
2) Quel que soit son positionnement dans l'Eglise catholique
........27
II. Une fonction utilitaire.................................................................................29
A. Trouver sa place...........................................................................................29
1) L'intégration dans un groupe..................................................................29
2) La convivialité. Un lieu où passer ses soirées et ses moments libres......31
3) La création d'un réseau de pairs..............................................................32
B. …Pour préparer la suite...............................................................................34
1) Un réseau professionnel..........................................................................35
2) Des compétences à mobiliser dans un contexte professionnel................36
2e partie. Une communication moderne pour montrer la beauté de l'Eglise...38
I. Une communication moderne.......................................................................38
A. Le prêtre : un communiquant qui s'adresse à son public avec habileté........39
1) Un communiquant en phase avec son public. S'appuyer sur l'actualité
3
pour donner du poids à son discours...........................................................39
2) S'adresser à chacun des auditeurs, pour les transformer en spectateurs
attentifs.......................................................................................................40
3) Un côté populaire et "bon pote"..............................................................42
B. L'utilisation des codes de la communication publicitaire.............................43
1) La publicité par les flyers.......................................................................43
2) Les "goodies": la paroisse qui se démarque............................................44
II. La beauté du culte, mise en avant à travers l'image.....................................45
A. La centralité de l'image baroque…..............................................................46
1) La centralité de l'image dans la communication de la paroisse...............46
2) L'image baroque, au cœur de la communication de la paroisse..............47
B. …Pour mieux montrer la grandeur de l'Eglise et du culte............................49
1) L'art baroque, au service de l'Eglise catholique pendant la Contreréforme.......................................................................................................49
2) Montrer la beauté du culte......................................................................50
3e partie. Rendre désirables des valeurs à contre-courant...............................54
I. Les homélies, comme lieu d'énonciation des valeurs critiquées ou au
contraire portées par la paroisse, à destination du groupe................................54
A. La figure de l'extérieur et la figure de l'intérieur..........................................55
1) Le groupe défini par ce qu'il n'est pas: la construction de la figure
repoussoir du "gros païen"..........................................................................55
2) Et la distinction avec celle d'une figure acceptable, à améliorer.............58
B. Une autre fonction des homélies: le lieu d'énonciation des valeurs de la
paroisse……………………………………………………………………… 59
1) Les voies à suivre
. 59
2) La sainteté: la vocation à développer
. 62
II. Une manière de se positionner dans la société contemporaine: des valeurs
prônées à contre-courant, mais affichées avec fierté........................................65
A. Face au sentime d'être attaché par l'extérieur…...........................................65
1) Le Comité de la jupe, pour valoriser la place des femmes dans l'Eglise. 65
2) Un exemple de vive critique adressée directement à la paroisse étudiante.
4
.................................................................................................................... 67
B. …La paroisse affiche ses convictions avec fierté, et se montre très critique
envers la société de consommation
1) Les actions portées par la paroisse
.......68
.......69
2) Les groupes accueillis par la paroisse, également révélateurs de ses
potionnements
.......71
Conclusion......................................................................................................77
Sources............................................................................................................79
Bibliographie..................................................................................................81
Liste des annexes............................................................................................88
Annexes...........................................................................................................89
5
Introduction
« L'éternel message devra chercher l'homme en situation » Emile Gabel
« Dieu aime celui qui donne avec joie. Apprenons à donner avec générosité, détachés
des biens matériels »1. Tweet posté par le pape François, le 19 juillet 2014
« Quand on vit l'attachement à l'argent, à l'orgueil et au pouvoir, il est impossible d'être
heureux »2 Tweet posté par le pape François, le 24 juillet 2014
La présence sur internet du pape incarne la proposition novatrice de l’Église
catholique : se servir des médias de masse pour diffuser le plus largement possible sa
proposition, alternative au capitalisme, et se fondant sur les valeurs originelles du
christianisme. Au-delà, son utilisation des réseaux sociaux montre la volonté de l’Église de
se saisir véritablement de toutes les potentialités qu'offre internet en matière
d'évangélisation, en apprenant à maîtriser ses codes, malgré la difficulté que représente une
telle décision. Un des codes fondamentaux d'internet est en effet la transparence, qui va à
l'encontre de la relative « tradition du secret »3 de l’Église, tout comme la notion
d'horizontalité des réseaux sociaux est difficilement compatible avec la hiérarchie très
marquée de l'Eglise. Cette présence montre également une volonté de proximité avec les
1
2
3
https://twitter.com/Pontifex_fr/status/490435957649207298
https://twitter.com/Pontifex_fr/status/492257917433688066
Henri TINCQ, « Eglise-médias : la double méprise », in BRECHON Pierre, WILLAIME Jean-Paul
(dir.), Médias et religions en miroir, Paris : PUF, 2000, p. 171-176
6
fidèles, qui s'illustre par l'adaptation aux transformations sociétales.
Ce mémoire de fin d'étude portera ainsi sur les adaptations de l’Église catholique
aux mutations sociales et technologiques. Ce travail s'inscrit dans une thématique plus
large : la manière dont l'institution ecclésiale remplit sa vocation millénaire d'apostolat,
c'est à dire « le témoignage d'une personne et d'une communauté suscitant la foi au
Christ »4 dans une société en pleines mutations sociétales et dans un contexte
d'affaiblissement du catholicisme. L’Église se trouve en effet face à un défi de taille. Les
églises se vident, comme en témoignent différentes recherches et enquêtes effectuées
depuis les années 1960. Ainsi, alors que dans les années 1960, la grande majorité des
diocèses comptaient « entre 25 % et 50 % de pratiquants réguliers », les trente années
suivantes ont connu une « chute vertigineuse » de la pratique, une étude de l'Insee
montrant un taux de pratique régulière de 16 % en 1998. Et la même année, une enquête du
Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) montrait
que « sur les 73 % de Français qui se disent catholiques, 10 % se déclarent, dans les
sondages, des pratiquants dominicaux fidèles et réguliers, et 24 % vont à la messe assez
irrégulièrement ». Ainsi, « en trente ans la chute de l'assiduité dominicale a été d'au moins
65 % »5. Ainsi, si le christianisme reste la « religion dominante, et de loin »6 en France,
l'enquête Valeurs de 1999 montrait tout de même un déclin certain de la foi. C'est ainsi que
les personnes déclarant croire en Dieu, en une vie après la mort et au pêché, et pratiquer au
moins une fois par an ne s'élevait plus qu'à 21 % cette année là, contre 27 % en 1981, soit
une diminution de près d'un tiers du nombre de fidèles en moins d'une décennie.
Et face à ce déclin d'intérêt pour la pratique de la foi, l’Église doit également faire
face à une société fondée sur des valeurs à l'opposé de celles qu'elle défend. Ainsi, alors
que l’Église prône le désintéressement, l'amour et l'ascèse, considérant ces valeurs comme
« ce qui est vrai, beau, bien »7, et qui est « à défendre »8, la « société de consommation »9
énoncée par Jean-Marie Domenach est quant à elle fondée sur l'accumulation des biens, la
4
5
6
7
8
9
Emile GABEL, L'enjeu des médias, Tours : Mame, 1971, p. 170
Jean-René BERTRAND, Colette MULLER, « Où sont passés les catholiques ? », Sciences Humaines,
2003, n° 41 http://www.scienceshumaines.com/ou-sont-passes-les-catholiques_fr_12924.html
Yves LAMBERT, « Religion : développement du hors-piste et de la randonnée », in BRECHON Pierre
(dir.), Les Valeurs des Français, Paris : Armand Colin, 2003 [2001], p. 168
Le Petit Robert, édition 2013. Définition « valeur » : « ce qui est vrai, beau, bien, selon un jugement
personnel plus ou moins en accord avec celui de la société de l’époque ». p. 2673
Dictionnaire Larousse en ligne, définition « valeur »,
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/valeur/80972?q=Valeur#80026
Jean-Marie DOMENACH, « Esprit nouvelle série », Esprit, novembre 1957, p. 480
7
recherche du profit et l'individualisme.
Il s'agit ainsi d'étudier comment se positionne l’Église catholique face au double
défi que représente la société contemporaine. Elle tente ainsi de s'adapter aux mutations
sociétales et aux évolutions technologiques, en s'en saisissant comme des opportunités pour
légitimer son prêche des valeurs fondamentales du christianisme.
Notre recherche est au croisement de plusieurs disciplines, ce qui a grandement
compliqué la tâche de l'auteure. Elle se place en effet dans la continuité de recherches
historiques et sociologiques sur l’Église.
Cette recherche s'appuie tout d'abord sur l'histoire de la religion catholique, et
notamment Marcel Gauchet, qui nous a permis d'ancrer cette analyse dans l'histoire du
catholicisme et les positionnements successifs de l’Église par rapport aux mutations
sociétales, et notamment l'entrée dans la modernité marquée par la « sortie du religieux » et
les évolutions plus récentes tournant autour du concile œcuménique Vatican II.
Au premier rang des défis pour l’Église, Marcel Gauchet place l'entrée dans la
modernité, qui induit un « désenchantement du monde »10, défini comme l'« épuisement du
règne de l'invisible »11. L'entrée dans la modernité se fait ainsi par la création de l’Étatnation, et implique le passage d'un monde où l'ordre est « intégralement et invariablement
reçu »12 et où la religion ne peut être pensée, à une société sortie du religieux, où la religion
devient alors un objet qu'il est possible d'analyser et de penser. Pour lui, la loi de 1905 de
séparation de l’Église et de l’État est une nouvelle étape de la sortie du religieux, qui force
l'institution ecclésiale à trouver une place nouvelle, dans une société où ce n'est plus elle
qui tient les rênes de la vie politique. Mais pour l'auteur, elle a une spécificité qui l'aide à
s'adapter à ce changement, c'est le fait qu'elle est la religion « de la sortie de la religion »13.
C'est en effet la seule religion monothéiste où la frontière est si poreuse entre le divin et
l'humain. Dieu s'incarne en effet dans le Christ, qui est autant humain que divin.
L'humanisation du divin et la divinisation de l'humain (Luc Ferry, 1996) posent ainsi les
fondements de la démocratie (Marcel Gauchet, 2004), parce qu'elles acceptent de voir en
l'humain la source du pouvoir (Gauchet). Cette divinisation de l'humain lui permet
10 Marcel GAUCHET, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris :
Gallimard, 2005
11 Marcel GAUCHET, Ibid, p. II
12 Marcel GAUCHET, Ibid, p. XVI
13 Marcel GAUCHET, Un monde désenchanté? Paris : Éditions ouvrières, 2004, p. 138
8
également de s'adapter aux mutations sociétales, et notamment le développement de
l'individualisme (Gauchet).
Nous nous sommes aussi intéressée aux positionnements plus récents de l’Église, et
notamment depuis les années 1960, avec comme point de bascule le concile Vatican II, qui
a constitué une réponse à une transformation du rapport à la foi, et de ce fait une demande
de transformation de l'institution. Pour ces recherches, nous avons du nous appuyer sur des
sources internes à l’Église, le sujet n'étant que relativement peu étudié par la recherche. Le
concile œcuménique Vatican II, qui s'est tenu à Rome entre le 11 octobre 1962 et le 8
décembre 1965, représente « l'ouverture de l’Église catholique au monde moderne et à la
culture contemporaine »14. Il a occasionné plusieurs avancées importantes, dont celle qui
nous intéresse particulièrement a trait à la place faite aux croyants et à leurs attentes.
Le latin est ainsi abandonné, dans une volonté de faire entrer la foi de plein pied
dans le monde contemporain. Cette décision va dans le sens d'un « aggiornamento »15 de la
foi et est le signe d'un encouragement par l’Église d'un rapport « intelligent » à la foi, afin
de « comprendre ce que l'on croit »16. L'abandon du latin répond aussi à un questionnement
sur la décolonisation17. Dans un contexte de forte décolonisation, les pères conciliaires, et
notamment les évêques des pays concernés, se demandent ainsi s'il ne serait pas plus
judicieux de permettre l'utilisation des langues nationales, par respect des cultures.
La Constitution Sacrosanctum Concilium introduit également des aspects novateurs
de la liturgie18, entre autres la tenue de la messe face aux fidèles. Le prêtre, qui était
auparavant considéré comme seul actif, est désormais rejoint par toute la communauté de
croyants.
Le concile constitue une réponse aux exigences nouvelles des croyants. Le Père
Jean-Yves Calvez indique ainsi que plusieurs mouvements avaient annoncé sa tenue au
cours du XXe siècle. C'est notamment le cas des réflexions sur la place des laïcs 19 menées
par le père Congar, le « mouvement œcuménique », surtout d'origine protestante, ou encore
14 http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/
15 Terme latin signifiant : « adaptation », utilisé par le pape Jean XXIII lorsqu'il a annoncé sa volonté de
réunir un concile
16 Saint-Paul: « Je prierai avec mon esprit, mais je prierai aussi avec mon intelligence. Car si ton esprit
seul est à l’œuvre quand tu prononces une bénédiction, comment celui qui fait partie des simples
auditeurs pourra-t-il dire Amen à ton action de grâce, puisqu’il ne sait pas ce que tu dis ? » (1 Corinthiens
14,15-16)
17 http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/Les-grandes-avancees/L-Eglise-renonceau-latin
18 http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/Les-grandes-avancees/La-liturgie
19 Dans l’Église catholique, le terme « laïc » désigne toute personne baptisée n'étant pas investi d'une
charge sacerdotale ou religieuse. La Conférence des évêques de France définit le laïc comme un « fidèle
du Christ qui, par son baptême, est incorporé au Christ et devient membre du peuple de Dieu, participant
à la mission de l’Église au cœur de la vie du monde. » http://www.eglise.catholique.fr/glossaire/laics/
9
le renouveau des relectures bibliques, avec le Père Lagrange20.
Ce concile montre ainsi la volonté de l’Église de s'adapter aux transformations
sociales et aux attentes nouvelles des croyants.
Pour comprendre ce qui a entraîné une demande de transformation de l'institution,
nous avons également abordé la sociologie de la religion catholique, notamment avec
Danielle Hervieu-Léger et Frédéric Lenoir. Leur lecture nous a permis de saisir la
transformation du rapport au religieux, vers une revendication d'une relation plus
individuelle à Dieu. Frédéric Lenoir observe ainsi qu'il n'y a pas à proprement parler de
« désenchantement » du monde, comme le notaient Max Weber et Marcel Gauchet, mais
que la société est au contraire « réenchantée ». Pour lui, la société est ainsi en recherche de
transcendance, et la trouve dans des formes plus personnelles d'adhésion à la foi. Pour lui,
le fait que « bien peu » de catholiques « suivent les prescriptions morales de leur religion et
adhèrent à tous les articles de leur credo »21 n'est pas forcément un signe d'affaiblissement
de la foi, mais bien plutôt le signe d'une reconfiguration du rapport au religieux. Il note
ainsi que « dans la modernité, la religion est avant tout perçue comme une affaire
personnelle, et la seule légitimité sociale de la foi comme de l'engagement religieux est
celle du choix libre, conscient, adulte et responsable »22. Il n'est pas le seul à considérer que
le rapport au religieux change, vers une revendication d'une religion choisie et non plus
héritée. C'est ainsi que Danielle Hervieu-Léger note une explosion du nombre de
catéchumènes adultes. Entre 1980 et 2002 elle observe ainsi une augmentation de plus de
200 % des catéchuménats pour les personnes de 25 à 40 ans : de 2779 à 9205.
Mais nous avons également abordé les rapports entre communication et Église à
travers les angles historique et sociologique.
En ce qui concerne l'angle sociologique, cette recherche s'appuie sur les travaux de
David Douyère pour la période contemporaine, mais aussi de Pierre Bréchon et Jean-Paul
Willaime. L'avènement des médias de masse a posé un nouveau défi à l’Église, en
modifiant considérablement les conditions d'apostolat. À la suite de ces auteurs, nous
20 http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/Un-concile-deux-papes/Un-concile-pourquoi-faire
21 Frédéric LENOIR, Les métamorphoses de Dieu. Des intégrismes aux nouvelles spiritualités, Paris :
Plon, 2010 [2003], p. 42
22 Frédéric LENOIR, Ibid, p. 48
10
avons observé une relation compliquée entre Église et communication, en raison des
logiques différentes et à première vue inconciliables qui les sous-tendent chacune. Ainsi,
les « règles du jeu médiatique »23 que sont l'émotion, l'immédiateté et l'audience
s'accommodent mal de la complexité du message évangélique et de la « peur de toute
dramatisation »24 de l’Église catholique. Ces différences donnent lieu à des
incompréhensions et à des difficultés de la part de l’Église, qui doit des efforts importants
pour se saisir la « merveilleuse »25 opportunité que représente l'utilisation des médias de
masse pour la diffusion du message évangélique.
Concernant l'angle historique, nous avons du nous appuyer sur des travaux
produits par des ecclésiastiques, premiers concernés par les conséquences concrètes du
positionnement de l’Église par rapport aux mutations technologiques dans les médias.
Après un temps long de rejet de ces nouvelles techniques de communication, l’Église a fini
par saisir l'opportunité que lui offrait la « communication sociale »26 autrement dit les
médias de masse.27 Avant le vingtième siècle, les papes avaient clairement pris position
contre les médias, à l'image de Grégoire XVI, dans Mirari Vos en 1832, pour qui la liberté
de la presse était « une liberté exécrable pour laquelle on n'éprouvera jamais assez
d'horreur »28. Le premier tournant a lieu entre 1928 et 1936, respectivement date de
création de l'Office catholique international du cinéma, ainsi que du Bureau catholique
international de radiodiffusion, et de l'encyclique Vigilanti cura, dans laquelle le pape
évoque le cinéma. Pie XII, dans son encyclique Miranda Prorsus (8 septembre 1957)
prend pour la première fois position en faveur des médias. Il évoque notamment le cinéma
et la radio, qui ne sont pas considérés comme mauvais, mais qui peuvent être au contraire
bénéfiques et doivent « aider l'homme à la création ».29 L'intérêt de l’Église pour les
médias ne date donc pas du Concile Vatican II. Le décret conciliaire Inter Mirifica, sorti le
4 décembre 1964, soit quelques jours avant la première session du concile, constitue plutôt
23 Guillaume de PRÉMARE, « Eglise, communication et médias », Revue d'Ethique et de théologie
morale, 2009/3 n°255.
24 Henri TINCQ, « Eglise-médias : la double méprise », in BRECHON Pierre, WILLAIME Jean-Paul,
Médias et religions en miroir, Paris : PUF, 2000, pp. 171-176
25 Décret conciliaire Inter Mirifica (Entre les merveilles), 1963.
26 Terme utilisé pour la première fois dans un texte officiel dans le décret conciliaire Inter Mirifica
27 Le décret conciliaire Inter Mirifica désigne par communication sociale « la presse, le cinéma, la radio, la
télévision et d'autres techniques de même nature ».
28 Encyclique Mirari Vos, citée par Francis BARBEY, Jean-Paul II et la communication. Ou quand la
communication sociale devient facteur de vérité, de liberté et de promotion humaine, Publibook, 2010. p.
11
29 Francis BARBEY, Ibid.
11
un approfondissement de Miranda Prorsus. Inter Mirifica conserve ainsi la vision morale
des médias, en montrant qu'il est indispensable que l’Église se saisisse des médias pour
éviter des débordements qui pourraient être néfastes, mais il montre également qu'il est
possible pour l’Église de se saisir de ces nouveaux moyens de communication pour servir
sa cause, entre autres pour mieux évangéliser.
L’Église catholique, institution millénaire qui a vu sa place évoluer et muter au fil
des siècles, a ainsi du s'adapter à une demande de rapport nouveau au religieux, ainsi qu'à
une évolution technologique importante, avec le développement des médias de masse.
L'arrivée de la radio dans les foyers dans les années 1920, puis celle de la télévision dans
les années 1930, et enfin l'apparition et le développement d'internet, depuis les années
1980, changent la manière de percevoir l'information, et les exigences des individus par
rapport à celle-ci. Ainsi, pour Émile Gabel, le développement des médias, qui a
démocratisé l'accès à la culture, opère une transformation chez les croyants. Ils ont ainsi
entre autres de plus grandes « exigences esthétiques » et une mentalité davantage
« critique »30.
Après des tâtonnements et des hésitations, L’Église semble désormais décidée à
s'adapter aux mutations de la société et dans le même temps à utiliser les moyens que ces
mutations mettent à sa disposition.
Partant de ce constat, nos lectures nous ont posé plusieurs questions.
Tout d'abord, comment l’Église peut-elle se positionner face aux médias ? Quelle
relation équilibrée peut-elle trouver, alors que ses besoins et les logiques propres aux
médias semblent incompatibles ? La réponse apportée par le décret conciliaire Inter
Mirifica semble aujourd'hui mise au défi par le développement d'internet, média
impossible à maîtriser, à contrôler, et à plus forte raison à moraliser.
En outre, comment l’Église peut-elle se positionner par rapport à la société de
consommation et rendre recevable sa critique de la société contemporaine, alors que les
moyens dont elle dispose, les médias de masse, sont ceux-là mêmes qui vantent la société
de consommation ?
30 Emile GABEL, L’enjeu des médias, op. cit., p. 174
12
Enfin, comment l’Église peut-elle afficher ces valeurs, d'une manière qui soit
recevable par les fidèles et les personnes qu'elle cherche à évangéliser ? Elle prône en effet
des valeurs chrétiennes de désintéressement et de générosité, d'amour dans la fidélité, ou
encore de mesure et d'ascèse, qui vont à l'encontre du fondement même du capitalisme, à
savoir la recherche du profit, l'accumulation des richesses et la logique de la
consommation, qui suppose le remplacement des biens.
Mais la question la plus problématique que nous nous sommes posée et dont nous
avons souhaité faire la ligne directrice de ce travail concerne les possibilités offertes à
l’Église catholique par les transformations sociétales. L'avènement d'une société de la
consommation semble légitimer le prêche par l’Église catholique des valeurs
fondamentales du christianisme, et au-delà, lui donner les outils nécessaires à la
diffusion de son message. Ainsi, les mutations sociétales sont une opportunité pour
l’Église catholique, à condition qu'elle s'en saisisse avec habileté.
L'avènement d'une société dont une des valeurs centrales est la consommation
donne à l'Église une légitimité pour se montrer dans ce qu'elle a de « rebelle », à savoir que
« le chrétien ne plie le genou que devant Dieu »31. Elle peut ainsi chasser les idoles du
Temple, pour prêcher la Vérité alternative d'une religion fondée sur l'amour du prochain.
En outre, l'individualisation du rapport au religieux, s'il a constitué un défi pour
l’Église catholique, est désormais une opportunité pour elle. Cette individualisation lui
permet en effet de mettre en avant ce qu'elle a de plus original dans son rapport au divin :
le fait qu'elle considère que le divin est dans chaque être humain qui accueille en son sein
le royaume de Dieu.
Enfin, le développement de techniques de communication de masse lui donne les
moyens techniques de diffuser son message au monde entier. Le développement d'internet
représente ainsi une excellente opportunité pour l’Église.
31 Termes prononcés par l’abbé Simon d’Artigue, prêtre responsable de la pastorale étudiante de Toulouse,
lors de son prêche du 5 janvier 2014, Annexe 1
13
Puisqu'une étude de cette question au niveau global était rendue impossible par le
caractère gigantesque d'une telle tâche, il nous a semblé pertinent de transposer ce
questionnement général à une unité précise de l’Église catholique, afin de voir comment
elle se saisissait concrètement des opportunités que lui offraient l'avènement d'une société
de la consommation et de la communication. Une paroisse, « communauté précise de
fidèles constituée de manière stable dans l’Église diocésaine, et dont la charge pastorale est
confiée à un curé, comme pasteur propre sous l'autorité de l'évêque diocésain » nous a
semblé un terrain d'observation pertinent. La paroisse constitue en effet l'échelon le plus
proche des croyants et ainsi celui qui a à répondre très concrètement aux attentes des
fidèles. Et parmi les quelques 600 paroisses du diocèse de Toulouse, notre choix de terrain
s'est porté sur la pastorale32 étudiante de Toulouse.
Elle s'adresse en effet à des jeunes (18-26 ans), étudiants, qui, en tant que
représentants de l'avenir de l’Église, constituent un défi pour l'institution. Ils sont une
ressource vitale pour l’Église, tant pour le renouvellement de fidèles que pour le
renouvellement des vocations sacerdotales et religieuses. Mais c'est aussi une population
difficile à toucher et à capter, en raison de sa mobilité et de la richesse des préoccupations
qu'offre la période des études (études d'abord, mais également vie étudiante : fêtes,
rencontres, etc).
Nous l'avons choisie également en raison de sa communication, très éloignée de ce
que nous connaissions jusqu'alors en termes de communication religieuse, tant au niveau
des homélies du prêtre responsable de la paroisse, qu'au niveau de la communication
externe et notamment la communication numérique. Elle fait preuve de la volonté de la
paroisse de s'adresser aux jeunes, en tenant compte de leurs préoccupations.
Pour cette recherche, nous avons donc étudié la proposition de la paroisse étudiante
de Toulouse, appréhendée à travers plusieurs éléments. Nous nous sommes tout d'abord
concentrée sur sa communication numérique, qui représente la manière dont la paroisse se
donne à voir, et ainsi dont elle met en avant les valeurs qu'elle défend. Elle témoigne en
32
Le terme de pastorale désigne « l'activité, née du dynamisme de la foi de l'Église, qui vise à donner à
chacun selon ses besoins spirituels ». « Aujourd'hui se développe, à côté d'une pastorale générale qui
définit les grands axes de l'action (dans un diocèse par exemple) des pastorales spécialisées [...] ».
www.eglise.catholique.fr/glossaire/pastorale/. La paroisse est ainsi le regroupement de croyants, et la
pastorale le groupe qui détermine l'orientation et les propositions de la paroisse. Dans cette recherche,
nous utiliserons les deux termes indistinctement.
14
outre de sa maîtrise des médias de communication moderne, et notamment internet. Nous
avons étudié aussi sa communication papier, et notamment les tracts qu'elle distribue à
l'entrée des édifices religieux de St-Pierre des Chartreux (rue Valade) et Notre-Dame de la
Daurade (place de la Daurade). Ces flyers sont à la disposition des visiteurs sur les
présentoirs de l'entrée de l'église Saint-Pierre des Chartreux, qui abrite la paroisse et de
l'église de Notre-Dame de la Daurade, qui accueille les messes du dimanche soir. Nous
avons enfin étudié les homélies prononcées par le prêtre responsable de la paroisse, l'abbé
Simon d'Artigue, en nous concentrant sur la période d'une année universitaire : de
septembre 2013 à juin 2014. La paroisse se calque en effet sur l'année universitaire,
débutant l'année avec une « messe de rentrée » et la terminant avec une « messe de
clôture ».
La paroisse propose aux étudiants toulousains un rapport à l’Église horizontal,
en prise avec les revendications de ses fidèles d'avoir un rapport personnel à la foi
(Partie 1). Elle se met ainsi à la hauteur de son public (I) et accepte de remplir une
fonction utilitaire pour des étudiants qui préparent leur avenir (II). Dans son souci de
s'adresser avec efficacité aux étudiants, la paroisse utilise une communication
moderne, qui montre la beauté de l'Eglise (Partie 2). Elle prend ainsi modèle sur la
communication publicitaire (I) et met au centre de sa communication l'image, qui montre la
beauté du culte et au-delà, de la foi (II). Mais si la paroisse utilise des techniques de
communication également utilisées par les entreprises et les publicitaires, elle n'en
défend pas moins des valeurs à contre courant de la société de consommation (Partie
3). Les homélies sont ainsi le lieu d'énonciation de ces valeurs (I), que la paroisse affiche
au travers de ses actions et des organisations auxquelles elle apporte son soutien (II).
15
Première partie
Une proposition novatrice : une paroisse soucieuse des
préoccupations des étudiants toulousains
La paroisse, créée à l'initiative du pape Jean-Paul II lui-même, dénote la volonté de
l’Église de se préoccuper de la jeunesse. Ainsi, en 2006, le pape demande expressément à
l'archevêque de Toulouse, Mgr Robert Le Gall de prêter une attention particulière à la
population étudiante de Toulouse, troisième ville étudiante de France, après Paris et Lyon,
avec 103 070 étudiants en 2012-2013.33 Les étudiants catholiques n'avaient auparavant que
très peu de propositions qui leur soient dédiées. Leur seul lieu était ainsi une « mission
étudiante », instance nationale située à Pontoise, dans la région parisienne et qui
rassemblait « 164 aumôneries des universités, et 80 grandes-écoles, établies dans 109 villes
de France [métropolitaine] et d'Outre-mer »34. La pastorale étudiante de Toulouse vise ainsi
à faciliter l'accès des étudiants à la foi en leur proposant un lieu de rassemblement et des
possibilités d'activités qui réponde à leurs attentes.
La création d'une pastorale étudiante répond ainsi à la volonté de l'Eglise de fournir
aux jeunes une paroisse de proximité, tant d'un point de vue géographique qu'un point de
vue de la pratique. La pastorale étudiante propose ainsi aux étudiants un rapport novateur à
l'Eglise, proche de leurs préoccupations. Elle se met ainsi à leur hauteur (I.) tant dans la
forme que dans le fond, et remplit une fonction utilitaire pour les étudiants (II), de
préparation de leur vie professionnelle.
33 Atlas régional. Effectifs d'étudiants en 2012-2013, Avril 2014. Ministère de l'Education nationale, de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. p. 15
34 Bénédicte RIGOU-CHEMIN, Les virtuoses en paroisse. Une ethnographie du catholicisme en acte,
Thèse présentée et soutenue publiquement le 21 octobre 2011, p. 274
16
I. Une paroisse à hauteur de son public
La paroisse a la volonté de se mettre à la hauteur des étudiants pour leur proposer
de vivre leur foi dans un rapport personnel à Dieu. Cette volonté se traduit par la mise en
avant d'une relative horizontalité dans la relation entre les croyants et les responsables de
la paroisse. La communication numérique de la paroisse témoigne ainsi de sa volonté de se
mettre à la hauteur des étudiants, en utilisant des moyens de communication adaptés à son
public (A). La paroisse insiste en outre sur la participation des étudiants à la construction
du projet paroissial, le prêtre étant là davantage pour coordonner les propositions des
étudiants que pour décider unilatéralement de l'orientation prise par la paroisse (B). Enfin,
les propositions de la paroisse dénotent sa volonté de s'adresser à chaque étudiant
toulousain, quels que soient ses centres d'intérêts, son degré de pratique de la religion ou
son positionnement dans l’Église catholique (C).
A. Internet, une opportunité saisie avec brio
La paroisse a su se saisir des opportunités qu'offrent les innovations technologiques
importantes des dernières années, et notamment le développement d'internet. Sa volonté
d'être à la hauteur des étudiants se retrouve en premier lieu dans les outils dont elle se
saisit pour assurer sa communication extérieure. Elle assure ainsi une forte présente en
ligne, et se saisit des moyens de communications utilisés par les étudiants. Avec un site
internet dynamique (1), une présence sur des sites de diffusion de contenus audio et vidéos
(2) et une présence marquée sur les réseaux sociaux (3), la paroisse se saisit des moyens de
communication utilisés par les étudiants et fait siens le code principal de ces outils :
l'horizontalité.35
35 Jacques PERRIAULT, « Réseaux de communication horizontale, un aperçu à travers le temps, Le temps
des médias, 2012/1, n°18, p.148-158 ; Olivier Le DEUFF, « Réseaux sociaux, entre médias et
médiations, des espaces à méditer plutôt qu’à médire », Communication & Organisations, 2013, n°43, p.
5-12
17
1) Un site internet dynamique et moderne
La paroisse dispose d'un site internet dynamique, clair et visuellement marquant,
qui a été développé il y a peu, montrant la volonté de la paroisse de se renouveler et de
suivre les évolutions technologiques. Un nouveau site internet a ainsi vu le jour en avril
2014, qui contraste fortement avec l'ancien, dont la clarté et la qualité esthétique laissaient
à désirer.
Figure 1 : À gauche, l'ancien site internet de la pastorale étudiante. À droite, le nouveau
Si des similitudes sont visibles sur les deux sites, notamment le logo, les couleurs
utilisées ou encore le slogan, des différences notables sont également visibles, qui ont un
fort impact sur l'image que donne à voir la paroisse.
L'ancien site utilisait trop de majuscules, le points d'exclamation et de textes en
gras. Peu agréables à la lecture, les majuscules, associées au point d'exclamation donnent
en outre une impression d'amateurisme, et lorsqu'elles sont associées au gras, une
impression de fouillis. Cette présentation rend ainsi malaisée toute hiérarchisation entre les
différents éléments.
18
Le 20 avril 201436, le nouveau site est mis en ligne37. Mieux organisé, très clair
visuellement, il peut être considéré comme une vitrine de la paroisse. Il donne en effet à
voir son activité fourmillante, et se veut attirant. Très dynamique, moderne et gai, il
montre la volonté de la paroisse de s'adresser à des étudiants jeunes et modernes.
