Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture CLT-98Konf.21 O/Ref. 7 Paris, décembre 1997 Original : anglais CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR LES POLITIQUES CULTURELLES POUR LE DEVELOPPEMENT (Stockholm, Suède, 30 mars - 2 avril 1998) LA MOBLISATlON DE RESSOURCES AU PROFIT DES ACTIVITES CULTURELLES Michihiro CLT-98/Conf.21O/CLD.8 Watanabe NOTE EXPLICATIVE Pour approfondir sur le plan intellectuel la préparation de la Conférence de Stockholm, l’UNESCO a demandé à d’éminents spécialistes de rédiger de brèves communications faisant le point de la situation en ce qui concerne les thèmes secondaires inscrits à son ordre du jour préliminaire. Chacun de ces spécialistes a été prié de prendre pour point de départ les idées exposées dans le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, Notre diversité créatrice. Chaque auteur a également été invité à soumettre librement les nouvelles idées, les analyses et les recommandations qui lui paraissent de nature à améliorer ou renforcer la définition et la mise en oeuvre des politiques relatives au thème dont l’examen lui est confié. Ces contributions, commandées grâce au soutien financier du Ministère suédois de l’éducation, seront diffusées aux participants, et le Secrétariat de l’UNESCO s’en inspirera pour rédiger le document de base de la Conférence. Chaque auteur est responsable du choix et de la présentation des faits mentionnés dans sa communication ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation. N.B. Ces communications pourront également être consultées sur I’lnternet au site suivant: http://www.unesco-sweden.org/conference/papers.htm Résumé 1. Les ressources publiques La plupart des budgets gouvernementaux consacrés à la culture sont aujourd’hui en stagnation. La situation est particulièrement critique dans les anciens pays socialistes d’Europe orientale et d’Asie centrale et dans les pays les moins avancés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, où le secteur culturel souffre toujours d’un grave manque de fonds chronique. Les responsables de la planification et de l’exécution des politiques culturels se montrent pessimistes sur la possibilité de réunir assez de ressources publiques. Partout, les politiques culturelles semblent frappées d’ambiguïté et d’illogisme. L’examen et la comparaison à l’échelle internationale de l’efficacité de ces politiques permettrait aux gouvernements de renforcer leur propre position en mobilisant un soutien aux dépenses culturelles. II est urgent de trouver des façons plus cohérentes et coordonnées de collecter et d’analyser l’information disponible dans ce domaine. Les pratiques administratives existantes encouragent fréquemment l’autosatisfaction et l’inefficacité. Une solution pour les améliorer consiste à donner aux artistes et aux organisations artistiques bénéficiaires une autonomie accrue qui leur permettra d’utiliser librement leur budget de la façon la plus efficace. La mise en commun de fonds publics Ii. L’association de fonds de différents ministères et organismes publics apparaît comme une tendance mondiale. la coopération interministérielle prend ainsi de plus en plus d’importance. Dès lors qu’une telle coordination est mise en place, il est probable que les gouvernements trouvent beaucoup plus de ressources disponibles pour le développement culturel qu’ils ne l’envisageaient. Depuis quelques années, les dépenses culturelles des pouvoirs publics régionaux et locaux ont nettement mais la décentralisation du financement de la culture n’est augmenté, malheureusement pas une panacée, car la plupart des collectivité locales affrontent elles-mêmes des difficultés financières. Les fonds privés Ill. Le financement privé des dépenses culturelles est en augmentation régulière partout dans le monde. Dans certains cas, cette augmentation a cependant suscité de faux espoirs en débouchant sur une réduction de l’apport de l’Etat. Les fondations peuvent être utiles, sous réserve d’une législation soigneusement conçue au niveau national et local. Les dons des particuliers sont importants non seulement par le volume de financement potentiel considérable qu’ils représentent, mais parce qu’ils impliquent une participation et un engagement des personnes vis-à-vis de la cause des arts et de la culture. Le retard de nombreux pays dans la mobilisation des dons individuels doit être rattrapé dès que possible. Les clubs, les associations professionnelles, les associations d’anciens élèves, les syndicats et les groupes d’amateurs peuvent également fournir une contribution. Le rôle des établissements d’enseignement supérieur dans la promotion des activités créatives a été excessivement négligé par les responsables politiques. Les patronages traditionnels tels que ceux des institutions religieuses, des familles -2dirigeantes, des communautés villageoises, des confréries, des corporations et des associations, peuvent encore jouer un rôle significatif et constructif dans le soutien des activités culturelles. La privatisation des équipements et des institutions et le passage de leur gestion entre des mains privées peuvent être le meilleur moyen d’attirer l’argent privé dans le secteur culturel. II est irréaliste de croire que dans l’économie privatisée d’aujourd’hui, les arts et la culture peuvent rester exclusivement planifiés et gérés par l’Etat. Néanmoins, des initiatives non commerciales telles que celles visant à démocratiser les arts, à maintenir un niveau minimal d’accès à la culture, à encourager l’expérimentation et à préserver le patrimoine culturel continuent à requérir l’appui de l’Etat. Ce qu’il faut, c’est identifier le rôle respectif des secteurs public et privé dans le développement culturel et arriver à concevoir clairement il peuvent se partager les responsabilités. IV. Autres ressources La création de fonds ou fondations dotés d’un budget permanent est un autre choix qui mérite considération. Peu de gouvernements, toutefois, sont dans les conditions budgétaires actuelles en mesure d’investir assez de fonds. Les artistes et les activités artistiques aux abois demanderont plutôt une aide immédiate qu’une promesse de revenu à long terme. Une façon de trouver des fonds est d’augmenter le prix d’entrée des institutions et des équipements culturels. Cependant, ce prix ne peut suffire à couvrir les coûts de production, sauf à fixer des niveaux astronomiques qui mettraient de nombreux spectacles hors de portée du plus grand nombre. Beaucoup d’institutions culturelles prennent des mesures pour créer leurs propres recettes, en louant des locaux à des commerces, des bureaux, des cafés ou des galeries, en mettant en place des activités économiques ou en créant des fondations qui s’en chargent pour elles. Les pourcentages prélevés sur les coûts de construction, les films, les nouvelles chaînes de télévision payantes, les ventes d’oeuvres d’art et de billets de théâtres, entre autres, sont quelques exemples de taxes spéciales perçues à des fins culturelles. Néanmoins, ces taxes peuvent se heurter à l’opposition des législateurs et des financiers, car elles leur retirent la maîtrise des budgets culturels. L’utilisation des recettes des loteries et jeux d’argent soulève une question politique délicate. Loteries et jeux sont surtout pratiqués par les catégories à faible revenu alors que beaucoup d’amateurs d’arts appartiennent aux couches fortunées de la société. Le risque est réel de financer le plaisir des riches avec l’argent de pauvres. On constate depuis quelques années une tendance à verser les recettes des droits d’auteur sur des fonds spéciaux destinés aux prestations sociales des membres des sociétés de recouvrement ainsi qu’à d’autres fins sociales ou culturelles. Une autre possibilité réside dans des sommes versées par les consommateurs aux sociétés de recouvrement des droits d’auteur en compensation de l’utilisation de bandes audio et vidéo vierges. Des mécanismes de prêts adaptés peuvent aider les artistes et les organisations artistiques à mieux exercer leur activité dans le système d’économie de marché aujourd’hui prédominant. -3V. Le tourisme, source de financement Les arts, les installations artistiques et le patrimoine culturel attirent davantage de touristes et les incitent à prolonger leur séjour. Les arts, artisanats et produits locaux les amènent à dépenser plus. II est dans l’intérêt de l’industrie du tourisme d’investir dans les arts et la culture. L’argent du tourisme peut être mis à profit sous forme d’une taxe demandée soit aux touristes, soit aux hôtels et aux restaurants. VI. Les fonds internationaux Dans les pays en développement dont l’économie ne peut faire face aux dépenses culturelles, il peut être opportun de consacrer des efforts spécifiques à la mobilisation de ressources étrangères sous forme d’assistance internationale et d’investissements internationaux afin d’assurer un niveau minimal de financement culturel, même si une dépendance trop grande à l’égard de cette source risque de compromettre l’intégrité culturelle du pays bénéficiaire. VII. La diversification des sources de financement Aujourd’hui, le financement de la culture tient surtout à une combinaison dynamique de revenus et de contributions du secteur public et privé. Ce système mixte de financement constitue la meilleure garantie pour la liberté de création, en laissant le choix aux créateurs et à la population plutôt qu’aux bailleurs de fonds. VIII. De l’aide à l’investissement Ce sont les investissements et les revenus commerciaux qui peuvent fournir assez de capitaux pour financer les arts et la culture. Les possibilités d’attirer des investissements importants dans les activités créatives sont de beaucoup supérieures à ce qu’on pensait auparavant, car les arts et la culture sont en train de devenir l’une des plus grosses industries de nombreuses sociétés. Les formes d’arts qui sont à ce jour l’apanage d’actions non lucratives peuvent s’ouvrir à des initiatives commerciales. Les organisations à but non lucratif peuvent apprendre des entreprises comment mieux réussir sur le plan commercial et, en retour, les secondes peuvent apprendre des premières à devenir plus raffinées et moins superficielles. IX. L’argent des médias La seule quantité d’argent nécessaire aujourd’hui à la production de programmes pour les médias va ouvrir de nouvelles voies à toutes formes d’expression. La créativité et l’industrie des médias sont liées par des intérêts communs. X. Une meilleure gestion de l’industrie créative II est urgent de former des gestionnaires culturels capables, comme dans d’autres domaines d’activité, de définir plus précisément leurs buts et leurs objectifs, de commercialiser plus efficacement leurs produits et de mieux satisfaire au principe de responsabilité en adoptant des méthodes de mesure des résultats et d’évaluation du rendement. XI. La mobilisation de la population Partout, les politiques culturelles se préoccupent essentiellement du travail des artistes professionnels, en écartant l’apport créatif de la population elle-même. La création n’est aucunement le monopole des professionnels. Chacun porte en soi un -4potentiel de créativité qui n’attend que d’être éveillé. La création devrait être l’effort de tous, accompli pour et par tous. Les personnes âgées, les minorités, les catégories urbaines et rurales marginalisées par la pauvreté, les handicapés, les femmes et les jeunes sont souvent exclus des politiques culturelles. Gouvernements et organisations artistiques devraient instaurer une démocratie culturelle dans laquelle tous aient accès à la création sur une base égalitaire. Politique artistique et politique en faveur des artistes XII. Une politique en faveur des artistes mettant l’accent sur l’excellence devrait s’accompagner de mesures visant à élargir l’accès à l’art et à toucher des groupes sociaux jusqu’alors