2) Une présence importante sur les réseaux sociaux
Une présence, bien que relativement peu active, sur les sites de partage de contenus
audio et vidéos
La paroisse dispose d'une chaîne YouTube38 et est présente sur Soundcloud39,
même si elle ne dispose pas de son propre compte.
La chaîne YouTube a peu d'abonnés (15) et poste assez rarement des vidéos, mais
sa présence sur le site de partage de vidéos atteste de sa volonté d'utiliser des moyens de
communication modernes et prisés par les jeunes. Et cette stratégie se révèle payante,
puisque en dépit du faible nombre de vidéos postées, le compte de la paroisse dispose de
presque 15 000 vues, ce qui constitue une moyenne de 1 000 visionnages par vidéo,
moyenne non négligeable.
Sur Soundcloud, site de partage de contenus audio, la paroisse étudiante de
Toulouse est rattachée au compte de Radio Présence. Elle publie certaines homélies
prononcées par l'abbé Simon d'Artigue. Et si elle ne compte que peu de publications (17)
et d'abonnés (12), elle témoigne du désir de la paroisse de donner un libre accès à la parole
du prêtre.
36 Il est à noter que le jour de sa mise en ligne, le 20 avril 2014 n'est pas du au hasard. Il a ainsi été lancé
« en la Fête de Pâques », attestant d'une volonté de renouveau de la communication de la paroisse. Cette
précision sur le site montre également la présence omniprésente de références à Dieu et à la Bible, qui
restent pourtant relativement discrètes. Cette phrase est ainsi située à la toute fin des mentions légales,
dans une police équivalente au reste du texte.
37 À l'adresse : www.etudiants-toulouse.catholique.fr
38 « Paroisse étudiante de Toulouse »
39 Site de partage de musiques, qui vise à permettre aux musiciens de partager leurs enregistrements
19
Une forte présence sur Facebook
La paroisse est très présente sur le réseau social Facebook, et utilise plusieurs des
fonctionnalités qu'offre ce site : un « groupe » à intégrer, une « page » à suivre et une
« personne » à ajouter. Chaque forme de présence a sa raison d'être. Ainsi, la page
Facebook, « Paroisse étudiante de Toulouse », s'adresse aux étudiants qui souhaitent se
tenir au courant des actualités de la paroisse : horaires des messes, tenue ou non de ces
dernières, informations sur les événements organisés, propositions des groupes, etc. Le
geste demandé est moindre, dans la mesure où il suffit de « liker » la page, pour recevoir
des informations sur son fil d'actualité, aucun engagement, même symbolique, n'étant
nécessaire. Le groupe demande déjà une volonté un peu plus forte d'intégrer la paroisse,
même si elle reste relative. Pour intégrer le groupe, il faut en effet en faire la demande,
avant d'être accepté par un des administrateurs. Les informations transmises par la paroisse
sont à peu près similaires que sur la page de la paroisse. Elles concernent ainsi
principalement les messes et les activités proposées. Mais il y a aussi régulièrement des
offres de jobs pour les étudiants40.
Enfin, le compte « Pierre des Chartreux » constitue la troisième forme utilisée par
la paroisse étudiante, celle d'une personnification de la paroisse de St-Pierre des Chartreux,
qu'il est ainsi possible d'inviter à faire partie de ses « amis ». Pierre des Chartreux se
contente de partager des photos du groupe ou de la page de la paroisse étudiante, et
d'autres organisations catholiques. L'avoir dans sa liste de contacts relève ainsi davantage
du témoignage de sa volonté d'intégrer la paroisse plutôt que d'un intérêt purement
utilitaire.
Twitter et Google+ : une présence moins importante
La paroisse a également un compte Twitter 41, qui compte un peu moins de 300
abonnés et poste environ deux tweets par semaine, et un compte google+. Ce dernier est
très peu actif, son dernier message posté datant de septembre 2013.
La présence de la paroisse sur la grande majorité des réseaux sociaux montre sa
familiarité avec des moyens de communication utilisés par les étudiants. Elle dénote
40 Offre d’emploi publiée le 9 juin 2014. Annexe 2
41 « Étudiants Kto à Tlse »
20
également une volonté de faire participer les paroissiens, qui ont la possibilité de publier
des messages, des photos ou encore des vidéos sur les différents comptes de la paroisse.
La paroisse assure ainsi une importante présence en ligne, et montre sa maîtrise de
l'outil internet. Elle s'en empare pour se mettre à la hauteur de son public, qui peut ainsi se
reconnaître dans les modes de communication utilisés. Les étudiants sont en outre
encouragés à prendre part au projet paroissial.
B. Une pastorale par les étudiants, qui construit une paroisse pour les
étudiants
La pastorale est construite par les étudiants, qui sont appelés à se responsabiliser
pour mettre en place la paroisse qu'ils souhaitent (1). Construite par des étudiants, la
paroisse peut ainsi s'adapter aux exigences et aux besoins de son public en lui proposant
une pratique de la foi en accord avec les obligations étudiantes (2).
1) Une pastorale par les étudiants : l'horizontalité et la participation
Les responsables de la paroisse : l'abbé Simon d'Artigue et Mgr Le Gall, ont pris le
parti de laisser les étudiants eux-mêmes décider eux-mêmes de la manière dont devait être
construite la paroisse. Il existe plusieurs degrés de participation à la construction de la
pastorale, du degré moindre d'implication : donner un « coup de main »42, à l'engagement
profond pour un an : les fraternités.
Deux fraternités d'étudiants sont chargées de faire vivre la pastorale. Située au
centre Georges Bernanos, à côté de l'église Saint-Pierre des Chartreux, la « Frat' Sion » est
composée de sept étudiants et un séminariste, placés sous l'autorité de l'abbé Simon
d'Artigue et d'un couple ayant reçu une lettre de mission de l'Archevêque pour trois ans.
Le prêtre et le couple choisissent tous les ans les étudiants et le séminariste qui feront
partie de la fraternité, en veillant à ce qu'ils « représentant par leur formations et leur
42 Sur le site de la paroisse étudiante : http://etudiants-toulouse.catholique.fr/paroisse/coup-de-main-a-laparoisse/accueil
21
sensibilités la diversité et la richesse de la jeunesse étudiante catholique »43. Chaque
étudiant de la fraternité choisit ensuite une responsabilité qu'il exercera tout au long de
l'année, au choix entre « l'accueil des groupes sur la Paroisse, au centre G. Bernanos et
l'attention à chaque étudiant, la communication autour de propositions de la pastorale et
des grands événements, la liturgie et l'organisation des différentes cérémonies, la musique
et l'animation des messes, veillées, prières..., la mission, l'organisation des grands
événements (messe de rentrée/de clôture et pèlerinage), la logistique ».
Les étudiants de la fraternité Sion sont ainsi au cœur de la construction du projet
pastoral de la paroisse, même s'il est à noter qu'il ne s'agit pas d'une collégialité totale. Si
ce sont les étudiants qui font des propositions tout au long de l'année, le prêtre décide en
définitive de ce qu'il convient de retenir et de mettre en œuvre, « en cohésion avec le projet
pastoral ». Les étudiants construisent ainsi la mise en œuvre des grandes orientations de la
paroisse.
L'autre fraternité, Claire de Castelbajac, est moins centrale dans la mise en œuvre
du projet pastoral. Son emplacement est révélateur, puisqu'elle est située à Rangueil, loin
du centre ville et de l’Église St-Pierre des Chartreux. Composée de onze étudiants nommés
par un couple ayant également reçu une lettre de mission de l'Archevêque, et par le Frère
Sébastien44, elle est chargée de l'animation et l'accueil des soirées du Centre catholique
universitaire, à Rangueil, organisées tous les jeudi soirs. La fraternité « CdC » a ainsi une
mission bien définie, et qui n'impacte pas le projet pastoral dans son ensemble.
Les étudiants peuvent également s'engager à aider ponctuellement pour l'accueil
des nouveaux arrivants. Ils peuvent ainsi effectuer des missions pour aider la logistique de
la paroisse, comme accueillir les étudiants au début de la messe, s'occuper du repas
d'après-messe du dimanche soir (courses, préparation, service, rangement et nettoyage), ou
encore disposer des fleurs dans l’Église, mais également permettre aux nouveaux arrivants
de tisser de nouvelles relations. Ils peuvent ainsi organiser des « temps de rencontres et de
détente »45 pour les nouveaux étudiants de la paroisse, ou encore « inviter chez soi pour un
43 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/colocations-chretiennes/les-fraternites-groupe-de-laparoisse/136-aller-plus-loin/314-la-charte-des-fraternites
44 Le Frère Sébastien est « prêtre, promoteur provincial des vocations aumônier des grandes écoles et des
facultés des Sciences », http://toulouse.dominicains.com/spip.php?auteur23
45 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/index.php?
option=com_content&view=article&id=434&Itemid=1556
22
dîner un étudiant étranger ». Les membres de la paroisse sont ainsi encouragés à s'engager
ponctuellement pour aider à la bonne marche et au caractère accueillant et ouvert de la
paroisse.
Formellement ensuite, il est à noter que les formulations du site internet évoquent
souvent le caractère horizontal de la paroisse, gommant la hiérarchie de l'institution
ecclésiale. Il est ainsi intéressant de comparer L'URL de l'ancien et du nouveau site
internet. L'adresse de l'ancien site : www.pastoraleetudiante.fr identifiait explicitement le
site internet comme appartenant à une pastorale, elle-même inscrite dans un diocèse, et
situait le site comme géré en collaboration avec le curé de la paroisse, à qui « la charge
pastorale est confiée ». L’existence d’une hiérarchie était ainsi clairement posée dès
l’entrée sur le site. L'adresse du nouveau site : « www.etudiants-toulouse.catholique.fr »,
ainsi que le titre de la page d'accueil : « Étudiants catholiques à Toulouse », présente la
paroisse comme un groupement d'étudiants toulousains, liés par leur foi. L'existence d'une
autorité humaine ne ressort pas, l'accent est mis sur les étudiants, et donne l'idée d'une coconstruction de la paroisse par les premiers intéressés : les étudiants catholiques
toulousains.46
2) Une paroisse pour les étudiants
La paroisse s'adresse aux étudiants, et le montre, tant dans ses modes de
communication que dans les préoccupations qu'elle met en avant.
D'une part, la communication numérique de la paroisse est fondée sur des
références au monde étudiant. Le slogan de l'organisation : « Pour les étudiants qui ont soif
d'autre chose », utilisé sur le site, mais également mis en avant à toutes les manifestations
organisées par la paroisse, telles que le festival Open Church ou les soirées DJ in the
Church, montre la volonté de la paroisse de s’adresser à des jeunes étudiants en recherche
de spiritualité. Cette expression illustre la spécificité de la paroisse : l’adresse à des
étudiants, mais catholiques. Le terme « soif » renvoie ainsi clairement aux soirées
étudiantes, imaginées comme très alcoolisées, mais également à la « soif » spirituelle. Ce
46 L'appartenance à l'Église catholique est également posée, mais de manière implicite. L'adresse
« www.toulouse.catholique.fr » est en effet utilisée par le diocèse de Haute-Garonne, et renvoie ainsi à
l'ancrage de la paroisse étudiante dans le diocèse et ainsi dans la hiérarchie de l'Eglise catholique.
23
terme renvoie ainsi au récit de la Samaritaine dans la Bible et la parole de Jésus : « celui
qui boira de l'eau que je lui donnerai, moi, n'aura plus soif à jamais; mais l'eau que je lui
donnerai, sera en lui une fontaine d'eau jaillissant en vie éternelle. »47. Quand au logo, il
s'adresse clairement à des jeunes toulousains catholiques. Il représente ainsi une croix,
légèrement arrondie, avec trois points à gauche, qui évoquent une croix occitane. La partie
droite de la croix se transforme en une forme évoquant à la fois un bâton d’évêque et une
jeune pousse de plante.
Figure 2 : Le logo et le slogan de la pastorale étudiante
Sur le site internet, le choix des termes est également révélateur de l'adresse
constante aux étudiants. C'est ainsi qu'est régulièrement utilisée une sémantique propre à la
jeunesse : des termes d'anglais (campus) éventuellement francisés (évents), des sigles
(WE, RDV), ou encore des raccourcis (actus, infos, coloc).
D'autre part, la paroisse souhaite s'adresser aux étudiants, et leur fait des
propositions adaptées à leurs besoins et à leurs préoccupations.
Tout d'abord, la paroisse est implantée sur toutes les universités toulousaines,
chacune ayant une aumônerie chargée d'animer la vie catholique sur le campus et d'aider
les étudiants à « grandir dans leur foi »48. Une aumônerie regroupe l'Université Toulouse 1
et l'Institut d’Études Politiques, une autre est implantée à l'Université Jean Jaurès – Le
Mirail, la troisième, animée par la fraternité Claire de Castelbajac, s'adresse aux étudiants
des facultés de sciences, et une dernière est consacrée aux étudiants de l'Institut Catholique
de Toulouse. Les aumôneries des universités doivent permettre à chaque étudiant de
« grandir dans sa foi », « la découvrir », « la mûrir », et cela « sans la dissocier du monde
47 http://www.info-bible.org/legrand/3.6.htm
48 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/campus/universites/147-pour-aller-plus-loin/229-une-aumoneriequoi-pourquoi
24
dans lequel il vit »49. Concernant les Grandes écoles, la paroisse insiste sur l'idée de réseau.
Ainsi, si elles proposent également des « temps de prière » ou la possibilité de
« [participer] à des œuvres caritatives », les étudiants sont également encouragés à
développer leur réseau, en organisant des « repas de CC » (communauté chrétienne), ou
« inter-CC ».
Le site internet propose également des solutions face à des questions récurrentes
chez les étudiants, notamment celle du logement. La page d'accueil propose ainsi plusieurs
onglets pour « Aller plus loin », qui concernent aussi bien des problématiques typiquement
étudiantes que des questions de foi. Le premier onglet s'intitule ainsi « je cherche un
logement » et le quatrième « besoin d'aide alimentaire ». Il est à noter que la question du
logement est la première abordée par la paroisse, juste avant « je veux devenir chrétien »,
et bien avant les « horaires de la messe »50 En outre, plusieurs des sujets traités ne
semblent pas concerner la vie religieuse. « Je cherche un logement » propose une solution
à une question des plus prégnantes pour les étudiants, ainsi que « besoin d'aide
alimentaire », qui renvoie à la précarité qui peut toucher les étudiants. L'ordre des onglets
montre ainsi la volonté de la paroisse de se concentrer sur la vie quotidienne des étudiants,
et de s'adapter à leurs besoins spécifiques.
C. Permettre aux étudiants de se retrouver dans les propositions de la
paroisse
La paroisse s'attache enfin à promouvoir son esprit d'ouverture. Cela se retrouve
dans les activités qu'elle propose, qui permettent aux étudiants de trouver leur compte
quels que soient leurs centres d'intérêt et leur degré de familiarité avec la pratique
religieuse (1), mais également dans sa volonté délibérée d'accueillir en son sein des
groupes d'horizons divers, qui reflètent la richesse des orientations de l’Église catholique
(2).
49 Ibid.
50 Dans l'ordre : Je cherche un logement, je veux devenir chrétien, je participe à un groupe, rencontrer un
prêtre, besoin d'aide alimentaire, j'ai une question, horaires de la messe, je quitte Toulouse, je suis lycéen,
je ne suis plus étudiant
25
1) Quel que soit son degré de pratique et ses aspirations
Les étudiants ont la possibilité de profiter de la richesse de la vie paroissiale, quelle
que soit leur implication dans la pratique de la vie religieuse. Les propositions pour les
étudiants arrivant à Toulouse montrent ainsi cet esprit d'ouverture. Le site fait plusieurs
propositions aux étudiants nouvellement arrivés à Toulouse, pour leur permettre de se
constituer un réseau amical et surmonter les éventuelles difficultés auxquels ils pourraient
faire face. L’accent est mis sur la convivialité, la religion n'est que peu mentionnée.
L'accroche : « Étudiants fraîchement arrivés à Toulouse? Tu désires que ton séjour se
déroule dans une ambiance familiale et chaleureuse ? Voici les 8 propositions de la
Pastorale étudiante pour bien commencer. » présente ainsi la pastorale comme un
regroupement d'étudiants solidaires et ouverts, sans même évoquer la religion. Les
propositions qui suivent restent dans cette logique. La paroisse propose ainsi huit pistes
pour mieux s'intégrer :

Le dîner du dimanche soir (préparation du repas ou accueil des nouvelles têtes)

Les soirées du CCU Rangueil (tous les jeudis Av. de Rangueil, M° Rangueil)

Les Jéri' Coloc (colocations étudiantes chrétiennes)

La Corpo Saint-Pierre (initiatives individuelles)

La distribution alimentaire (pour étudiants nécessiteux)

The English Prayer Group, for english speaking students

L'accueil de groupes (réservation salle et matériel)

Les Fraternités d'étudiants : Sion (rue Valade) et Claire de Castelbajac (av de
Rangueil)
Pour le dîner du dimanche soir, il n’est par exemple pas précisé qu’il s’agit du dîner
d’après-messe. Concernant les soirées du CCU Rangueil, le sigle n’est pas explicité
(Centre Catholique Universitaire) et le terme « soirée » est utilisé, renvoyant aux fameuses
soirées étudiantes qui rythment la vie étudiante. La première mention de la religion
apparaît dans la proposition « les Jéri’Coloc », dont il est précisé qu’elles sont des
« colocations étudiantes chrétiennes ». Pourtant, là-encore, il n’est pas fait mention de
catholicisme, connoté plus péjorativement que le terme de « chrétienté ». La paroisse met
en avant son ouverture aux autres cultures avec l'English Group Prayer, « for english
26
speaking students », ainsi voué à l’accueil des étudiants étrangers. Les « Fraternités
d’étudiants » renvoient quant à elles à la fraternité, au fondement même de la chrétienté. 51
Globalement, l’accent est davantage mis sur l’amitié et la solidarité que sur la foi
catholique.
Le site internet de la paroisse propose en outre de nombreuses activités et groupes
pour les étudiants, qui peuvent tous trouver leur place, qu'ils aiment le sport, les arts,
l'étude, la fête ou cherchent simplement la rencontre avec d'autres étudiants partageant les
mêmes intérêts. Quelles que soient leurs aspirations, les étudiants peuvent ainsi trouver de
quoi les satisfaire parmi les propositions de la paroisse.
2) Quel que soit son positionnement dans l’Église catholique
Le choix délibéré du prêtre de sélectionner des étudiants représentatifs de la
diversité des courants de l’Église catholique pour composer la fraternité Sion montre sa
volonté de construire une paroisse dans laquelle chacun puisse trouver sa place, quel que
soit le courant auquel il appartient.
La paroisse héberge en outre un grand nombre de groupes, avec des
positionnements très différents dans l’Église catholique. La paroisse héberge ainsi de
nombreuses communautés charismatiques, qui constituent un courant minoritaire
important de l’Église catholique. Attachées à la relation directe à Dieu, les communautés
du renouveau charismatique peuvent être divisées en trois « modèles », qui s'illustrent
dans des groupes accueillis par la paroisse. Ainsi de « l’absolu communautaire » illustré
par les Béatitudes, « le modèle de « l’utopie sociale » qui valorise l’évangélisation par
capillarité comme à L’Emmanuel »52, et enfin « le modèle du « projet personnel », qui vise
d’abord à « construire un être spirituel capable de s’engager dans son milieu de vie »53,
modèle de l'Opus Dei. La paroisse héberge également des groupes liés aux Jésuites,
51 « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés,
vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de
l'amour les uns pour les autres.» (Jean 13, 34-35). Cité par le pape François lors de la Journée mondiale de la
paix, le 1e janvier 2014
52 Bénédicte RIGOU-CHEMIN, Les virtuoses religieux en paroisse. Une ethnogaphie du catholicisme en
acte, op. cit., p. 59
53 Christine Pina, citée par Bénédicte RIGOU-CHEMIN, Ibid, p. 59
27
comme le Réseau Jeunesse Ignatienne, ou le Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ),
pour les jeunes de 7 à 21 ans, qui « s’inscrit dans la tradition de St Ignace de Loyola ».
Certains groupes sont très attachés aux traditions et centrées sur le catholicisme, comme
les Scouts d'Europe, alors que d'autres revendiquent au contraire un « esprit
œcuménique », comme la fondation Fondacio, qui « est en lien avec les Églises orthodoxes
et protestantes ». D'autres groupes s'inspirent de la doctrine sociale de l’Église, comme
Pax Christi, association catholique qui œuvre pour la paix et souhaite aboutir une société
« réussie », fondées sur les valeurs développées par la doctrine sociale de l’Église, « en
particulier l’encyclique de Jean XXIII, Pacem in terris (1963) et les documents du
Concile Vatican II »54. Leur volonté d’ouverture sur le monde est mise en avant, comme en
témoignent les « rencontres conviviales et d’amitié avec des personnes originaires du
Moyen-Orient ». Cette association est également attachée au dialogue interreligieux55.
Ainsi, chaque étudiant doit pouvoir trouver au moins un groupe qui réponde à ses
désirs, quelle que soit son appartenance de courant et son positionnement dans l’Église
catholique.
À travers ses propositions, la paroisse montre sa volonté de s'adresser à tous les
étudiants, quelles que soient leurs centres d'intérêt, leur courant religieux, et leur degré de
pratique de la religion.
La paroisse se met au niveau des étudiants toulousains, afin de mieux les toucher et
répondre à leurs attentes. Elle se saisit ainsi de modes de communication qui font partie du
quotidien des étudiants et au-delà, leur propose de s'impliquer directement dans la
construction de « leur » paroisse, pour élaborer des propositions variées, dans lesquels ils
peuvent tous se retrouver. Au-delà, la possibilité qu'elle offre aux étudiants d'intégrer des
« groupes » dénote sa volonté d'assurer également une autre fonction : celle d'insertion
dans la communauté des croyants, qui peut avoir une certaine utilité pour des étudiants qui
préparent leur entrée dans le monde professionnel.
54 http://www.paxchristi.cef.fr/v2/qui-sommes-nous/
55 Sur le site de Pax Christi, des communiqués appellent par exemple à une « fraternité » entre chrétiens et
musulman.
28
II. Une fonction utilitaire
Pour les étudiants, la paroisse remplit également une fonction utilitaire, permise par
la pratique collective de la foi. Elle n'est ainsi pas vue uniquement comme un don de soi,
mais également comme une occasion de profiter des avantages qu'offre l'appartenance à
une communauté, ici de croyants. La paroisse propose ainsi aux étudiants toulousains de
trouver leur place dans le groupe (A), afin de mieux préparer leur entrée dans le monde du
travail (B).
A. Trouver sa place...
La paroisse met en avant la possibilité qu'elle donne aux étudiants de se retrouver
entre eux, dans un espace réservé et propice à la constitution d'un réseau. Les étudiants se
retrouvent ainsi intégrés dans un groupe (1), à l'intérieur duquel ils peuvent passer des
moments conviviaux (2). Et au-delà, se constituer un réseau de pairs (3).
1) L'intégration dans un groupe
Le groupe tient une place centrale dans la communication numérique de la paroisse,
et notamment son site internet et ses pages Facebook.
Le groupe Facebook de la paroisse insiste sur l'opportunité pour les étudiants de
s'intégrer à un groupe en rejoignant la paroisse. L'acceptation de la demande pour adhérer
au groupe Facebook, si elle ne sert pas à opérer un tri entre les « candidats » à l'entrée au
groupe comme cela pourrait être imaginé, permet de faire sentir à chaque étudiant arrivant
qu'il était attendu, et qu'il est chaleureusement accueilli. Lorsqu'une nouvelle personne est
acceptée dans le groupe, elle reçoit ainsi un message personnalisé, qui l'invite à prendre
part aux activités de la paroisse, pour mieux s'intégrer à la communauté. Ainsi, lorsque
nous avons été acceptée dans le groupe, « Pierre des Chartreux » nous a posté le
commentaire suivant :
29
Figure 3 : Message de bienvenue à l’arrivée dans le groupe Facebook de la pastorale
Une attention particulière est ainsi portée à chaque nouvel arrivant, le webmaster de
la paroisse prenant même le soin de personnaliser son message et encourageant le nouvel
arrivant à contacter un responsable de la paroisse en message privé (la discussion
instantanée du réseau social).
Par ailleurs, nombre des activités proposées par la paroisse sont présentées autant
comme une manière de vivre sa foi que de se constituer un réseau amical.
Les étudiants sont ainsi encouragés à participer à des activités de groupe, où la
pratique de la foi semble parfois secondaire. C'est le cas du « XV de la Pierre », l'équipe de
rugby de la paroisse. Cette activité, si elle fait écho aux propos du Pape François sur le
rugby56, est surtout une manière pour les étudiants de se retrouver autour d'un intérêt
commun et particulièrement prisé à Toulouse. D'autres activités sans lien direct avec la foi
sont également proposées. C'est ainsi qu'il existe un « Ciné-club » au sein de la « Corpo
Saint-Pierre » qui se réunit régulièrement, pour des soirées film, en toute simplicité :
56 Le site de la paroisse rappelle ainsi que le Pape François a fait l'éloge du rugby : « sport « dur »,
« fatigant », notamment du fait de « l’affrontement physique », des mêlées « impressionnantes », mais
pourtant « sans violence », fait de « loyauté » et de « respect », un sport d’équipe, mais non sans exploits
personnels comme les « courses » vers l’essai. ». Source : http://etudiantstoulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/187-aller-plus-loin/311-les-vertues-du-rugby-selon-le-papefrancois
30
« Pizza pop-corn pour une ambiance chaleureuse puis partage autour du film ». La Corpo
est soutenue par la paroisse étudiante, qui lui fournit le matériel, un lieu où se réunir, et se
charge de la communication autour des événements qu'elle organise. La paroisse soutient
ainsi plusieurs projets, rappelés sur la page du ciné-club57 : une chorale étudiante, des
jardins étudiants, des sorties raquettes ou encore des sorties au musée.
2) La convivialité. Un lieu où passer ses soirées et ses moments libres
La paroisse se présente également comme un lieu de convivialité, dans lequel les
étudiants sont invités à passer leur temps libre. Aux étudiants qui ne « [savent] pas quoi
faire », n'ont « pas de travail » et sont « en manque de bons films », la paroisse conseille
ainsi de « checker [leur] agenda paroisse »58.
La paroisse organise de nombreuses soirées, qui constituent le pendant religieux
des soirées étudiantes. C'est notamment le cas des soirées organisées à l'occasion du
festival « Open Church ». Organisé depuis 2009, en octobre, il constitue la rentrée
religieuse des étudiants de la paroisse. Le titre du festival est intéressant pour la paroisse
étudiante, puisqu'il permet de faire parallèle avec l’ « open bar » des soirées étudiantes et
s'afficher comme « Église ouverte ». L'objectif de ce festival est de faire connaître la
pastorale aux étudiants nouvellement arrivés à Toulouse, et notamment ses nombreux
groupes d’évangélisation, de formation, d’aumônerie, de rencontre, de service et charité,
d’art et sport et de vocation. Les dix jours de festival sont organisés autour de rencontres et
de soirées, lors desquelles les étudiants peuvent faire connaissance en eux, et avec la
paroisse étudiante. Le festival Open Church se veut résolument moderne et en prise avec
une des activités phares de la vie étudiante : la fête. « 10 soirées thèmes et 2 soirées DJ in
the Church + BBQ ! »59 annonce ainsi le site internet de la paroisse. Cette annonce est
destinée aux jeunes, tant dans sa forme que dans son fond. L’utilisation des chiffres arabes
et non pas écrits, de l’anglais « in the Church », des termes DJ et BBQ, ainsi que
l’utilisation des signes « + » et du point d’exclamation témoignent de la volonté de paraître
dynamique et « fun ». Par ailleurs, les activités mises en avant concernent toutes la fête,
que ce soit la fête dansante : « DJ », la soirée de rencontre plutôt conviviale : « soirées
57 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/theatre/cine-club-corpo-st-pierre
58 Onglet « Évents » du site internet. URL : http://etudiants-toulouse.catholique.fr/events
59 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/events/les-rdv-incontournables/open-church
31
thèmes », ou la soirée autour d’un repas : « BBQ ». La paroisse montre ainsi qu’elle
maîtrise une des thématiques importantes de la vie étudiante.
Les soirées DJ in the Church sont à ce titre particulièrement intéressantes. Elles se
rapprochent en effet des soirées étudiantes par la présence d'alcool (une « tireuse à bière »)
et par l'ambiance (musique électronique, éclairages), tout en se déroulant dans l'entrée de
l’Église St-Pierre des Chartreux et en conservant des signes visibles d'ancrage dans la
paroisse (projection du logo de la paroisse et de l'expression « DJ in the Church ». Elles
reprennent ainsi des codes des soirées étudiantes, tout en conservant une spécificité
catholique marquée.
Figure 4 : Présentation des soirées DJ in the Church
La présentation de l’événement témoigne de la volonté de la pastorale de se mettre
à jour en fonction des préoccupations des jeunes. La discrète mise en avant de la « bière à
la tireuse » montre que la pastorale sait s’adapter aux réalités quotidiennes des jeunes
étudiants et se moderniser pour être en accord avec leurs attentes.
3) La création d'un réseau de pairs
La paroisse se donne également comme objectif de permettre aux étudiants de se
constituer un réseau amical fondé sur l'appartenance au même groupe et sur le partage
d'intérêts communs.
32
En plus des soirées, qui permettent de passer de bons moments dans le cadre
paroissial, elle propose des activités sur un temps plus long, comme des week-ends
randonnées, qui permettent aux paroissiens d'apprendre à se connaître et ainsi se constituer
un réseau amical sur Toulouse. C'est le cas du club Pier Giorgio Frassati, des dominicains
de Toulouse, qui propose des week-ends de sport dans la nature 60. Le temps plus long (2
jours complets), les conditions parfois éprouvantes (« nuits à la dure ») et le partage
d'intérêts communs (la religion en premier lieu, mais également le sport en question :
canoë, ski, randonnée...) doit permettre de créer ou de renforcer les liens entre les jeunes
paroissiens présents. C'est également le cas des week-ends « NDV61 Montagne & Pière ».
Notre-Dame de Vie organise ainsi des randonnées à la journée, week-ends en refuges ou
encore « camp-ski prière ». La présentation sur le site de la paroisse lie étroitement la
pratique sportive à la pratique de la foi : « Un joyeux équipage arpente étangs, cols
et sommets pyrénéens à la recherche des plus beaux coins de la Création... pour y
contempler le Créateur ! Chaque jour, messe, oraison, enseignements, détente,
amitiés... »62. L'accent est là-aussi mis sur le développement de relations amicales entre les
participants.
La paroisse propose également aux étudiants de participer à la culture d'un jardin
potager, avec comme un des objectifs de « créer un lien entre les participants aux
jardins »63 Ce jardin potager, situé dans les jardins familiaux de St-Cyprien, regroupe
plusieurs jeunes qui le cultivent selon des méthodes respectueuses de l'environnement.
Cette activité vise à faire acquérir aux participants des connaissances et des compétences
et termes de culture, mais également à les insérer dans un groupe amical, lié par l'intérêt
porté au travail agricole, à protection de l'environnement et au désir de se nourrir
sainement.
Les propositions de la paroisse mettent ainsi souvent en avant l'opportunité à saisir
pour les étudiants de se constituer un réseau amical, avec des personnes partageant les
mêmes centres d'intérêts qu'eux.
60
61
62
63
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/week-end-en-montagne
Notre-Dame de Vie
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/ndv-montagne-priere
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/les-jardins-etudiants
33
Au-delà, la paroisse permet de rassembler « des adolescents du même monde »64.
L'intégration à la paroisse étudiante permet aux parents de laisser leurs enfants en de
« bonnes » mains et de leur permettre une socialisation entre pairs. Pendant leurs années
de lycée, puis d'études, les jeunes se retrouvent en effet « entre eux »65, entre jeunes
catholiques bien entendu, mais aussi, comme en témoignent les photos publiées sur le site,
entre étudiants des classes sociales supérieures. Elles mettent en scène des étudiants qui
portent des signes de leur appartenance de classe66, notamment par le port de signes
discrets de richesse : un bracelet sobre et doré67, une montre élégante, un polo avec un col
en v... etc.
Les images assurent ainsi un rôle de validation de l'entrée dans le groupe de la
paroisse étudiante, en montrant un modèle type de l'étudiant toulousain catholique,
appartenant visiblement aux classes sociales supérieures.
La paroisse propose ainsi aux étudiants de se constituer un réseau de
pairs,
s'identifiant par leur croyance, leur appartenance au monde étudiant et le partage d'intérêts
communs.
B. … Pour préparer la suite
Au-delà d'un lieu de pratique commune de la religion, la paroisse est également un
lieu de préparation de l' « après » période étudiante des paroissiens. Pour des étudiants se
préparant à l'entrée dans le monde professionnel, la paroisse permet à la fois de créer des
liens avec des « jeunes pros » et ainsi se constituer un réseau professionnel (1), mais
également d'acquérir des compétences mobilisables dans un contexte professionnel (2).