exclus de la poursuite de cette excellence. XIII. Rassembler les arts divisés Pour mobiliser davantage de ressources en vue d’une renaissance créative, nous devons redonner pleinement leur place non seulement aux arts nobles mais au divertissement, aux artisanats, aux arts locaux et aux arts des minorités ainsi, et non des moindres, qu’aux arts commerciaux, notamment l’architecture, le design et la production de tous articles de haute qualité. Seul ce rapprochement de toutes les formes de création nous permettra de mobiliser nos ressources dans notre marche vers une société créative. ***** -5La mobilisation de ressources au profit des activités culturelles Antécédents La Commission mondiale de la culture et du développement souligne dans son rapport la nécessité d’encourager les Etats membres à adopter des politiques de financement culturel qui reflètent le rôle spécifique et nécessaire des sources publiques, privées et commerciales. En ce sens, la Commission appelle à rechercher des modalités novatrices de mise en commun des ressources de l’Etat, du secteur privé et de la société civile. Le présent document se propose de suivre cette approche. Après évaluation des mesures actuellement mises en oeuvre pour financer les activités culturelles et identification des tendances qui se dessinent, il suggère des innovations et explore de nouvelles ressources possibles ainsi que des voies originales pour les mettre en commun. L’auteur est particulièrement redevable aux trois publications suivantes : Des Marges au Centre, rapport élaboré par le groupe de travail spécial du Conseil de l’Europe sur la culture et le développement, Strasbourg, 1996. Mode/s of Financing Developmenf in Culfural Policy and fhe Arts, cc/csp/op/O6 préparé pour l’UNESCO par Andreas Johannes WIESAND, octobre 1986, notamment le chapitre C “Supplementary Financial Support to Cultural Activities - Challenges to Public Policy” (financement additionnel des activités culturelles, les défis posés aux politiques publiques) Report on fhe Unifed Sfafesklapan Comparative Culfural Policy Projecf, UCLA, dir. publ. Archie Kleingartner et Michihiro Watanabe, à paraître prochainement chez Alta Mirra Publishing Company, New York. 1. Les ressources publiques La sfagnafion des dépenses publiques La question du financement d’activités créatives en expansion est la plus urgente qui se pose aujourd’hui en matière de politique culturelle, car les fonds disponibles ne peuvent suivre la demande croissante de culture de la population. Au cours des années 70 et 80, les dépenses publiques consacrées à la culture ont progressé dans un grand nombre des pays avancés. La prospérité générale a permis à la société, un peu partout dans le monde, de supporter l’affectation de ces ressources à des fins culturelles. Dans les pays en développement, la culture s’est vu attribuer un poste budgétaire et un rôle dans le processus de développement. Maintenant, l’âge d’or est révolu. Le budget affecté à la culture par la plupart des gouvernements stagne ou diminue, face à la concurrence d’autres secteurs économiques et sociaux dans un contexte budgétaire qui ne cesse d’empirer. Le problème est encore plus sérieux dans les anciens pays socialistes d’Europe orientale et d’Asie centrale, où l’infrastructure culturelle, les cadres normatifs et les mécanismes de financement se sont effondrés, sans que l’on ait trouvé encore de solutions de rechange. Dans les pays pauvres d’Asie, d’Afrique et d’amérique latine, le secteur culturel souffre d’un grave manque de fonds chronique. -6Avec la généralisation du concept jeffersonnien de “gouvernement limité”, axé sur le transfert du pouvoir de décision et des ressources du gouvernement central aux collectivités locales et au secteur privé, il est encore plus difficile aux gouvernements d’augmenter leur budget culturel. Ils ont réduit leur dépenses non seulement dans le domaine culturel, mais dans celui de l’aide sociale et de l’éducation, considérés récemment encore comme des secteurs intouchables de l’Etat-providence. Dans ces conditions, il serait irréaliste de s’attendre pour les années à venir à une hausse substantielle des dépenses publiques affectées à la culture. Les responsables de la planification et de la mise en pratique des politiques culturelles se montrent pessimistes quant à la possibilité de réunir assez de fonds publics pour promouvoir les activités créatives qui répondent à la demande croissante de culture parmi les populations du monde entier. La nécessité de polifiques publiques plus perfinenfes Afin d’éviter une nouvelle baisse des fonds publics consacrés à la culture, il faudrait redoubler d’efforts pour développer un nouveau climat de compréhension. Plutôt que de plaider pour la culture en insistant sur sa nature et ses valeurs spécifiques sans point commun avec d’autres facteurs d’ordre économique et social, décideurs et responsables de l’application des politiques culturelles doivent la considérer comme partie intégrante des objectifs de la gouvernante. Malheureusement, les politiques culturelles semblent partout frappées d’ambiguïté et d’illogisme. Selon les termes de Colin Mercer, ” Le plus gros problème auquel nous devons faire face, dans le domaine de la politique culturelle, ne provient pas, je le crois, d’un manque de ressources, d’un manque de volonté, d’un manque d’engagement, ni même d’un manque de coordination de politiques à ce jour. II vient plutôt d’une mauvaise appréhension ou même d’une formulation et d’une reconnaissance incomplète de l’objet même de nos réflexions : la culture ” (1). C’est particulièrement vrai dans le cas des politiques de financement de la culture. L’aide publique doit reposer sur un raisonnement plus acceptable, non seulement pour les artistes et les organisations artistiques, mais pour le public en général. La démocratisation de l’accès aux arts et à la culture a souvent servi de justification pour employer l’argent des impôts à des activités artistiques. II est devenu évident, néanmoins, que l’objectif de mettre les arts à la portée de tous n’est pas atteint de façon convaincante. Un autre argument consiste à dire que les arts et la culture sont bons pour l’individu et pour la société ou, comme l’a écrit Ronald Berman, ancien président de la National Endowment for the Humanities, que les arts et les sciences humaines sont socialement utiles et recèlent en puissance la panacée contre le crime, les tensions des quartiers pauvres et le malaise économique (2). D’autres assimilent l’apport des arts à l’identité d’un pays et au prestige national, aux recettes d’exportation, à la croissance économique, en particulier au niveau des communautés locales, à la régénération urbaine et à l’amélioration de la qualité de la vie, pour ne citer qu’un échantillon. Les arguments relatifs aux répercussions économiques sont utilisés depuis quelques années maintenant par les partisans des dépenses culturelles, notamment dans les pays en développement. Toutefois, le fait que les arts et la culture soient économiquement importants n’entraîne pas automatiquement une augmentation des dépenses publiques consacrées au secteur culturel, compte -7tenu du principe admis dans de nombreux pays selon lequel l’intervention dynamique de l’économie de marché est chose déconseillée. dans la La libéralisation politique n’est possible que dans un contexte garantissant la liberté d’expression et de création et dans lequel la volonté créatrice aille de pair avec la mise en question des valeurs existantes. Voilà un argument en faveur de l’aide publique à l’art. En examinant et en comparant à l’échelle internationale la validité de tels raisonnements, un gouvernement peut clarifier le rôle de la culture pour le mieuxêtre de la communauté et, en retour, renforcer sa position en mobilisant des fonds pour les dépenses culturelles. Quoique de tels raisonnements soient essentiels pour obtenir un soutien public de ces dépenses, on risque en mettant trop l’accent sur des raisons extérieures et principalement utilitaires de subordonner la valeur créative à des aspects extrinsèques. D’autre part, il ne suffit pas pour convaincre d’affirmer que les arts et la culture sont en soi, sans doute possible, des biens publics. On prouvera difficilement que des arts et une culture subventionnés font mieux que des arts et une culture sans subvention. Nous savons tous que certains des meilleurs artistes du monde et de l’histoire ont réussi sans aucune aide publique. Pressés de justifier l’engagement des pouvoirs publics en matière d’activité créative, les tenants de l’aide publique cherchent souvent à démontrer que les résultats sont meilleurs dans les arts qui en bénéficient que dans les autres. Le problème est justement là. Pour confirmer leurs dires, les défenseurs des arts subventionnés ont tendance à rejeter ou à déprécier les activités créatives qui ne le sont pas, telles que les arts populaires, commerciaux et folkloriques, comme vulgaires et de basse qualité, ou à les accuser d’être purement mercantiles. C’est l’une des fautes tactiques courantes et souvent fatales commises par les artistes et les planificateurs de politiques. Ces créations non subventionnées représentent habituellement la culture d’une majorité de la population, particulièrement de sa jeunesse, et les ignorer est le plus sûr moyen de rendre le public étranger à la cause de la création. Aucun politicien, dans une société démocratique quelle qu’elle soit, ne peut se permettre une telle attitude de rejet à l’égard de la culture de toute une population et s’attendre à survivre à une élection. La seule façon de faire d’une politique culturelle l’axe d’une stratégie nationale est de démontrer que les arts subventionnés sont aptes et disposés à coopérer avec les activités créatives de la population en général, qu’il s’agisse d’arts populaires, commerciaux ou folkloriques. La nécessifé de développer les bases de données ef la recherche L’une des raisons pour lesquelles les politiques culturelles ont partout échoué à produire un schéma logique de financement de la culture est l’insuffisance des données disponibles et de la recherche. Nous savons tous, par exemple, que les industries culturelles sont en train de devenir dans beaucoup de pays l’un des secteurs économiques les plus importants, mais nous ne disposons ni de statistiques et d’études sur la dimension exacte de ces industries, ni d’une méthodologie commune pour aborder de telles études. II est urgent de mettre au point une façon plus cohérente et coordonnée de collecter les données et de les analyser. Seules ces données et les résultats de la recherche nous aideront à élaborer une politique culturelle plus pertinente et plus efficace. -8L’amélioration des pratiques budgétaires Un autre problème est celui de l’amélioration de la gestion financière dans le secteur public. Un financement régulier encourage l’esprit d’autosatisfaction et l’inefficacité en diminuant la motivation à rechercher d’autres fonds ou une audience plus importante. De nombreux responsables gouvernementaux sont en particulier enclins à se concentrer sur l’augmentation de leur budget et le maintien de leur volume de dépenses en faisant à peine attention à l’utilisation qui est faite de l’argent ainsi distribué. En fait, les financements réussis sont souvent pénalisés par une réduction des subventions, et les échecs récompensés par une aide publique accrue. La tendance à dépenser des fonds dans des projets de prestige spectaculaires prive également les activités créatives de ressources précieuses. Pareilles pratiques, économiquement discutables, étaient tolérables lorsqu’on pouvait compter sur une hausse budgétaire continue. Or, les budgets tendent plus aujourd’hui à diminuer qu’à augmenter. Une façon de remédier à la situation est d’accorder plus d’autonomie aux organisations artistiques, afin qu’elles soient libres d’employer leur budget de la manière la plus efficace. Elles ne devraient pas, lorsqu’elles réussissent à augmenter leurs recettes ou à collecter d’autres fonds, être pénalisées par une réduction de leurs subventions. Actions proposées par l’UNESCO 7 Renforcer la fonction de centre de documentation de /‘UNESCO dans le domaine des poiifiques cuifureiies publiques des Efafs membres, afin que ceux-ci profitent de /‘expérience des aufres dans la mise au point de politiques cuifureiies plus pertinenfes. 2 Meffre en réseau à l’échelle mondiale les universités, les insfifufs de recherche, les académies et les services gouvernementaux chargés des poiifiques cuifureiies, en vue de l’échange d’informations. 4 Organiser des réunions d’experts pour étudier les façons de mobiliser et de meffre en commun les ressources publiques destinées aux activités cuifureiies dans les Efafs membres. 5 Préparer à i’infenfion des Etats membres des principes directeurs pour améliorer la recherche et /a compatibilité de l’information en vue de la planification de politiques. Organiser des ateliers et accorder des bourses aux responsables 6 gouvernementaux de /a culture afin de leur permeffre d’acquérir de meilleures prafiques de gesfion. La mise en commun de fonds publics II. Associer les budgefs de différents organes publics Devant la baisse des fonds gouvernementaux, le besoin se fait mondialement sentir de diversifier les sources publiques de financement. Le premier élément est l’association des fonds de différents ministères ou organismes de l’Etat, ainsi que de différents secteurs au sein d’organismes culturels. II est bien connu que le budget -9des ministères de la culture ne représente qu’une partie des dépenses publiques consacrées à la culture, et qu’il existe de nombreux budgets culturels déguisés dans d’autres secteurs. Le budget de change des ministères des affaires étrangères, l’argent régional des organismes de développement, les budgets d’éducation artistique et de formation d’artistes et de publics des ministères de l’éducation, les budgets de prestations sociales pour les artistes des départements d’aide sociale, les fonds destinés à la promotion du tourisme culturel par les organismes touristiques, en sont quelques exemples. Par ailleurs, les liens entre les arts et la culture et d’autres domaines tels que les communications, l’industrie, l’aménagement urbain, l’éducation et la sécurité sociale augmentent la portée de la politique culturelle. La coopération interministérielle, par conséquent, prend de plus en plus d’importance. II est souhaitable que les gouvernements élaborent des stratégies culturelles globales reliant tous les programmes relatifs à la culture. Dans les pays en développement, il est particulièrement important de lier la politique culturelle à la politique générale de développement en ce qui concerne l’emploi, le tourisme, les médias et les industries audiovisuelles, etc.. Dès lors qu’une telle coordination aura été mise en place, les gouvernements trouveront probablement beaucoup plus de ressources disponibles pour le développement culturel qu’ils ne l’avaient envisagé. Cette coordination est d’autre part déterminante pour donner à la culture une place centrale dans l’administration générale. Elle peut mettre fin à l’isolation de la politique culturelle en créant des réseaux permanents entre les différents départements ministériels, et permettre aux gouvernements d’assurer la plupart des multiples interactions entre la culture et les facteurs de développement social et économique. Mobiliser les fonds des coiiecfivifés régionales ef locales Une autre approche consiste à mobiliser les fonds des collectivités régionales et locales. Même dans des pays où l’administration centrale a joué un rôle essentiel dans le développement culturel, le budget de l’Etat diminue ou du moins ne progresse plus aussi vite. Pour remédier à cette stagnation de leur budget, les autorités nationales s’efforcent de transférer les dépenses relatives aux arts et à la culture aux régions et aux municipalités. Celles-ci ont de bonnes raisons d’accroitre leur action en matière culturelle. Les paysages urbains et l’architecture urbaine ont besoin des arts et des artistes qui les conçoivent. Le patrimoine contribue largement à l’économie locale en développant l’emploi, le tourisme culturel et l’artisanat. De façon plus importante, les arts et la culture donnent aux communautés locales leur identité, sont source de fierté pour les habitants et peuvent réduire l’exode rural, notamment chez les jeunes. Ils ouvrent aussi une porte à l’industrie extérieure en rendant la région plus attrayante pour les travailleurs et leur famille. Le transfert du financement de l’Etat aux régions et aux municipalités exige des responsabilités et un pouvoir de décision accrus chez les secondes. On constate ainsi un processus graduel mais sûr de décentralisation vers les collectivités locales, même dans des pays dotés d’une forte administration centrale. La participation accrue de ces collectivités aux dépenses publiques est l’un des phénomènes les plus encourageants de ces dernières années et il devrait encore s’accélérer. Outre la possibilité d’appliquer des ressources inexploitées au développement culturel, la décentralisation permet d’employer les fonds au plus près des besoins de la -lOpopulation. Elle contribue aussi à la diversité de ce développement culturel face à une “culture nationale” à sens unique, encourage à plus de participation, atténue le risque d’un détournement de la culture à des fins politiques et favorise les activités populaires. Malheureusement, la décentralisation du financement culturel n’est pas une panacée : les pouvoirs publics locaux doivent eux-mêmes faire face à des difficultés financières... Actions proposées par /‘UNESCO 1 Entreprendre des éfudes de cas sur les expériences réussies de mise en commun de fonds publics, enfle organismes fédéraux ainsi qu’à fous les niveaux administratifs. 2 Encourager la décentralisation des politiques décisions vers les coilecfivifés régionales et locales. culturelles et de la prise de 3 Demander aux Etats membres d’identifier des municipalités modèles ayant réussi à intégrer les activités créatives dans leur plan de développement global. Ill. Les fonds privés La collecte de fonds privés De plus en plus, il apparaît que même les efforts ajoutés des différents pouvoirs publics ne suffisent pas à répondre à la demande croissante d’activités culturelles. Pour certains, la situation actuelle est temporaire : il faut attendre que les économies émergent de la récession. Néanmoins, chacun ou presque sait que dans le monde d’aujourd’hui, les arts sont au service d’une fraction seulement de la population, quand la démocratisation appelle à la participation populaire. Cela signifie qu’il faudra nettement plus d’argent pour soutenir les activités artistiques naissantes, ce qui suppose de renoncer à la dépendance exclusive à l’égard des finances publiques. Ainsi, la tendance générale est de rechercher des sources de financement additionnelles dans le secteur privé. Pour encourager les dons privés, de nombreux pays suivent l’exemple des Etats-Unis, où des avantages spécifiques sont accordés aux organisations à but non lucratif : déductibilité des dons, tarifs postaux réduits, baisses de l’impôt sur le revenu, etc.. En conséquence, les dépenses culturelles des sources indépendantes privées telles qu’organismes commanditaires, fondations, associations et autres, sont partout en augmentation régulière. Compte tenu de l’importance de ces sources privées, la Commission mondiale de la culture et du développement recommande une action à l’échelle mondiale pour promouvoir le rôle du financement indépendant et établir des liens avec les organismes de ce secteur. (3) La participation accrue de l’entreprise, des fondations et des personnes physiques est l’un des fait nouveaux les plus prometteurs de ces dernières années en matière de financement de la culture. Cependant, l’augmentation des dons privés suscite parfois de faux espoirs. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, ce financement privé a conduit à une diminution notable des dépenses de l’Etat. Une façon d’éviter l’effet de vases communicants entre le public et le privé est de mettre en place un mécanisme -lld’ajustement des dons privés aux fonds publics. II est évident toutefois que ce mécanisme ne contribue réellement à une augmentation du financement que si le secteur public manifeste la volonté de maintenir son niveau d’aide à l’activité artistique. Les sources de financement privées sont essentiellement au nombre de cinq : entreprises, fondations, personnes physiques, organisations autres et patronages traditionnels. Leur soutien est fourni en numéraire, en main-d’oeuvre ou en nature ou bien sous forme de prêts d’espace ou d’équipements. Les entreprises Le concours des entreprises ne se résume pas aux dons mais comprend aussi la promotion, la vente et la publicité. Toutefois, le secteur culturel apprécie surtout les donations sans conditions. Les entreprises patronnent depuis longtemps les arts et la culture, mais c’est la généralisation de notions telles que celle d’l’entreprise citoyenne” qui a entraîné dans de nombreux pays l’augmentation régulière de leurs dons. La création du Business Committee for the Arts (BCA) aux Etats-Unis et d’organismes similaires dans beaucoup d’autres pays y a contribué. Le fait que ces organismes constituent un réseau international pour coordonner leurs efforts est bon signe. Certains relèvent des inconvénients à l’aide accordée par des entreprises et mettent en garde les artistes contre une trop grande dépendance à son égard. Ils font observer que les entreprises évitent fréquemment de financer des programmes controversés ou impopulaires qui ne favoriseront pas leur visibilité et leur image de marque, ce qui peut compromettre la qualité et les aspects novateurs des productions artistiques. L’aide des entreprises varie également en fonction des conditions économiques : il est donc difficile aux organisations artistiques de tabler en permanence sur un niveau d’aide donné. Cependant, ces inconvénients ne sont pas spécifiques aux entreprises. Les fonds publics comportent des risques similaires. Ces problèmes peuvent être atténués si les associations, côté entrepreneurs, imposent à leurs membres des codes de conduite ou mettent en oeuvre des programmes éducatifs à l’intention des chefs d’entreprise intéressés par la protection des arts. D’autre part, les organisations artistiques peuvent collaborer plus efficacement avec les entreprises si elles comprennent leurs principes de financement et leurs objectifs commerciaux liés, en dernière analyse, à la réalisation de bénéfices. Le secteur artistique devrait comprendre aussi que les entreprises sont aujourd’hui des institutions responsables devant leurs actionnaires et leurs employés, et que cette responsabilité est essentielle dans tout programme auquel elles apportent leur soutien. Cela peut être mis en pratique en rendant compte aux sociétés de la réalisation des objectifs fixés et de ce qui a pu être fait grâce à leur aide. Les fondations Les fondations sont des institutions expressément créées pour financer certaines causes. Aux Etats-Unis, elles constituent la deuxième grande source de dons pour les arts et la culture, à côté des dons individuels. II en existe quatre sortes. Les fondations familiales ont été créées par un particulier disposant d’une fortune propre pour soutenir un petit nombre d’activités relevant des centres d’intérêt du fondateur. Les fondations à vocation générale, qui couvrent une vaste gamme d’activités, sont habituellement gérées par des professionnels. Certaines sont très importantes, -12comme le Lila Wallace Reader’s Digest Fund, le plus grand donateur privé des