1) Un réseau professionnel
64 Michel PINÇON et Monique PINÇON-CHARLOT, Les ghettos du gotha, Paris : Éditions du Seuil,
2007, p 45
65 Michel PINÇON, Monique PINÇON-CHARLOT, Ibid., p. 46
66 « Les postures et l'allure générale, la manière de se vêtir, la gestuelle, la façon de se coiffer, trahissent les
origines et les positions sociales », , Ibid. Michel PINÇON, Monique PINÇON-CHARLOT, Ibid.
67 Illustration de la messe : « Jours de fête », annexe 3
34
Les groupes accueillis par la paroisse proposent souvent aux étudiants et aux jeunes
professionnels de se réunir et de faire des activités en commun. Plusieurs groupes sont
ainsi constitués d'étudiants et de jeunes professionnels (« jeunes pros »), qui sont amenés à
se côtoyer et à tisser des relations. C'est le cas du groupe de la chorale liturgique Lauda
Mission, qui se réunit de manière hebdomadaire, pour 2h15 de chants et prière. Cette
chorale a également des « missions »68 : concerts en prison, en maison de retraite, en
hôpital, animation de veillées de prières, de messes, ou encore comédies musicales. La
conférence Saint Vincent de Paul se présente également comme mêlant « étudiants et
jeunes pros », pour des missions d'aide à des publics en difficulté : distribution de lots
alimentaires, « maraudes » : marche nocturne à la rencontre des personnes sans domicile
de Toulouse, ou encore « visites d'amitié » à des personnes âgées, isolées ou malades.
Le service à des publics en difficulté, ainsi que les réunions mensuelles organisées
pour « prendre du recul sur [ses] activités »69 peut ainsi créer une solidarité entre les
bénévoles.
Dans un style différent, les Équipes « MAG+S » regroupent elles-aussi des
étudiants et des jeunes professionnels. MAG+S, réunion du Réseau Jeunesse Ignatienne,
Mouvement Eucharistique des Jeunes et de la Communauté Vie Chrétienne, constitue une
« nouvelle proposition à destination des jeunes de 18 à 25 ans »70. Les équipes Magis
proposent ainsi des « temps forts de formation spirituelle à travers un grand nombre
d'activités », entre autres des week-ends de formations et des séjours internationaux.
La présence de tels groupes au sein de la paroisse permet aux étudiants de se
constituer un réseau professionnel fondé sur une croyance commune, une appartenance
commune à un groupe de prière, d'évangélisation, de mission, de sport, etc, et souvent une
reconnaissance commune dans un courant du catholicisme.
Par ailleurs, une proposition portée par le diocèse de Toulouse, le réseau Jeunes
Pros Toulouse, regroupe des jeunes de 25 à 40 ans, pour les soutenir dans la pratique de
68 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/chants/lauda-mission-chorale-litugique
69 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/service-charite/la-conference-pier-giorgio-frassati-groupede-la-paroisse
70 http://www.equipesmagis.fr/Qui-sommes-nous
35
leur foi. Ce réseau ne vise pas les jeunes de la paroisse étudiante, mais leur propose une
suite à donner à leur engagement religieux, et une perspective pour le début de leur vie
professionnelle. Le diocèse de la Haute-Garonne établit ainsi une suite cohérente entre
plusieurs groupes, selon l'âge des personnes visées : la pastorale des jeunes toulousains,
pour les 12-18 ans, la pastorale étudiante et le réseau Jeunes Pro Toulouse. Le JPT se
donne trois objectifs : « rendre plus visible les différents groupes et mouvements
catholiques ouverts aux jeunes professionnels sur Toulouse », être un « relais d'information
entre ces groupes et mouvements, et les différents événements proposés », et organiser des
« rencontres ponctuelles » pour « se retrouver, échanger autour de messes ou de
conférences sur des thèmes liés à cette soif propre aux jeunes pro, et réaliser que nous
sommes nombreux à avoir ce même désir ». Les étudiants de la paroisse, entrant dans la
vie professionnelle, sont ainsi assurés de faire encore partie d'un groupe, qui suit le
développement logique de la paroisse étudiante de Toulouse.
2) Des compétences à mobiliser dans un contexte professionnel
La paroisse est enfin un lieu d'apprentissage d'éléments utiles à l'insertion
professionnelle des étudiants.
Certaines activités proposées par la paroisse permettent d'acquérir des compétences
qui ont plus à voir avec le monde professionnel qu'avec la vie religieuse.
C'est le cas du groupe d'évangélisation « Alpha Campus », adaptation étudiante des
« parcours Alpha ». Les parcours Alpha proposent à des personnes qui s'interrogent sur la
religion de participer à des dîners organisés par des croyants, autour de questions de foi.
L'objectif est de pouvoir échanger pendant un moment convivial, et d'avoir ainsi un regard
nouveau sur la foi. Les parcours « Alpha Campus » s'adressent spécifiquement aux
étudiants, pour leur permettre, lors d'un « parcours » de 7 dîners, d' « échanger sur Dieu et
sur les questions du sens de la vie », de manière libre, ouverte à tous, catholiques ou non,
croyants ou non. Le groupe Alpha Campus dispense une formation de plusieurs jours aux
étudiants qui souhaitent organiser des dîners Alpha Campus. Ils doivent ainsi acquérir
plusieurs compétences : « apprendre à parler de sa foi à des étudiants en recherche, animer
36
un groupe »71. Si elles peuvent paraître anodines à première vue, elles sont en réalité
centrales dans la préparation d'une vie professionnelle. En apprenant à parler de leur foi,
les étudiants acquièrent ainsi la capacité de parler d'eux, en public, mais également à
construire une argumentation, en faisant appel à la fois à la raison et aux sentiments des
personnes qu'ils ont face à eux. Ils apprennent également à s'adapter à leur public, à
trouver des images, des termes, qui soient parlants pour les personnes en face. Ce sont
autant de compétences réutilisables dans un contexte d'embauche ou d'entretien
professionnel. Ils apprennent également à animer à groupe, compétence qu'il est possible,
et même indispensable d'avoir pour une personne responsable d'une équipe. Les étudiants
peuvent donc acquérir des compétences réutilisables dans un contexte professionnel.
Les étudiants trouvent ainsi dans la paroisse un lieu de pratique de la foi, mais
également de préparation de leur vie professionnelle, en parallèle de leurs études. Les
étudiants de la paroisse sont ainsi vus comme futurs professionnels, ancrés dans la
modernité de leur époque. Pour les toucher, la paroisse doit donc leur délivrer son message
d'une manière attractive, qui puisse les interpeller et les intéresser. Pour ce faire, elle fait la
preuve de son ancrage dans la société contemporaine, en utilisant des modes de
communication modernes.
71 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/evangelisation/parcours-alpha-campus
37
Deuxième partie
Une communication moderne pour montrer la beauté de
l’Église
La paroisse souhaite faire savoir aux étudiants désireux de s'élever spirituellement
qu'elle est en mesure de leur fournir cette élévation, à travers un culte beau et travaillé.
Pour ce faire, elle bénéficie du développement fulgurant des techniques de
communications et met en place une stratégie communicationnelle digne d'une entreprise.
Elle va ainsi chercher des techniques du côté de la communication commerciale, et
notamment publicitaire et travaille à construire une image jeune et moderne, tout en
montrant son attachement au culte et au cérémonial qui l'entoure.
Elle utilise ainsi une communication moderne, qui témoigne d'une parfaite maîtrise
des codes de la communication publicitaire (I), afin de mettre en avant la beauté de
l’Église et du culte (II).
I. Une communication moderne
La paroisse a su se saisir des opportunités qu'offre le développement des médias de
masse, et notamment des codes qui l'accompagnent. L'abbé Simon d'Artigue, à l'image de
célèbres figures de l’Église catholique – Mère Teresa, Sœur Emmanuelle, le Père Di Falco,
Guy Gilbert, Jean-Paul II - a « parfaitement intégré [la] logique de personnalisation »72 des
médias, et se réapproprie ce code médiatique pour le mettre à profit de l'évangélisation.
(A). Il contribue ainsi à la stratégie plus vaste de construction d'une image de marque de la
paroisse (B).
72 Henri TINCQ, « Eglise-médias : la double méprise », op. cit.. pp. 171-176
38
A. Le prêtre : un communiquant qui s'adresse à son public avec habileté
L'abbé Simon d'Artigue incarne les exigences de modernité, de dynamisme, mais
aussi de proximité de la paroisse dans ses homélies. S'il faut commencer par souligner son
charisme certain, qui en fait la figure emblématique de la paroisse, ses techniques oratoires
n'en sont pas moins indissociables du succès de ses homélies. Dans ses prêches, il s'attache
à abolir la distinction des positions entre prêtre et fidèle et instaurer une certaine
horizontalité dans ses rapports aux fidèles, afin de les faire se saisir des problématiques
qu'il aborde dans ses homélies. Il ancre ainsi ses discours dans l'actualité (1), s'adresse à
chaque étudiant individuellement pour les rendre actifs (2) et utilise un registre de langue
populaire (3).
1) Un communiquant en phase avec son public. S'appuyer sur l'actualité
pour donner du poids à son discours
Les homélies de l'abbé Simon d'Artigue s'appuient sur des exemples prosaïques,
concrets et parlants pour les étudiants, pour les encourager dans la voie de la prière et de
l'adoration. Ses homélies contiennent ainsi de nombreuses références aux médias, et
notamment à des figures médiatiques, connues des étudiants.
Pendant l'Avent, il fonde ainsi une de ses homélies sur une publicité pour Canal
Plus73, et réussit à l'utiliser pour questionner profondément les étudiants.Après avoir
raconté la publicité aux étudiants74 et salué son humour, « c'est une parodie, [...] c'est
même plutôt bien fait, on peut en sourire. »75, il alerte les étudiants sur le danger qu'ils
courent à se laisser attirer par la société de consommation (symbolisée par la télévision de
la publicité) en délaissant la pratique de la foi (l'enfant Jésus abandonné dans sa crèche).
Une autre fois, il utilise la figure ultra médiatique de la candidate de téléréalité
73 Publicité Canal Plus, « The wise man » http://www.dailymotion.com/video/x18d63s_pub-canal-pournoel-the-wise-man_tv
74 « Comme dans l'Évangile un roi mage, un des trois rois mage qui avance péniblement dans le désert, la
tête dans les étoiles, il se dépêche, il titube, il tire son pauvre chameau. Comme dans l'Évangile l'étoile le
guide. Comme dans l'Évangile, il finit par arriver à Bethléem. Comme dans l'Évangile, l'étoile s'arrête au
dessus de la crèche. Comme dans l'Évangile, il entre et là il trouve l'enfant Jésus dans une mangeoire »
75 Homélie du 5 janvier 2014, « Idolâtrie ou agenouillement », Annexe 1
39
Nabilla, pour introduire son discours, avec son fameux « Non mais allô » qui l'a rendue
célèbre. Il débute ainsi son prêche par : « Hein, Allô, non mais allô quoi… t’es le fils de
Dieu et tu laisses mourir ton ami Lazare ; allô, allô, j’sais pas… vous me recevez ? Non
mais allô, c’est comme si je disais t’es le messie et tu peux pas sauver Lazare, non mais
allô quoi ? Non mais allô tu sers à quoi alors ? »76. Ce mélange entre profane et sacré, entre
Nabilla et Jésus ou Lazare, qui nous a paru très surprenant au premier abord, fait partie
intégrante de la stratégie communicationnelle mise en œuvre par le prêtre de la paroisse.
Cette absence revendiquée de distinction entre sacré et profane laisse à penser que la foi
peut être présente dans la vie quotidienne des étudiants, dans leurs actions les plus
habituelles et anodines. Cette volonté de mettre sur un pied d'égalité les témoignages sur la
vie de Jésus et des éléments très concrets de la société contemporaine ressort également
dans la suite du prêche. Ainsi, « quand t’es Nabilla, ou quand t’es Marthe ou même Marie
tu comprends pas pourquoi Jésus reste deux jours à rien faire avant de venir vers Lazare,
parce que encore s’il avait des trucs essentiels à faire, une retraite à prêcher, un aller retour
Périgueux Toulouse pour sauver quelqu’un, un dîner presque parfait à honorer mais là
rien !! L'Évangile nous dit qu’il « demeure deux jours où il se trouvait » peinard, comme
s’il attendait quelque chose ».
L'abbé Simon d'Artigue joue souvent sur ce mélange entre sacré et profane,
montrant par là deux choses à son public, d'une part que la religion ne s'arrête pas aux
portes de l’Église mais qu'elle doit rayonner dans la vie de tous les jours, et d'autre part
qu'il connaît et maîtrise les codes de la jeunesse et des étudiants.
2) S'adresser à chacun des auditeurs, pour les transformer en spectateurs
actifs
Les homélies du Père Simon d'Artigue sont truffées de références au monde
étudiant, ce qui lui permet de montrer sa proximité avec son public et sa compréhension de
ses principales problématiques. Ainsi, plusieurs thématiques reviennent régulièrement dans
ses prêches : l'alcool, les soirées et le rugby.
Ses références au sport, et généralement plus spécifiquement au rugby reviennent
76 Homélie du 17 mars 2013 : « Non mais allô quoi ! »
40
dans de très nombreux prêches. Ainsi, le 17 avril, il parlait de « regarder télé-foot ». Un
mois plus tôt, il évoquait longuement les déconvenues du Stade toulousain, et sa récente
victoire contre Perpignan, 37 à 9, après 10 défaites depuis le début du Top 14 : « Il y en a
un qui est beaucoup moins inquiet depuis hier soir ? C'est Guy ! Oui depuis deux mois il
était inquiet Guy, avec ces doublons qui lui pourrissaient la vie, son infirmerie qui ne
désemplissait, son incapacité à remporter le moindre match à l'extérieur, l'adversité
manifeste des arbitres contre lui, oui tout ça, ça le rendait inquiet. Vous, vous en foutez
peut-être un peu, mais un toulousain normalement constitué, il compatit à l'inquiétude de
Guy, oui, Guy Novés, l'entraîneur du stade toulousain ! »77. Le 6 avril 2014, il parlait des
« irlandais du Munster », pour qui « la gloire […] c'est quand ils foutent une tannée au
grand stade toulousain »78. Ces références fréquentes au rugby inscrivent elles-aussi les
homélies dans la quotidienneté et le profane.
Une autre thématique régulièrement abordée par le prêtre lors de ses homélies est la
fête et l'alcool. Ainsi, dans son homélie du 10 mars 2013, il parlait d' « aller en boîte », une
autre fois, il évoquait la possibilité de « siroter une bière peinard au soleil couchant sur la
Garonne ». Il montre par là qu'il connaît la réalité de la vie étudiante, qu'il ne juge pas les
étudiants parce qu'ils boivent ou qu'ils font la fête. Il signifie également que le fait de boire
une bière n'est pas répréhensible en soi, qu'il s'agit d'une composante normale de la vie
étudiante. Il évoque ainsi les « happy hour chez Tonton » et les « vendredis soirs sur la
place Saint-Pierre ! » (2 mars 2014).
Enfin, le prêtre ne s'adresse pas à son auditoire dans sa globalité, mais à chaque
étudiant présent dans la salle. Il tutoie ainsi son auditoire dans ses homélies, s'adressant
ainsi directement à chaque personne qui l'écoute, et non pas à une masse de fidèles. Dans
l'homélie du 19 janvier 201479, il utilise par exemple le tutoiement à 96 reprises, sur un
total de 1456 mots. Soit un « tu », « te », « t' » ou « toi » tous les 15 mots. Il utilise
également des formulations qui impliquent directement les destinataires : « vous vous
dites », « écoute le Christ », etc. Chaque étudiant qui écoute le prêche se sent ainsi
personnellement touché par les propos du prêtre.
3) Un côté populaire et « bon pote »
77 Homélie du 1e mars 2014 : L’inquiétude, Annexe 1
78 Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?, Annexe 1
79 Homélie du 19 janvier 2014 : Appelés, annexe 1
41
Outre le tutoiement et les adresses personnelles aux étudiants, le prêtre s'adapte à
son public également dans sa manière de parler. Il utilise un niveau de langue relativement
bas, et des tournures syntaxiques pauvres, voire incorrectes.
Des termes du langage parlé, voire des termes grossiers, apparaissent régulièrement
dans ses homélies. Ainsi des termes « dingue », peinard », « me lâcher », « des
conneries », dérouillée », « on se marre », « chiante », ou encore l'expression « se tirer les
doigts »80. L'utilisation de tels termes dans des homélies est inhabituelle et montre la
volonté délibérée et revendiquée du prêtre de se mettre à la hauteur des étudiants, en
utilisant un langage similaire au leur. Il ne se place pas sur un piédestal, mais au même
niveau. Les personnes qui l'écoutent peuvent d'une part mieux comprendre le message
qu'il souhaite faire passer, et d'autre part s'identifier à lui.
Ce faisant, au-delà de simplement utiliser une sémantique propre à la jeunesse81, le
prêtre s'approprie ce langage, créant ainsi une identité entre le locuteur (lui-même, et ainsi
l’Église catholique) et les destinataires du message (les jeunes étudiants catholiques
toulousains). Il en va de même pour les tournures de français syntaxiquement incorrectes,
de la suppression de la négation (« c'est pas » au lieu de « ce n'est pas »), l'utilisation du
« t'es » au lieu du « tu es », ou encore des interjections, comme « eh ben ». Le Père Simon
d'Artigue permet ainsi aux jeunes de mieux se saisir des messages de ses prêches.
Si les prêches montrent la volonté de la paroisse de s'adresser aux étudiants en
s'appropriant les codes de la jeunesse, l'étude de la communication de la paroisse à
destination de l'extérieur de l’Église montre la manière dont elle se construit une image de
marque, par des procédés similaires à ceux utilisés dans la publicité.
B. L'utilisation des codes de la communication publicitaire
80 Homélie du 3 mars 2014 : « L'inquiétude »
81 Utilisation qui, pour Julien Goupil, ne peut être que contre-productive, puisqu’elle est perçue comme
inappropriée. Agnès PECOLO, « De la communication commerciale à la communication publique : de la
segmentation à la catégorisation », Communication & Organisations, n° 40/2011
42
La paroisse étudiante de Toulouse n'échappe pas à la prise d'importance de la
communication commerciale, qui prend petit à petit le pas sur la communication publique.
L’Église n'est pas la seule touchée par ce phénomène, c'est également le cas pour les
collectivités territoriales82 ou les organisations politiques83. La paroisse met en avant des
éléments distinctifs dans sa communication, créant une image de marque qui facilite
l'identification de la paroisse pour les personnes extérieures. Elle utilise pour ce faire des
codes de la communication publicitaire qu'elle réinvestit dans des techniques plutôt
traditionnelles (1), mais aussi des moyens généralement utilisées par les entreprises (2).
1) La publicité par les flyers
La paroisse distribue de nombreux flyers à l'entrée de l'église Saint-Pierre des
Chartreux et Notre-Dame de la Daurade. Cette technique de publicité permet à la paroisse
d'afficher son slogan « Soif d'autre chose », son logo et ses couleurs sur la majorité des
flyers distribués.
Certains des flyers assurent la promotion de la paroisse la rendent visible, ils
suivent de ce fait une logique publicitaire. De deux types, ils utilisent uniquement le
slogan de la paroisse pour la présenter. (Soif d'autre chose ? ; Soif d'autre chose, Ben
[XVI]). Le « Soif d'autre chose. Ben [XVI] » reprend une phrase inscrite sur d'autres
objets publicitaires de la paroisse : des sweatshirts. Ils sont écrit en blanc sur fond rose,
sans
aucune
explication
autre
qu'un
QR
code,
« www.pastoraleetudiantedetoulouse.fr/Pages/formation.aspx.
qui
Le
mène
à
l'adresse
verso
donne
des
informations sur l'origine du tract et son objectif. Il est ainsi indiqué qu'il s'adresse à des
étudiants croyants : « Étudiant en université à Toulouse, tu as soif... de convivialité ? De
vie spirituelle ? De Dieu ? » et en noir et gras : « Soirées du CCU ». Le tract annonce
également le programme : « 19:00 Messe, 20:00 Repas, 21:00 Formation ». Une grande
flèche indique le lieu de rendez-vous, le centre catholique universitaire de Rangueil.
L'autre flyer représente le logo de la paroisse étudiante, qui surmonte deux glaçons en train
de tomber dans de l'eau claire. Des gouttes d'eau jaillissent à l'endroit où les glaçons ont
82 Pour Julien Goupil, « les techniques développées dans la communication territoriale s'apparentent de plus
en plus aux techniques de la communication « commerciale » on voit désormais apparaître des termes de
marque territoriale, de marketing territorial... ». Agnès PECOLO, Ibid.
83 Delphine IOST, « L'extrême-droite allemande : une stratégie de communication moderne », Hérodote,
2012/1, n°144, p. 60-76
43
troué la surface de l'eau, et des bulles d'air accompagnent la descente des glaçons. En bas à
droite, le slogan « Soif d'autre chose » est suivi d'un point d’interrogation, en gras, qui
ressort sur le fond blanc. Les deux couleurs utilisées sont le rose et le bleu. Il n'y a aucune
indication ni information au recto. Celles-ci se trouvent au verso du flyer, qui pose les
mêmes questions que l'autre, en y apportant une réponse légèrement différente, puisqu'il
donne l'horaire de la messe du dimanche soir à Notre-Dame de la Daurade. Est également
indiquée la tenue d'un repas après la messe.
Les autres flyers sont dédiés aux groupes qui gravitent autour de la paroisse. Ils
indiquent les activités proposées par la paroisse (Open Church, la préparation de noël, la
messe de rentrée, la Session de rentrée, les Jéri'Coloc), et font la promotion des groupes
hébergés par la paroisse. Sur la majorité d'entre eux, le slogan « Soif d'autre chose »
apparaît également.84
2) Les « goodies » : la paroisse qui se démarque
La paroisse dispose également d'objets publicitaires que peuvent se procurer les
étudiants. Ceux-ci peuvent être payants et constituer alors un signe de reconnaissance et
d'appartenance au même groupe : c'est le cas des sweatshirts. Il en existe également des
gratuits, distribués aux étudiants, qui montrent l'inscription de la paroisse dans les
préoccupations des étudiants : c'est le cas des sous-verres.
La paroisse vend des sweatshirts gris ou rose à capuche, qui portent un discret logo
de la paroisse sur la poitrine et la phrase « Soif d'autre chose », avec la signature « Ben
[XVI] » dans le dos. La référence à l'artiste Ben est doublée d'un clin d’œil à Benoît XVI,
et la couleur rose renvoie directement à la couleur choisie par la paroisse dans sa stratégie
publicitaire. Ces sweatshirts sont payants (20€), les étudiants qui les portent ont donc
accepté de débourser de l'argent, témoignant de leur attachement à la paroisse, et de leur
désir de le revendiquer. La paroisse vend également des foulards (« chèches ») rose
fuchsia, au prix de 7€, témoignant eux-aussi d'une volonté d'afficher son appartenance au
groupe.
84 Les flyers, Annexe 4
44
La paroisse distribue également des objets publicitaires, entre autres des sous-bock
et des stickers. Les sous-bocks, rose vif avec le slogan écrit en blanc, font écho à la fois
aux nombreuses références à la bière et à l'alcool faites par l'abbé Simon d'Artigue dans
ses homélies, et au Christ. Ils sont un moyen original de faire passer le message
évangélique, en utilisant les préoccupations prosaïques des étudiants.
Enfin, même s'il ne s'agit pas à proprement parler de « goodies », les foulards de
couleur rose sont en train de devenir un signe distinctif de la paroisse. Le site, en jouant
sur les camaïeux de rose, en faisant ressortir le rose comme couleur distinctive de la
paroisse dans les photos, en fait une couleur qui identifie ceux qui la portent à des
membres de la paroisse.
Ainsi, la paroisse utilise une stratégie publicitaire, pour rendre visible sa modernité
et son inscription dans les préoccupations des étudiants. Mais elle conserve sa spécificité
en mettant en avant sa proposition d' « autre chose », c'est à dire d'une vie spirituelle riche.
Et pour ce faire, elle utilise l'image pour mettre en avant la beauté du culte.
II. La beauté du culte, mise en avant à travers l'image
La paroisse place l'image au cœur de sa communication, qui a pour rôle
d'interpeller, mais également de donner à voir la beauté du culte. La paroisse réutilise ici
une stratégie déjà mise en place par l’Église catholique au moment de la Réforme, et qui
avait pour objet de montrer aux fidèles la richesse du catholicisme. La paroisse axe ainsi sa
communication autour des images (A), qui ont pour objet de donner à voir la beauté et la
richesse du culte et ainsi de la foi et de l'Eglise (B).
A. La centralité de l'image baroque...
Pour commencer, la paroisse centre sa communication sur les images, qui
reprennent des codes de l'art baroque, notamment l'abondance du mouvement et des
45
couleurs et la représentation du cœur de l'action. Les images, et parmi elles les
photographies occupent ainsi une place de choix sur le site internet de la paroisse (1), où
elles attirent l’œil par leur quasi-dramaturgie (2).
1) La centralité de l'image dans la communication de la paroisse
Le site internet de la paroisse est axé sur l'image. Que ce soit sur la page d'accueil
du site internet ou sur ses pages principales, les images occupent un espace considérable.
Figure 5 : Illustration : la Challenge des Cathédrales
Sur la page d'accueil, les onglets sont ainsi disposés autour d'un diaporama
d’images en noir et blanc, situé au centre de la page. Il est composé de huit images, qui
changent toutes les cinq secondes. Le passage d’une image à l’autre se fait par plusieurs
dispositifs : la superposition de carrés de la nouvelle image, qui recouvrent petit à petit
l’ancienne. Un balayage d’écran, du centre vers la périphérie, ou encore un glissement de
l’image, qui se décompose en se décalant, pour laisser place à la nouvelle image. Chaque
image est accompagnée d'un titre et d'un court texte explicatif, qui prennent entre un
dixième et un tiers de l'image. Tous les grands onglets du site reprennent la présentation de
la page d’accueil : un diaporama défilant au centre, entouré des onglets de la semaine (à
gauche), du logo (en haut à gauche), des onglets principaux (en haut à droite), des onglets
à droite et des liens vers la page Facebook, Twitter, Google+, YouTube et lien RSS (en
bas).
46
La taille imposante des images attire instantanément l’œil du visiteur et le fait qu'il
s'agisse d'un diaporama accentue cet effet. En effet, le diaporama est le seul élément
mouvant de la page. En outre, le changement d'image crée une curiosité chez visiteur, en
attente de la prochaine image. Enfin, les effets dynamiques utilisés pour passer d'une photo
à l'autre accentuent cet effet, le visiteur étant d'une part surpris par ce mode de
changement, et d'autre part intrigué par l'effet visuel que provoque ce changement, faisant
apparaître des superpositions étonnantes.
La page d'accueil du site internet, ainsi que les onglets principaux, sont mis en page
de telle manière que l’œil est automatiquement attiré par l'image.
De plus, le site fait des renvois constants à des images, photos ou vidéos, qui
illustrent l'activité fourmillante de la paroisse. C'est ainsi que la page d'accueil comprend
deux espaces spécifiquement dédiés aux photos et vidéos : les onglets « Mur de vidéos » et
« Albums photos », qui guident le visiteur vers les vidéos et les photos des derniers
événements importants de la paroisse. Ils mènent ainsi respectivement au « teaser du
Challenge des Cathédrales » et aux photos de cet événement sportif, possibilité étant
laissée aux visiteurs de regarder les photos d'autres événements, dans l'onglet « les albums
photos » : « Vigile pascale 2014 : 8étudiants baptisés ! », « JMJ de Rio avec Toulouse ! »,
« Exode 31, épisode 2014 », « JMJ Madrid, saison 2011 », « Béatification de JPII ».
Mais si les images occupent une place centrale sur le site internet de la paroisse,
elles sont également caractérisées par une abondance de couleurs et de mouvements,
montrant ainsi le culte en action, la dramaturgie de la religion.
2) L'image baroque, au cœur de la communication de la paroisse
Plusieurs images du site internet montrent la proximité de la communication de la
paroisse avec l'art baroque. Ainsi, les images sont souvent très colorées, en mouvements,
rappelant la définition donnée de la peinture baroque : « caractérisé par des couleurs riches
et profondes ainsi qu’une lumière intense et des ombres importantes. Il est destiné à
susciter l'émotion et la passion »85. Les diaporamas du site internet de la paroisse montrent
ainsi la religion en action.
85 http://www.art-baroque.net/peinture-baroque.html
47
Figure 6 : Illustration : Art et sport, même combat !
Ainsi, une des images de l'onglet « les groupes » montre un groupe de jeunes
hommes en train de jouer au rugby. Les couleurs sont passées, comme sur une vieille
photo argentique. Les joueurs sont dans un champ et le porteur de ballon est sur le point de
se faire plaquer par un autre joueur. Ils sont six ou sept autour du ballon, une bataille au sol
se prépare. Ils sont tous en mouvement, dans l’action et semblent très concentrés sur le jeu.
Figure 7 : Illustration : évangéliser, pas pour moi ?
La photo présentant une soirée « DJ in the Church », est quant à elle totalement
saturée en couleur et en contrastes. Deux grands faisceaux lumineux, un vert pomme
éblouissant et un bleu cyan très lumineux, traversent une pièce où tout est rose vif. Au
premier plan, deux hommes semblent avoir une discussion animée, au-dessus de platines,
éclairées par la lumière verte. Dans le reste de la pièce, une foule est en train de danser.
48
Ainsi, la paroisse met au cœur de sa communication une imagerie colorée, vivante,
en mouvement, qui n'est pas sans rappeler l'art baroque.
B. … Pour mieux montrer la grandeur de l’Église et du culte
L'objectif poursuivi par la paroisse étudiante est d'évangéliser tous les étudiants, et
si possible, les convertir au catholicisme, ou leur donner envie de pratiquer leur foi avec
davantage d'assiduité. Face à un monde désenchanté et empreint de scepticisme, la
paroisse tente d'encourager les étudiants à se tourner vers le catholicisme et la foi. Ce
contexte de crainte d'une forte diminution du nombre de fidèles, associé à une utilisation
d'une imagerie visant à interpeller les visiteurs, associé à une volonté réformatrice de la
part de la paroisse n'est pas sans rappeler la période de la Contre-Réforme et son utilisation
d'une imagerie baroque (1). La paroisse met ainsi en scène la grandeur de l’Église et de la
foi, et « confront[e] les hommes à leur pauvreté spirituelle » pour « susciter le désir d'en
sortir »86 (2).
1) L'art baroque, au service de l'Eglise catholique pendant la Contreréforme
La Contre-réforme (ou Réforme catholique), intervient au XVIe siècle, alors que le
mouvement de la Réforme, mené par Luther et Calvin, prend de plus en plus d'importance
et amène de plus en plus de fidèles à la conversion au protestantisme. Elle apparaît en
réaction à ce mouvement de conversions, et tente de l'endiguer, en s'appuyant sur ce qui
peut attirer les croyants vers le catholicisme plutôt que le protestantisme. Pour Robert
Sauzet, qui a étudié des figures de la Contre-réforme dont le rôle a été central dans la
restauration du catholicisme dans leurs diocèses respectifs, estime que la stratégie utilisée
pendant la Contre-réforme, élaborée pendant le concile de Trente entre 1545 et 1563,
consistait à vanter les atouts de l’Église catholique et dont le protestantisme était dénué.
Elle s'est ainsi largement appuyée sur l'art baroque, « destiné à susciter l'émotion et la
86 Emile GABEL, L'enjeu des médias, op. cit. pp. 177-178.
49
passion au lieu de la rationalité calme »87 du protestantisme. Cette période a ainsi donné
naissance à ce que l'auteur désigne par le terme de « pastorale baroque », caractérisée par
« la manifestation de besoins d’expression spectaculaire du sentiment religieux et de
festivité conjointe »88. Une des raisons de cet intérêt pour l'art baroque était le fait qu'il
permettait de mettre en valeur la beauté de l’Église, ses richesses et ses trésors, se
distinguant ainsi radicalement de la Réforme.
Pendant la Contre-réforme, l'art privilégié est ainsi le baroque et notamment la
peinture baroque, caractérisée par son abondance de formes, de couleurs, l'exagération du
mouvement et la représentation de l'acmé de l'action.
L'art baroque est réutilisé par la paroisse étudiante, comme en témoigne l'utilisation
d'une peinture du Caravage sur l'ancien site internet. L'ancien site internet de la paroisse
tentait ainsi déjà d'attirer l'attention du visiteur par des images baroques.
La paroisse semble ainsi s'inspirer de l'art baroque pour sa communication, centrée
sur l'image, qui montre la beauté et la grandeur de la foi et de l’Église, en insistant sur le
cœur de l'action : la célébration religieuse.
2) Montrer la beauté du culte
Les images utilisées pour montrer le cœur de l'activité paroissiale, c'est à dire le
culte, mettent toutes en scène un culte très beau et monumental.