EtatsUnis avec plus de 30 millions de dollars de dons par an (4). Les fondations d’entreprise appliquent des politiques de don généralement cohérentes avec les intérêts des sociétés qui les ont créées. Enfin, les fondations “communautaires” regroupent les legs de nombreuses sources privées, particuliers, entreprises, fondations et autres ; elles sont administrées par un conseil de représentants de la collectivité. Si les fondations d’entreprise et, dans une certaine mesure, les dons individuels, sont sujets à de fortes fluctuations liées aux conditions économiques et aux résultats financiers, les fondations peuvent limiter au maximum les effets négatifs de circonstances extérieures telles que les faibles taux d’intérêt et la stagnation boursière. Pour qu’elles soient utiles aux arts et à la culture, elles requièrent une législation soigneusement conçue au niveau national ou local. En contrepartie d’exonérations fiscales et d’autres avantages, celle-ci doit exiger que leur dotation soit employée à des fins publiques et non lucratives, distribuée de la façon la plus ouverte et équitable et non soumise à la volonté arbitraire des fondateurs, et que leur gestion soit assurée par un conseil d’administration désigné publiquement. Les particuliers Les particuliers représentent aux Etats-Unis la source de dons la plus importante, soit 83% du chiffre total. En 1992, leur contribution à la cause des arts, de la culture et des sciences humaines s’élevait à 8,81 milliards de dollars (5). Dans la plupart des autres pays, cette ressource reste à développer, en partie parce qu’on a tendance à oublier que la collecte de fonds est une forme de marketing. II ne suffit pas, comme on l’imagine couramment dans le secteur culturel, que le produit ou la cause soient bons. Seuls des experts possédant des compétences spécifiques peuvent faire appel à la générosité individuelle. II y a aussi méprise, de la part des artistes et des organisations artistiques, sur les raisons pour lesquelles un individu donne. Des mobiles altruistes tels que le sens de la responsabilité collective et l’amour des arts et de la culture sont souvent considérés à tort comme les plus importants. On tend à occulter des motivations plus complexes, rarement débattues au grand jour, comme le besoin d’estime de soi, le désir d’obtenir la reconnaissance d’autrui ou des avantages personnels, la fierté d’appartenir à une association et des considérations financières, par exemple les réductions d’impôt. Toutes ces motivations devraient être étudiées de près lorsqu’on met au point des stratégies de collecte. Les dons individuels, en particulier les petites contributions du grand public, peuvent représenter la plus importante des quatre sources de financement privées, non seulement par leur volume, comme aux Etats-Unis, mais parce qu’elles implique l’adhésion et l’engagement des personnes. II s’agit là d’une forme de participation populaire essentielle pour l’accès aux arts et à la culture. Outre les dons en argent, cette contribution peut aussi revêtir la forme du bénévolat, individuel ou par groupe, dans n’importe quelle activité réalisée auprès d’organisations artistiques, dans le cadre de l’exécution de programmes ou dans celui d’activités créatives, les bénévoles payant de leur poche. Autres organisations et groupes D’autres organisations ou groupes peuvent fournir une contribution aux arts et à la culture, par exemple les clubs, les associations professionnelles, les associations - 13d’anciens élèves, les syndicats et les groupes d’amateurs. Les décideurs ont excessivement négligé le rôle des établissements d’enseignement supérieur dans la promotion des activités créatives. La collaboration entre artistes, organisations artistiques et groupes de ce type peut apporter aux premiers de nouveaux publics et des dons éventuels, et permettre aux membres des seconds d’assister à des spectacles et des événements spéciaux et de découvrir des possibilités de s’instruire. Les patronages traditionnels Les activités culturelles ont toujours bénéficié, dans de nombreuses parties du monde, du patronage de personnes ou de groupes traditionnellement investis d’un statut particulier dans la communauté. Les institutions religieuses, les familles dirigeantes, les communautés villageoises, les confréries, les corporations et les associations en sont quelques exemples. Selon un rapport réalisé en Gambie, “récemment encore, l’art et l’artisanat étaient patronnés par les grandes maisons, les familles commerçantes établies et les communautés villageoises, et reconnus en tant qu’activités économiques, religieuses, éducatives et de loisirs ” (6). Le lien entre les activités culturelles et certains de ces patronages traditionnels peut présenter le risque d’associer la culture au système politique traditionnelle, et doit être abordé avec précaution lorsque celui-ci se trouve en conflit avec les processus de modernisation. Malgré tout, ces patronages ont contribué dans de nombreux pays au développement des arts et de la culture, comme c’est le cas pour les institutions religieuses, et certains continuent à jouer un rôle significatif et constructif dans l’aide aux activités culturelles. La privatisation de l’activité créative Les gouvernements qui s’efforcent de transférer une part plus importante des dépenses artistiques et culturelles sur le secteur privé, en particulier sur les entreprises, ont découvert qu’il n’est pas facile de persuader celles-ci de compenser la réduction des dépenses publiques. Cela se comprend dans les pays où l’activité créative est gérée essentiellement par un Etat qui demande au secteur privé de l’argent, mais pas une participation ou des initiatives. On ne peut attendre de concours de la part d’entreprises et de personnes dont le rôle se limitera à compléter le financement de programmes qui restent sous le contrôle de la bureaucratie culturelle. La privatisation des équipements et des institutions et le passage de leur gestion entre des mains privées peut être le meilleur moyen de susciter à plus forte dose l’aide privée à la culture. On peut douter toutefois que ce transfert des responsabilités de l’Etat au secteur privé se fasse sans résistance dans des pays où le gouvernement a traditionnellement joué un rôle central dans les arts et la culture. II rencontrera l’opposition de la bureaucratie et de la classe politique, désireuses de conserver leur influence sur l’activité créative, et celle des artistes, des organisations artistiques et des institutions culturelles, craignant de perdre leur stabilité financière. Ceux-ci argumenteront contre la privatisation en déclarant qu’elle risque d’encourager les arts les moins exigeants, les moins risqués et les plus commerciaux, et de défavoriser les programmes les moins populaires, les moins viables sur le plan commercial et les moins orientés vers la création. -14Certes, les acteurs économiques recherchent le meilleur rapport financier et le meilleur rendement quantitatif. II est vrai aussi que les oeuvres nouvelles ou difficiles ne trouvent pas immédiatement un écho dans le public ou n’ont pas une audience assez vaste et, en ce sens, attirent moins les investisseurs privés. Mais cela ne doit pas exclure la possibilité d’introduire la gestion privée dans certains aspects de la culture. La gestion privée réussit généralement mieux que l’administration publique dans la réalisation de programmes et d’équipements culturels. Parce qu’elle implique d’accepter l’opposition consciente et inconsciente à l’art officiel cautionné et subventionné par l’Etat et au mode de vie socialement admis, la privatisation de certains aspects de l’activité culturelle apparaît de ce point de vue comme une condition préalable à la démocratisation des politiques culturelles. II est irréaliste de croire que dans l’économie privatisée d’aujourd’hui, les arts et la culture peuvent rester exclusivement planifiés et gérés par l’Etat. Le partage des responsabilités entre /‘Etat et le secteur privé II va sans dire que toutes les activités culturelles ne sont pas adaptées au patronage privé, ni à même de survivre sans protection dans une économie de marché. Certes, le libre jeu des mécanismes de marché s’avère répondre à toute une série de besoins mieux que tout autre système inventé jusqu’à présent. Mais la culture touche non seulement les aspects matériels mais également spirituels, intellectuels et émotionnelles de la vie humaine. La conception périmée de l’Etat-providence, dans laquelle les pouvoirs publics étaient garants de la sauvegarde de la qualité et de la diversité de la vie culturelle, ne convient plus à de nombreux gouvernements. Néanmoins, des initiatives non commerciales telles que celles visant à démocratiser les arts, à maintenir un niveau minimal d’accès à la culture, à encourager l’expérimentation et à préserver le patrimoine culturel, tant matériel qu’immatériel, continuent à requérir l’appui de l’Etat. Les dépenses publiques représentent aussi une mise de fonds initiale efficace pour stimuler l’investissement privé. Les subventions affectées à ces objectifs sont socialement et économiquement profitables et devraient augmenter, ou du moins se maintenir, indépendamment de la hausse du financement privé. Ce qu’il faut, c’est identifier le rôle respectif du secteur public et privé dans le développement culturel et arriver à concevoir clairement il peuvent se partager les responsabilités. Autrement, on ne pourra éviter la redondance des efforts et le gaspillage inutile de ressources. Actions proposées par /‘UNESCO fixer des lignes directrices à /‘intention des administrateurs et gestionnaires ? sur les façons et les moyens de mobiliser des fonds privés au profit de la culture et des activités créatives. 2 Créer des réseaux mondiaux d’organismes de financement Encourager la création de réseaux entre les organisations 3 soutien de l’art par l’entreprise. indépendants. qui promeuvent Mettre en place un mécanisme mondial permettant aux particuliers 4 entreprises de soutenir à l’échelle internationale /es activités créatives. le et aux - 155 Réaliser des études de cas sur la privatisation des activités culturelles afin d’identifier ses mérites et ses inconvénients ainsi que les difficultés qu’elle aurait à affronter. Organiser des réunions d’experts pour débattre sur le partage 6 responsabilités entre /‘Etat et le secteur privé dans le domaine culturel. des IV. Autres ressources (7) Le besoin de ressources additionnelles a conduit à rechercher des modes de financement nouveaux et à tirer parti au maximum des fonds disponibles. En voici quelques exemples. Les dotations La création de fonds ou fondations dotés d’un budget permanent destiné à soutenir les arts est un choix à considérer de près. Ce type d’organisme présente sur le subventionnement direct par l’Etat, surtout si celui-ci est fixé ” selon les conditions normales de la concurrence “, l’avantage de posséder un haut degré d’autonomie et son propre pouvoir de décision hors du contrôle de l’Etat. Un tel système permet de réduire le risque d’intervention des pouvoirs politiques et bureaucratiques dans la répartition des subventions, inévitable même dans le régime le plus démocratique. II garantit en outre une source de revenu stable aux organisations artistiques et culturelles, en échappant aux fluctuations des budgets nationaux. Cependant, ces dotations sont depuis quelques années devenues moins intéressantes. Tout d’abord, peu de gouvernements sont à même, dans les conditions budgétaires actuelles, d’investir assez de fonds. Ensuite, une dotation impropre, inapte à générer les revenus nécessaires, n’a qu’un impact limité sur le développement culturel. D’autre part, les taux d’intérêt connaissent dans de nombreux pays une baisse historique. Les organisations artistiques et culturelles aux abois peuvent exiger que l’argent soit dépensé