87 http://www.art-baroque.net/peinture-baroque.html
88 Robert SAUZET, « Baroque et Contre-Réforme dans la France méridionale au XVIe siècle », Baroque,
1984, n°11
50
Figure 8 : Une image baroque pour une célébration belle
Ainsi, la photo illustrant les « Temps liturgiques » montre une scène de célébration
qui semble sortie d'un autre temps. Une dizaine de servants de messe, tous vêtus d'une
aube, se tiennent debout derrière le prêtre, en chantant. Les servants semblent avoir entre 8
et 18 ans. Deux d’entre eux tiennent chacun un très gros et grand cierge, allumé. Celui qui
est derrière le prêtre tient probablement un encensoir, car un nuage d’encens baigne la
scène. Tous regardent un point au loin et semblent sereins et pénétrés. Une lumière forte
frappe l’épaule gauche du prêtre et éblouit la moitié de son visage. Cette image est très
belle, les couleurs douces et passées donnent un aspect quasiment tendre à l'image, quand
les contrastes font ressortir l'aspect transcendant de la scène. L'ensemble pourrait presque
constituer une peinture. Par cette image, la paroisse revendique une certaine beauté, un
caractère grandiose dans ses évocations de la pratique de la foi.
Figure 9 : Un culte grandiose
51
Cette autre photo, illustrant la possibilité de télécharger les homélies, a été prise
dans l’église Notre-Dame de la Daurade, pendant une messe. Le regard est d’abord
accroché par l’abbé Simon d’Artigue, de dos, habillé d’une toge verte, en train de prêcher.
Derrière-lui, un crucifix d’environ deux mètres de haut est à la verticale sur l’estrade sur
laquelle est posé l’autel. Juste derrière le prêtre, un enfant de servant de messe est assis,
habillé d’une aube blanche. L’église est remplie de fidèles, éclairés par la lumière des
lustres qui pendent du plafond. Les murs sont ornés de tableaux immenses et dans le fond,
une très grande porte en bois marque la séparation avec l’extérieur. Il ressort de cette image
une impression de grandeur, de dévotion, de tradition et de passé glorieux. La paroisse
accorde ainsi une attention toute particulière à la qualité esthétique des messes, et met en
avant leur grandeur. Cette impression est très fortement contrebalancée par le titre de la
photo « Homélies en podcast », qui remet le visiteur dans le temps présent, avec
l’utilisation du terme de « podcast », qui renvoie à internet et au téléchargement. La
paroisse joue ainsi sur les contrastes entre la tradition et la modernité, entre le caractère
grandiose et sacré du culte, et l'aspect technologique du téléchargement.
Bénédicte Rigou-Chemin observait enfin un Saint-Sacrement montré par le prêtre
lors de la Pentecôte. Cet objet magnifique, représentant un soleil surmonté d'une croix,
entièrement doré, est également une réminiscence de Réforme catholique. La beauté de
l'objet montre ainsi la richesse de l’Église, mais c'est surtout le contraste marqué entre le
soleil et le reste de l'image, très sombre, qui rappelle la Contre-réforme. Ce soleil
symbolise l'apostolat qui suit la descente de l'Esprit Saint sur les apôtres au moment de la
Pentecôte. La lumière de la foi vient ainsi éclairer les ténèbres de l'incroyance. Cette
symbolique de la lumière et de l'ombre rappelle l'observation de Robert Sauzet, sur une
des figures importantes de la Contre-Réforme, Anthime Denis Cohon, devenu évêque de
Nîmes en 1634, qui « affectionnait les images de lumière, appuyant sa dialectique sur le
couple soleil (Dieu ou le Roi) nuages ou nuit (la nature humaine - les sujets) »89.
La paroisse utilise ainsi des images baroques pour montrer la grandeur et la beauté
de la pratique de la foi, du culte et de l’Église. En cela, elle met en avant une Église
désireuse de conserver une certaine grandeur et une transcendance. Sur les images
utilisées, le prêtre est montré comme la condition et le garant de cette beauté et de cette
89 Robert SAUZET, Ibid.
52
grandeur. C'est en effet lui qui mène le culte, et qui décide de sa mise en scène.
Globalement, la communication reprend des stratégies de la communication
publicitaire en accordant une place prépondérante à l'image, et s'appuie sur une imagerie
tridentine, pour mettre en avant ses atours, susceptibles d'attirer les étudiants. Elle donne
ainsi à voir la qualité esthétique du culte, donnant en cela raison à l'historien de la religion
Odon Vallet, qui estime qu'en « améliorant la qualité de l'office » il est possible de « faire
revenir des fidèles »90. La paroisse réutilise ainsi les codes de la communication
publicitaire et la détourne pour vanter les mérites, non pas d'un produit, mais d'un système
de valeurs fondé sur le message évangélique.
90 Interview d’Odon Vallet, « Quand la messe est belle, l'édifice est plein », Le Parisien, le 01.07.2012
http://www.leparisien.fr/societe/religion-odon-vallet-quand-la-messe-est-belle-l-edifice-est-plein-01-072012-2072892.php
53
Troisième partie
Elle souhaite ainsi rendre désirable les valeurs qu'elle
défend, à contre-courant de la société de consommation
La paroisse met en avant les valeurs qu'elle défend, et qui vont à l'encontre de la
société de consommation. Elle prône ainsi des valeurs fondamentales du christianisme, à
savoir la fraternité, l'amour du prochain, le refus de la violence et le pardon 91. La place du
prêtre est centrale dans l'énonciation et la défense de ces valeurs, puisque c'est lui
détermine l'orientation de la paroisse, traçant les frontières entre extérieur et intérieur du
groupe. C'est ainsi à lui que revient le rôle d'énoncer les valeurs portées par la paroisse,
tâche qu'il assure dans ses homélies (I). Ce système de valeur énoncé, il revient à toute la
paroisse de les défendre contre les critiques auxquelles doit faire face l'ensemble de
l'institution ecclésiale (II).
I. Les homélies, comme lieu d'énonciation des valeurs critiquées ou
au contraire portées par la paroisse, à destination du groupe
Les homélies, prononcées quasiment à chaque messe par l'abbé d'Artigue, lui
permettent, outre de proposer une interprétation des extraits des évangiles lus auparavant,
d'énoncer aux fidèles les valeurs que la paroisse réprouve, et celles qu'elle approuve. Il
critique les comportements liés à l'individualisme de la société contemporaine avant de
valoriser ceux qui s'inspirent d'une morale chrétienne. Les homélies créent ainsi une figure
repoussoir de l'étudiant non-catholique, le « gros païen », qui, mis en parallèle avec la
figure de l'étudiant catholique, incarne les valeurs que la paroisse réprouve et permet ainsi
de définir le groupe par ce qu'il n'est pas. (A) Au-delà, elles déterminent les
91 Valeurs énoncées dans l'homélie du 30 mars 2013 : Si tu y crois. https://soundcloud.com/pierre-deschartreux/30-03-13-hom-lie-sam-vigile
54
comportements acceptés et valorisés à l'intérieur du groupe, et définissent ainsi le groupe
par les valeurs qu'il porte. (B)
A. La figure de l'extérieur et la figure de l'intérieur
Les homélies permettent au prêtre de verbaliser et ainsi de faire savoir à l'ensemble
du groupe de croyants quelle est la frontière entre l'extérieur et l'intérieur du groupe. Cet
extérieur et cet intérieur se caractérisent par deux figures : le « gros païen »92 et l'étudiant
catholique. Le prêtre établit ainsi une distinction entre ces deux figures, l'une faisant office
de repoussoir, (1) tandis que l'autre est désignée comme un modèle à suivre. (2)
1) Le groupe défini par ce qu'il n'est pas : la construction de la figure
repoussoir
Le « gros païen »
Dans ses prêches, le prêtre construit une figure caricaturale de l'étudiant toulousain
non croyant, préoccupé uniquement de la vie matérielle, préoccupé par l'alcool, la fête, et
éventuellement les relations sexuelles. Cette figure est connotée très négativement par le
prêtre, qui, en la caricaturant, la rend risible.
Cet étudiant qu'il met en avant dans les homélies est paresseux et mène une vie
centrée sur la fête. Ainsi, la première pensée qui est viendrait aux nouveaux arrivants
toulousains serait : « Tu arrives à Toulouse, enfin tu quittes tes parents, tu t'éloignes du
diktat que ces fascistes patentés faisaient peser sur tes épaules, à toi la grande liberté », qui
consiste à « faire ce que je veux » : « me coucher à 5h00 du matin, me lever à 12h00,
sécher mes cours peinard... ». Cela serait, pour les étudiants, synonyme de « vraie
vie ! » »93 Le 1e décembre 2013, il estime également que « ce que fait l'étudiant de mieux,
c'est de veiller ». Ainsi, « pour rendre son rapport à l'arrache : il veille, pour réviser mes
400 pages de cours à trois/quatre jours des partiels, là il est prêt à veiller. Le jeudi, le
92 Ici et suivant : Homélie du 27 avril 2014 : Le regard de la foi en Sa miséricorde, Annexe 1
93 Homélie du 9 mars 2014 : Vivre libre !, Annexe 1
55
vendredi, le samedi, l'étudiant veille ! Il ferme pas l’œil de la nuit ». « ça c'est sur les
étudiants c'est des veilleurs, des veilleurs de compétition rarement couchés avant minuit.
Rarement levés avant midi »94.
Dans sa bouche, les étudiants sont également pressés. C'est ainsi que pour la messe
de Pâques, il apostrophe les auditeurs sur un ton de connivence : « c'était un peu long
non ? Vous savez quoi ? On aurait pu prendre juste 3-4 lectures au lieu des 9, et même
pour aggraver mon cas, je dois vous avouer qu'il existait des versions courtes : on aurait pu
gagner, allez, 10 bonnes minutes »95. Le pendant à ce désir d'immédiateté, d'absence
d'attente est la volonté de jouissance de la part des étudiants. Préoccupée uniquement par
le moment présent, la figure qu'il crée ne se préoccupe pas de l'avenir : « j'ai bien le temps
de penser à la mort, je suis jeune c'est bon, j'ai une vie à vivre ».96 Et les étudiants sont
également sensés souhaiter assouvir des plaisirs fugaces : « Mon père, une question.
Coucher c'est pas tromper hein ? Allez, on est d'accord ? Euh non. Vous croyez ?... Bon
alors embrasser, juste embrasser, embrasser, c'est pas tromper ? Embrasser, juste un baiser
comme ça pour rire, un soir en boîte, comme ça par mégarde, un traquenard, mon père,
c'est pas tromper ça ? Ah si, ça aussi vous croyez que c'est tromper ? ». Comme il est
possible de le voir dans cet extrait, visible par le nombre important de questions en
demande de réponses précises, les étudiants seraient également en recherche de certitudes,
qui les rassureraient. Il imite ainsi la réponse d'un étudiant à qui il demanderait s'il croit :
« Mais tout ça, c'est de l'ordre de la promesse, c'est de l'hypothétique. Oui tu as raison,
c'est de l'ordre de la promesse », et de lui proposer « une preuve, une preuve flagrante,
définitive, irréfutable » 97 pour le convaincre.
L'abbé Simon d'Artigue construit ainsi la figure de l'étudiant toulousain, avide de
faire la fête, pressé, souhaitant jouir des plaisirs immédiats et inquiet.
La construction d'une figure repoussoir
Pour faire de cette figure d'étudiant inquiet et préoccupé du matériel un repoussoir,
le prêtre utilise plusieurs procédés. Pour commencer, il distingue un « eux » où les noncroyants sont regroupés, et un « nous » qui désigne les croyants et paroissiens. Cette
opposition des termes « eux/ils » et « nous » revient fréquemment dans ses homélies. Il dit
94
95
96
97
Homélie du 1e décembre 2013 : Veillons, Annexe 1
Homélie du 19 avril 2014 : Le crois-tu ?, Annexe 1
Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?
Homélie du 19 avril 2014 : Le crois-tu ?
56
« nous/nos » plus de quarante fois le 1e juin, qu'il oppose au « on » général : « on
reprochait aux catholiques », « on nous a reproché », « on s'empresse de dire à l’Église que
ce n'est pas son rôle », etc. Il met également face à face le groupe des croyants et celui des
non-croyants : « c'est rare qu'ils vous interrogent sur Jésus Christ, ils vous interrogent sur
des choses bien plus fondamentales, c'est à dire le mariage des prêtres […] aucun point
absolument central de notre foi. Et nous, nous répondons »98 De la même manière, dans
l'homélie du 27 avril 2014, lorsqu'il parle des « gros païens », il estime que le doute de
Saint-Thomas, « ça les rassure » et « ça nous rassure un peu, nous aussi »99.
Il trace ainsi une frontière entre l'extérieur du groupe et l'intérieur, dans lequel il se
comprend, ainsi que les étudiants de la paroisse et toute la communauté catholique.
Pour cantonner l' « autre » à une figure repoussoir, il utilise le ton de la moquerie.
Il imite ainsi un étudiant qui ne serait pas croyant et trouverait que l’Église est loin des
préoccupations des jeunes : « Bon ben vous voyez, c'est vraiment là le problème avec
l’Église, c'est ce décalage entre ce que vivent les jeunes, et puis ce que dit l’Évangile
quoi : comment vous voulez qu'on vous croit et surtout comment vous voulez qu'on vous
suive ? C'est trop 'high level' quoi, j'veux dire c'est trop haut pour moi, moi aujourd'hui fait
pas trop me prendre la tête avec des défis impossibles : c'est bon la vie chrétienne ça doit
pas être Koh Lanta tous les jours quoi. Surtout quand on est étudiant »100 Le ton ironique
qu'il emploie, ainsi que l'utilisation d'un lexique propre à la jeunesse, mais caricaturé :
(« quoi », « jveux dire », « faut pas trop me prendre la tête ») montre clairement le ridicule
qu'il attribue à ce type de positionnement par rapport à l’Église. C'est également le cas
lorsqu'il évoque des questions que poseraient les « potes »101 non-croyants aux étudiants
catholiques : « ils vous interrogent sur des choses bien plus fondamentales, c'est à dire le
mariage des prêtres, le préservatif, l'avortement... ». L'ironie employée montre le peu
d'intérêt qu'il accorde à de tels questionnements.
2) Et la distinction avec celle d'une figure acceptable, à améliorer.
98 Homélie du 1 juin 2014 : Connaître le Christ pour mieux L'annoncer, Annexe 1
99 Homélie du 27 avril 2014 : Le regard de la foi en Sa miséricorde
100 Homélie du 16 février 2014 : Fidèle, Annexe 1
101 Ici et suivant : Homélie du 1 juin 2014 : Connaître le Christ pour mieux L'annoncer
57
En face de ce repoussoir, les homélies créent une figure de l'étudiant croyant,
préoccupé à la foi par ses études et par sa foi, dans lesquels les paroissiens peuvent se
reconnaître.
Les étudiants croyants ont des traits similaires aux étudiants non-croyants. Le prêtre
fait ainsi des parallèles entre les étudiants non-croyants et les étudiants croyants. Ainsi, ce
qui « les rassure » « nous rassure, nous aussi »102. De la même manière, le prêtre fait savoir
que tout le monde attend la même chose : le « Bonheur », ou en termes catholiques, le
« Salut ».103
Les étudiants croyants ont eux-aussi des « attentes à court terme », comme le fait
d'attendre « l'happy hour » du vendredi soir, ou encore « l'attente » de « la fin du match
pour savoir si le stade gagnera ou perdra ». En disant cela, le prêtre fait savoir qu'il n'est
pas indispensable de renier cet aspect de la vie étudiante.
Mais à côté de ces préoccupations montrées comme non essentielles, ils sont
également préoccupés par leur foi, à l'inverse des non-croyants.
Le prêtre met ainsi en avant la nécessité d'un « choix » à faire par les étudiants,
entre une vie « vide » et une vie « pleine »104 de l'Esprit Saint. Il oppose ainsi les plaisirs
futiles et immédiats et les désirs profonds : « est-ce que dans nos vies la télévision, et
autres écrans n'ont pas pris la place de Dieu, combien de temps passes-tu devant un écran
et combien de temps passes-tu avec Dieu chaque jour ? Combien de temps perdu passes-tu
devant internet et combien de temps perds-tu avec ton Dieu ? ». Il fait savoir qu'« il [...]
faut choisir », et ne pas se « laisser détourner de la vérité qui s'offre » et qu'il faut préférer
Dieu à « ton portable, ton disque dur truffé de films, ton internet et ses sites pourris, ta
carrière, ton ambition dévorante... ».
Mais plus que tout le reste, les étudiants catholiques ont à cœur de vivre leur foi, et
c'est ce qui les différencie des étudiants lambda. Il met ainsi en valeur la recherche de
spiritualité des étudiants catholiques, qui fait leur spécificité. Ils choisissent ainsi d'« aller
102 Homélie du 27 avril 2014 : Le regard de la foi en Sa miséricorde
103 Ici et suivant : Homélie du 1e décembre 2013 : Veillons !
104 Ici et suivants : Homélie du 5 janvier 2014 : Idolâtrie ou agenouillement
58
à la messe le dimanche plutôt que de rester au pieu tranquille ou de regarder télé foot », et
au lieu de « siroter une bière peinard au soleil couchant sur la Garonne »105. Il met en avant
cette quête de spiritualité également en les montrant comme plus spirituels que lui : « Hop
là ! J'en vois deux au fond qui discutent... vous aimez pas le rugby ? « Ben écoutez
monsieur l'abbé, on nous avait vendu un week-end de Pentecôte dans un cadre catholique
alors déjà qu'on trouvait que le week-end était un peu léger en spiritualité... mais si en plus
le curé au moment de la messe il se prend pour Vincent Moscato à nous débriefer le match,
ben écouter il nous manque plus que Isabelle Iturburru, on vous installe deux fauteuils
devant l'autel et vous nous faites « jour de rugby » sur canal. Non mais c'est un scandale,
remboursez ! Eh c'est quoi la blague, oh le curé tu vas nous parler de la Pentecôte un
peu ?? » »106.
Cette figure créée par le prêtre a une utilité dans la constitution du groupe. En
déterminant l'extérieur du groupe, le prêtre en dessine ainsi les frontières et peut en définir
les normes à l'intérieur.
B. Une autre fonction des prêches : le lieu d'énonciation des valeurs de
la paroisse
Les homélies remplissent également une autre fonction importante, en permettant à
l'abbé d'Artigue d'énoncer les valeurs défendues par la paroisse, notamment la liberté, la
joie, la fidélité ou encore la sainteté. Le prêtre montre propose ainsi aux étudiants une voie
à suivre (1), et leur montre l'idéal à atteindre (2).
1) Les voies à suivre
Les homélies peuvent être considérées comme le moment où le prêtre donne des
conseils aux étudiants pour mener leur vie étudiante tout en étant croyants. Il tire ainsi des
lectures bibliques des conseils et consignes, qu'il retransmet en les adaptant à son public,
donnant ainsi aux étudiants un modèle à suivre.
105 Homélie du 17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ?, Annexe 1
106 Homélie du 8 juin 2014 : Ton coach, l'Esprit Saint, Annexe 1
59
Pour chaque critique qu'il a adressé aux étudiants non-catholiques, le prêtre montre
la valeur que défend la paroisse et propose aux étudiants de vivre en accord avec elle.
La joie, dans le Christ
Ainsi, au lieu de passer ses loisirs à traîner ou boire de l'alcool, il propose aux
étudiants de faire la fête dans l'amour du Christ et de boire « l'eau vive »107 du Christ, car
« si on t'a dit que la vie c'était une bière, un canapé et de rester comme une huître devant ta
télé, on t'a menti »108. Il propose ainsi une voie différente aux étudiants, centrée sur l'amour
de Jésus, loin du faste qu'il estime que les étudiants recherchent. De la même manière, lui
qui considère que les étudiants ont à cœur d'avoir « un bon regard »109 de leurs amis, il
rappelle qu' « il ne faut pas se faire une idée trop trop mesquine de ce qu'est la vie »110, qui
ne se résume pas, entre autres, à avoir « une bonne bande de potes ». Le message central
qu'il fait passer aux étudiants est ainsi que « la vraie vie […] est d'ordre spirituelle », et
que « vouloir vivre à fond, c'est vouloir être libre, maître de sa vie, c'est vouloir se donner,
aimer et être aimé ».
La fidélité
De la même manière, il dresse un modèle à suivre à l'inverse de la figure de
l'étudiant pressé souhaitant jouir des plaisirs immédiats. Ainsi, alors que « l'objectif de ta
vie, ça pourrait être […] la recherche des plaisirs immédiats »111, il prévient que « si tu
veux être maître de ta vie, […] il faut s'assurer que […] c'est bien toi qui agis, c'est bien toi
qui fais le choix, qui prend la décision », mais surtout que « c'est tout toi, pas seulement
une partie du toi, par exemple ta sensibilité qui cherche un plaisir ». La recherche de
plaisirs immédiats, et notamment sexuels, est clairement visée. De la même manière, au
« zapping »112 et au fait de « tout essayer avant de [s]'engager », il oppose la fidélité. Il
donne ainsi une image très positive de la fidélité, en rappelant qu'un chrétien « ne sait pas
se donner à moitié » et en créant une identification entre les croyants et Jésus : « un
chrétien se donne tout entier, comme son maître, comme le Christ ».
107 Homélie du 23 mars 2014 : La Samaritaine, Annexe 1
108 Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?
109 Homélie du 22 septembre 2013, Annexe 1
110 Ici et suivants : Homélie du 1e décembre 2013 : Veillons !
111 Ici et suivant : Homélie du 22 septembre 2013
112 Ici et suivant : Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?
60
La liberté dans l'obéissance au Christ
Aux étudiants en attente de certitudes, il dit de se tranquilliser et rappelle, à la suite
de Jean-Paul II113, que « parfois il est bon de ne pas vouloir tout enfermer dans un
raisonnement bien carré, il ne faut pas vouloir tout maîtriser, parfois il est bon de faire
confiance à Jésus qui te dit « ceci est mon corps » est-ce que tu me crois ? »114. Ainsi, au
lieu de perdre son énergie à s'inquiéter du regard des autres115, ou de savoir si un bar
suspend ses happy hour pendant le carême 116, le prêtre conseille de mettre Dieu au centre
de sa vie, et de vivre dans l'amour de Jésus. Le Christ devient ainsi un « maître »117, qu'il
s'agit de suivre en confiance, car en cherchant Dieu, « tout le reste s'ordonnera à Lui, ou
plutôt il ordonnera tout le reste de ta vie ». De la même manière, il conseille aux étudiants
de s'en remettre à Jésus : « écoute-le crier […] laisse-le t'aimer, laisse-le te relever de ton
péché, de cette puanteur qui risque d'envahir ta vie, de te nécroser, de tuer le meilleur en
toi »118. La valeur mise en avant par le prêtre est ainsi bien l'amour et l'obéissance au
Christ, qui seuls permettent une liberté réelle, non pas déterminée par une absence de
contraintes, mais sur une obéissance choisie. « Choisis celui devant qui tu te mets à
genoux »119, dit-il ainsi dans l'une de ses homélies.
Mais si le prêtre montre des voies nouvelles aux étudiants catholiques, il ne leur
enjoint dans non plus de s'enfermer entre pairs et de dédaigner la compagnie des étudiants
non-catholiques. Les étudiants peuvent ainsi « quand même aller en boite […] pour
chercher Marinette », ou aller « quand même […] à Ernest Wallon »120 pour voir des
matchs de rugby. Le prêtre les encourage à vivre certains des plaisirs des étudiants lambda,
sans oublier leurs nobles idéaux, et en gardant à l'esprit que « [leur] cœur désire connaître
la vérité […], [leur] cœur réclame la beauté […] [leur] cœur aspire au bien […] [leur]
113 Jean-Paul II affirmait ainsi que « si vous êtes chrétiens, alors il y a des transcendances, il y a des vérités
révélées par le Christ dans les Evangiles […] face auxquelles l'attitude du chrétien ne doit pas être celle
de l'examen critique […], du penser par soi-même, mais celle de l'humilité et de l'obéissance », Jean-Paul
II, cité par Luc Ferry, à propos de L'homme-dieu, le 9 mai 1996 : www.ina.fr/video/100007770
114 Homélie du 17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ?
115 Homélie du 2 mars 2014 : L'inquiétude : « Libère-toi de ce regard oppressant car si tu vis en attendant
l'approbation des autres, tu mourras de leur rejet »
116 Homélie du 2 mars 2014 : L'inquiétude : « inquiet de savoir si ce soir c'est happy hour chez Tonton et si
il fait pas suspens pendant le carême »
117 Homélie du 22 septembre 2013 : « c'est un maître qui vient pour te libérer, de tout ce qui te domine » ; « ,
Homélie du 16 février 2014 : Fidèle : « il se donne comme son maître, comme le Christ » ; Homélie du
17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ?: « écoute la voix du Maître et Seigneur »
118 Homélie du 6 avril 1014 : La gloire ?
119 Homélie du 5 janvier 2014 : Idolâtrie ou agenouillement
120 Homélie du 2 mars 2014 : L'inquiétude
61
cœur espère la paix […] [leur] cœur désire la fraternité »121.
2) La sainteté : la vocation à développer
Il évoque régulièrement un investissement plus fort de la part des étudiants, les
encourageant à vivre en « saints », et jouer leur rôle de « lumière des nations »122, qu'il
désigne comme la « vocation » des chrétiens.
Il les encourage à vivre en saints, en insistant sur la dissociation entre sainteté et
vocation sacerdotale ou religieuse. Il répète ainsi à plusieurs reprises que l'appel de Jésus
n'est pas forcément un appel à devenir religieux ou religieuse, mais avant tout un appel à
devenir « saint » dans sa vie de tous les jours. Il explique ainsi que Jésus « t'appelle à une
seule chose, pas d'abord à choisir entre Raoul ou petite sœur de l'agneau, mais il t'appelle
au Salut », et que « la réponse qu'il attend c'est pas une réponse entre devenir l'époux de
Julie ou rentrer chez les Jésuites », mais plutôt l'engagement de « [le suivre », en s'en
« fou[tant] de savoir comment [le] suivre, où [le] suivre ». En résumé, répondre à cet
« appel » « en étudiant, et peu importe comment ». Il rappelle également que par le
baptême, les catholiques sont appelés à être la « lumière des nations », qui apporte la
parole du Christ au monde entier, mais que cette vocation là n'empêche pas d'exercer un
métier (« être ingénieur, charpentier, médecin ou pâtissier ») ou d'avoir une vie de famille.
Il tient ainsi à rassurer les étudiants, en leur montrant que la voie de la sainteté n'est
pas forcément synonyme de vocation sacerdotale ou religieuse.
Mais cette voie de sainteté, s'il la conseille à étudiants, se semble en réalité pas
destinée à tout le monde. Dans une homélie, il déclare ainsi qu'il y a « peut-être quelques
[saints] parmi vous »123. Si cette phrase est dite sur le ton de la plaisanterie, elle sousentend tout de même que certains étudiants seraient appelés à une voie de sainteté et
d'autres non. Et la voie ultime de la sainteté semble bien être le choix d'une vie religieuse.
121 Homélie du 23 mars 2014 : La Samaritaine
122 Ici et suivants : homélie du 19 janvier 2014 : Appelés
123 Homélie du 17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ? : « mis à part les saints parmi vous (et il y en a
peut-être quelques uns) »
62
Lors de l'homélie du Bon Pasteur, dédiée spécifiquement à la vocation, le prêtre encourage
ainsi les étudiants à se poser sérieursement la question de s'engager.
Sa manière de traiter le sujet montre qu'il a conscience qu'il s'agit d'un sujet délicat,
car c'est un choix de vie à contre-courant et « si peu naturel », comme le rappelle le Frère
Sébastien dans l'homélie du 2 février 2014124.
Il commence ainsi par rappeler le contexte de crise des vocations sacerdotales 125
d'une manière humoristique : « on est en pleines nominations... et c'est vraiment la mouise.
On a besoin de prêtres partout », lui aurait ainsi déclaré l'archevêque, et évoque la « grosse
pression » qu'il a, à devoir trouver « 10-12 jeunes » intéressés par la prêtrise ou la vie
religieuse.
Il montre ensuite à quel point il trouve farfelu d'encourager les vocations autrement
que par la « technique de Dieu », c'est à dire un « appel » entendu par les étudiants. Il
propose ainsi plusieurs possibilités, qu'il s'empresse de tourner en ridicule. Ainsi, il
commence par proposer la « technique » de la prière pour « beaucoup de saints prêtres »,
qui s'accompagnerait d'une mention « euh des prêtres oui, mais surtout pas moi ». Il
propose aussi « l'option tirage au sort », avec « 500 boules noires » et « 10 boules
blanches », les étudiants tirants une boule blanche étant « bons pour le service ». Il montre
aussi son attachement aux conditions actuelles d'accès à la prêtrise, et notamment le
célibat. Il apparente ainsi la possibilité d'ouvrir le mariage aux prêtres à une rhétorique
politico-marketing, digne d'un « spin doctor », et tourne cette idée en ridicule : « vous me
virez ce célibat, le célibat ça décourage tout le monde, c'est has been le célibat, on en peut
plus ». Enfin, il propose de désigner lui-même les futurs prêtres et religieux, technique qui
« vous remplit un séminaire en 20-25 minutes ».
124 Si l'abbé Simon d'Artigue prononce généralement les homélies, d'autres prêtres en prononcent également
certains.
125 Cette homélie est à remettre dans un contexte général de crise des vocations, que connaît l’Église
catholique en France depuis plusieurs dizaines d'années. En 2013, la Conférence des évêques de France
notait qu'il y aurait « 130 ordinations sacerdotales de prêtres diocésains et religieux » pour l'année, un
chiffre « proche de celui des [années] » précédentes, mais bien loin de compenser les départs « pour
cause de décès ou de retraite ». Le nombre de prêtres diocésains a ainsi diminué presque de moitié entre
1990 et 2011, passant ainsi de 25 203 à 13 822, soit une diminution de 45 % en dix ans. Et un article de
Ouest France note que « la stabilité du nombre d'entrées en première année de séminaire - autour de 130
- ne permet pas d'espérer un retournement de la tendance. ». Ouest France, « Une Église sans prêtres ? »,
http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/06/24/une-eglise-sans-pretres.html
63
Après avoir montré l'absurdité de toutes ces possibilités, il insiste sur l'importance
de s'en remettre à la « technique de Dieu », c'est à dire le sentiment d'avoir été appelé par
Dieu. Il insiste sur la possibilité que des étudiants aient déjà entendu cet appel, l'entendent
plus tard, ou soient en train de l'entendre à l'instant même : « il en appelle certainement
dans cette église parmi vous, ce soir... ». Sa formulation sous-entend que « Dieu ne cesse
d'appeler », et que les étudiants doivent rester attentifs afin d'entendre cet appel. Il insiste
ainsi sur la nécessité de se « poser », de « laisser une place au silence » et de se
« demander […] « qu'est-ce que Dieu veux pour ma vie : Seigneur, à quoi est-ce que tu
m'appelles ? » ».
Son attachement à cette « technique » se remarque dans son ton et ses formulations.
À partir du moment où il parle de la « technique de Dieu », son ton se fait ainsi solennel, et
ses formulations également. Alors que le début du prêche est marqué par les formulations
incorrectes, les phrases coupées au milieu et les points de suspension, dans la deuxième
partie de son prêche, les phrases sont plus longues, plus souvent correctes, et reliées par
des connecteurs logiques. Il s'écarte également moins du texte écrit qu'au début, laissant
moins de place à l'improvisation. En dépouillant son discours de ses attributs
humoristiques, il fait ainsi sentir la solennité de l'instant, et prépare les étudiants à recevoir
l'ultime phrase de son prêche, qui est aussi une demande pressante : « Ce soir dans le
silence, tiens-toi en face du Christ qui a donné sa vie, du Christ qui appelle toujours et
pose-toi sérieusement cette question : « Te donner ma vie, Seigneur ? » ».
Ainsi, les homélies ont un rôle de constitution du groupe de croyants. Elles
permettent à l'abbé d'Artigue de faire savoir directement aux étudiants croyants ce qui est
attendu d'eux en tant qu'étudiants catholiques, et verbalise pour ce faire les valeurs
chrétiennes fondamentales. Les homélies sont ainsi le lieu de verbalisation des valeurs
portées par la paroisse, à destination de l'intérieur du groupe. Elles constituent un cadre
normatif pour le groupe. Mais ces valeurs sont également affichées à destination de
l'extérieur du groupe, et portées avec fierté. La paroisse se positionne ainsi par rapport au
monde extérieur, dont elle critique l'individualisme, considéré comme valeur centrale.
II. Une manière de se positionner dans la société contemporaine :
des valeurs prônées, à contre-courant, mais affichées avec fierté
64
La paroisse porte les valeurs chrétiennes de fraternité et d'amour du prochain, de
refus de la violence et de pardon126, et adresse de ce fait une critique virulente à l'égard de
la société contemporaine. À l'image de l’Église, qui doit se situer face à des remises en
question régulières de la société contemporaine (A), la paroisse a adopté une stratégie
d'affirmation de ses valeurs, qu'elle affiche ainsi avec fierté (B). La paroisse défend ainsi
d'autant plus fermement ses valeurs qu'elle les sent remises en question par l'extérieur.
A. Face au sentiment d'être attaquée par l'extérieur...
Les questions qui agitent la société contemporaine autour de l'égalité des droits et
des discriminations, notamment fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle se retrouvent
portées dans l'Eglise, et poussent la paroisse à se positionner à leur égard. Si certaines ne la
concernent pas directement, s'adressant à l'institution ecclésiale dans son ensemble,
d'autres sont portées directement à son encontre, à un niveau local. Parmi les critiques
portées à l'institution ecclésiale, celle du Comité de la jupe nous a paru particulièrement
intéressante, parce qu'elle vient de l'intérieur même de l’Église et semblent ainsi
particulièrement légitimes (1). Les critiques portées à l'encontre de la paroisse au niveau
local trouvent leur fondement dans le contexte des manifestations contre l'ouverture du
mariage civil aux couples composés de personnes de même sexe et forcent la paroisse à
réagir (2).
1) Le comité de la jupe, pour valoriser la place des femmes dans l’Église
Le « Comité de la jupe », fondé en 2008 et transformé en association loi 1901
quelques temps après, souhaite promouvoir l'accès des femmes aux postes de décision
dans l’Église. Ce comité a ainsi été fondé en réaction aux propos de l'archevêque de Paris,
André Vingt-Trois sur radio Notre-Dame en 2008, qui, interrogé sur la place des femmes
dans la célébration de l'office, répondait : « Ce qui est plus difficile, c'est d'avoir des
126 Comme l'énonçait le prêtre dans l'homélie du 30 mars 2014 : « Si tu y crois » :
https://soundcloud.com/pierre-des-chartreux
65
femmes qui soient formées, le tout ce n'est pas d'avoir une jupe, c'est d'avoir quelque chose
dans la tête »127. Répondant à l'insulte par l'humour, Anne Soupa et Christine Pedotti
montent alors le « Comité de la jupe » et portent plainte contre le cardinal. Suite aux
excuses de l'archevêque, la plainte est retirée, mais le comité se monte en association, pour
réformer l’Église de l'intérieur. Le Comité de la jupe, qui se présente comme « un
mouvement de renaissance de notre Église » souhaite que « les femmes soient justement
considérées dans l’Église ». Les membres du Comité de la jupe estiment en effet que « les
femmes dans l’Église […] ne sont pas traitées comme il serait normal qu’elles le soient, à
notre époque ». En cause notamment, l'absence de femmes dans les postes à responsabilité
de la hiérarchie ecclésiale, au Vatican, à la Conférence des évêques de France, ou encore à
la commission d'éthique.
Le Comité de la jupe, s'il ne se présente pas comme « un mouvement féministe »,
n'en a pas moins à cœur de permettre l'égalité entre les hommes et les femmes dans
l’Église. Il se distingue par son positionnement réformiste, notamment en ce qui concerne
les conditions d'accès à la prêtrise. Contre les positionnements successifs de Jean-Paul II,
Benoît XVI et François, les membres du comité se déclarent ainsi ouvertement en faveur
de la prêtrise pour les femmes et les hommes mariés. Concernant la prêtrise pour les
femmes, une membre du comité critique ainsi le Droit canon, qui indique que « Seul un
homme baptisé reçoit validement l’ordination sacrée »128, car cette loi « discrimine
clairement les femmes : même baptisées, elles sont exclues de “ l’ordination sacrée”. Elle
institue une inégalité de fait dans la possibilité d’accéder aux différentes fonctions dans
l’Église en raison du sexe. » Et de conclure qu' « il s’agit bien d’inégalité et d’injustice ».
Ainsi, le comité n'hésite pas à se placer en faux des positionnements officiels de
l’Église catholique. C'est également le cas en ce qui concerne les études de genre, sujet sur
lequel le comité critique le positionnement de Benoît XVI, qui déclarait, lors de
l'assemblée plénière du conseil pontifical Cor Unum, que l’Église « réaffirme […] son non
à des philosophies comme celle du genre »129. Estimant que le pape met les études de
127 http://www.fait-religieux.com/personnalite?q_personnalite=Vingt-Trois
128 Ici et suivants : http://www.comitedelajupe.fr/laics-et-femmes-deglise/comment-un-eveque-entretientles-stereotypes-de-genre/
129 Ici et suivant : Discours du pape Benoît XVI aux participants à l'assemblée plénière d'un conseil
pontifical Cor Unum, Samedi 19 janvier 2013:
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2013/january/documents/hf_benxvi_spe_20130119_pc-corunum_fr.html
66
genre sur le même plan que « les idéologies qui exaltaient le culte de la nation, de la race,
de la classe sociale », le comité de la jupe réagit par un communiqué une dizaine de jours
plus tard, et déclare que « nous jugeons cette condamnation non fondée et infamante »130.
En outre, le comité de la jupe se distingue du positionnement du pape en estimant que son
« refus […] de collaborer avec toute institution susceptible d’adhérer à ce type de pensée »
est « une erreur grave, tant du point de vue de la démarche intellectuelle que du choix des
actions engagées au service de l’Évangile ».
Ces critiques virulentes à l'encontre de l'institution ecclésiale ne rencontrent pas
d'écho au sein de la paroisse, qui n'évoque pas une fois ce Comité de la jupe sur son site
internet, et qui réagit en réalité par occultation de ces questions. Le prêtre critique ainsi en
creux ces idées réformistes en ridiculisant notamment la possibilité d'autoriser le mariage
pour les prêtres ou en n'évoquant pas une seule fois l'éventualité d'ouvrir l'ordination
sacerdotale aux femmes.
2) Un exemple de vive critique adressée directement à la paroisse étudiante
Des critiques visent également la paroisse étudiante, notamment en ce qui concerne
les mœurs. Dans le contexte des manifestations contre l'ouverture du mariage civil aux
couples composés de personnes de même sexe, la paroisse a ainsi été vivement critiquée
par plusieurs associations œuvrant pour l'égalité des droits.
Ainsi, le 30 septembre 2013, alors que la paroisse tient un débat autour des
questions de la « protection de la vie » dans l'église St-Pierre des Chartreux, dans le cadre
du festival Open Church, des militants d'Act Up Sud-Ouest, d'Alternative Libertaire,
d'OCML-Voie Prolétarienne, de l'Union Antifasciste Toulousaine et des Panthères
Enragées mènent une action pour dénoncer la violence de l'homophobie. Après avoir jeté
du faux-sang devant l'église, les militants crient des slogans pour dénoncer
« l'homophobie, la biphobie, la lesbophobie et la transphobie que véhicule et encourage le
collectif de la Manif Pour Tous, avec la complicité et l'appui stratégique de la pastorale
étudiante »131 de Toulouse. La paroisse étudiante était ainsi accusée d'accueillir en son sein
130 Communiqué : « Nous, catholiques, refusons de condamner « le genre », publié le 27 janvier 2013 :
http://www.comitedelajupe.fr/soutiens/nous-catholiques-refusons-de-condamner_le_genre/
131 http://www.toulouseinfos.fr/index.php/actualites/une/9521-jet-de-faux-sang-act-up-pastorale-etudiante-
67
le collectif Manif pour Tous.
Cette action occasionne nombre de réactions et de débats, autour de sa « violence »
dénoncée par la droite locale132. Face à cette action, dénoncée par la paroisse comme une
agression, l'abbé Simon d'Artigue se positionne en revendiquant l'esprit d'ouverture et de
dialogue de la paroisse. Ainsi, les étudiants « vont à la rencontre de chacun », « avec
tolérance », pendant un festival dont l'objectif est de « lancer des débats d’idées, avancer,
échanger ». En déplorant la « fermeture forcée » des portes de l'église suite à cette action,
il dénonce implicitement les manifestants, dont il considère l'action comme violente. Ainsi,
celle-ci a « choqué tout le monde ». Quant à la ligne de conduite de la paroisse par rapport
aux critiques, il précise qu'elle « essaye d'y prêter aucun intérêt »133
Face aux critiques qui lui sont adressées, la paroisse réagit donc rapidement, afin de
ne pas laisser enfler la polémique. L'abbé Simon d'Artigue montre ici son talent de
communiquant en ne donnant dans cette interview aucune prise pour une éventuelle
réponse de la part de ses détracteurs. Il se montre ainsi très modéré dans ses propos, ne
dénonçant pas l'action d'Act Up, mais se contentant d'observer que le collectif « s'est
trompé de cible ». De son interview ressort le sentiment que la paroisse a été injustement
attaquée, mais que, dans une illustration parfaite de sa volonté d'ouverture, elle appelle au
dialogue et à la paix. La réaction de l'abbé d'Artigue ne peut ainsi que désamorcer la
situation.
B. … La paroisse affiche ses convictions avec fierté, et se montre très
critique envers la société de consommation
Face aux critiques qui ne la concernent pas directement, mais qui s'adressent à
l’Église en général, elle affiche ses valeurs avec fierté, montrant ainsi qu'elle « s'attache au
seul regard qui compte, celui de Dieu »134. Les homélies permettaient au prêtre d'énoncer
les valeurs défendues par la paroisse aux paroissiens. Pour porter ces valeurs de joie, de
fidélité, de liberté dans l'obéissance, d'amour et de sainteté, la paroisse a plusieurs
complice-homophobie.html
132 http://24heuresactu.com/2013/10/04/christianophobie-agression-et-eglise-vandalisee-par-act-up/
133 Interview « Act-Up s’est trompé de cible », La Dépêche du Midi, 2/10/2013., Annexe 5
134 Saint Paul, cité par l'abbé Simon d'Artigue dans l'homélie du 2 mars 2014 : L'inquiétude
68
possibilités : tout d'abord mettre en place des actions par elle-même (1), mais également
accorder son soutien à des organismes, des « groupes », qui portent ces valeurs (2).
1) Les actions portées par la paroisse
La paroisse met en place plusieurs week-ends à destination des étudiants, pour leur
permettre de vivre en conformité avec les valeurs portées par la paroisse. Ces week-ends
montrent ainsi le refus de la paroisse d'une société dont la valeur principale serait la
consommation.
La joie dans le Seigneur
La paroisse organise plusieurs événements et week-ends, dont l'objectif est de
permettre aux étudiants de prendre du recul par rapport à leur quotidien trépidant. Pour
commencer, le pèlerinage Exode 31, organisé tous les ans lors du week-end des Rameaux.
Il clôture l’année religieuse et propose aux étudiants un temps d'approfondissement de leur
foi par des « témoignages », des « veillées de louange et de prière », et la procession des
Rameaux. La pastorale propose également un week-end « Prions break pour vivre libre »,
lors duquel les étudiants sont invités à se retrouver pour un week-end de retraite collective
et de prière. La paroisse montre ainsi son désir de permettre aux étudiants de vivre
pleinement leur foi, loin du tumulte de leur vie étudiante. Le terme de « break » évoque
ainsi cette « pause », permise par la prière. Avec ce week-end, la paroisse montre
l'importance qu'elle accorde au fait de prendre le temps, de se poser pour réfléchir à
l'avenir. En mettant en avant l'importance de prendre son temps, la paroisse critique
implicitement la vitesse et l'efficacité, et se démarque ainsi de la société de
consommation135.
La fidélité
La paroisse propose également un week-end valorisant la fidélité. Le week-end
« Choisir d'aimer », organisé à l'Institut catholique de Toulouse, se divise ainsi en quatre
« modules », qui montrent un approfondissement progressif :
135 Néanmoins, pour retenir l'attention des étudiants, la paroisse se sert d'une référence à une série télévisée à
succès, Prison Break, réalisée aux États-Unis et diffusée en France à partir de 2006.
69
1.
Module 1 : Homme et femme il les créa
2.
Module 2 : Ce qu’aimer veut dire
3.
Module 3 (couples) : Construire son couple
4.
Module 3 (célibataires) : Se préparer à la rencontre
5.
Module 4 : Les langages de l’Amour
Ces modules reprennent le positionnement traditionnel de l’Église catholique face
au couple. On retrouve ainsi une dénonciation des médias qui « martèlent » une image
« fausse et déformée » de la sexualité, une certaine inquiétude face aux « divorces [qui] se
multiplient » et une valorisation d'un modèle de couple exclusif et hétérosexuel.
Le week-end « Choisir d'aimer » met ainsi en avant la valeur de fidélité prônées par
la paroisse, dans une critique virulente des relations amoureuses non-traditionnelles,
portées par les médias de masse, notamment la télévision. Ce week-end doit ainsi
encourager les jeunes catholiques à avoir des relations amoureuses dans une acceptation
traditionnelle de celles-ci. L’atelier « homme et femme il les créa » rappelle le
positionnement traditionnel de l’Église quant au genre136. Les expressions « l’Amour
durable » et « construire son couple » renvoient quant à eux à la vision du couple dans le
mariage religieux, fondé entre autres sur l'indissolubilité et la fidélité137.
La sainteté : encourager les vocations
Mais ce week-end semble également destiné à encourager les vocations chez les
jeunes étudiants. Des prêtres sont en effet associés à l’événement, pour transmettre leur
« expérience particulière ». En outre, la fin de la présentation : « Un week-end riche en
perspective ! » laisse penser qu'il peut ouvrir de nouvelles portes aux étudiants présents.
La paroisse organise également une JAPD : Journée d’appel par Dieu, qui propose
« aux jeunes (16/35 ans) qui se posent la question de consacrer leur vie au Seigneur de se
retrouver pour une journée de partage, de prière, de formation ». Cet événement est
entièrement tourné vers le recueillement et la réflexion, afin de permettre aux jeunes de se
questionner et prendre en connaissance de cause la décision de s'engager dans la voie de la
136 Système de bi-catégorisation des individus en fonction de leur apparence génitale
137 Les quatre piliers du mariage religieux catholique : liberté, indissolubilité, fidélité, fécondité.
http://www.aude.catholique.fr/les-quatre-piliers-du-mariage
70
vocation sacerdotale ou religieuse.
Au-delà des événements qu'elle organise, la paroisse affiche également cette valeur
de sainteté sur son site internet, en faisant la promotion de la vocation sacerdotale et
religieuse. C'est ainsi que sur le diaporama de l'onglet « Les groupes », une des photos est
consacrée à cette question. La neuvième photo du diaporama 138 montre ainsi deux hommes
assis dans l’herbe. Celui de droite porte une aube et lit le Guide rose produit par la
pastorale. La lumière est très vive et le contraste de l’image très fort. Le blanc de l’aube de
l’homme de droite est éblouissant, et semble symboliser une lumière divine.
Ainsi, la paroisse affiche ses valeurs d'amour et obéissance à Dieu, de fidélité et de
sainteté en organisant des événements visibles et relayés sur son site internet. Elle montre
ainsi son désaccord avec l'individualisme – et plus particulièrement l'égoïsme, la liberté
sexuelle et l'ambition – porté par la société de consommation.
2) Les groupes accueillis par la paroisse, également révélateurs de son
positionnement
Les groupes qu'accueille la paroisse en disent également long sur son
positionnement, car ils portent tous une ou des valeurs revendiquées par la paroisse.
L'intelligence de la foi
La paroisse accueille 15 groupes de formation différents, qui visent tous à
développer un rapport intelligent à la foi afin de l'affermir.
Les groupes de formation concernent l’étude de la Bible (Ephata), du credo et des
sacrements de l’Église (In’Théo), mais il existe également des formations orientées vers
les sacrements catholiques, c'est le cas du catéchuménat. Ainsi, les groupes ne sont pas
destinés uniquement à expliquer et à étudier la Bible, le credo ou la doctrine de l’Église,
138 Annexe 6
71
mais sont pensés dans une logique d’approfondissement de la foi. C’est ainsi que la
présentation d’Ephata précise que « À chaque rencontre, nous échangerons sur ce que la
Parole nous dit sur notre propre chemin de foi ». Le Réseau Jeunesse Ignatienne propose
quant à lui une « formation spirituelle », qui s'inscrit dans la tradition jésuite de permettre
le développement d'une foi intelligente. Le groupe St Thomas d’Aquin vise à concilier foi
et raison. Certains groupes, comme le café bioéthique, abordent des questions d’actualité
et tentent d’y trouver des réponses en accord avec la Bible et la foi et y trouver des normes
morales à suivre pour les sciences.
Ainsi, tous ces groupes de formation poursuivent l'objectif d'affermir la foi des
croyants par l'étude des écritures, dans la lignée d'une phrase prononcée par Benoît XVI en
2008 : « scrute la vérité pour pouvoir trouver Dieu et croire »139.
La charité : le service
La paroisse revendique également la valeur de charité chrétienne, incarnée par de
nombreuses figures du catholicisme, de Saint-Martin à Mère Teresa. Cette charité
chrétienne, sensée aller à l'encontre de l'égoïsme de la société de consommation, s'incarne
dans les nombreux groupes de « service » aux autres.
La paroisse accueille des groupes de soutien aux personnes rencontrant des
difficultés financières et/ou de logement. La Conférence Saint-Vincent de Paul, cofondée
en 1833 par Frédéric Ozanam (béatifié par Jean-Paul II en 1997) et gérée par des laïcs
catholiques, a ainsi pour objet d’aider les pauvres et les plus démunis. La Conférence
Saint-Vincent de Paul, qui fait partie de la branche « jeunes » de la Société St-Vincent de
Paul, propose des « maraudes » (tours dans les rues de Toulouse, pour distribuer de la
« soupe » et du « café » aux « sans-abris » de Toulouse) une « aide alimentaire » pour les
étudiants en difficulté financière et des « visites d’amitié » aux personnes isolées, âgées ou
handicapées. L'Ordre de Malte est quant à elle une association dont l'action est axée autour
de 4 thématiques : la solidarité, le secours, la santé et les formations. Cette association,
dont la devise est « une force au service du plus faible », propose aux étudiants de la
paroisse de s’engager dans ses missions de charité et de participer aux « maraudes » et à
139 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/183-groupes/formation/aller-plus-loin/309-pourquoi-se-former
72
des projets d’insertion de jeunes handicapées par le sport.
La paroisse accueille également plusieurs groupes de service aux personnes
handicapées, notamment l'Arche ou encore À Bras Ouverts. La communauté de l’Arche de
Blagnac propose aux personnes en service civique de rejoindre la communauté, pour vivre
et travailler avec des personnes handicapées. Elle propose également aux étudiants et aux
jeunes professionnels de rejoindre un réseau qui s’est constitué autour de l’Arche, pour
« donner des coups de main » ponctuels. De son côté, l'association À Bras Ouverts
organise des week-ends avec des personnes handicapées, avec trois objectifs, précisés sur
le site de la pastorale : « permettre aux jeunes accueillis de passer des moments de détente
« entre amis » hors de leur cadre de vie habituel »140, « permettre aux familles de souffler
le temps d’un WE en prenant du repos en se consacrant à des activités non envisageables
avec leur enfant », et « permettre aux accompagnateurs de découvrir, au travers de
rencontres, l’infinie dignité de toute personne ».
La « culture de vie », dans la lignée du positionnement de Jean-Paul II
La paroisse se place résolument dans la lignée de l'encyclique Envangelium Vitae
de Jean-Paul II, et affiche avec fierté son attachement à la « culture de vie ». Elle soutient
ainsi deux associations spécifiquement tournées vers la « protection de la vie », depuis la
conception jusqu'à la mort naturelle.
La paroisse accueille ainsi l'association Alliance VITA, créée au moment des
premières lois de bioéthique, et qui œuvre « pour la protection des plus faibles ». Opposée
à l’avortement141, elle considère que la vie commence dès la rencontre entre un
spermatozoïde et un ovule. Sur le site de la pastorale, l'Alliance Vita affiche sans
ambiguïté son positionnement concernant l'avortement, qu'elle considère comme
occasionnant un « deuil ante natal ».
La paroisse accueille également l'association Mère de Miséricorde, qui se met « au
service des personnes confrontées à l’éventualité d’une IVG ou à ses conséquences. ».
Cette association est également farouchement opposée à l'avortement et à l'euthanasie,
140 http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/service-charite/a-bras-ouverts
141 http://www.alliancevita.org/tag/avortement/
73
puisqu'elle considère que sa « vocation » est de « promouvoir la dignité de toute vie
humaine, de la conception, à la mort naturelle ».142 L’association considère que
l’avortement provoque forcément un traumatisme chez les femmes ayant avorté, celles
n'étant pas traumatisées vivant une réaction de « déni ». L’association propose aux
étudiantes de suivre deux « parcours », dont l'un, intitulé « la vie resplendit », est
sensé « [libérer] de toute culpabilité et de toute tristesse »143. L'avortement est donc vu
comme une expérience forcément douloureuse et traumatisante. Il est en effet considéré
qu'il s'agit d'un meurtre, puisque la vie humaine est sensée commencer dès la conception.
Enfin, le soutien de la paroisse à l'association À Bras Ouverts peut également
dénoter son soutient à son cofondateur, Tugdual Derville. Ancien délégué général
d’Alliance VITA, il s'est clairement opposé à l’adoption par et au mariage pour les couples
de personnes de même sexe, au PACS, à l’avortement et à l’euthanasie. Il a d'ailleurs été
l’un des porte-parole, médiatisé, de la Manif pour tous144.
La paroisse affiche donc son soutien à des associations résolument « pro-vie »,
suivant ainsi le positionnement de Jean-Paul II sur les questions d'avortement et
d'euthanasie.
L'encyclique Envangelium Vitae : la « culture de vie » et la « culture de mort »
Pour comprendre le positionnement de la paroisse concernant la « culture de vie », il
faut en revenir aux prises de position de Jean-Paul II sur ce même sujet. Dans sa lettre
encyclique Evangelium Vitae145, il utilise une sémantique de la guerre entre le bien et le
mal et parle d'un « combat entre la « culture de vie » et la « culture de mort » » (EV 21).
Dans cette lettre encyclique, il prend notamment position contre l'avortement et
contre l'euthanasie, qu'il met sur le même plan en sous-entendant qu'ils relèvent tous
deux de la « culture de mort ». Ainsi, « l'avortement et l'euthanasie sont [...] des crimes
qu'aucune loi humaine ne peut prétendre légitimer » (EV. 73). Pour comprendre sa
position sur l'avortement, il faut d'abord étudier son avis sur la peine de mort. Même s'il
142 http://www.meredemisericorde.org/qui-sommes-nous/
143 http://www.meredemisericorde.org/qui-sommes-nous/nos-actions/les-retraites-specifiques-a-mere-demisericorde/accompagnement-la-vie-resplendit/
144 http://www.lamanifpourtous.fr/fr/qui-sommes-nous/les-porte-parole
145 Evangelium Vitea, http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jpii_enc_25031995_evangelium-vitae_fr.html
74
la déplore, il ne la condamne pas explicitement. Il estime ainsi qu' « il arrive
malheureusement que la nécessité de mettre l'agresseur en condition de ne pas nuire
comporte parfois sa suppression » (EV, 55). La peine de mort serait donc acceptable
dans la mesure où il s'agirait de « supprimer » un « agresseur ». Il oppose ainsi la notion
d'agresseur à celle d'enfant à naître – « le plus innocent qu'on puisse imaginer: jamais il
ne pourrait être considéré comme un agresseur, encore moins un agresseur injuste! »
(EV. 58) – pour expliquer sa condamnation radicale de l'avortement. Pour lui en effet,
l'embryon puis le fœtus est « un être humain qui commence à vivre, c'est-à-dire l'être qui
est, dans l'absolu, le plus innocent qu'on puisse imaginer […] Il est faible, sans défense,
au point d'être privé même du plus infime moyen de défense, celui de la force
implorante des gémissements et des pleurs du nouveau-né. Il est entièrement confié à la
protection et aux soins de celle qui le porte dans son sein. Et pourtant, parfois, c'est
précisément elle, la mère, qui en décide et en demande la suppression et qui va jusqu'à la
provoquer. » (EV, 58). Il « déclare que l'avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin
ou comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que meurtre
délibéré d'un être humain innocent » et considère ainsi l'avortement comme un « crime
contre la vie ».
La stratégie adoptée par la paroisse étudiante est ainsi de revendiquer haut et fort
ses valeurs, qu'elle oppose aux valeurs de la société de consommation. Elle répond ainsi
aux critiques en contre-attaquant de manière subtile. Si elle répond directement à certaines
critiques, elle fait en effet également en sorte d'en éluder d'autres, plus embarrassantes,
bien qu'elles soient au cœur de l'actualité publique.
La paroisse porte ainsi ses valeurs avec fierté, se montrant très critique envers la
société de consommation et les valeurs de compétition et d'égoïsme que celle-ci. À travers
ses propositions et les groupes qu'elle soutient, elle souhaite ainsi leur substituer l'amour
du Christ, l'amour du prochain et la fraternité146.
146 Valeurs énoncées par le prêtre, homélie du 30 mars 2013 : si tu y crois
75
Conclusion
La paroisse utilise ainsi sa parfaite maîtrise des médias de masse, pour porter son
message évangélique à tous les étudiants toulousains. Sa maîtrise des codes d'internet,
notamment l'horizontalité, la réactivité, et la centralité de l'image, lui permet de se créer
une image de marque, dont les maîtres mots : jeunesse, dynamisme et joie, cadrent
parfaitement avec le public étudiant qu'elle vise.
En outre, sa proposition, fondée sur la collaboration entre la base (les croyants) et le
sommet (le prêtre) est une réponse de l’Église à une demande croissante de la part des
croyants. Ceux-ci veulent pouvoir construire une Église qui leur convienne, qui réponde à
leurs attentes, et sur laquelle ils aient une prise. Les fidèles, autrefois considérés comme
passifs dans le culte, sont ainsi actifs, chacun pouvant participer à son échelle à la
construction du projet paroissial et à sa mise en œuvre. Le succès de la paroisse peut ainsi
s'expliquer par le fait qu'elle donne aux étudiants une place pour s'exprimer, pour
construire un projet collectif, chacun à son niveau.
Enfin, la paroisse étant modelée par l'action conjointe des étudiants et du prêtre
responsable, elle s'inscrit de plein pied dans les réalités et les préoccupations des étudiants
qui la composent. Les critiques qu'elle formule en direction de la société de consommation,
ainsi que les propositions qu'elle formule d'une vie dans les valeurs d'amour du Christ,
formées à partir de la connaissance des points de vue, des préoccupations et des attentes de
la base des fidèles, sont ainsi perçues comme légitimes et reçues avec enthousiasme par les
étudiants catholiques toulousains.
L'avènement d'une société caractérisée par la diffusion d'une pensée de masse
permet donc à la paroisse de revendiquer ce qu'elle peut avoir de subversif : l'insoumission
à la norme et l'obéissance à un maître choisi : le Christ. Cette obéissance aux valeurs
chrétiennes apparaît comme positive, en raison même de son originalité et de son signe de
résistance à la norme. Et au-delà, les valeurs même qui sont prônées – notamment celle,
76
centrale, de l'amour désintéressé – apparaissent comme le signe du refus d'une société
dominée par l'égoïsme et la recherche du profit.
Au-delà, si la paroisse critique vivement l'égoïsme qu'elle estime consubstantiel à la
société de consommation, elle salue en même temps l'individualisation de la société. En
assignant à la religion la seule place qui peut désormais être la sienne, celle d'une croyance
individuelle, elle lui permet en effet de « trouver le ressort d'un nouveau rôle »147, qui se
traduit par une croyance individuelle, choisie librement, et ainsi particulièrement solide.
C'est par élection et non (uniquement) par héritage que les étudiants se revendiquent
catholiques, assurant un désir très fort de faire rayonner « leur » Église. Se dessinent ainsi
« les contours d'une identité conquérante »148 de l’Église catholique, dans laquelle les
thématiques du « réarmement moral » et de la « réévangélisation » occupent une place
centrale.
147 Marcel GAUCHET, Un monde désenchanté ?, op. cit., p. 237
148 Frédéric LENOIR, Les métamorphoses de Dieu. Des intégrismes aux nouvelles spiritualités, op. cit., p.
115
77
Sources
Site internet de la pastorale :
www.etudiants-toulouse.catholique.fr
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/paroisse/coup-de-main-a-la-paroisse/accueil
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/colocations-chretiennes/les-fraternitesgroupe-de-la-paroisse/136-aller-plus-loin/314-la-charte-des-fraternites
http://toulouse.dominicains.com/spip.php?auteur23
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/index.php?
option=com_content&view=article&id=434&Itemid=1556
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/campus/universites/147-pour-aller-plus-loin/229une-aumonerie-quoi-pourquoi
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/187-aller-plus-loin/311-lesvertues-du-rugby-selon-le-pape-francois
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/theatre/cine-club-corpo-st-pierre
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/events
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/events/les-rdv-incontournables/open-church
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/week-end-en-montagne
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/ndv-montagne-priere
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/sport/les-jardins-etudiants
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/art-sport/chants/lauda-mission-choralelitugique
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/service-charite/la-conference-pier-giorgiofrassati-groupe-de-la-paroisse
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/evangelisation/parcours-alpha-campus
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/messes/homelies/452-2-dim-temps-ordinaire-aappeles
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/183-groupes/formation/aller-plus-loin/309-pourquoise-former
http://etudiants-toulouse.catholique.fr/groupes/service-charite/a-bras-ouverts
http://www.pastoraleetudiantedetoulouse.fr
78
Réseaux sociaux :
Pape :
https://twitter.com/Pontifex_fr/status/490435957649207298
https://twitter.com/Pontifex_fr/status/492257917433688066
Paroisse :
Facebook :
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Pierre des Chartreux : https://www.facebook.com/pierre.deschartreux?fref=ts
Twitter paroisse : https://twitter.com/pastotoulouse
Soundcloud Pierre des Chartreux : https://soundcloud.com/pierre-des-chartreux
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Compte Google+ paroisse : https://plus.google.com/115312486983926871252/posts
Figures :
Figure 1 : Page d’accueil ancien et nouveau site internet de la paroisse
Figure 2 : Logo et slogan de la paroisse étudiante
Figure 3 : Message de bienvenue à l’arrivée dans le groupe Facebook de la pastorale
Figure 4 : Présentation des soirées DJ in the Church
Figure 5 : Illustration : la Challenge des Cathédrales
Figure 6 : Illustration : Art et sport, même combat !
Figure 7 : Illustration : évangéliser, pas pour moi ?
Figure 8 : Une image baroque pour une célébration belle
Figure 9 : Un culte grandiose
79
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DOUYÈRE David, « Bien que sur Twitter, Benoît XVI n'est pas encore un "wiki-pape" ».
82
Atlantico, 11/07/2011, Dossier spécial « Les dieux sont tombés sur le net »
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URL : http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2013/06/24/une-eglise-sanspretres.html
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social et fantasme du Tea Party », Le Monde, 20/4/2013
URL :http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/20/a-toulouse-entre-tradition-ducatholicisme-social-et-fantasme-du-tea-party_3163377_823448.html
TRUILHÉ Guillaume, « Jet de faux sang : Pour Act up, « la pastorale étudiante est
complice d’homophobie », Toulouse Infos, 2/10/2013
URL :http://www.toulouseinfos.fr/index.php/actualites/une/9521-jet-de-faux-sang-act-uppastorale-etudiante-complice-homophobie.html
« Christianophobie : agression et église vandalisée par Act Up », 24 heures actu, 4/10/2013
URL :http://24heuresactu.com/2013/10/04/christianophobie-agression-et-eglisevandalisee-par-act-up/
83
Sources internes à l’Eglise :
Paul VI, « Décret sur les moyens de communication sociale. Inter Mirifica », Décret
conciliaire, 4 décembre 1963, Rome
Discours du pape François pour la Journée mondiale de la paix, 1e janvier 2014.