immédiatement et non utilisé comme un placement. Le système de la dotation présente un mérite certain si un financement additionnel des collectivités locales et du secteur privé vient compléter les fonds fournis par l’administration centrale. Un exemple est celui du Japan Arts Fund, créé en 1990. Le gouvernement du Japon a doté cet organisme de 50 milliards de yens et des entreprises ont apporté 12 milliards de yens. Les recettes du Fonds, soit environ 3 milliards de yens, servent à financer des activités culturelles. Encouragés par cette initiative gouvernementale, les préfectures avaient créé 57 dotations similaires et les municipalités 86 en 1993. Le montant total de ces dotations dépassait en 1992 177 milliards de yens (8). En Argentine, un fonds national pour les arts a été mis en place en 1958 pour soutenir le développement culturel. L’apport initial du gouvernement est complété par une part prélevée sur les recettes des stations de radio et de télévision, des billets d’entrée et des cagnottes des événements sportifs. (9) La majoration des droits d’entrée L’un des moyens les plus simples d’augmenter les fonds disponibles est de majorer le prix d’entrée des équipements et institutions culturels tels que musées et théâtres. -16Tandis qu’un public plus nombreux s’intéresse aux arts et à la culture, certains signes montrent qu’il est prêt à payer plus cher, en particulier pour des “événements spéciaux” et des “expositions populaires”. Néanmoins, une étude récente sur le monde du spectacle indique que les prix d’entrée perçus pour les événements culturels couvrent diffkilement des coûts en hausse, la productivité offrant une croissance très limitée dans ce domaine. Le montant des billets d’entrée ne peut donc suffire à faire face aux coûts de production, sauf à fixer des prix astronomiques qui rendraient beaucoup d’événements inaccessibles au plus grand nombre. Certains argueront que le but des activités et des installations culturelles n’est pas d’obtenir le maximum d’argent des visiteurs, mais de fournir au public une possibilité de s’instruire et d’apprécier l’art et la culture. On peut répondre à cet argument en élargissant l’éventail des prix d’entrée. Dans certains musées américains, par exemple, chaque visiteur est tenu de payer son entrée, mais le montant en est laissé à sa discrétion. Un tel système de contribution volontaire peut augmenter les recettes sans heurter le public. Créer de nouvelles sources de revenu pour les institutions culturelles L’Etat ne pouvant plus prendre en charge tous les aspects de l’activité culturelle, les institutions, notamment dans les anciens pays socialistes d’Europe orientale et d’Asie centrale, commencent à être privatisées, tandis que celles qui restent publiques sont encouragées à devenir financièrement plus autonomes. Pour y faire face, de nombreuses institutions de ces pays prennent des mesures visant à augmenter leurs revenus propres. En Pologne, ces mesures consistent notamment à ” donner à bail une partie des locaux à des boutiques, des bureaux, des cafés, des galeries ; les louer pour différents types d’événements et de réceptions ; louer l’espace publicitaire des murs de l’immeuble, lancer des activités commerciales ou créer des fondations qui s’en chargent. Les institutions créent des agences de voyage, des parcs de et offrent des services stationnement payants, des agences commerciales, d’impression et de télécopie “. (10) La modernisation et le développement des boutiques de musées et de théâtres, qui se sont avérées remarquablement fructueuses dans beaucoup de pays, constituent une autre source prometteuse de revenus additionnels. Récemment encore, les institutions culturelles étaient peu incitées à entreprendre des activités génératrices de revenus. Non seulement de telles activités n’étaient pas nécessaires lorsque le secteur public couvrait tous les frais mais, dans de nombreux cas, toutes les recettes provenant de la vente de billets, de cartes et de catalogues allaient directement aux coffres de l’Etat. Dans ces conditions, il importait peu aux administrateurs des institutions de faire des gains qui ne leur apportaient pas de ressources supplémentaires. La situation est différente aujourd’hui où les institutions culturelles sont encouragées à devenir autonomes tant sur le plan administratif que financier. L’institution de taxes spéciales Une taxe spéciale pour la culture peut prendre la forme d’un “impôt culturel” ou bien de recettes reversées, des fonds d’une source spécifique étant alors explicitement affectés à une utilisation précise. Les exemples sont nombreux : - 17taxes sur les coûts de construction, à l’instar du projet “Arts for Public Places” adopté par de nombreux pays ou du “Federal Art Project” (FAP) aux Etats-Unis, permettant de recueillir des fonds sur la construction d’édifices publics au profit de commandes ou d’achats d’oeuvres d’art : taxes sur les films dans certains pays tels que le Danemark, la France et l’Allemagne, où une partie du montant des ventes de billets est allouée à la réalisation. Des taxes complémentaires sont quelquefois perçues auprès d’autres ayants droit d’oeuvres filmiques, notamment dans l’industrie vidéo ; taxes sur la télévision (par exemple en Australie, au Canada, en France ou en Suisse) : les chaînes payantes récemment apparues reversent une partie de leurs bénéfices au profit de la production de longs métrages, d’émissions spéciales de télévision et radiodiffusion, de créations musicales, etc. ; taxes sur les ventes d’oeuvres d’art comme dans le système appliqué en Norvège, où 3% du montant de chaque vente sont versés sur un fonds au profit des artistes norvégiens ; taxes sur les billets de théâtre et de concert et les billets d’entrée des musées et des expositions, permettant de financer des fonds à vocation culturelle générale en Allemagne, en Italie et en Suisse. Au Ghana, un pourcentage de la taxe sur les spectacles est affecté au financement de la création artistique (11). Dans certains cas, les sommes servent également à compléter les pensions versées aux artistes. De tels dispositifs font appel à des sources de financement jusqu’alors inexploitées. Ils éliminent par ailleurs les incertitudes liées au contrôle parlementaire de l’argent public et donnent plus d’autonomie aux autorités culturelles compétentes. Néanmoins, ils vont à l’encontre de la pratique générale en matière fiscale prévalant dans de nombreux pays, qui veut que la perception de l’impôt et son utilisation restent séparées. Ce type de taxe repose en fait sur la méfiance envers la solidité et la fiabilité de l’aide de l’Etat dans le domaine des arts et de la culture, et sur la présomption que dans la lutte annuelle pour l’affectation des crédits budgétaires, la culture sera supplantée par d’autres secteurs. Ces taxes obtiendront difficilement l’appui des législateurs et des responsables des finances, car elles leur retirent la maîtrise des budgets culturels. Le système n’est applicable que dans des circonstances particulières, lorsque la somme perçue, par exemple, est employée à remédier aux dommages causés par une activité donnée, sur laquelle elle est prélevée. Taxes sur les loteries et les jeux d’argent De nombreux pays utilisent les recettes de la loterie effou des jeux pour financer des organisations artistiques, des musées, etc. A Ontario (Canada), les billets de loterie reçoivent une valeur au comptant égale à la moitié de leur prix d’achat pour l’acquisition de livres canadiens, de disques, de tickets de cinéma, etc. Des efforts de ce type devraient être encouragés car ils contribuent à renforcer l’assise financière de l’activité créative. Toutefois, outre le fait d’associer le jeu et la culture, ils soulèvent des questions politiques épineuses et fondamentales. La loterie et les - 18jeux d’argent sont essentiellement dans les habitudes des catégories à faibles revenus, alors qu’une bonne part des personnes qui apprécient les arts appartiennent aux couches favorisées de la société. II existe donc un risque réel de prendre l’argent des pauvres pour financer le plaisir des riches, à moins que les sommes ainsi perçues ne soient appliquées avant tout à des activités culturelles qui concernent la population toute entière. Les droits d’auteur Un autre mode de taxation est lié plus ou moins directement à la législation sur le droit d’auteur. Dans la procédure normale, les droits sont distribués aux créateurs individuels des oeuvres. Toutefois, il existe des cas dans lesquels il est impossible de retrouver l’auteur, ou bien dans lesquels la rémunération directe entraîne une inégalité sociale inacceptable. Même dans le cadre des dispositions actuelles sur le droit d’auteur, on observe depuis quelques années une tendance croissante à verser des recettes de droit d’auteur sur des fonds spéciaux destinés aux prestations sociales des membres des sociétés de recouvrement ou à d’autres fins culturelles ou sociales. Dans les pays scandinaves, de tels fonds sont institués dans le cadre des organismes de recouvrement des droits d’auteur et peuvent être employés au financement de certains projets. Certaines sociétés de droit d’auteur sont également en train d’expérimenter des systèmes de planchers, en versant à chaque titulaire une somme de base à laquelle vient s’ajouter un montant additionnel en fonction des droits d’auteur réels sur son oeuvre. En France, en Italie et en Pologne existe le système du “domaine public payant”, une taxe étant perçue sur les oeuvres d’art après expiration des droits d’auteur. Une autre possibilité relative aux droits d’auteur concerne les sommes payées par le consommateur aux sociétés de recouvrement des droits d’auteurs pour l’utilisation de cassettes audio et vidéo vierges, en compensation des pertes potentielles sur ces droits occasionnées par la copie privée de bandes originales. Dans de nombreux pays, ces sommes sont affectées à des objectifs publics, selon le choix des sociétés de recouvrement. Ces systèmes aux pratiques des membres considérable, conséquence davantage de sont tous contraires au principe de la rémunération directe inhérent internationales en matière de droit d’auteur, et exigent le plein accord des sociétés de recouvrement. Ils représentent un potentiel sachant que le développement des nouveaux médias aura pour une énorme augmentation du volume des droits d’auteur et que titulaires de ces droits seront à l’avenir sensibles à de telles mesures. Prêts et avances Les activités culturelles peuvent également être financées au moyen de prêts ou d’avances. La nécessité d’un programme de crédits est patente dans des pays où la majeure partie de l’activité créative relève d’organismes privés indépendants des institutions ou des finances publiques. Cela s’impose dans le cas de projets à long terme qui ne sont pas économiquement rentables avant un certain temps, ou de projets qui exigent une mise de fonds importante comme certains spectacles ou certaines grandes expositions. Malheureusement, les systèmes de prêt sont dans de nombreux pays défavorables aux artistes et aux petites entreprises culturelles, dont - 19les garanties sont considérées dans la plupart des cas comme insuffisantes. II existe quelques exemples intéressants de crédits et de prêts accordés à des artistes et des projets culturels. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des organismes culturels publics avancent des fonds sur les recettes des spectacles ou la vente des oeuvres d’art. La Fondation nationale argentine pour les arts, organisme indépendant créé en 1958, joue le rôle d’une “banque de la culture” en finançant toute une gamme de projets culturels sous condition que la responsabilité en soit partagée par l’emprunteur et “d’authentiques sources de financement”. Dans une économie de marché, le système des prêts ou des avances présente un net avantage sur les subventions et les donations. II incite les emprunteurs à compter davantage sur eux-mêmes et les aide à devenir financièrement indépendants, là où les subventions tendent à faire des bénéficiaires des assistés. Un mécanisme de prêt approprié peut permettre aux artistes et aux organisations artistiques de mieux fonctionner dans le système économique à prédominance libérale du monde d’aujourd’hui. II va sans dire que prêts et avances présentent pour les emprunteurs certains risques. II est essentiel, par conséquent, qu’ils s’accompagnent d’une information complète à l’intention de ces derniers sur la situation du marché et sur les techniques de comptabilité et de gestion. Actions proposées par l’UNESCO 1 Réaliser des études de cas sur les nouvelles ressources offertes aux activités créatives, dans le but d’aider les responsables gouvernementaux et les organisations artistiques à explorer les possibilités de mobilisation de fonds additionnels. 2 Organiser des consultations avec I’OMPI et les sociétés de recouvrement de droits d’auteur pour étudier la possibilité d’appliquer les recettes du droit d’auteur à d’autres activités créatives. V. Le tourisme, source de financement Ce secteur de l’industrie encore en expansion est grandement dépendant de la culture pour son développement. Les arts et les équipements culturels tels que théâtres, opéras et musées, et le patrimoine culturel matériel (vestiges et édifices historiques, objets d’art, etc.) aussi bien qu’immatériel (musique et danses traditionnelles, festivals, alimentation, modes de vie, etc.) attirent de plus en plus les touristes. II est donc de l’intérêt de l’industrie touristique d’investir dans ces aspects, d’où l’idée d’une taxe demandée soit aux touristes, soit aux hôtels et aux détaillants. Les touristes peuvent être également sollicités en vue d’une contribution volontaire destinée à la protection et à la restauration du patrimoine culturel qu’ils viennent voir ou bien à la reproduction des oeuvres qu’ils admirent. Ces mécanismes sont plus acceptables pour l’industrie s’ils sont liés à des efforts internationaux de préservation tels que ceux réalisés par l’UNESCO dans le cadre de son programme sur le patrimoine mondial. - 20 Actions proposées par l’UNESCO 1 Mettre sur pied des projets expérimentaux visant à développer le tourisme culturel en faisant appel aux biens du patrimoine local tels que monuments, musique et danses folkloriques, métiers traditionnels, festivals, etc., pour attirer davantage de touristes et les inciter à prolonger leur séjour. instaurer, en consultation avec la Commission du patrimoine mondial, un 2 mécanisme destiné à encourager les dons des visiteurs des sites figurant sur la liste du Patrimoine mondial. VI. Les fonds internationaux Dans les pays en développement, dont l’économie peut difficilement faire face aux dépenses culturelles, il peut être opportun de consacrer des efforts spécifiques à la mobilisation de ressources étrangères afin d’assurer un niveau minimal de financement culturel, même si une dépendance trop grande à l’égard de cette source risque de compromettre l’intégrité culturelle du pays bénéficiaire. Assistance internationale L’assistance internationale sur le plan économique et technique, d’origine gouvernementale ou non gouvernementale, apportée directement ou par l’intermédiaire des organisations internationales, est aujourd’hui une caractéristique permanente du système mondial. Selon un rapport de Indonésie, par exemple, ” A côté des sources de financement nationales, il existe aussi des organismes étrangers qui collaborent avec le gouvernement indonésien. Des projets particuliers et des aides ont conclus avec le PNUD, l’UNESCO, la SPAFA et I’ASEAN. ” Le fonds culturel de I’ASEAN a été créé en 1978 pour mettre en oeuvre des activités culturelles grâce à des dons du Japon et de pays d’Europe et d’Amérique du Nord. ” Une aide étrangère au profit des activités culturelles a été obtenue également dans le cadre d’accords bilatéraux avec des organismes comme I’Asian Foundation, le British Council, l’East West Center, la Fondation Ford, le Fulbright Fellowship Programme, le Ministère de l’assistance technique et le Ministère de l’éducation et des sciences des Pays-Bas. ” (11) investissements internationaux Avec la prédominance des rapports de libre-échange et des entreprises multinationales, les investissements internationaux sont devenus chose courante partout dans le monde. Les fonds peuvent être apportés par des particuliers, des sociétés, des banques, des gouvernements ou des organisations internationales, différant de l’assistance internationale en ce qu’un bénéfice est attendu du capital investi. La Chine indique que ” l’utilisation de capital étranger est l’une des principales façons de réunir des fonds (pour la culture) “, et mentionne le cas des stations de radio et de télévision de Shanghai, qui feraient appel à un emprunt à l’étranger pour construire une tour de télévision de 450 mètres de haut. Elle cite aussi l’exemple d’une troupe de marionnettistes qui tire des profits de l’exportation de marionnettes. (12) -2lActions proposées par /‘UNESCO 1 Organiser des réunions d’experts pour étudier la possibilité d’accroître recours à l’assistance internationale et à l’investissement étranger pour développement des activités culturelles, y compris le tourisme culturel. 2 Etudier en consultation avec des organisations de développement des Nations Unies l’investissement accru dans le secteur culturel. le le du système VII. La diversification des sources de financement On vient de voir qu’il est possible de diversifier les sources de financement des activités culturelles. Un bon exemple de cette diversification est celui du Ghana, où ces activités bénéficient d’une gamme de ressources parmi lesquelles figurent : le budget de l’Etat ; les contributions d’organisations non gouvernementales (commerciales, financières, industrielles, etc.) ; un fonds national pouvant être alimenté par l’Etat, les organisations et les particuliers ; un pourcentage de la taxe sur les spectacles ; une dotation spéciale à l’intention des institutions menant des projets de recherche et d’autres organismes privés du secteur du commerce et de l’industrie ; une part obligatoire des budgets de construction affectée à l’aménagement du paysage et de l’environnement ; les recettes publiques des activités culturelles. (11) II existe encore des nostalgiques des politiques culturelles du passé, lorsque l’Etat assurait seul la stabilité financière de l’activité culturelle. Mais nous devons reconnaître que même les pays où l’aide publique est une tradition sont contraints de rechercher d’autres modes de financement. Par ailleurs, un système mixte de financement constitue la meilleure garantie pour la liberté de création, en laissant le choix aux créateurs et à la population plutôt qu’aux bailleurs de fonds. L’expérience prouve qu’un développement culturel fortement dépendant d’une source unique de financement, qu’elle soit ou non gouvernementale, court le risque de se voir influencé, intentionnellement ou non, par cette source, au détriment de la liberté de la culture. VIII. De l’aide à l’investissement Développer l’investissement dans la création II faudra des fonds sans précédent pour financer les arts et la culture si l’on veut répondre aux besoins non pas de quelques-uns, comme c’est le cas dans de nombreuses sociétés aujourd’hui, mais de toute la population. Seul l’investissement, tant public que privé, peut apporter ces fonds. A cet égard, les chances d’attirer un fort montant d’investissements dans l’activité créative sont bien supérieures à ce qu’on pensait auparavant. En effet, les arts et la culture sont en train de devenir dans beaucoup de pays l’un des secteurs industriels les plus importants. Ils contribuent au bien-être économique en créant à la fois des emplois et des recettes : chaque dollar dépensé dans les arts en produit plusieurs dans la restauration, l’hôtellerie, la vente - 22 au détail, les transports, etc. Aux Etats-Unis, l’industrie du spectacle est la quatrième exportatrice après l’aérospatiale (14). Avec l’avènement du multimédia et sa demande accrue de programmes d’art et de loisir, on attend un essor vaste et rapide de ces deux secteurs industriels partout dans le monde. Pour certains, ces arguments économiques dépendent souvent d’une définition très large de la culture et d’hypothèses très optimistes sur ses effets multiplicateurs. Néanmoins, il semble y avoir de bonnes raisons de croire que les arts de la culture vont jouer à l’avenir un rôle de plus en plus important dans le développement économique. On constate une demande croissante de produits et de services plus raffinés, distinctifs, à haute valeur ajoutée. Là où les besoins fondamentaux sont satisfaits, la préférence des consommateurs se diversifie et s’aiguise. Dans une économie de ce type, c’est la qualité accompagnée d’un haut degré de sensibilité qui permet de produire des articles vendables, auxquels la création artistique est tout aussi indispensable que la science et la technologie. L’investissement accru dans la culture ne fournit pas seulement une source de revenu supplémentaire aux créateurs. II encourage aussi le secteur culturel à s’initier à la culture industrielle et, en retour, incite le secteur économique à apprécier les talents créatifs présents dans le premier. Cela peut apporter un changement d’attitude des deux côtés. Le secteur culturel peut devenir plus efficace et plus attentif aux réalités du marché, et l’industrie plus sensible aux besoins créatifs. Une telle interaction sera d’un énorme profit pour les deux. Resserrer la marge entre art commercial et art non lucratif II est généralement admis qu’investir dans les arts et la culture coûte cher. Les organisations artistiques à but non lucratif, quelle que soit leur réussite sur le plan artistique, perdent généralement de l’argent : elles sont, selon l’expression de Baumol et Bowen, “malades de leurs coûts”, et l’écart entre leurs recettes et leurs dépenses ne fait que grandir (15). C’est pourquoi l’art est habituellement confié à des organismes publics ou à but non lucratif. Avant d’entériner cette théorie, il convient d’examiner les raisons pour lesquels les spectacles, par exemple la musique pop et les comédies musicales de style américain, rassemblent des publics énormes et connaissent de gros succès commerciaux, alors que les arts non lucratifs n’attirent que des publics réduits et sont déficitaires. Doit-on considérer que les arts populaires ne sont pas de l’art, sous prétexte qu’ils sont produits en quantité massive par des chefs d’entreprise pour faire des bénéfices ? Allons-nous conclure que l’art ne devrait pas être trop accessible ni commercialement rentable et que moins on est nombreux à aimer un produit culturel et plus ses créateurs perdent de l’argent, meilleur il est ? En fait, la différence entre ces deux façons d’aborder l’art est souvent liée au statut social du public plutôt qu’à la nature intrinsèque de l’art lui-même. Prenons le kabuki japonais, considéré aujourd’hui comme une forme d’art extrêmement raffinée, et qui était au départ une distraction vendue aux couches sociales défavorisées. Pareillement, la Flûte enchantée de Mozart, donnée aujourd’hui devant l’élite, a été - 23 commandée ordinaire. à l’origine par un théâtre dans un but commercial pour distraire un public De même, le temps viendra tôt ou tard où des formes d’arts qui sont à ce jour l’apanage d’actions non lucratives s’ouvriront aux initiatives commerciales et aux entreprises. Certaines expériences peuvent être tentées, par exemple, pour faire produire des oeuvres par des sociétés commerciales. Des théâtres plus grands, des saisons plus longues, un plus grand nombre de représentations d’une même création permettraient aux artistes de rencontrer