Vidéothèque :
Luc Ferry, à propos de L'homme-dieu, le 9 mai 1996 : www.ina.fr/video/100007770
Publicité Canal Plus, « The wise man » http://www.dailymotion.com/video/x18d63s_pubcanal-pour-noel-the-wise-man_tv
Sitographie :
Site Croire.com
http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/
http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/Les-grandes-avancees/LEglise-renonce-au-latin
http://www.croire.com/Definitions/Vie-chretienne/Vatican-II/Les-grandes-avancees/Laliturgie
Site Église catholique.fr
http://www.eglise.catholique.fr/glossaire/laics/
www.eglise.catholique.fr/glossaire/pastorale/
Site du Vatican
Evangelium Vitea :
84
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jpii_enc_25031995_evangelium-vitae_fr.html
Discours du pape Benoît XVI aux participants à l'assemblée plénière d'un conseil pontifical
Cor Unum, Samedi 19 janvier 2013:
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2013/january/documents/hf_benxvi_spe_20130119_pc-corunum_fr.html
Groupes gravitant autour de la paroisse :
http://www.paxchristi.cef.fr/v2/qui-sommes-nous/
http://www.equipesmagis.fr/Qui-sommes-nous
http://www.alliancevita.org/tag/avortement/
http://www.meredemisericorde.org/qui-sommes-nous/
http://www.meredemisericorde.org/qui-sommes-nous/nos-actions/les-retraites-specifiquesa-mere-de-misericorde/accompagnement-la-vie-resplendit/
Manif pour tous :
http://www.lamanifpourtous.fr/fr/qui-sommes-nous/les-porte-parole
Comité de la jupe :
http://www.comitedelajupe.fr/laics-et-femmes-deglise/comment-un-eveque-entretient-lesstereotypes-de-genre/
Communiqué : « Nous, catholiques, refusons de condamner « le genre », publié le 27
janvier 2013 : http://www.comitedelajupe.fr/soutiens/nous-catholiques-refusons-decondamner_le_genre/
Autres :
Site internet info-bible : http://www.info-bible.org/legrand/3.6.htm
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Site internet fait-religieux :
http://www.fait-religieux.com/personnalite?
q_personnalite=Vingt-Trois
Site internet du diocèse de Carcassonne et Narbonne : http://www.aude.catholique.fr/lesquatre-piliers-du-mariage
86
Liste des annexes
Annexe 1
Liste des homélies de l’abbé Simon d’Artigue
Annexe 2
Annonce pour un emploi étudiant, groupe facebook
Annexe 3 :
Illustration de la messe
Annexe 4 :
Flyers de la paroisse
Annexe 5 :
Interview de l’abbé Simon d’Artigue à La Dépêche
Annexe 6 :
Photo « vocations » du diaporama
Annexe 7 :
Homélies de l’abbé Simon d’Artigue, analysées dans le mémoire
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Annexes
Annexe n° 1
Liste des homélies de l’abbé Simon d’Artigue, analysées dans le mémoire
Homélie du 22 septembre 2013
Homélie du 1e décembre 2013 : Veillons
Homélie du 5 janvier 2014 : Idolâtrie ou agenouillement
Homélie du 19 janvier 2014 : Appelés
Homélie du 16 février 2014 : Fidèle
Homélie du 1e mars 2014 : L’inquiétude
Homélie du 9 mars 2014 : Vivre libre !
Homélie du 23 mars 2014 : La Samaritaine
Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?
Homélie du 17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ?
Homélie du 19 avril 2014 : Le crois-tu ?
Homélie du 27 avril 2014 : Le regard de la foi en Sa miséricorde
Homélie du 1 juin 2014 : Connaître le Christ pour mieux L'annoncer
Homélie du 8 juin 2014 : Ton coach, l'Esprit Saint
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Annexe n° 2
Annonce emploi étudiant sur le groupe facebook, parue le 9 juin 2014 sur le groupe
Facebook de la paroisse
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Annexe n° 3
Illustration de la messe : Jours de fête
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Annexe n° 4
Flyers de la paroisse
Tract Soirées CCU « Soir d’autre chose » Recto – verso
Tract Messe du dimanche soir « Soif d’autre chose » Recto – verso
Sous-bock « Soif d’autre chose »
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Annexe n° 5
Interview de l’abbé Simon d’Artigue dans La Dépêche du Midi
« Act Up s'est trompé de cible »
Publié le 03/10/2013 à 08:35, Mis à jour le 03/10/2013 à 15:34
Interview, par Silvana grasso
Le 09/10/2013
Le festival Open Church achève sa 6e édition le 9 octobre avec la messe de rentrée. Ce
festival démarré le 28 septembre et mis en scène par la pastorale étudiante de Toulouse a
subi lundi soir à l’église Saint-Pierre de Chartreux une action coup de poing menée par une
quinzaine de militants d’Act Up Sud-Ouest et divers mouvements antifascistes dénonçant
l’homophobie. Le père Simon d’Artigue, curé de la paroisse étudiante livre ses
impressions.
Que pensez-vous de cette action ?
Elle a choqué tout le monde. Vous imaginez, ces militants sont arrivés et ont jeté au sol du
colorant rouge, symbolisant le sang des victimes des mouvements homophobes,
éclaboussant d’ailleurs au passage, les murs de l’église.
Vous avez d’ailleurs dû fermer les portes de l’église ?
Absolument. Et cette fermeture forcée va à l’encontre de l’ouverture de ce lieu accessible à
tous. Et des étudiants qui vont à la rencontre de chacun. Avec tolérance.
Vous allez poursuivre le festival ?
Bien sûr. Nous allons déposer plainte après. Pour nous tout cela est une vraie
incompréhension et n’a pas de sens. Ce festival existe justement pour lancer des débats
d’idées, avancer, échanger.
Ce n’est pas la première fois que vous subissez ce type de vandalisme. Comment
l’expliquez-vous ?
On essaie d’y prêter aucun intérêt. Nous n’avons rien contre les personnes pro mariages
pour tous. Vous savez, l’Eglise avance.
92
Annexe n° 6 :
Photo illustrant les vocations
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Annexe 7 :
Les homélies de l’abbé Simon d’Artigue
Homélie du 22 septembre 2013
Imaginons. La scène se passe dans la voiture, c'est le retour des vacances en famille, et
arrive le moment de choisir ce qu'on va écouter. Ton petit frère réclame Henri Dès, ton père
veut écouter du jazz. Et toi, le dernier album de Glorious. On discute, on commence à se
chamailler, et finalement c'est ton père qui tranche : « qui est-ce qui commande ici ? C'est
moi qui conduis, c'est moi qui choisis ». Ou sinon : ton chien arrive avec sa baballe, il veut
jouer à 'va chercher, rapporte'. Tu le fais une fois, deux fois, trois fois, et puis ça suffit. Il
aura beau faire les yeux de cocker, il aura beau mordiller le bas de ton pantalon, « qui c'est
le maître, c'est moi qui choisis, c'est non ». Ou bien, puisqu'on est à la Daurade, ça se passe
au Stade Toulousain. L'arbitre siffle une pénalité en faveur du stade. On est à quarante
mètres, et Guy Novès – pour ceux qui viennent d'arriver, sachez que c'est l'entraîneur – il
dit aux joueurs de chercher à avancer, pour marquer un essai. Les joueurs ne veulent pas
[…] « Qui est-ce qui commande ici, c'est moi l'entraîneur, vous faites comme je dis ».
(pause) Qui est-ce qui commande ? Qui est-ce qui commande ? (plus doucement) C'est
justement la question que Jesus vient de poser aujourd'hui. Dans ta vie, qui est-ce qui
commande, c'est qui le chef. Cette question, c'est la question de la fin. Non pas la faim « il
est quatorze heures, j'ai pas mangé, j'ai faim », mais la fin, f-i-n. La finalité. Qu'est-ce que
c'est la fin de ta vie ? Pour quoi est-ce que tu cours ? Qu'est-ce que tu poursuis ? Qu'est-ce
que c'est la direction de ta vie ? Qu'est-ce que c'est l'objectif de ta vie ? Cet objectif c'est ta
fin. Et c'est ta fin qui commande ta vie. C'est elle qui explique ce que tu fais. Alors Jésus
prend l'exemple de l'argent. Tu peux construire ta vie avec comme objectif d'avoir un
maximum d'argent. À ce moment là, ta fin c'est l'argent. C'est l'argent qui commande toutes
tes actions. Et pour rajouter au passage, on peut être très pauvre, comme un étudiant, et en
même temps avoir sa vie dirigée par la recherche de l'argent. Ce n'est pas une question de
richesse. (pause) L'objectif de ta vie, ça pourrait être l'argent, comme dit Jésus. Mais ça
peut être aussi la recherche des plaisirs immédiats, ou bien la recherche d'une
reconnaissance sociale, un bon regard de ton groupe d'amis. Ou bien ça pourrait être de
répondre tout de suite à toutes les sollicitations de ton téléphone. Le problème avec toutes
ces choses qui peuvent commander ta vie, c'est qu'elles restent extérieures à toi. Et si elles
te dominent, si ce sont elles qui sont tes maîtres et qui te commandent, tu es un esclave.
C'est plus toi qui commande à la maison, c'est plus toi qui dirige ta vie. (pause) Toutes ces
choses, Dieu te les a données, pour que au contraire, ce soit toi qui les domines, ce soit toi
qui les utilises, pour pouvoir rechercher la gloire de Dieu. (pause) Toutes ces choses le
seigneur te les donne pour ton épanouissement, pour que par elles tu t'épanouisses. Si
jamais au contraire c'est elles qui gouvernent ta vie, c'est le monde à l'envers. Tu marches
sur ta tête. Je sais pas si vous avez déjà essayé de marcher sur la tête, mais ça complique
beaucoup la vie. Alors si tu veux être le maître, de ta vie, déjà il faut s'assurer que dans les
différents choix de ta vie, c'est bien toi qui agis, c'est bien toi qui fais le choix, qui prends
la décision. Et que c'est toi qui […]. Que c'est tout toi, pas seulement une partie de toi, par
exemple ta sensibilité qui cherche un plaisir. Pour ça, il faut que tu sois assez unifié, pour
que cette action soit vraiment de toi. Que tu sois maître de toi. Que tu prennes les
commandes de ta vie. Et en fait, tout ça, on réussit jamais vraiment à le faire. Donc on peut
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demeurer esclave. Mais le seigneur désire que tu sois libre. Et il te donne des aides, des
moyens pour cela. La première aide, c'est qu'il nous a envoyé Jésus Christ son fils. Jésus,
qui vient nous enseigner comment diriger notre vie. Si Jésus est un enseignant, c'est un
maître (long silence). Et son enseignement, pour le retrouver, on va se tourner vers
l'évangile. Vers cette évangile transmise par l’Église fidèlement. Et puis une deuxième aide
que nous donne le Seigneur, c'est l'esprit saint. L'esprit saint est en toi. En toi il est le
maître des lieux. Il est celui qui va te guider pour bien orienter ta vie. À faire les bons
choix. C'est pour ça qu'il faut lui laisser les commandes de ta vie. Pour qu'il t'aide à faire ce
qui est bon pour toi (long silence). Le seigneur, Jésus Christ, l'esprit sain. Dieu n'est pas un
maître qui réduit en esclavage, comme peut le faire l'argent, ou ton téléphone. Au contraire,
c'est un maître qui vient pour te libérer, de tout ce qui te domine. Il vient pour te rendre
vraiment libre, libre d'aimer ce qui est le plus aimable, libre de choisir une vie
extraordinaire que Dieu prépare pour toi. Libre d'être chrétien, et de vivre chaque minute,
chaque seconde comme un chrétien (silence). La clé de notre bonheur, la clé de ton
bonheur, c'est de faire comme les apôtres avec Jésus. S'approcher du Christ et lui dire,
« maître, maître... (moins fort) maître (encore moins fort), où veux-tu m'emmener? » et
Jésus te dira « viens, et vois les merveilles que je prépare pour toi ».
95
Homélie du 1e décembre 2013 : Veillons
Voila un bon Evangile pour étudiant. Ben oui parce que ce que l'étudiant fait le mieux, c'est
de veiller, et aujourd'hui le Christ te demande de veiller.
Eh ben ca tombe bien moi je me conforme à l'évangile : je veille ! Pour rendre mon rapport
à l'arrache : je veille, pour réviser mes 400 pages de cours à trois jours des partiels: je
veille. Du jeudi au samedi soir je veille ! Je ne ferme pas l'œil de la nuit.
Ca c'est sur les étudiants c'est des veilleurs, des veilleurs de compétition rarement couchés
avant minuit (et rarement levé avant midi). Et c'est bien connu les meilleurs des veilleurs,
c'est ceux qui se couchent le plus tard, du coup les plus catholiques d'entre vous c'est ceux
qui finissent au petit matin place saint Pierre, à Victor Hugo ou à l'étincelle.
Mais y a deux manière de veiller, veiller pour attendre que la nuit finisse, veiller en
attendant la fin, ou veiller en attendant quelque chose ou quelqu'un.
Deux attitudes : veiller tourné vers le passé en se rappelant le bon temps, le temps de la vie
étudiante, veiller en se rappelant toute ces belles soirées passées, en les exhibant comme
des trophées de chasse, racontant nos exploits...
Ou veiller tourné vers l'avenir en espérant le bon temps, parce que le bon temps pour nous
il est devant nous, le bon temps. C'est pas nos années étudiantes, le bon temps pour nous
c'est devant, c'est l'avenir, le bon temps c'est l'avent !
Oui enfin attendre le bon temps ca veut dire quoi ? Mais j'attends quoi moi, qu'est ce que
j'espère.
C'est vrai ca au fond, qu'est ce qu'on attend ? Qu'est-ce qui nous tient éveillé? Quel est le
projet qui nous met sous tension et qui, par conséquent, nous fait vivre ? Car, c'est bien
connu, l'espoir fait vivre. Celui qui n'attend plus rien de la vie, autant dire qu'il est déjà
mort ou presque.
Alors nous les vivants qu'est ce qu'on attend ??
La fin du sermon ? Oui c'est bon d'accord. Dans le même genre, je peux ajouter : l'happy
hour du vendredi soir, la fin du match pour savoir si le stade aura le bonus offensif (oui
parce que la victoire, ca c'est bon on sait que c'est acquis) ? Mais bon ça c'est juste des
Attentes à court terme. En rester là, passer sa vie à courir à droite à gauche, au gré des
sollicitations immédiates, c'est prendre le risque d'atomiser ta vie.
Heureusement, il y a en toi des désirs plus profonds, des Attentes qui mobilisent et unifient
toutes tes énergies, qui donnent un sens à la durée. Attente de l'étudiant qui construit peu à
peu sa personnalité pour prendre sa part dans la construction du monde, Attente de la jeune
femme enceinte qui compte les jours avant que l'enfant naisse.
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Voila des Attentes sérieuses, constructives, mais ce sont encore des attentes partielles,
limitées. Parce que le cœur de l'homme (catholique ou pas) est ainsi fait que rien ne peut le
satisfaire, que rien ne peut apaiser son désir, mettre un terme à son attente, sinon l'Infini de
Dieu.
Oui, que nous le sachions ou non, nous sommes soulevés par une attente radicale profonde,
une sorte d'immense désir qui nous tient aux tripes. Il y a un but, une fin dernière, qui
devrait aimanter, unifier tous nos désirs. C'est ce que nous appelons le Bonheur (ou en
terme catholique, le Salut.)
Il n'y a pas si longtemps, cette attente du salut on la voyait dans de grands projets
politiques : un Reich de mille ans pour les uns, un grand soir ou des lendemains qui
chantent pour les autres. Aujourd'hui, le moins qu'on puisse dire, c'est que ces grands
idéaux ont déçus et qu'ils ont perdu à peu près toute force de mobilisation. Qu'on s'en
réjouisse ou qu'on le déplore, l'homme occidental n'attend plus rien de l'Histoire. Sinon
qu'elle passe son chemin et le laisse tranquille.
Toute son espérance, il la reporte sur son bonheur individuel ou dans le meilleur des cas
familial. Dérive malsaine d'une société blasée et pourrie, tonneront certains prophètes de
malheur (et autrenprédicateur). C'est vrai. Il y a pas mal d'égoïsme dans ce repliement.
Pourtant, tout n'est pas négatif dans cette tendance lourde de notre société. Naguère, le
surinvestissement dans les grandes causes sociales, politiques ou humanitaires pouvait
cacher, sous des dehors de générosité ou d'altruisme, une fuite en avant, un refus du vrai
combat : celui de l'intériorité, celui de la conversion personnelle... Parce que c'est plus
facile de prétendre changer le monde plutôt que de se changer soi-même. Et puis « que sert
à l'homme de gagner l'univers si c'est pour y perdre son âme ? »
Ce combat de l'intériorité, vous le savez, consiste essentiellement à chasser les désirs
parasites, superficiels, qui étouffent les vrais désirs, ceux qui structurent en profondeur la
personne. Or - j'y reviens - qu'est-ce que nous voulons au fond... sinon la vie. Nous voulons
vivre. Non pas survivre, non pas vivoter, en attendant le week end ou nous toucherons à la
suprême récompense : pouvoir regarder le match du stade dans son canapé une bière à la
main. Nous voulons vivre à plein !
Evidemment, il ne faut pas se faire une idée trop trop mesquine de ce qu'est la vie. Pour
certains, vivre à fond, c'est tout au mieux jouir d'une bonne forme physique (fumer tue,
boire tue, faire trop de sport tue, ne pas en faire tue aussi...) avec une alimentation saine
(manger 5 fruits et légumes c'est le début du bonheur) et une bonne bande de potes.
Mais la vie biologique c'est quand même pas le tout de la vie de l'Homme, vous n'êtes pas,
quoi qu'on vous en dise, des tubes digestif ou des estomacs sur pattes. Manger, boire et
dormir c'est pas un but en soi.
Ce n'est qu'une condition de la vraie vie, qui, elle, est d'ordre spirituel. Vouloir vivre à
fond, c'est vouloir être libre, maître de sa vie, c'est vouloir se donner, aimer et être aimé.
L'amour, ingrédient indispensable à tout bonheur, l'amour, à y regarder de plus près, nous
livre le secret décisif sur la nature même du bonheur : mon bonheur ne dépend pas que de
moi. Le bonheur n'est pas une conquête qu'on saisit comme une proie : il est une grâce
qu'on accueille comme un don. Car l'amour est gratuit. Il ne s'achète pas, il ne s'impose
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pas, ça n'est même pas une récompense. " Celui qui offrirait toutes les richesses de sa
maison pour acheter l'amour, dit l'Écriture, ne recueillerait que le mépris " (Ct 8, 7). Il
n'aurait rien compris au mystère de l'amour. Car, voyez-vous, être aimé, avoir du prix aux
yeux de quelqu'un, être son unique, ce n'est pas un droit. C'est une grâce, une grâce
extraordinaire qui change la vie. Tout bonheur authentique exige une préparation intérieure
de notre part, mais il relève surtout d'une initiative qui ne dépend pas de nous.
On ne peut donc qu'attendre le bonheur. Et ce qui vaut de tout bonheur vaut à plus forte
raison du Bonheur absolu. Il est suspendu au don de Dieu. Que Dieu, par le don de sa
grâce, nous fasse communier à sa connaissance et à son amour. Lui devenir semblable.
Connaître comme il connaît, aimer comme il aime. Et cela non pas pour un instant mais
pour toujours c'est ca la vie: C'est ça qui au fond nous tient en éveil !
Nous ne veillons pas en attendant la fin nous veillons en attendant le début, le
commencement de toute chose, la venue de Jésus Christ, celui qui renouvellera tout, celui
qui fera toute choses nouvelles,
Celui qui est venu il y a deux mille ans pour nous sauver,
Celui qui reviendra dans la gloire à la fin des temps,
Celui qui vient dans nos cœurs pour en faire sa crèche,
Celui qui vient maintenant sous l'apparence du pain et du vin pour nous nourrir.
Viens habiter en moi Seigneur, je t'attends.
Abbé Simon d'Artigue
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Homélie du 5 janvier 2014 : Idolâtrie ou agenouillement
Comme dans l'Évangile un roi mage, un des trois rois mage qui avance péniblement dans le
désert, la tête dans les étoiles, il se dépêche, il titube, il tire son pauvre chameau.
Comme dans l'Evangile l'étoile le guide.
Comme dans l'Evangile, il finit par arriver à Bethléem.
Comme dans l'Evangile, l'étoile s'arrête au dessus de la crèche.
Comme dans l'Evangile, il entre et là il trouve l'enfant Jésus dans une mangeoire et c'est là
qu'on quitte l'Evangile et que nous entrons dans le monde merveilleux de... Canal plus !
Ben oui, tu l'as peut être vu cette pub pour canal plus.. Et le film continue et Balthazar
trouve bien l'enfant Jésus dans la crèche mais il est seul abandonné, personne d'autre dans
la pièce, ni Marie, ni Joseph, ni le bœuf ni l'âne ni les deux autres rois mages. Personne,
l'enfant seul ; alors le roi mage aperçoit une porte entrouverte au fond de la pièce, il entend
du bruit, il pousse la porte et là il trouve tout son petit monde à genoux réuni autour de la
télé, en train de regarder canal plus, complètement fascinés par la champions league,
adorant "Taken", "Tunnel" ou "Amour" et vénérant "Mad men" saison 6.
Bon bien sûr c'est une parodie, rien de grave, on va quand même pas commencer à crier au
blasphème, au scandale, on va pas alerter la ligue des droits de l'Homme et Caroline
Fourest, non c'est même plutôt bien fait, on peut en sourire.
On peu en sourire mais on peut aussi s'en inquiéter: finalement est ce que ce n'est pas assez
vrai cette parodie ? Finalement est ce que toi aussi tu ne ressembles pas un peu à ce roi
mage paumé, quand dans ta chambre tu vois ta Bible ouverte et ton PC avec l'intégrale de
"game of throne", est ce que tu laisses pas tranquillement ta Bible toute seule dans soncoin
pour te faire, allez juste une saison, 10 épisodes, c'est quoi dix épisodes hein ? Est ce que
dans nos vies la télévision, et autres écrans n'ont pas pris la place de Dieu, combien de
temps passes-tu devant un écran et combien de temps passes-tu avec Dieu chaque jour ?
Combien de temps perdu passes-tu devant internet et combien de temps perds-tu avec ton
Dieu
?
L'épiphanie c'est la fête de la vérification de la place de Dieu dans nos vies.
Il y aura toujours dans nos vies ce choix à faire entre Dieu et les idoles, entre le vrai Dieu
et les faux dieux, la multitude de petits faux dieux, tout ceux qui te font de l'œil, tout ceux
qui te proposent une promo pour t'attirer à eux pour te captiver ou te capturer, (19,90 euros
par mois !! Enfin écrit en tout petit, il y a marqué que c'est juste bon pour les trois premiers
mois, ensuite tu vas douiller !).
Et bien la pub de Canal plus a quelque chose de franc, de direct : « il te faut choisir » : le
roi mage a choisi de se poser devant la télé et de s'abrutir, alors qu'il était venu pour adorer
le
roi.
Alors qu'il avait suivi l'étoile cette étoile qui l'a conduit au bon endroit, il avait fait tout ce
voyage pour se laisser détourner au dernier moment: mais c'est comme toi, à tout instant et
jusqu'au dernier moment tu peux te laisser détourner de la vérité qui s'offre à toi.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, de l'idolâtrie, celle que dénoncent les prophètes à
longueur d'Ancien Testament, cette idolâtrie qui nous guette tous dès que nous nous
éloignons de Dieu, dés que nous nous éloignons de Jésus Christ en qui Dieu s'est fait tout
proche de nous, dès que nous choisissons un autre roi, dès que nous nous trompons
d'agenouillement.
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Cet enfant, dans la pauvreté de sa mangeoire, dans la pauvreté de ses langes t'offrent bien
plus de richesse que toutes les autres promesses et lui, il tient sa promesse, celle de te
libérer, celle de te sauver. Oui mais tu me diras que le salut c'est trop lointain, c'est pour
l'au-delà, ca t'intéresse pas toi à 20 ans d'être sauvé, sauf que pour toi le salut aujourd'hui il
s'appelle "libération. Le salut c'est d'abord une libération, le Christ est venu pour nous
libérer de toute ces illusions grotesques, de toute ces étoiles qui brillent mais qui ne sont
pas de l'or, qui brillent et nous mènent vers des pièges, de tout ces petits tyrans qui
cherchent à te rendre dépendant, à t'enchainer. Je ne sais pas quelles sont tes chaines, mais
ce que je sais c'est que le Christ t'en libère et pour qu'il le fasse il faut que tu le
reconnaisses comme le seul vrai Dieu, comme ton Dieu, il faut que tu t'agenouilles devant
lui, il faut que comme les mages tu le reconnaisses comme ton roi. Il faut que tu l'aimes lui
plus que ton tyran domestique, ton portable, ton disque dur truffés de film, ton internet et
ses sites pourris, ta carrière, ton ambition dévorante...
Comme les mages, comme les bergers agenouille-toi et adore.
Ta mère a du te le dire mille fois quand tu lui disais « maman, j'adore le chocolat et le stade
toulousain » (d'ailleurs prie pour eux parce que ce soir, ça va être chaud !), elle te répondait
"On n'adore que Dieu !". Et ta mère avait raison, on n'adore que Dieu parce que lui seul est
digne d'adoration, (non mais tu te vois à genoux devant une tablette de chocolat ou un pot
de Nutella ?). Tout le reste ce ne sont que des créatures, des créatures fascinantes peut-être,
mais décevantes et épuisantes, des créatures qui ne te combleront pas.
Agenouille-toi devant Dieu et cet agenouillement, l'agenouillement d'un Homme libre te
gardera de ne t'agenouiller devant rien ni personne d'autre : ni l'argent, ni le pouvoir, ni le
puissant qui pourrait t'obtenir un avantage, une promotion. Ne t'agenouille devant rien ni
personne, ne t'agenouille que devant ton Dieu, car il est beau cet agenouillement d'Homme
libre.
Choisi celui devant qui tu te mets à genoux.
Et si tu t'agenouilles à la messe chaque dimanche, c'est pas juste pour faire un exercice de
souplesse, c'est pas non plus pour faire plus tradi et impressionner ton voisin (ou si c'est le
cas, malheur à toi pharisien hypocrite), si tu te mets à genoux c'est parce que c'est Jésus
Christ qui se donne à toi sous l'apparence du pain, comme il se donnait aux mage dans la
mangeoire à Bethléem (la maison du pain).
Si tu t'agenouilles à la messe c'est parce qu'un catholique ne plie le genou que devant Dieu.
Et que dans quelques instants sur cet autel Dieu à nouveau sera présent,
Que là encore il se donnera,
Qu'ici encore il te libèrera,
Qu'aujourd'hui encore il t'enrichira.
Abbé d'Artigue
100
Homélie du 19 janvier 2014 : Appelés
L'appel de Dieu, ça fait flipper ! La vocation ça fait toujours un peu peur surtout à des
étudiants catholiques, à vous quoi. En fait non, y'a quand même deux catégories d'étudiants
catholiques...
Y'a ceux qui se posent la question et qui flippent; c'est en général ceux qui ont passé
quelques années dans le scoutisme, dans les groupes charismatiques, ou dans les chapelles
tradi - ou les trois en même temps. Ceux là, ils ont pas pu faire un camp, un pèlerinage ou
une convention sans que leur aumônier ou le prédicateur du coin leur parle vocation, appel,
réponse, discernement et tutti quanti. Tu m'étonnes qu'au bout d'un moment ils soient pas
un peu flippés ! Bon ben eux je voudrais les détendre un peu.
Et puis y'a ceux qui se sont jamais posés la question, qui du coup voient pas très bien à
quoi va servir cette homélie, ceux-là je voudrais un peu leur mettre la pression...
Je vois trois raisons de flipper et trois de se détendre (3 mauvaises et 3 bonnes):
Première idée flippante: Celui qui imagine l'appel un peu comme ça : t'as Dieu qui du haut
du ciel pointe son index divin (un tantinet menaçant) vers toi te disant :
« toi oui toi »,
« euh qui moi ? »,
« oui c'est à toi que je parle, toi tu vas te marier avec Lucette »,
« oh non pas Lucette j'peux pas ! Je suis raide amoureux de Josette, on vient juste de se
fiancer
»;
« j'men fous ! C'est ma volonté, tu te marieras avec Lucette » ;
« bon ok ok, faut pas vous énerver Seigneur ».
Bon tu m'étonnes qu'en concevant l'appel comme ça on flippe un peu. Ben en fait ça se
passe pas exactement comme ça dans la succursale "vocation" du bon Dieu.
Une deuxième idée flippante de la vocation, c'est la hiérarchie, un peu comme pour les
écoles: au concours si tu réussi t'as polytechnique et HEC et puis en dessous t'as que des
croutes, autant vous dire que pour vous qui êtes à Toulouse... eh ben c'est mort !! Pour les
vocations c'est un peu pareil t'as le top du top, la crème de la crème "prêtre diocésain de
l'archidiocèse de Toulouse", tout le monde en rêve (et au sommet de cette glorieuse carrière
tu as "curé de la paroisse étudiante" : ils sont des centaines à postuler !) et puis en dessous
tu as hiérarchiquement : jésuites, franciscains, assomptionnistes, béatitudes, beaucoup plus
bas dominicains et tout en bas, laïc, à peine baptisé : vous quoi. Du coup si le bon Dieu
t'appelle à être juste "marié", bof quoi. Tu flippes, c'est vraiment la vocation au rabais. Ben
en fait, c'est pas non plus comme ça.
Et puis y'a une troisième peur, c'est celui qui, conditionné se met la pression tout seul : «
Seigneur je sens que tu m'appelles, j'ai fais trois retraites de discernement, je suis en Tobie
deuxième année, je sens que tu m'appelles, mais à quoi tu m'appelles ? ». Et là c'est
l'ultimatum mode Pepe (le fils de Soupaloignon y crouton): « dis-le moi ou je retiens ma
respiration, si tu me réponds pas dans cinq jours je m'en fous, je te quitte !! » Et toi tu
flippes, tu te mets la pression. Détends-toi !
101
Trois raisons de te détendre....
Première raison de se détendre: Détends-toi d'abord parce que le Seigneur t'appelle oui
c'est certain, mais il t'appelle a une seule chose, pas d'abord à choisir entre Raoul ou petite
sœur de l'agneau, mais il t'appelle au salut : « je vais faire de toi la lumière des nations,
pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre ». C'est ça le grand dessein
de Dieu, que tous les hommes soient sauvés, ni plus ni moins: première raison de se
détendre. Et première fierté: le Seigneur t'associe à son grand dessein. C'est à toi qu'il
adresse cet appel, c'est de toi qu'Il veut faire la lumière des nations ; pas juste ingénieur à
Airbus, ou infirmière à Purpan, c'est vraiment trop peu, tu es appelé à participer à cet
immense œuvre, à être lumière des nations, lumière pour tes frères (ce qui t'empêchera
d'ailleurs pas d'être ingénieur, charpentier, médecin ou pâtissier).
Deuxième raison de se détendre: Détends-toi encore parce que cet appel, l'appel
fondamental, il t'es adressé à toi de manière personnel (parce que Dieu fait toujours dans le
détail. Dieu ne braille jamais un « je vous aime » comme les pop stars du haut du podium:
il te murmure "je t'aime" au creux du cœur, en se penchant vers toi, « tu as du prix pour
moi »). Mais il est adressé à toute l'Eglise, à tout ceux qui « invoquent le Nom du Seigneur
», à « vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint », à nous tous, quelque
soit notre condition, notre âge, notre état de vie : prêtre ou marié, religieuse ou étudiante.
Troisième raison de se détendre : Cet appel à la sainteté tu te dis "c'est pas pour moi, c'est
trop pour moi, saint ? Non ! Non, moi je veux juste une petite vie peinard, métro, boulot,
dodo et la messe le dimanche (ben oui j'suis catholique quand même)". Détends-toi encore,
ce n'est pas toi qui devient saint par forces, c'est Dieu qui te fait saint par le baptême en
Jésus Christ: comme dit Jean-Baptiste, « c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint ».
Alors détends-toi, tu es baptisé (ou tu le seras bientôt, tant c'est le plus beau des cadeaux).
Et le seigneur attends de toi une réponse, détends-toi, il ne t'impose rien, il ne t'oblige à
rien, il veut que tu lui répondes librement : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as
ouvert mes oreilles, alors j'ai dit : « Voici, je viens. ». Mais la réponse qu'il attend c'est pas
une réponse entre devenir l'époux de Julie ou rentrer chez les jésuites, la première réponse
qu'il attend c'est une réponse à sa question : « est ce que tu veux me suivre tout de suite,
aujourd'hui, là, maintenant ? »
Il y a trop de catholique qui ne réponde pas à cet appel, cet acte de volonté ou tu dis "oui
Seigneur, je veux te suivre et finalement je m'en fous de savoir comment te suivre, où te
suivre: est ce que tu veux que je sois dominicains ou bien que j'épouse Julie ou
Radegonde ? Mais je m'en tape, ce que je veux c'est te suivre aujourd'hui comme étudiant
et peu importe comment", parce qu'aujourd'hui t'es pas jésuite, et t'es pas maqué avec
Radegonde, alors quoi tu vas rester comme un gland en attendant d'avoir pris ta décision,
(qui d'ailleurs risque de ne jamais venir) ?! Non, tu vas avancer avec le Christ aujourd'hui,
le suivre aujourd'hui, vivre comme un baptisé, comme un fils de Dieu aujourd'hui. Si tu
attends demain, tu attendras toujours.
Et puis imagine l'horreur, une fois que tu seras casé avec Julie ou avec les
assomptionnistes, c'est bon ? T'as répondu à l'appel donc tu peux te mettre en roue libre et
laisser filer, c'est la planque, tu t'arrêtes, de répondre à l'appel du Seigneur ? Mais non mon
gars t'es baptisé, je te rappelle, le Seigneur a fait de toi la lumière des nations.
Tu vas vivre aujourd'hui de la chose la plus précieuse qui ne t'ai jamais été donné et qui ne
te sera jamais donné : pas un billet pour les quarts de H cup, pas non plus une soirée en tête
à tête avec Monica Belluci, non : le baptême ; la sainteté en germe, le chemin de sainteté.
102
Suis-le aujourd'hui et tu verras que tout s'éclairera. N'attends pas demain pour être saint,
pour faire sa volonté fais-la aujourd'hui et tout se simplifiera, apprends-la à la faire
aujourd'hui sinon tu ne la feras pas demain, fais sa petite volonté aujourd'hui, pour faire sa
grande volonté demain.
Parce que bien sûr qu'il faut à notre Église et à notre monde des prêtres pour célébrer la
messe, des religieux pour être témoins de l'Evangile, des missionnaires pour porter Jésus
Christ aux confins du mondes, des familles catholiques pour animer notre société d'une vie
évangélique, mais si ces familles ne sont pas de saintes familles catholiques, si ces
religieux ne sont pas de saints religieux, si ces prêtres ne sont pas de saints prêtres, si nous
ne sommes pas ce peuple saint qui invoque sans cesse le nom du Seigneur, si nous sommes
juste des catholiques sociaux, un espèce de vernis chrétien, juste une apparence, alors
autant s'arrêter tout de suite, on a mieux a faire que de chanter des cantiques et s'emmerder
à la messe.
Cet appel que le Seigneur t'adresse ce soir,
Cet appel qui donne sens à toute ta vie,
Cet appel qui demain prendra une forme particulière dans la vie consacrée ou le mariage.
Est-ce que tu veux me suivre ?
Est-ce que tu veux être saint ?
Dans le silence de ton cœur il attend ta réponse...
"Me voici !"
Abbé Simon d'Artigue
103
Homélie du 16 février 2014 : Fidèle
"Mon père, coucher c'est pas tromper ? Ah si, vous croyez ?... Bon alors embrasser,
embrasser, c'est pas tromper ? Embrasser, juste un baiser comme ça pour rire, un soir en
boîte, comme ça par mégarde, un traquenard, c'est pas tromper ? Ah si, ça aussi c'est
tromper ?"
"Bon ben vous voyez c'est vraiment le problème avec l'Eglise, c'est ce décalage avec ce
que vivent les jeunes: comment vous voulez qu'on vous croit et surtout qu'on vous suive ?
C'est trop high level, j'veux dire c'est trop haut pour moi, moi aujourd'hui il faut pas trop
me prendre la tête avec des défis impossibles: c'est bona vie chrétienne ça doit pas être pas
Koh
Lanta."
Bon ben là on est mal barré, alors tu sais quoi, tu devrais refermer soigneusement ton
Evangile, sortir discrètement de l'église et revenir quand tu seras marié, ben oui parce que
la fidélité, la grande fidélité c'est pour le mariage, avant on est là pour se marrer, non?
Tu as entendu l'évangile du jour, tu as entendu la radicalité du Christ ? Non seulement
coucher c'est tromper, embrasser c'est tromper mais même "celui qui regarde une femme
avec envie a déjà commis l'adultère dans son cœur": regarder c'est tromper. Et là tu te dis:
"bon ben c'est mort: encore tant que les filles sont emmitouflées dans leurs doudounes et
qu'il n'y a rien qui se laisse entr'apercevoir ça passe ! Mais quand va arriver le printemps,
quand les jupes vont se raccourcir et que les gars vont exhiber leurs torses velus, là ça va
devenir beaucoup plus chaud, voire impossible. Mon père avouez-le, c'est pas possible de
pas jeter un coup d'œil ? Un coup d'œil, c'est pas tromper quand même ?" Et si mon gars,
même regarder c'est tromper ! Pourquoi ? Parce qu'un jour dans une église, les yeux dans
les yeux et la main dans la main (comme dirait Sheila) tu diras à Pamela "je me donne à toi
et je te reçois". Et quand tu diras ça, le jour de ton mariage tu diras pas "je te donne juste
mon cœur ou juste la moitié de mon temps" (l'autre moitié elle appartient à Airbus ou au
stade toulousain), tu diras "je te donne tout, mon cœur mon âme, mes gestes, mes paroles,
je te donne tout, je ne garde rien". Parce qu'un chrétien ne sait pas se donner à moitié, parce
que nous ne nous donnons pas en tranches, parce qu'un chrétien ne se divise pas, un
chrétien ne se prête pas, parce qu'un chrétien se donne tout entier, comme son maître ,
comme le Christ: "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie ". C'est cette
fidélité à laquelle tu es appelé, elle te fait flipper aujourd'hui, tu te dis que tu n'en es pas
capable, tu te dis que ça c'est pour plus tard (pour quand tu auras trouvé Julie ou Marcel),
pour le moment tu as le temps, il faut profiter, pour le moment tu peux passer de Julie à
Ninon ou de Gontrand à Donald sans trop te soucier et puis un jour, quand tu l'auras décidé
bon ben tu seras fidèle, comme ça hop, parce que tu l'auras décrété, mais justement pour le
moment t'as pas trouvé ton Gontrand alors t'as le temps. Non tu n'as pas le temps, tu ne
peux pas vivre ta vie en dilettante en laissant le temps faire son œuvre, sans être toi même
acteur de ta vie, sans laisser Dieu te guider. Si tu désires cette grande fidélité, si tu la
trouves belle et nécessaire, si tu veux la promettre un jour à quelqu'un alors c'est
aujourd'hui qu'il faut commencer à la bâtir.
Comment veux tu être fidèle demain si tu n'apprends pas à être fidèle aujourd'hui ?
Et il y a comme trois étages pour cette fidélité...
Celle dont je te parlais à l'instant la fidélité à Cunegonde, la belle fidélité, celle ou tu
104
donnes tout. Mais cette fidélité, la fidélité d'une vie, la grande fidélité a un soubassement:
c'est la fidélité à toi-même, la fidélité à ta parole: "que ton oui soit oui que ton nom soit
non". Tenir ton engagement, ce petit engagement que tu as pris en début d'année: aller au
CCU tous les jeudis par exemple et c'est pas parce qu'on te propose un ciné ce soir ou que
t'es claqué que tu vas te détourner de cet engagement.
Ou encore la fidélité à ton devoir d'état: pour un étudiant, d'étudier, être en cours à 8h00
tous les matins, qu'elle qu'ait été la soirée de la veille. Tu sais que ta parole donnée (même
si tu ne l'as donné qu'à toi) est celle sur laquelle on doit pouvoir bâtir une cité, tu sais que ta
vie vaut par tes fidélités. Tu sais que tu ne t'engageras certainement pas avec un gars qui
manque de fiabilité, avec une girouette.
Dans des temps anciens j'ai entrainé des mouflets de l'école de rugby. En septembre quand
les terrains sont verts et les maillots propres, il y avait 40 gamins inscrits; mais là en
janvier-février quand les terrains sont boueux, qu'il pleut, qu'on se pèle, on avait du mal à
trouver 15 gamins: j'étais vert, j'engueulais pas tant les petits, j'engueulais les parents:
"Comment voulez-vous que votre gamin soit fidèles un jour, si devant la première
adversité vous baissez les bras, (surtout quand l'adversaire, c'est quelques gouttes de pluie
et un -2 au thermomètre), comment voulez vous que demain il tienne ses engagements si
vous ne le lui apprenez pas à les tenir aujourd'hui ?".
Comme disait la première lecture, "Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il
dépend de ton choix de rester fidèle."
Mais il y a une troisième fidélité plus fondamentale, la fidélité qui est le socle de tout: la
fidélité de Dieu d'abord et la fidélité à Dieu ensuite. Car Dieu est fidèle, il ne lâche rien et
surtout pas toi, quel que soit ton infidélité, quels que sois tes doutes, quels que soit les
détours que tu auras pris, quelles que soit tes chutes, il est fidèle. C'est la grande leçon de
l'ancien testament, Dieu n'abandonne jamais, il donne sa Parole et ne la reprend pas: "Car
je suis avec vous jusqu'à la fin des temps".
C'est sur cette fidélité que nous pouvons tout bâtir, c'est sur ce roc, sur ce socle solide,
inébranlable que tu peux t'appuyer en confiance, et c'est ça la foi: cette confiance
inébranlable en Dieu qui ne peut ni se tromper ni te tromper.
Cette foi qui devient le socle sur lequel tu peux bâtir ta vie ce fondement qui te donnera
d'être un Homme de confiance.
Ce roc qui te permettra demain de t'engager pour la vie et d'être fidèle.
Abbé d'Artigue
105
Homélie du 1e mars 2014 : L’inquiétude
Il y en a un qui est beaucoup moins inquiet depuis hier soir ? C'est Guy ! Oui depuis deux
mois il était inquiet Guy, avec ces doublons qui lui pourrissaient la vie, son infirmerie qui
ne désemplissait, son incapacité à remporter le moindre match à l'extérieur, l'adversité
manifeste des arbitres contre lui, oui tout ça, ça le rendait inquiet. Vous, vous en vous en
foutez peut être un peu, mais un toulousain normalement constitué, il compatit à
l'inquiétude de Guy, oui Guy Novés, l'entraineur du stade toulousain !
Eh ben depuis hier soir ça va beaucoup mieux, il est beaucoup plus détendu Guy, depuis
qu'on a foutu une bonne dérouillée aux catalans: il va mieux. Bon du coup y'en a un qui est
beaucoup plus inquiet c'est Marc, Marc Delpoux, l'entraineur de Perpignan. Ainsi va le
monde d'inquiétude en inquiétude....
Bon on se marre, mais on n'est pas là pour ça; les étudiants c'est un peu pareil, assez
inquiets aussi : enfin chez l'étudiant il y a différentes formes d'inquiétude ..
Y'a L'inquiétude éthylique: inquiet de savoir si ce soir c'est happy hour chez Tonton et si il
fait pas suspens pendant le carême. T'imagine, Tonton en carême : plus de bière, plus de
pastis, c'est menthe à l'eau et Badoit au mètre, ça va nous changer les vendredis soirs sur la
place saint Pierre !
T'as l'inquiétude universitaire : inquiet de ton orientation. Inquiet de savoir si tu trouveras
un boulot a Toulouse : le rêve, ou si tu vas être obligé d'accepter un poste à Limoge : la
purge, ou pire à Paris : l'horreur !
L'inquiétude égocentrée: qu'est ce qu'on va penser de moi si on apprend que je suis
catholique dans ma fac ? Qu'est ce que Marinette va penser de moi si elle me voit habillé
comme un pingouin : jogging/birkenstock (je ne veux pas offenser les allemands de
l'assemblée) ? Ou encore qu'est ce que le père Simon va penser de moi si je me confesse à
lui avec tout mes énoOormes péchés ?
L'inquiétude toute catholique : Seigneur est ce que tu m'appelles à être dominicaine du
saint nom de Jésus, missionnaire de la charité, ou petite sœur des pauvres ?
L'inquiétude sentimentale: est ce que je vais trouver ma Julie avant la fin du carême, ou en
tout cas avant mes 40 ans ?
On plaisante on plaisante mais l'inquiétude ça vous pourrit la vie ! Vous savez quand vous
avez un truc qui vous obsède, un truc dont vous n'arrivez pas à vous défaire, une espèce
d'idée fixe qui vous inquiète et dont rien ni personne ne semble pouvoir vous débarrasser,
et bien les lectures de ce jour te donne trois pistes à exploiter, trois voies pour combattre
l'inquiétude, trois conseillers.
A tout Seigneur tout honneur Jésus : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice ».
Tu t'inquiètes pour trop de choses qui éparpillent ta vie en mille morceaux, cherchent plutôt
ce qui va l'unifier, et ce qui l'unifie, c'est de trouver le centre, c'est de trouver de Dieu et de
l'y installe. Alors cherche Dieu, tu remarqueras que Jésus dit "cherche d'abord le royaume
de Dieu", ça veut dire que cette recherche n'est pas exclusive de toutes les autres. Ca veut
106
dire que tu peux quand même chercher un boulot, tu peux quand même aller en boite (ou à
la paroisse) pour chercher Marinette, tu peux quand même aller a Ernest Wallon pour
chercher la victoire (si tu vas à aimer Giral tu risques plus d'y côtoyer la défaite). C'est
même plutôt conseiller de chercher un peu et de te tirer les doigts pour faire ce qui te
revient, mais avant tout, c'est une question de priorité: cherche Dieu, tout le reste
s'ordonnera à Lui, ou plutôt il ordonnera tout le reste de ta vie.
Deuxième conseiller, Saint Paul: « je me soucie fort peu de votre jugement sur moi... celui
qui me juge c'est le Seigneur », mais quelle sagesse ! Combien est ce que nous perdons de
temps et d'énergie à nous contempler dans le regard des autres, à nous inquiéter de ce
qu'untel pense de moi ! Libère-toi de ce regard oppressant car si tu vis en attendant
l'approbation des autres, tu mourras de leur rejet. Attache-toi là encore au seul regard qui
compte, celui de Dieu, et ensuite pose sur tes frères ce même regard, un regard qui relève,
un
regard
qui
édifie,
un
regard
qui
encourage.
Enfin troisième conseiller Isaïe, c'est Jérusalem qui parle, mais Jérusalem ça peut être
chacun d'entre nous au jour de la détresse: « Le Seigneur m'a abandonnée, le Seigneur m'a
oubliée ». Quand la tribulation se fait trop forte, quand la tempête semble nous submerger,
elle est inquiète Jérusalem et nous avec elle, et nous comme elle. Et pourtant Dieu a scellé
son Alliance avec elle, avec toi, avec les Hommes, une alliance pour toujours. Et c'est Dieu
lui-même qui prend la parole : « Je ne t'oublierai jamais. »
Alors, quand tu te sentiras submergé par la tristesse,
accablé par la honte de ta misère,
inquiet du lendemain, seul, terriblement seul,
ne laisse pas l'inquiétude te ronger le cœur,
ne laisse pas le désespoir te faire sombrer,
crie, hurle vers le Seigneur.
Et écoute-le, qui murmure au fond de ton cœur : « Je ne t'oublierai jamais. »
« Jamais. »
Abbé d'Artigue
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Homélie du 9 mars 2014 : Vivre libre !
Tu arrives à Toulouse, enfin tu quittes tes parents, tu t'éloignes du diktat que ces fascistes
patentés faisaient peser sur tes épaules, à toi la grande liberté: "je vais enfin pouvoir faire
ce que je veux: me coucher à 5h00 du matin, me lever à 12h00, sécher mes cours peinard..
Je vais enfin pouvoir me lâcher, à moi la vraie vie !"
C'est donc ça la liberté, la grande liberté, pouvoir faire ce que tu veux ? C'est en tout cas la
liberté que le serpent a proposé à Adam et Ève: "Allez-y les gars, libérez-vous des
contraintes dans lesquelles Dieu vous enferme, il vous a dit que vous ne pouviez manger
d'aucun arbres ? Mais non !! C'est des conneries, vous pouvez faire ce que vous voulez,
allez-y !" Tu remarqueras que le serpent travestit la vérité que Dieu propose, c'est un
menteur, c'est le menteur dès l'origine, car Dieu avait dit "Vous pouvez manger de tout le
arbres, mais de l'arbre et la connaissance du Bien et du Mal, vous n'en mangerez pas sinon
vous mourrez".
Dieu n'interdit rien, il permet tout et il prévient. C'est ça la vraie liberté, pas tant de te dire
"tout est permis, tout est indifférent, il n'y a pas le Bien et le Mal". Dieu te dit où est le
Bien et il le connaît bien, c'est lui qui l'a créé et il te déconseille le Mal car il sait que c'est
un fruit de mort et parce qu'il veut que tu vives, il veut ton bien. Elle est là la vraie liberté à
la lumière de Dieu, choisir en conscience et choisir en confiance.
Mais le serpent va plus loin dans le choix qu'il nous propose: "mange et alors tu connaîtras
le Bien et le Mal, désobéit à Dieu et obéis-moi et alors tu connaîtras, tu possèderas le Bien
et le Mal.". C'est dans ce geste qu'est le pêché, la désobéissance: se saisir du fruit de la
connaissance, le posséder, mettre la main sur le Bien et le Mal, en être maître. Ma liberté
sera totale quand non seulement je ferai ce que je veux mais plus encore quand je déciderai
ce qui est bien et ce qui est mal, quand il n'y aura plus personne pour me dicter sa loi,
quand je serai autonome, quand je serai ma propre loi. Et peu importe que cette loi soit
contraire à celle de mon frère, à celle de ma femme, chacun sa vérité, chacun sa loi.
Plus personne pour me dire ce qui est bien et mal, c'est moi qui choisis, c'est moi qui
décide ce qui est bien et mal et tu as raison c'est là seulement que tu auras conquis la liberté
totale, quand tu seras capable de décréter le Bien et le Mal, quand tu seras Dieu, car cela
n'appartient qu'à Dieu. Et de même tu ne peux pas faire que le Mal devienne un Bien et le
Bien un Mal, tu ne peux pas faire que le meurtre devienne un bien, ça restera toujours un
mal et ce n'est pas parce que tu décrètes que dorénavant le meurtre est un bien qu'il le
deviendra. Et ce n'est pas en le répétant à loisir, en l'assenant que la vérité sera transformée.
Bien au contraire en mentant, en acquiesçant au menteur dès l'origine, tu te mens à toimême et en choisissant le Mal cachée sous l'apparence d'un bien, (car on ne choisit jamais
le Mal pour le Mal, il se déguise toujours car notre âme ne peux que vouloir le bien), en
choisissant le Mal tu te détruis plus sûrement. Et le menteur dès l'origine a gagné, il t'a fait
croire que tu pouvais changer le Bien en Mal et il t'a entraîné dans sa chute, il t'a entraîné
dans sa désobéissance.
Mais j'ai une bonne nouvelle, le Christ t'a libéré, par son obéissance.
Si tu le regardes tu es sauvé,
si tu l'écoutes tu es sauvé,
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si tu le suis tu es sauvé.
Si le Christ t'a libéré c'est pour que tu sois vraiment libre, libre de faire le Bien, libre de
faire de grandes choses, pas de ramper comme le serpent, ce tentateur qui aime te voir
avachi, ramolli; il aime ceux de son espèce: mou, rampant, invertébré.
Le Christ t'a libéré pour que tu le choisisses. Ce choix, le choix du Bien te déploie, il
t'épanouit, il te développe, il te donne plus de vie, plus d'énergie, plus de force.
Être libre ce n'est pas tant obéir à mon caprice et faire ce que je veux, c'est faire ce que
Dieu
veut.
Être libre ce n'est pas tant de n'avoir à obéir à personne mais de faire confiance à Dieu qui
te propose un chemin de vie.
Être libre ce n'est pas tant d'avoir le choix que de choisir le Bien.
Être libre c'est pas tant de n'avoir ni dieu ni maître, mais de n'avoir qu'un seul maître: Dieu.
Être libre ce n'est pas tant de douter que nous soyons les fils de Dieu (si tu es le fils de
Dieu) mais de nous entendre dire "tu es mon fils bien aimé".
Etre libre ce n'est pas tant de pouvoir choisir entre le Bien et le Mal, c'est de choisir le Bien
et de le faire.
Être libre ce n'est pas se laisser séduire par le serpent qui susurre à ton oreille, mais écouter
Dieu qui parle à ton cœur, à ta conscience.
Être libre c'est obéir à Dieu qui n'opprime pas mais libère.
Être libre c'est faire confiance à Dieu qui fait de nous non pas des esclaves mais des fils.
Abbé d'Artigue
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Homélie du 23 mars 2014 : La Samaritaine
Et si "soif d'autre chose" n'était pas qu'un slogan. Nous sommes gavés, nos corps sont
gavés, nos intelligences sont gavées, nos sentiments sont gavés, gavés par tout ce que nous
propose la publicité, les devantures des grands magasins, la télévision, les magazines. Il
n'est pas 1 cm2 de nous même qui n'intéresse les commerçants, leur but est de nous
engraisser et cela dure de notre plus tendre enfance jusqu'à notre mort, sans répit.
De temps en temps nous éprouvons notre lourdeur, nous sentons que ce gavage a quelque
chose d'artificiel, nous aimerions retrouver quelque chose de plus authentique de plus
simple: pas de problème, ces mêmes publicitaires vont nous offrir de l'authentique, du bio,
du vintage, c'est un peu plus cher ça nous donne l'impression de nous alléger mais en fait il
s'agit toujours du même gavage indigeste, de cette boisson frelatée, qui fait mal au ventre.
Et nous, nous l'acceptons, nous l'acceptons parce que nous avons encore faim et soif. Parce
que tout ce que nous propose les bateleurs ne parvient jamais à assouvir notre faim, il y a
toujours au fond de notre cœur, de notre âme une soif, une faim qui nous tiraille. Et pour
cause, cette faim n'est pas d'ordre matérielle elle est bien plus profonde, elle est spirituelle
et rien de matériel ne saurait la combler.
Peut être qu'à force de matraquage on parviendra à nous faire oublier que nous ne sommes
pas qu'un ventre, un support cosmétique, ou un porte manteau victime de la mode
épuisante. Mais non il y a quelque chose en nous qui résiste à cette réduction matérialiste :
notre âme, elle vit, elle respire elle a soif et faim, elle crie, elle réclame, elle attend sa
nourriture.
Et il est bien venu ce temps du carême, il est bien venu pour nous permettre de remettre un
peu d'ordre dans la hiérarchie de nos valeurs, il est bien venu pour permettre à notre âme de
respirer, de se défaire de tout ce qui l'alourdit, de tout ce gavage qu'on nous impose à
longueur d'année (enfin "qu'on nous impose", c'est pas le goulag, on y consent). Pendant ce
carême tu peux remplacer un repas de midi par un temps de prière (tout les jeudis soirs ici
par exemple), et on se rend compte qu'on ne se trouve pas plus mal, qu'on se trouverait
même mieux. Que finalement jeûner comme ça, une fois par semaine, nous priver un peu,
remplacer la nourriture matérielle, (celle qui nous alourdit), par une nourriture spirituelle,
(celle qui nous libère), ça fait du bien. Ça fait du bien à notre âme, qui elle aussi réclame sa
nourriture. Elle est comme cette samaritaine que rencontre Jésus au puits de Jacob. Elle
venait comme tous les jours puiser son eau, parce que tout les jours elle avait besoin d'eau,
nous le savons bien, un verre d'eau étanche notre soif pour un temps, une heure ou deux,
pas plus, mais ensuite il faut y retourner. Cette femme vient puiser de l'eau ça fait des
années qu'elle vient puiser de l'eau et sa vie aurait pu continuer comme ça longtemps dans
le train train d'une vie à puiser de l'eau, une vie à puiser et s'épuiser.. Oui mais voila qu'elle
rencontre Jésus qui va lui révéler qu'il y a en elle un désir plus profond que celui de cette
eau, il y a en elle bien plus que la soif du corps, il y a la soif du cœur et de l'âme, c'est cette
soif là que Jésus est venu nous révéler, c'est cette soif là qu'il est venu apaiser.
Manon, Ugo, Tina, Pauline, Alexandre, Malika, Soniah, Camille et nous tous ici, nous
sommes cette samaritaine, nous trouvons Jésus sur notre route et il nous propose l'eau vive.
Il ne nous propose pas seulement de quoi survivre mais de quoi vivre, non pas seulement
une vie au rabais, une petite vie mesquine, mais une vie pleine, jaillissante éternelle. Lui
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seul peut nous donner ce que notre cœur désire vraiment, parce que lui seul connaît notre
cœur à fond, lui seul sonde les reins et les cœurs.
Ton cœur désire connaître la vérité: « il est la vérité ».
Ton cœur réclame la beauté: il est « le plus beau des enfants des hommes ».
Ton cœur aspire au bien: « il est le Dieu bon et véritable ».
Ton cœur espère la paix: « il est le prince de paix ».
Ton cœur désire la fraternité: « il nous conduit vers le Père ».
Il y a dans le cœur de l'Homme une soif infinie, il y a dans le cœur des jeunes un désir
immense et qu'est ce qu'on leur offre: The voice, Le plus grand cabaret du monde et PSGMonaco, comment voulez vous que nous fassions de grandes choses avec une telle
nourriture !
Non ! Nous ressemblons trop à ce que nous mangeons, à ce que nous buvons, à ce que
nous lisons, à ce que nous regardons, nous sommes de vraies éponges. Aucun de ces
spectacles ne pourra combler la faim infinie de l'Homme, le seul qui puisse la combler c'est
celui qui se tient sur le parapet du puits de Sichem, c'est Jésus-Christ. Si tu t' approches de
lui comme la samaritaine il te donnera son eau vive et alors tu n'auras plus jamais soif, ton
âme sera rassasiée. Et alors tu pourras à ton tour accompagner tout ceux qui se traînent
dans le désert de notre monde, dans le désert de nos villes, de nos amphis tout ceux qui ont
soif de cette eau, tout ceux que ne contentent plus les aliments seulement matériels, les
propositions insipides, les conversations creuses, les projets vides de sens, tu pourras les
accompagner et leur faire découvrir celui qui est la source intarissable : Notre Seigneur
Jésus-Christ.
Alors n'hésitons pas remontons à la source et buvons à pleine gorge, à plein cœur.
Abbé d'Artigue
111
Homélie du 6 avril 2014 : La gloire ?
« Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu ». Euh ? Y aurait
pas une erreur là, Jésus ?
Parce que justement cette maladie elle a conduit Lazare à la mort ! Et il est bel et bien
mort, la preuve c'est que 4 jours après il sentait. Et puis c'est pas ça la gloire ! Non, la
gloire c'est... La gloire ! C'est de s'asseoir un jour sur le trône de fer, le trône de Westheros,
c'est de mettre à ses pieds les 7 familles... La gloire, pour les irlandais du Munster c'est
quand ils foutent une tannée au grand stade toulousain (c'est bon eux ils ont réussit leur
HCup, même s'ils sont éliminés en demi, ils tiennent leur gloire.) La gloire c'est quand tu te
fais arrêter par la maréchaussée dans la rue et qu'ils ne te demandent pas tes papiers mais
un autographe ou un selfie. La gloire c'est Rihanna entourée de 30 danseurs sur la scène,
c'est Stromae avec 40000 fans hystériques qui braillent plus fort que la sono, c'est (un truc
qu'on verra jamais) les français faire deux grands matchs de rugby d'affilée, c'est
Dussautoir brandir la HCup au balcon du capitole... En 2015.
Normalement la gloire, ça va avec la puissance, la richesse et la beauté, c'est un truc de
star. La gloire c'est quand tu as tout ce que tu veux, que les gens se retournent sur toi dans
la rue, c'est ça la gloire ! En tout cas une chose est sur c'est que la gloire c'est pas de laisser
mourir ton ami.
Et nous au contraire, dans l'Evangile qu'est ce qu'on a ? On a Jésus qui chiale comme une
collégienne devant "raisons et sentiments", vous parlez de la gloire ! On a un tombeau et
un maccabé qui renacle depuis 4 jours, c'est ça la gloire ?
On a Marthe et Marie qui râlent comme des putois contre Jésus, c'est ça la gloire ?
Non, c'est pas ça la gloire. Ca c'est ce qui prépare la gloire ! Ça c'est l'avant-goût de la
gloire : Les larmes de Jésus c'est l'Amour qui attend d'éclater, de se répandre. La prière de
Marthe « mais je sais que Dieu t'accordera tout ce que tu lui demanderas », c'est la Foi qui
demande, la foi confiante et invincible. La prosternation, le reproche de Marie « Seigneur
si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort », c'est l'Espérance qui attend tout,
l'Espérance même quand tout semble perdu. Tout est là pour qu'éclate la gloire de Dieu: la
charité qui ne demande qu'à se répandre, la foi qui demande avec ardeur et l'espérance qui
attend en sachant qu'elle sera exaucée bien au-delà de sa demande. Tout est là !
Même la mort, même la mort puante ! La mort qui commence à décomposer, la mort qui
paralyse, même la mort est là et elle aussi servira à ce qu'éclate la gloire de Dieu.
Et Jésus d'insister : « ne te l'ai-je pas dit, si tu crois tu verras la gloire de Dieu ». Et la
gloire éclate dans la voix de Jésus, la gloire éclate quand Jésus s'approche de la mort: «
Lazare viens dehors » et Lazare sort du tombeau ! C'est ça la gloire de Dieu !
La gloire de Dieu, c'est quand la mort recule.
La gloire de Dieu, c'est la victoire de la vie sur la mort.
La gloire de Dieu, c'est quand le péché tremble et vacille.
La gloire de Dieu, c'est l'Homme libre.
La gloire de Dieu, c'est l'Homme debout.
Et là vous vous dites que c'est vraiment du cinéma. Il a fini de s'exciter le curé, parce que la
mort elle est pas morte et on y passera tous! La mort elle est bien vivante. Mais surtout
vous vous dites "en quoi est ce que ça me concerne ?. Moi je suis pas Lazare, Jésus il est
112
pas là pour me faire sortir du tombeau et enfin j'ai bien le temps de penser à la mort, je suis
jeune c'est bon, j'ai une vie à vivre !".
C'est vrai t'as une vie à vivre, c'est ce que Dieu te dit depuis toujours. Notre Dieu est le
Seigneur de la vie, c'est lui qui insuffle son Esprit de vie dans les narines d'Adam : pour
qu'il vive. C'est lui qui crie par la bouche d'Ezechiel : « je mettrai en vous mon Esprit et
vous vivrez ». C'est lui qui met sur les lèvres de saint Paul « l'Esprit est votre vie » pour
que tu vives. Pour que tu vives, pour que tu luttes contres toutes les morts, contre toute la
culture de mort, pour que la vie de Dieu soit ta vie, pour que sa vie coule dans tes veines.
Sa vie, celle que tu as reçue au baptême (ou que tu recevras dans deux semaines, patience).
Parce que si on t'a dit que la vie c'était une bière, un canapé et de rester comme une huître
devant ta télé : on t'a menti.
Si on t'a dit que la vie c'était une belle carrière et un salaire ronflant, on t'a menti.
Si on t'a dit que la vie c'était la tranquillité et le confort, on t'a menti.
Si on t'a dit que la vie c'était de zapper, on t'a menti.
Si on t'a dit que la vie c'était de tout essayer avant de s'engager, on t'a menti.
Si on t'a dit que la vie s'était prendre et jeter, on t'a menti.
Si on t'a dit libère-toi, libère toi des tabous, et toi obéissant tu t'en est libéré, mais au fond
tu te sens pas libre, il reste quelque chose en toi dont tu ne t'es pas débarrassé, quelque
chose dont tu n'arrives pas à te débarrasser : ton péché qui t'empoisonne.
Tu sais cette haine, cette rancune, cette jalousie, cette suffisance, cette peur, cet orgueil,
cette fourberie, cette fausseté, cette impureté, ce mensonge, cette critique systématique,
l'incapacité à voir le meilleur, cette mort qui te tient liée et qui te pourrit la vie, qui te tue à
petit feu... Parce que c'est pas ça la vie, peut-être juste de la survie ! Attendre la fin, c'est
pas la vie ça, ça serait même un peu la mort, une mort lente, comme si la vie allait
decrescendo de la naissance vers la mort, ça commence toujours bien et ça finit toujours
mal, une lente décrépitude, inexorable.
Jésus te dit: c'est pas ça la vie, avec moi la vie c'est toujours plus de vie ! Ça commence
bien et ça ne finit pas. C'est aller crescendo, la vie c'est davantage. C'est aller vers la vie qui
n'a pas de fin, la vie éternelle.
Alors écoute le Christ qui te dit : « laisse moi te libérer de la mort du péché ».
Regarde les larmes de Jésus, les larmes du Christ qui t'aime et qui a donné sa vie pour toi.
Ecoute jésus qui crie d'une voix forte à l'entrée de la tombe : « déliez-le et laisser-le aller ».
Il se tient ce soir devant ta tombe, devant ce qui est mort en toi.
Écoute le crier, reconnais ta misère, laisse-le t'aimer, laisse-le te relever de ton péché, de
cette puanteur qui risque d'envahir ta vie, de te nécroser, de tuer le meilleur en toi.
C'est ça la gloire de Dieu, c'est l'Homme debout. La gloire de Dieu c'est toi, debout, pour le
suivre.
Amen
Abbé d'Artigue
113
Homélie du 17 avril 2014 : Pourquoi je vais à la messe ?
C'est quoi la messe pour toi: "ben c'est une heure obligatoire dans la semaine où tu es sûr
de t'emmerder, c'est même l'heure la plus chiante de la semaine" me disait un jeune garçon
de l'aumônerie.
Oui, c'est un peu comme ça que j'ai vécu la messe de 13 à 17 ans.. Bon mis à part les saints
parmi vous (et il y en a peut être quelques uns), avouez que c'est un peu votre cas aussi,
sincèrement, est ce qu'il y en a qui sautaient de joie à l'idée d'aller à la messe le dimanche
plutôt que de rester au pieu tranquille ou de regarder télé foot ?
Et pourtant tu es là ce soir. Alors qu'est ce qui s'est passé ? Pourquoi est ce que tu es là ce
soir ? En plus ce soir c'est même pas obligatoire, et puis ce soir tu n'as plus tes parents pour
t'obliger. Tu veux dire que tu vas toi-même à la messe, comme ça juste pour t'emmerder,
tout seul, sans que personne ne te force, mais t'es malade !!