de plus vastes publics sans augmentation significative des coûts et sans nuire à la qualité du produit. L’informatisation et l’acquisition par les directeurs d’un esprit d’entreprise se traduisent par une rentabilité accrue. Grâce au créneau des médias, les oeuvres seront plus accessibles, donc généreront plus de recettes. Enfin et surtout, une attention meilleure aux préférences des consommateurs permettra d’attirer des publics plus vastes. Nous ne pouvons pas prédire à quel point l’application à l’activité créative du système commercial sera une réussite, ni si elle portera préjudice ou non à la qualité des créations. Le spectacle et les activités artistiques commerciales ont remarquablement réussi à plaire au public tout en rendant leur opérations rentables. II est temps pour les organisations à but non lucratif d’apprendre des entreprises comment mieux réussir sur le plan commercial. En retour, les secondes peuvent apprendre des premières à devenir plus cultivées et moins superficielles. Actions proposées par /‘UNESCO Réaliser des projets expérimentaux visant à lancer dans les pays en 1 développement des industries créatives et de loisir faisant appel aux biens du patrimoine culturel matériel et immatériel existants, notamment artisanats locaux ou traditionnels, motifs et techniques décoratifs, enregistrement pour la vente de danses et musiques locales, etc.. Entreprendre à l’échelle internationale des études sur l’impact des activités 2 créatives sur le développement économique et social et sur leur apport aux nouveaux médias, dans le but d’encourager l’investissement dans ces activités. En consultation avec d’autres institutions des Nations Unies responsables du 3 développement industriel, mettre au point des stratégies pour les industries créatives dans le monde. 4 Encourager les Etats membres à améliorer leur compétences en matière de gestion, de financement et de marketing, afin de mieux adapter le secteur créatif à l’économie de marché. L’argent des médias IX. Planificateurs et exécutants s’accordent à penser que le développement des médias et des nouvelles technologies représente une ouverture sans précédent pour les arts et la culture. Ce développement va remodeler en profondeur l’application de la technologie à la création comme à sa consommation. Par exemple, les récentes - 24 avancées en matière de diffusion et d’enregistrement télévisés, tels que CD et vidéos, fournissent une infrastructure qui permet à l’activité créative d’élargir sa portée et son champ d’action en rendant ses produits plus accessibles au public. Aujourd’hui, avec le multimédia, 500 canaux de transmission, de communication interactive entre publics et diffuseurs et entre publics eux-mêmes deviennent une réalité. Outre l’accélération de la diffusion de l’information et de la culture qu’ils autorisent, la seule quantité d’argent nécessaire à la production de programmes pour tous ces multicanaux va ouvrir de nouvelles voies à toutes formes d’expression. On s’attend que les ventes de multimédia augmentent rapidement, et d’aucuns pensent que ce secteur pourrait représenter dans un proche avenir presque la moitié du PNB de certains pays. En outre, beaucoup prévoient que la majeure partie de ces ventes viendront des logiciels plutôt que des matériels. Or, les arts et les loisirs constituent la majorité du contenu des programmes télévisés, bien plus que les émissions d’information, de sports et d’éducation réunies (16). Certaines voix reprochent au développement des médias de se faire au détriment de la créativité en répandant l’uniformité et en imposant des goûts communs et de bas étage. Résister à la nouvelle réalité médiatique, cependant, ne semble pas un choix viable. L’alternative est la suivante : ou bien on laisse jouer le marché et on accepte l’investissement de l’industrie des médias pour développer l’activité créative, ou on refuse l’argent des médias et on court le risque de rester en arrière. La réponse semble évidente si nous voulons donner à l’activité créative la place qui lui revient. Mais l’argent n’est pas la seule raison pour laquelle les arts et la culture devraient prendre part au développement médiatique ; l’autre est le maintien de la qualité du contenu des médias. Le niveau des programmes soulève partout de graves interrogations. La violence injustifiée, la pornographie et la médiocrité sont omniprésentes. Seuls les arts et la culture peuvent relever le niveau des programmes. La crainte d’une “homogénéisation” de la culture mondiale s’avère excessive. La diversification des goûts et des valeurs est en effet essentielle aux médias eux-mêmes, tant pour remplir les programmes que pour fidéliser les spectateurs. Les arts et la culture peuvent générer la diversité nécessaire. Puisque créativité et industrie des médias sont liées par des intérêts communs, elle n’ont aucun motif pour ne pas travailler la main dans la main, à leur avantage mutuel. Actions proposées par /‘UNESCO -i Constituer un groupe de travail chargé d’étudier l’impact du multimédia sur les activités créatives, notamment : 1) le rôle du multimédia dans le développement des activités créatives ; 2) la garantie du libre accès aux multimédias ; 3) la protection des droits culturels dans le contexte du multimédia ; 4) l’utilisation des capitaux des médias au profit des activités créatives. Mettre en oeuvre dans les pays en développement des projets expérimentaux 2 de production de logiciels multimédias afin d’encourager la participation de ces pays au dialogue culturel mondial grâce à ce support. - 25 Former des groupes de consultation régionaux qui s’occuperont collectivement 3 de la situation du multimédia. Une meilleure gestion de l’industrie créative X. Pour attirer davantage d’investissements, le secteur culturel doit devenir plus efficace. II y a encore dans le monde beaucoup d’artistes qui voient l’avancée des valeurs économiques comme une menace pour leur dignité. Pourtant, il nous faut bien admettre que l’art possède des aspects commerciaux depuis qu’il est apparu dans l’histoire de l’humanité, et que la plupart des pays, dans le monde d’aujourd’hui, se sont mis à l’économie de marché. L’art ne saurait rester à l’écart : comment affirmer raisonnablement que les créateurs ne doivent pas gagner leur propre vie en rémunération légitime de ce qu’ils apportent à l’humanité ? II est urgent pour le secteur culturel de former des gestionnaires capables, comme dans d’autres industries, de définir plus précisément leurs buts et leurs objectifs, de commercialiser plus efficacement leurs produits et de mieux satisfaire au principe de responsabilité en adoptant des méthodes de mesure des résultats et d’évaluation du rendement. Beaucoup d’activités créatives sont actuellement dirigées par des artistes qui n’en sont pas nécessairement les meilleurs administrateurs. Sachant qu’une bonne gestion est indispensable à la croissance de toute industrie, la condition sine qua non au développement des arts dans l’actuelle économie de marché est de former du personnel de direction et d’administration auquel confier la conduite des activités artistiques. Actions proposées par l’UNESCO 1 Etablir des principes directeurs à /‘intention des Etats membres pour les aider à former des administrateurs et des gestionnaires culturels. 2 Multiplier les programmes de bourses pour administrateurs et gestionnaires culturels dans les pays en développement et les pays d’Europe orientale et d’Asie centrale. Créer des réseaux d’institutions concernées par l’éducation et la formation 3 d’administrateurs et de gestionnaires dans le domaine des arts et de la culture. XI. La mobilisation de la population L’échec de la mobilisation des ressources créatives Nous ne devons pas oublier qu’aucun volume de ressources matérielles ne rendra une société tout à fait créative sans la pleine participation de ses membres de toutes conditions sociales. Malheureusement, l’enthousiasme et les talents n’ont pas été pleinement mobilisés pour développer la culture. Partout, les politiques culturelles s’intéressent essentiellement à l’activité créative des artistes professionnels, en écartant la contribution de la population elle-même. C’est aller à l’encontre de l’aspiration indéniable de tous ceux qui jouent dans des théâtres de quartier, chantent dans des chorales d’amateurs, barbouillent des toiles en vacances et remettent en honneur les chants et les danses traditionnels de leur communauté longtemps méprisés par les groupes culturels dominants. La création n’est aucunement le monopole de professionnels. C’est une dimension inhérente à la condition humaine. Chacun porte en soi un potentiel de créativité qui n’attend que d’être éveillé. Nombre - 26 de personnes ne veulent plus être des consommateurs passifs d’oeuvres d’art, mais des acteurs de la création. Les progrès des médias et des nouvelles technologies sont en train de multiplier les formes d’expression créatrice, telles que dessin graphique, composition musicale assistée par ordinateur, etc., effaçant les frontières entre professionnels et amateurs. II est vrai que les artistes professionnels incarnent les formes les plus élevées du talent créatif. Leur autorité dans le domaine des arts et leur rôle en tant qu’inspirateurs doivent être reconnus. Mais cela ne justifie pas que la société soit exclue de l’activité créative. La création devrait être un effort de tous, accompli pour et par tous. Pour pousser l’argument plus loin, les gens ont besoin, selon les mots de psychologues, d’exprimer leur emprise sur le monde des sens, que ce soit par le chant, la danse, le théâtre, la musique, la peinture ; que l’expression en soit individuelle ou collective, qu’on appelle cela art ou rituel, c’est quelque chose auquel chacun a besoin de participer, et qui ne doit pas être simplement le fait de “professionnels” (17). Si tel est le cas, omettre ce besoin fondamental de tout être humain n’est pas seulement une grave injustice, c’est la façon la plus sûre de perdre l’appui du public à la cause de la création. Mettre fin à l’exclusion dans le domaine des activités créatives Les politiques culturelles excluent souvent des activités culturelles des secteurs entiers de la collectivité. Parmi les groupes concernés figurent les personnes âgées, les minorités, les populations urbaines et rurales marginalisées par la pauvreté, et les handicapés. Plus grave, cependant, est l’exclusion des femmes et des jeunes, majoritaires dans toute société. Dans un régime démocratique, toute activité qui échoue à gagner le soutien de la majorité n’a aucune chance d’être reconnue. II n’est pas donc surprenant que les arts et la culture, qui ne sont pas réellement démocratisés, continent à occuper une place secondaire dans les politiques nationales de développement. Pour remédier à une telle situation, les gouvernements et les organisations artistiques devraient adopter des mesures et des pratiques visant à éliminer l’exclusion et à instaurer une démocratie culturelle dans laquelle tous aient accès à la création sur une base égalitaire. Dans une société démocratique, il appartient à l’Etat de répondre, du moment que l’intégrité culturelle du pays n’est pas compromise, à l’ensemble des activités culturelles de ses communautés. Elargir le soutien aux arts et à la culture Réussissons à mobiliser un plus grand nombre autour de la cause créative, et les gouvernements trouveront beaucoup plus facile de dépenser l’argent des impôts pour les arts et la culture. Les entreprises jugeront plus intéressant d’investir dans les activités créatives, et les citoyens auront plus envie d’apporter leur soutien moral et de donner leur temps et leur argent. Les médias, toujours conscients de leurs taux d’audience, se tourneront davantage vers la création et les politiciens, préoccupés avant tout de leur nombre de voix, seront plus disposés à soutenir les arts. Enfin, ce qui est le plus important, l’activité créative, assise sur la pleine participation de la majorité, deviendra une grande industrie appelant d’elle-même plus d’investissements. Les festivals, organisés au niveau local, national et régional, contribuent à rendre les habitants conscients du pouvoir de la culture et fiers de la leur propre. Nul ne - 27 conteste le rôle décisif des Jeux olympiques dans la popularisation des sports et de l’éducation physique. L’organisation d’événements de ce genre dans le domaine artistique et culturel produirait des effets analogues qui aideraient eux-mêmes à mobiliser les appuis populaires à la cause créative. Cela permettrait également de faire connaître au monde les oeuvres de personnes et de domaines moins connus. L’UNESCO pourrait étudier la possibilité d’organiser de tels événements à l’échelle internationale, ou bien de désigner une capitale culturelle mondiale, comme il a été fait dans l’Union européenne. Actions proposées par /‘UNESCO 1 Organiser des forums pour examiner les façons de mettre fin à l’exclusion de certaines catégories, notamment les jeunes, les femmes, les personnes âgées, les handicapés, les populations urbaines défavorisées et les minorités, en matière d’activités créatives. 