C'est vrai ça, qu'est ce qui te motive à venir à la messe, qu'est ce qui te pousse ? J'aimerais
bien te laisser quelques minutes pour que tu te poses la question, pourquoi tu es venu à la
messe ce soir ?
Qu'est ce que tu fous là, dans cette église, alors que tu pourrais siroter une bière peinard au
soleil couchant sur la Garonne, ou mieux encore, tu pourrais réviser tes partiels qui arrivent
dangereusement, alors qu'est ce que tu fais là ?
Silence 1 minute
Je voudrais te donner trois raisons d'être là, trois raisons qui ont fait qu'il y a dix ans j'ai
donné ma vie au Christ qui m'appelait, je lui ai donné ma vie et il me donne ce soir de
célébrer cette messe pour vous.
Je viens à la messe parce que j'aime le Christ, et que c'est là que je le rencontre. Alors bien
sûr que je peux aussi le rencontrer quand je lis sa Parole, bien sûr que je le rencontre aussi
dans les pauvres, ou dans mes frères, mais là, à la messe je le rencontre en personne: "ceci
est mon corps", c'est son corps, c'est pas du flan. C'est lui, réellement lui, c'est le Christ
caché sous l'apparence du pain, c'est Dieu qui se donne. C'est pas rien quand même, Dieu,
le Dieu tout puissant qui vient s'abaisser jusqu'à toi, c'est dire si tu as de l'importance pour
lui. Tu as du mal à le croire ? Je te le concède, ça dépasse un peu l'entendement, mais
parfois il est bon de ne pas vouloir tout enfermer dans un raisonnement bien carré, il ne
faut pas vouloir tout maîtriser, parfois il est bon de faire confiance à Jésus qui te dit "ceci
est mon corps" est ce que tu me crois ?
Et je sais que ma vie ne vaut que si je mets le Christ au cœur, c'est pour ça que je viens à la
messe parce que dans ta vie de dingue (et ça va pas aller en s'améliorant, ça risque même
d'aller en empirant) dans ta vie où tout va trop vite, où tu fonces sans jamais respirer, sans
jamais te poser, dans ta vie qui risque de devenir une vie sans but (par exemple: tu sais où
te mène tes études ?), le Seigneur te le dit: "le but c'est moi, alors arrête-toi, (c'est une
mesure de salubrité spirituelle) pose-toi avec moi, auprès de moi, pose-toi et reprends
souffle, reprends des forces au minimum une fois par semaine, le dimanche". Mais
pourquoi ne pas te poser plus souvent pour retrouver le Christ, pour le mettre concrètement
au cœur de ta vie, pas juste en parole, mais en acte.
Rencontrer le Christ mais pourquoi ? Pour qu'il t'enseigne à servir.
Et c'est la deuxième raison: c'est le tablier que j'enfilerai dans quelques instant: je veux
114
servir, je n'envisage pas ma vie autrement qu'en servant. Mais il y a trop de voix qui te
disent: non, penses d'abord à toi, il faut te battre pour être le premier, il faut te battre quitte
à en écraser quelques uns, il faut te servir de ton réseau, il faut te servir des autres.... Non il
ne faut pas te servir, il faut servir, écoute la voix du Maître et Seigneur, écoute la voix de
celui qui se met au pieds de ses disciples pour les servir "C'est un exemple que je vous ai
donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous. ». Ta vie ne vaut que si
tu l'envisages comme un service (et si le Seigneur t'appelle au plus haut service, s'il
t'appelle à être prêtre, n'aie pas peur, dis-lui oui).
Mais il y a une troisième raison pour laquelle je viens à la messe: "ceci est mon corps livré
pour vous", livré pour vous, donné pour toi.
Je ne sais pas si tu seras prêtre pour donner le pain de vie, je ne sais pas si tu seras religieux
pour donner le témoignage d'une vie évangélique. Je ne sais pas si tu seras père ou mère
pour donner la vie mais je sais que la vie nous est donnée pour que nous la donnions, pour
que nous nous donnions.
Et c'est ce que le Christ te redit ce soir: "ceci est mon corps donné pour toi".
Il n'y a qu'un seul mouvement en Dieu: c'est le don. Le père qui donne son fils, Le fils qui
donne sa vie pour toi sur la croix. Il anticipe sacrementellement ce don aujourd'hui en
donnant son corps et son sang, et il le réitère à chaque messe: il se donne, Il donnera son
esprit à ses disciples à la Pentecôte.
Et toi tu reçois le Christ, tu reçois Dieu, tu tends tes mains vides, tes mains avides, tu le
reçois qui se donne. Tu ne le reçois pas pour le garder, sinon tu va t'empâter, tu vas
engraisser et tu sais qu'on peut engraisser spirituellement, c'est du mauvais gras celui-là. À
trop recevoir le Christ sans jamais donner on finit par mourir gras et repu, tu pourrais te
retrouver sur un banc d'Eglise dans 40 ans, ce même banc d'Eglise sans t'être jamais donné,
l'horreur, prends-y garde ! Apprends dès ce soir du Christ qui se donne, apprends à te
donner, n'attends pas, fais lui cette prière: "Seigneur garde-moi de me garder, donne moi de
me donner". Alors reçois-le bien sûr, reçois-le souvent, reçois-le qui se donne et donne-toi.
Ce soir tu viens à la messe et tu y reviendras demain et comme ça jusqu'au bout car au fond
de toi tu sais
Qu'Il n'est de vie qu'avec le Christ
Qu'Il n'est de joie que de servir
Qu'Il n'est de but que de donner, de se donner
Comme lui.
Abbé d'Artigue
115
Homélie du 19 avril 2014 : Le crois-tu ?
C'était un peu long, non ? Vous savez quoi ? On aurait pu prendre juste 3-4 lectures au lieu
des 9, et même pour aggraver mon cas, je dois vous avouer qu'il existait des versions
courtes: on aurait pu gagner, allez, 10 bonnes minutes.
Oui mais ce soir on est là pour prendre notre temps, pourquoi ?
D'abord parce que vous n'avez rien de mieux à faire ce soir, ensuite, parce qu'on n'est pas
bien là ? Mais surtout parce que Dieu prend son temps avec nous, Dieu patiente avec nous
et
heureusement qu'il est patient. Dieu nous accompagne tout au long de notre histoire.
Demandez au catéchumènes s'il ne faut pas être patient... Pourquoi est-ce que vous avez
attendu jusqu'à ce soir pour demander le baptême ? Je ne sais pas, c'est un secret entre
votre cœur et celui de Dieu.
Et ces 9 lectures elles sont un peu comme notre itinéraire spirituel, un peu comme notre
chemin de foi, peut-être que vous ne vous retrouverez pas à toutes les étapes, mais suivezmoi.
Ces 9 lectures elles prennent leur temps, elles nous racontent l'histoire d'Israël, l'histoire du
peuple de Dieu, elle raconte ton histoire, ton histoire avec Dieu et c'est long, parfois
sinueux, souvent chaotique mais ça finit toujours bien. La foi c'est une histoire qui
commence bien et qui finit bien, au milieu il peut y avoir quelques chaos, alors ne
t'inquiète
pas,
laisse-toi
conduire.
Ça commence bien: Dieu est bon et ce qu'il crée est bon. Eloigne de toi tout autre vision
elle ne serait pas biblique, ce ne serait pas notre Dieu, notre Dieu est bon, il est créateur, il
est généreux et il te fait confiance, et le plus beau, le sommet de sa création c'est toi,
l'Homme: tu es très bon, peu importe ce que les autres disent de toi, peu importe les
critiques, les jugements, ce soir Dieu te le redit "tu es belle", et c'est sa parole qui importe,
sa parole de vie. Tu es bon et tu es fait pour vivre dans cette relations d'amitié avec Dieu, tu
sais comme c'est bon d'avoir à ses côtés un ami qui nous aime.
Alors, crois tu en la bonté de Dieu ?
Et en retour comme à Abraham il te demande de lui faire confiance. Tu sais combien la
confiance est difficile entre les Hommes, pourquoi à ton avis ? Parce qu'entre ces deux
premiers textes de la genèse que nous venons de lire, il y a ce péché d'Adam, ce péché qui
vient briser la confiance entre l'Homme et Dieu, l'Homme se met à se méfier et ça fait tout
foirer. Mais Dieu ne se décourage pas, il va à la reconquête du cœur de l'Homme, de ton
cœur qui s'éloigne parfois de Lui, Dieu ne se lasse jamais, Dieu n'abandonne jamais ! Il te
demande de lui faire confiance même si parfois ça peut te sembler fou: comme Abraham
donner son fils, le sacrifier et Abraham aura foi en Dieu, et toi lui fais tu confiance ?
Mais Abraham n'est que le premier de la grande lignée de ceux qui auront foi en Dieu,
Moïse lui aussi a eu foi en Dieu:
"Vas-y Moïse, emmène mon peuple hors d'Egypte",
"Ok Seigneur mais qu'est ce que tu me donnes pour cette mission?"
"Un bâton",
"Un bâton ? Tu plaisantes ou quoi ! Un bâton, c'est quoi un bâton, c'est rien un bâton, c'est
116
ridicule un bâton, qu'est ce que tu veux que je fasse avec un pauvre bâton ?!"
"Fais moi confiance".
Et Dieu lui confiera son peuple et Dieu le libérera du joug de pharaon, et Dieu fendra la
mer rouge en deux parts, il suffira que Moïse étende son bâton. Et toi regarde ce que Dieu
a mis dans tes mains, peu de chose.. C'est suffisant ! Car il est avec toi et que tu n'as pas
besoin de plus que ça.
Et toi crois tu quand tu es devant un obstacle qui te semble infranchissable, crois-tu que le
Seigneur est avec toi ? Et il est avec toi, comme il était avec Moïse, avec son peuple, car tu
es de son peuple et Dieu est fidèle à ses promesses, il ne t'abandonnera pas, Il te donnera de
franchir tout obstacle, le crois-tu ?
Et des obstacles tu en as rencontré et tu en rencontreras encore, comme Il te le dit et il ne
cessera de te le redire "mon amour pour toi ne changera pas", c'est l'amour de Dieu, un
amour sans condition. Et toi, plus tu prends conscience de cet amour plus tu te rends
compte combien ton amour est pauvre, et plus tu en prends conscience bien loin de t'en
désespérer, plus tu te jettes dans le cœur de Dieu pour y puiser son amour, le cœur de
"notre Dieu qui est riche en miséricorde", le crois tu ?
Et malgré ça, malgré tous les bienfaits de Dieu pour son peuple, il continue à se détourner,
à aller voir ailleurs comme si le péché était plus intéressant, oh oui il est sympathique au
début, séduisant, doux mais rapidement il t'empoisonne, t'emprisonne, te durcit et te tue à
petit feu. Et là encore Dieu ne se décourage pas devant tes infidélités, une fois encore il te
redit son amour à travers les prophètes:
Ezechiel: "Je vous donnerai un cœur de chair, je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez"
Crois-tu que le seigneur est capable de cette chirurgie cardiaque te donner un cœur
nouveau, changer ton cœur de pierre en cœur de chair ? Un cœur capable d'aimer, le croistu ?
Et pourtant, toi vieux baptisé tu sais bien, tu sais d'expérience que le péché n'est pas
complètement mort en toi, de temps en temps tu te dis bien que tout ça ce ne sont que des
belles phrases de curé. Tu sais toi que le vieil l'Homme, celui que Jésus a cloué à sa croix
au jour de ton baptême, tu sais bien qu'il se débat encore et même bien souvent tu le
trouves très vigoureux. Alors crois-tu que ton péché, pourvu que tu le remettes vraiment à
Jésus, soit cloué à la croix, crois-tu que le combat soit déjà gagné, une fois pour toute ? Le
crois-tu ?
Mais tout ça c'est de l'ordre de la promesse, c'est de l'hypothétique. Oui tu as raison c'est de
l'ordre de la promesse, de la promesse que Dieu nous a fait et Dieu tient ses promesses,
Dieu tient toujours ses promesses. Tu en veux une preuve, une preuve flagrante, définitive,
irréfutable: le Christ a annoncé plusieurs fois à ses disciples qu'il ressusciterait et le Christ
est ressuscité, foi de Marie Madeleine. Christ est ressuscité et ce n'est pas une histoire pour
les enfants, ce n'est pas une façon de parler, c'est la vérité, Christ est ressuscité, il était mort
et il est vivant et il est apparu à Simon et du coup, tout, tout ce qu'il avait dit est vrai, toute
les promesses se réalisent.
La bonté de Dieu pour toi Manon c'est vrai !
Alexandre, tu es libéré de tout esclavage, c'est vrai !
Dieu t'accompagnera toujours, Camille, c'est vrai !
Dans tes épreuves Soniah, jamais le Seigneur ne t'abandonnera, c'est vrai !
Tina ai toujours confiance en Dieu qui te comblera de bénédictions, c'est vrai !
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Le Seigneur est capable de changer ton cœur de pierre en cœur de chair Malika, c'est vrai !
Par le baptême le vieil homme à définitivement perdu le combat Ugo, et tu deviens fils de
Dieu, c'est vrai !
Car le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité!!
Abbé d'Artigue
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Homélie du 27 avril 2014 : Le regard de la foi en Sa miséricorde
Est-ce que vous savez qui est le saint patron des gros païens, je veux dire tous vos potes,
tous vos potes qui sont pas là ce soir ? Ils ont un saint patron, un saint patron qu'ils
invoquent à longueur de journée. Dès que vous aborder une conversation avec eux, bim, ils
invoquent leur saint patron ! Vous savez, cette phrase de l'Evangile que vous ressortent tous
les athées de tout poil, celle de saint Thomas: "moi je crois que ce que je vois !". C'est vrai,
bonne invocation. Thomas, c'est le gas qui doute, pour eux, et ce doute, un doute tiré tout
droit de l'Evangile, le doute d'un apôtre même (c'est pas rien quand même !), et ben ça les
rassure, et ça nous rassure un peu, nous aussi. On se dit "si lui, Thomas, il a douté, alors
moi aussi je peux bien douter.".
Le problème c'est qu'on ne lit pas assez précisément l'évangile parce que le doute de
Thomas, il vient juste après qu'il ait reçu le témoignage des autres apôtres, ceux qui disent
"nous avons vu le Seigneur". Chez saint Jean, le verbe "voir", il ne désigne pas juste la
vision sensible. C'est plutôt une perception profonde, une perception nouvelle qui s'ouvre
au regard du croyant, au regard de celui qui a reçu l'Esprit Saint: c'est le regard de la foi en
fait. C'est ça ce que suggère le récit de saint Jean que l'on entend dans l'évangile. Vous
savez quand Jésus souffle sur les apôtres au moment où il leur apparait, il leur dit "Recevez
l'Esprit Saint.", c'est-à-dire "Voyez plus profond, voyez plus loin". C'est donc le
témoignage d'une adhésion de foi au ressuscité que les apôtres donnent à Thomas. Quand
ils lui disent "Nous avons vu le Seigneur", c'est pas juste un truc du style NCIS, témoin
d'une scène de crime, "J'ai tout vu monsieur l'agent !", non, ce n'est pas ça ce qu'ont vu les
apôtres. C'est le Christ ressuscité qu'ils ont vu et le doute de saint Thomas, c'est d'abord le
désir de partager cette foi. Quand il dit "Si je ne mets pas mes mains dans la marque des
clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son
côté, non, je ne croirai pas." Ces paroles de Thomas, c'est pas vraiment un doute, c'est
plutôt un cri, le cri de celui qui veut s'approcher un petit peu plus de Jésus, le cri de celui
qui veut le connaître mieux, le cri de celui qui veut communier à son seigneur, de celui qui
veut participer au mystère de celui qui a été crucifié et qui est mort pour lui. Du milieu de
sa culpabilité d'avoir contribué par son péché à clouer Jésus sur la croix, Thomas appelle
son seigneur à l'aide. Et chaque fois qu'on appelle à l'aide, Jésus répond. Et Jésus va
répondre à la demande de Thomas, son serviteur: "Avance ton doigt dans mon coté et vois
mes mains, avance ta main et met-la dans mon côté". C'est Jésus qui invite Thomas à
passer du "croire qu'il est ressuscité" à "croire en Lui, en sa personne de ressuscité". Il
l'appelle à sortir de cette espèce de culpabilité mortifère qui lui interdit de croire que Sa
miséricorde a triomphé de son péché. C'est l'incrédulité qui porte sur ce fait là que Jésus
invite Thomas à dépasser: "Cesse d'être incrédule et sois croyant !".
Croire en Jésus, croire en Jésus ressuscité, c'est ça. C'est croire que Sa miséricorde a
triomphé définitivement de tout péché et de toute mort, c'est croire que rien ne serait lui
résister, c'est adhérer, communier à son être divin et son être divin il n'est que miséricorde.
C'est plus la condamnation ou l'accusation que lit Thomas désormais dans les plaies de
Jésus, c'est la miséricorde. Parce que la miséricorde c'est le mode sous lequel l'amour divin
se dit à l'Homme, à chacun d'entre nous, aujourd'hui. Et une fois qu'on a découvert ça, une
fois qu'on a découvert que notre Dieu n'est plus un juge mais un père, un père aimant, alors
le cri de l'action de grâce peut jaillir de chacun de nos cœurs, le même cri que celui de
119
Thomas, pas un cri de doute ou de désespoir mais un cri de foi: "Mon Seigneur et mon
Dieu"; une vraie confession de foi en la toute puissance de la miséricorde divine. Et c'est ce
qui nous arrive à nous aussi, quand, devant notre péché, nous nous enfermons dans la
culpabilité, celle d'avoir contribué à avoir crucifié le Seigneur, celle d'être incapable d'en
sortir par nous-mêmes, celle qui pourrait nous faire désespérer de nous et pire, de lui. Alors
les plaies ouvertes de Jésus sont là pour nous non plus synonyme de condamnation mais
synonyme de miséricorde.
La figure de Thomas et l'attitude de Jésus à son égard nous sont d'un grand secours, d'un
immense secours. Nous aussi nous avons besoin de voir que les plaies de Jésus, que l'eau et
le sang jaillis de son côté nous parlent de vie et pas de mort. Seigneur, comme ton apôtre
Thomas, nous voulons contempler ton côté ouvert pour nous, nous voulons t'écouter nous
dire "Regarde mon côté, regarde mon cœur, regarde. Regarde, les entrailles de ma
miséricorde sont ouvertes. Si tu t'avances pour boire à cette source divine, je te
réconcilierai avec moi. Même si tes péchés te semblent immenses et impardonnables, n'aie
pas peur de t'approcher de mon cœur, n'aie pas peur de t'approcher de moi surtout si tes
péchés te semblent immenses et impardonnables. Est-ce que ton péché serait assez grand,
est-ce que ton péché serait assez puissant pour mettre en échec ma miséricorde ? Non.
Avance-toi de mon cœur."
Abbé d'Artigue
120
Homélie du 1 juin 2014 : Connaître le Christ pour mieux L'annoncer
A une époque, on reprochait aux catholiques d'être tout entier tournés vers le ciel, de
penser qu'à une chose: leur salut et le royaume de Dieu, et du coup de se désintéresser du
royaume de la Terre ici-bas, de vivre coupés du monde dans une espèce de rêve qui aurait
aucune prise sur la réalité. Mais ce qui est étonnant c'est qu'à d'autres époques, moins
lointaines, on nous a reproché aussi de ne nous intéresser qu'à l'engagement social, à la
transformation de notre société et d'oublier de tourner nos regards vers le ciel.
Ainsi à chaque fois que l'Eglise intervient en matière de morale pour rappeler, par exemple,
la grandeur de l'Amour et de la fidélité ou en matière économique pour rappeler que
l'Homme est au cœur de tout projet ou en bioéthique pour rappeler la dignité de la personne
humaine contre tout ce qui la défigure, c'est-à-dire ce qui fait notre vie quotidienne et ben
on s'empresse de dire à l'Eglise que c'est pas son rôle. Vous savez, on semble lui dire
"Ecoute curé, tu fais le catéchisme à nos gamins, tu nous apprends nos prières et surtout,
surtout, tu restes dans tes églises, tu n'en sors pas !". En fait, quoi qu'on fasse, nous,
catholiques, on nous le reproche. Et c'est pas nouveau: déjà saint Pierre, dans sa première
lettre, nous avertissait...
Alors quel est le rôle des catholiques dans le monde (votre rôle), dans la société ?
Serait-ce de nous taire, de nous résigner, de nous enfermer dans nos églises comme dans
l'ultime citadelle assiégée ou dans notre soi confortable et mortel ? Ou bien serait ce de
nous jeter dans un activisme non confessionnel et le moins ostentatoire possible ?
Ni l'un, ni l'autre; il faut juste faire ce que nous dit l'Evangile: "La vie éternelle c'est qu'il te
connaisse Toi, le vrai Dieu et Jésus Christ". Alors vous me direz, la vie éternelle,
aujourd'hui, tout le monde s'en tape ! C'est vrai, ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est la
vie ici-bas, la seule sur laquelle j'ai une prise (et c'est vrai). Mais il se trouve que la vie icibas et la vie éternelle, c'est une seule et même vie. Ce qui concerne notre vie quotidienne
concerne immédiatement notre vie éternelle. Alors c'est dès maintenant qu'il faut connaître
Jésus Christ parce que c'est lui qui nous indique le chemin et c'est aujourd'hui qu'il faut le
faire connaître car c'est Lui qui est la réponse, la vraie réponse, au fond je crois la seule
réponse à toutes les questions que nous nous posons. "Jésus Christ" c'est-à-dire une
personne et non pas une morale ou un catéchisme. L'évangile nous dit bien que la vie c'est
de le connaître, Jésus Christ.
Alors c'est vrai, quand on interroge un catholique dans les médias ou même quand vous
êtes à table avec vos potes, en général le journaliste en face ou vos potes s'en fichent bien
de savoir ce que vous pensez de Jésus Christ. C'est rare qu'ils vous interrogent sur Jésus
Christ, ils vous interrogent sur des choses bien plus fondamentale, c'est-à-dire le mariage
des prêtres, le préservatif, l'avortement...: aucun point absolument central de notre foi ! Et
nous nous répondons, plus ou moins adroitement, en général très maladroitement. Non pas
qu'il ne faille pas y répondre à ces questions, oui il faut y répondre, en leur temps. Mais il
faut y répondre en les remettant à leur place, c'est-à-dire loin, très loin du cœur de notre foi
et le cœur de notre foi c'est Jésus Christ, ni plus, ni moins. C'est pas étonnant que les gens
ne soient pas attirés par nos réponses. Est ce que vous avez jamais vu quelqu'un se
convertir parce que vous aviez répondu à ses objections ? Ce qu'ils veulent, ce que nous
voulons, c'est une réponse qui aille au cœur et elle a un nom cette réponse, c'est Jésus
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Christ. Alors partout où nous sommes il faut faire connaître Jésus Christ mais avant de le
faire connaître, il faut faire comme le première communauté chrétienne qui nous est décrite
dans les actes des apôtres: "D'un seul cœur, ils participaient à la prière". Avant de faire
connaître Jésus Christ, il faut le connaître. Avant de vouloir partager sa vie, il faut que nous
vivions de sa vie, il faut que nous la recevions, que nous le laissions grandir en nous. C'est
pour ça qu'on vient à la messe, c'est pas parce qu'on aime chanter, c'est pas parce qu'on
aime le goût de l'hostie, c'est pas non plus parce que les gens sont accueillants ... il vaut
mieux que le CCU chante bien, que l'hostie ne soit pas moisie, il vaut mieux que ta voisine
devant soit souriante et que ton voisin accueillant, ça gâche rien. Mais si nous venons à la
messe, c'est avant tout pour connaître Jésus Christ, pour le prier ensemble, pour nous
nourrir de Lui. C'est Lui qui nous rassemble, c'est Lui qui se trouve au cœur de l'Eglise. Si
nous venons ici ce soir, c'est parce que nous voulons le mettre au centre de nos vies.
Mais une fois que nous l'aurons mis au centre de nos vies, nous ne pouvons pas le garder
pour nous, nous aurons à l'annoncer à ceux qui attendent, à ceux qui cherchent une
réponse. Comme tu l'as entendu, cette réponse, c'est à toi de la leur donner parce que c'est
toi qui est dans le monde, parce que c'est toi qui a reçu le Christ, parce que c'est pour toi
que le Christ prie aujourd'hui. Alors oui tu auras une bonne raison d'aller à la messe tous
les dimanches et même plus encore. Tous les dimanches tu viens puisais à la source et
ensuite tu repars fort de la force du Christ, riche de sa richesse et tombera du même coup
ce reproche qu'on faisait parfois aux chrétiens d'être tout tournés vers le ciel au détriment
de la Terre.
Si nous nous tournons vers le ciel, si nous nous tournons vers le Christ, c'est pour mieux
nous tourner vers nos frères ensuite, c'est pour mieux les aimer, pour mieux les servir, pour
leur apporter la seule réponse qui satisfasse nos interrogations, le seule nourriture qui
tienne vraiment au cœur: Jésus Christ.
Abbé d'Artigue
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Homélie du 8 juin 2014 : Ton coach, l'Esprit Saint
Sur le terrain au challenge des cathédrales, comme dans le top 14 tu vois un peu de tout
comme équipes.
T'en a ils arrivent en début de saison avec des grosses individualités, une ou deux stars (et
sir Johnny par ci et Wilko I par là ! Tu me diras que c'est bon pour l'humilité des 14 autres),
des stars qui vont briller. T'as tout le jeu qui tournent autour d'elles et tous les autres, ils
sont dans la pénombre. Et dès que ça commence à être un peu chaud, on ne se repose plus
que sur eux (le pied en or), grosse pression ! Et gros manque d'humilité aussi.
T'en a d'autre où y'a pas de star, mais y'a pas non plus d'unité. Sur les déblayages le
seconde latte, il arrive tout seul comme pour aller aux champignons du coup: pas
d'efficacité et surtout il se fait désosser. T'as de belles percées mais personne au soutien,
t'as de belles prises en touche, ça monte haut mais à la redescente y'a personne pour
protéger et le pauvre gars il a beau faire 1.98 mètres et 117 kilos ben, il se fait découper.
T'en as ils sont venus pour se marrer en oubliant le but: le but les gars c'est pas de prendre
le soleil, c'est de gagner ! La victoire, y'a que ça qui compte (attention les gars pas
n'importe quelle victoire, y'a pas mal de victoires et ce soir je pourrai même dire qu'il n'y a
qu'un seul bouclier mais pas mal de gagnants, des victoires différentes).
T'en a, ils sentent bien qu'ils ont aucune chance. Du coup ils se mettent à prier, ils
deviennent même très pieux, d'autant plus fervents qu'ils ont moins de chance de gagner,
alors ils se disent autant mettre Dieu de notre côté...
T'en as un peu orgueilleux: ils se disent "je ne dois rien à personne d'autre qu'à moi", bof...
T'as d'autres équipes: y'a de la générosité, y'a de l'envie, de la gnaque, du physique et... pas
un gramme de stratégie, alors ça s'envoie et ça s'épuise à courir dans tout les sens, à se
consommer de partout. Là tu tiens une mi-temps et tu t'écroules, en seconde tu te fais
percer, c'est journée portes ouvertes !
T'en as ils ont 700 bornes dans les pattes, ils sont courts physiquement, du coup sous le
gros soleil occitan, le dimanche c'est plus dur: manque de lucidité, manque de fraîcheur, on
oublie les consignes qu'on s'était donné à l'entraînement et là ça se disloque.
T'en as prudents, ils ont vu que a priori ça passerait pas, du coup ils se sont concentrés sur
le ventriglisse ou sur le trophée du meilleur blessé. Et là ils ont tout donné, en se disant
"bon ben faut être réaliste, vu la taille de nos mollets et notre puissance de feu, on revient
dans deux ans après avoir soulevé un peu de fonte.".
Hop la ! J'en vois deux au fond qui discutent... vous aimez pas le rugby ?
"Ben écoutez monsieur l'abbé, nous on nous avait vendu un week end de Pentecôte dans un
cadre catholique alors déjà qu'on trouvait que le week end était un peu léger en
spiritualité... mais si en plus le curé au moment de la messe il se prend pour Vincent
Moscato à nous débrieffer le match, ben écoutez il nous manque plus que Isabelle
Iturburru, on vous installe deux fauteuil devant l'autel et vous nous faites "jour de rugby"
sur canal. Non mais c'est un scandale, remboursez ! Eh c'est quoi la blague, oh le curé tu
vas nous parler de la Pentecôte un peu ??"
Eh mais les gars ça fait 10 minutes que je ne vous parle que de ça, de la Pentecôte, de
l'Esprit Saint, de l'action du Saint Esprit dans ton âme, de l'Esprit Saint qui es ton coach.
À ton avis pourquoi ces équipes elle tiennent pas la route ? Parce qu'elles ont pas de
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coach
!
L'entraîneur il ne fait rien à ta place mais sans lui tu ne fais rien d'efficace. L'Esprit Saint il
ne fait rien à ta place mais sans lui tu ne fais rien, rien d'efficace.
Le coach, il se tient sur le bord du terrain, c'est lui qui a de la hauteur, du recul, celle que tu
ne peux pas avoir quand tu es à fond la tête dans les rucks. Alors il te conseille il te replace,
il t'aide à moins te consommer.
Le coach quand il voit que tu es dans le rouge, il t'envoie te reposer.
Le coach quand il voit que la stratégie bat de l'aile, tu sais celle qu'il avait mis en place à
l'entraînement, celle que vous aviez répété des dizaines de fois et chaque fois c'était plus
facile et chaque fois ça passait un peu mieux, ces combinaisons léchées, ces placements:
"le 6 qui protège toujours le petit côté, le 8 au soutien".
Le coach qui du bord de la touche t'encourage toujours, te recarde parfois.
Le coach qui fait d'un groupe de joueurs qui ne se connaissaient pas trop, qui n'avaient
jamais joué ensemble, celui qui te change tout ça en une équipe. Le passage de la masse
d'individus à l'équipe, c'est le boulot du coach.
Le coach qui était avec toi à l'entraînement qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il grêle, et qui est
encore avec toi quand ça devient chaud, celui qui n'abandonne jamais.
Mais sur le terrain c'est toi, celui qui embrasse la terre de France c'est toi, au combat c'est
toi... et lui avec toi.
En ben ton coach et l'Esprit Saint: même combat !
L'Esprit Saint il ne fait rien à ta place mais sans lui tu ne fais rien, rien d'efficace. Tu
t'excites, tu t'agites, tu t'épuises mais tu n'avances pas. Et pas seulement sur le terrain mais
dans la vie, ta vie.
Alors oui c'est bien de jouer au rugby, c'est bien de réussir son match, c'est bien de
remporter la victoire mais c'est trop court comme ambition, Dieu veut plus pour toi, Dieu
veut mieux pour toi, Dieu veut davantage pour toi: il ne veut pas une couronne qui se
flétrisse, il veut que tu réussisses ta vie, il veut que tu aies part à sa victoire, la victoire
définitive.
Alors ce jour de Pentecôte, écoute l'Esprit Saint, écoute le coach que Dieu t'envoie, écoutele si tu veux remporter la grande victoire.
Écoute l'Esprit saint qui vient unifier toute ta vie, là où parfois tu te disperses, là où
souvent tu vis éclaté, à 100 à l'heure, partout à la fois et jamais nulle part. Au fond tu vis
sans vraiment savoir ce qui est l'essentiel de ta vie, ce qui est au centre, viens Esprit Saint,
viens unifier toute ma vie.
Accueille-le car Il te donne du recul sur les choses pour les analyser, il te donne de la
hauteur de vue pour ne pas te laisser emporter par tes colères, par la violence, par tes
passions, viens Esprit Saint, donne-moi la science.
Laisse-le prendre le contrôle de ta vie pour ne pas t'épuiser en de vains combats et
t'apprendre à voir l'essentiel, pour diriger tes actions en les rapportant toutes à Dieu, Esprit
Saint donne-moi la sagesse.
Il te donne la force, pas la force violente, la force profonde, la force de surmonter les
épreuves sans te laisser guider par la peur, la force de poursuivre droit vers ton but, la force
de persévérer jusqu'au bout sans fléchir, sans te décourager, Esprit Saint donne moi la
force.
Consulte-le car Il est un stratège, il te connaît par cœur, il sait mieux que toi ce qui est bon
pour toi, il t'aide dans les choix que tu as à faire, Esprit Saint donne-moi le conseil.
Prie-le et demande lui de remettre les choses chacune à leur place dans ta vie et Dieu en
premier, Esprit Saint donne-moi la crainte du Seigneur.
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Viens Esprit Saint et enseigne moi à n'avoir qu'un seul But: le Père du ciel, qu'un seul
trophée: la croix du Christ, qu'un seul entraîneur: Toi.
Viens je t'accueille, Viens, Esprit Saint, viens....
Abbé d'Artigue
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