2 Patronner des événements culturels mondiaux similaires aux Jeux olympiques, où seront présentés des activités créatives et des arts traditionnels. Encourager les Etats membres à organiser des événements 3 niveau régional, national et local. analogues au XII. Politique artistique et politique en faveur des artistes La question de la mobilisation de la majorité autour de la cause créative nous amène à la distinction nécessaire entre politique artistique, destinée à promouvoir l’activité créative en général, et politique visant à améliorer directement la condition économique et sociale des artistes. Aux termes de la Recommandation relative à la condition de /‘artiste de l’UNESCO, l’artiste devrait ” bénéficier de tous les avantages juridiques, sociaux et économiques afférents à la condition de travailleur, compte tenu des particularités qui peuvent s’attacher à sa condition d’artiste “. La Recommandation énonce d’autre part ” la nécessité d’améliorer les conditions de travail et de sécurité sociale, ainsi que les dispositions relatives à la fiscalité, qui sont faites à l’artiste, qu’il soit salarié ou non, compte tenu de la contribution qu’il apporte au développement culturel “. II est à l’évidence essentiel de protéger et de favoriser le statut des artistes qui représentent l’excellence dans leur domaine. Cependant, un équilibre doit toujours être conservé entre politique artistique et politique en faveur des artistes. Le développement de l’activité créative repose à la fois sur une offre, représentée par les artistes, et une demande, représentée par des consommateurs qui veulent participer plus et être davantage satisfaits. Que l’une ou l’autre l’emporte, un préjudice sera porté au développement créatif. Cela n’implique pas qu’il faille abandonner les normes, comme le soutiennent certains artistes. Cela signifie qu’il existe de nombreux types d’activités artistiques d’une grande diversité d’objectifs. En fait, la plupart des artistes qui vivent aujourd’hui de leurs oeuvres travaillent dans des domaines populaires ou dans les médias, où la part financière de l’Etat est généralement minime. Investir uniquement dans des artistes professionnels de disciplines subventionnées comporte un risque, celui de dévaluer des artistes plus accessibles, artistes de variétés, artistes régionaux ou locaux, créateurs commerciaux - 28 et amateurs, plus proches de la vie de leur communauté, sans lesquels nous n’obtiendrons jamais la pleine participation de la population. Ainsi que le souligne la Commission mondiale de la culture et du développement, ” le prestige accordé aux arts ne doit pas faire négliger d’autres entreprises imaginatives, plus modestes certes, mais qui, dans le monde entier, insufflent vie au corps social “. (18) Nous constatons le soutien très limité accordé aux arts dans nos sociétés, que reflètent le niveau de ressources octroyé, et le public restreint attiré par les créations des artistes professionnels. L’enjeu de la réconciliation des politiques artistiques, qui ont constitué l’axe de certaines politiques culturelles européennes, et de la politique des artistes exigée par la démocratisation, est au coeur de toute politique culturelle. II n’existe pas de réponse facile capable de satisfaire tout le monde. Cependant, le principe de l’égalité appelle des stratégies qui ne favorisent pas des formes d’expression ou des catégories de créateurs particulières, mais qui prennent en considération tout l’éventail des activités et des demandes culturelles. Les mesures en faveur des artistes mettant l’accent sur l’excellence devraient s’accompagner de mesures visant à élargir l’accès à l’art et à toucher des groupes sociaux jusqu’alors exclus de la poursuite de cette excellence. Actions proposées par /‘UNESCO 1 Renforcer les programmes de /‘UNESCO de façon à promouvoir les activités créatives de la population en générai, y compris les activités d’amateurs et communautaires. 2 Encourager les Etats membres à renforcer l’éducation population en générai dans le but de développer sa créativité. Réaliser des études de cas sur le rôle 3 l’amélioration de la qualité de la vie. des activités artistique créatives de la dans XIII. Rassembler les arts divisés Le problème de la mobilisation de la population nous amène aussi à une autre question cruciale : comment réunir des activités créatives qui ont été divisées, depuis une période récente, entre arts soi-disant “purs” ou “nobles”, correspondant à des formes d’expression plus raffinées étroitement liés au mode de vie des groupes culturels dominants des grandes villes, et formes créatives plus humbles telles que divertissements, arts locaux et communautaires et arts commerciaux comme le design et les métiers d’artisanat ? Cette frontière artificielle a gravement porté préjudice à la cause de la création, en isolant les arts dits nobles de l’énergie des masses, et en privant les formes plus populaires de la possibilité d’atteindre à l’excellence. Malheureusement, on constate encore dans beaucoup de pays une tendance indéniable à privilégier les arts nobles en reniant ou en dépréciant la valeur culturelle des formes de création plus modestes. Même les mesures de démocratisation prises par de nombreux gouvernements restent axées sur la diffusion massive des oeuvres représentatives des premiers, sans tenir compte de la richesse du tissu culturel communautaire. La question prend une signification particulièrement aiguë lorsqu’il - 29 s’agit de la culture des jeunes, puissant alliage de musique populaire, de théâtre underground, de mode sport, de jeux vidéo, CD et dessins animés, d’lnternet et de cinéma américain, qui leur apporte un fort sentiment d’identité. Les adolescents qui se précipitent vers ces cultures souvent nées à l’étranger le font parce qu’il n’existe pas de culture indigène qui réponde à leurs valeurs ni à leur sensibilité. C’est peutêtre parce que l’art et la culture officiels ou destinés aux adultes ne les satisfont pas qu’ils accourent vers des cultures essentiellement tournées hors de leurs frontières. Nier la valeur de cette culture jeune, comme celle d’autres groupes marginaux minorités ou communautés locales - équivaut à nier les droits culturels des populations concernées à forger leur propres valeurs et modes de vie. Le risque est réel de voir certaines populations, en particulier les jeunes, les groupes minoritaires et les populations locales, de plus en plus conscients de l’intérêt de leurs propres créations indigènes, développer des sentiments d’hostilité contre les éléments imposés par une culture extérieure à leur style de vie et leur système de valeurs. Pour employer toutes les ressources de la société à une renaissance créative, nous devons redonner leur place à toutes les formes de création, non seulement celles de l’art noble mais celles du divertissement, des artisanats, des arts locaux et des arts des minorités, et enfin et non des moindres, des arts commerciaux, notamment l’architecture, le design et la production de tous articles de haute qualité. Grâce à ce rapprochement de toutes les formes de création, nous pourrons mobiliser des ressources considérables sur notre marche vers une société créative. Actions proposées par /‘UNESCO 1 Etablir des contacts avec les secteurs des arts populaires, y compris les industries du loisir et les arts commerciaux, dans le but de promouvoir leur contribution au développement des activités créatives dans le monde. 2 Organiser des forums afin d’encourager les autres formes d’activité créative. le dialogue entre /es arts nobles et 3 Réaliser des études de cas destinées à identifier les contributions que peut apporter le secteur des arts nobles à l’amélioration du niveau des autres secteurs créa tifs, y compris l’industrie culturels. ***** L’auteur Michihiro Watanabe est doyen du Département d’administration de la musique et des arts de la Showa University of Music, Japon. Il a travaillé dans le service public pendant 33 ans. Le dernier poste gouvernemental qu’il a occupé, jusqu’en 1991, était celui de Directeur général du département culturel de l’Agence japonaise des affaires culturelles, dans le cadre duquel il était responsable du développement global des politiques culturelles nationales. Avant de prendre ses fonctions actuelles en 1996, il a été codirecteur de l’étude comparative sur les politiques culturelles des Etats-Unis et du Japon réalisée à I’UCLA. Parmi ses principaux ouvrages figure la trilogie philosophique Striving for Eternity. - 30 Notes (1) Colin Mercer, Institute for Cultural Policy Studies, Griffith University, Australie. Cité par Notre diversité créatrice, rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, Editions UNESCO, 1996. (2) Cité par Margaret Wyszomirski dans Controversies in Arts Policymaking, Mulcahy Swain, Public Policy and the Arts, Westview Press, Boulder, Colorado, 1982, p. 12. (3) Notre diversité créatrice, rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement, Editions UNESCO, 1996, p. 273. (4) Philip Kotler et Joanne Scheff, Standing Room Only - Strategies for Marketing the Performing Arts, Harvard Business School Press, Boston, Massachusetts, 1997, p. 492. (5) Kotler & Scheff, ibid., p. 478. (6) The financing of Culture in the Gambia, Culturelink, Cultural Policy Data Bank, Guide to Current State and Trends in Cultural Policy and Life in UNESCO Member States, Africa, p. 91, Zagreb, 1992. (7) Les exemples de ressources cités sont tirés en grande partie du chapitre C du rapport d’Andreas Johannes Wiesand : ” Supplementary Financial Support to Cultural Institutions and Activities “. (8) Michihiro Watanabe, 1996, p. 162. (9) Financing of Cultural Activities in Argentina, Culturelink, Cultural Policy Databank, Guide to Current State and Trends in Cultural Policy and Life in UNESCO Member States, p. 191, Zagreb, 1992. (10) Preservation and Development of Cultural Life in Roland, rapport du ministre de la Culture et des Arts à la Conférence internationale de l’UNESCO sur la préservation et le développement de la vie culturelle en Europe centrale et orientale, Budapest, 23-25 janvier 1997, p. 12. (11) Financing of Cultural Activities in Ghana, Culturelink, Cultural Policy Data Bank, Guide to Current State and Trends in Cultural Policy and Life in UNESCO Member States, Africa, p. 101, Zagreb, 1992. (12) Rapport de la réunion régionale d’experts sur le développement des industries culturelles en Asie, New Delhi, 23-27 juin 1992, Annexe 7(a), rapport de la Chine présenté par Ilan Ximing, p. 30. Towards a Cogent Cultural Policy, Culturelink, mars -31 (13) Financing of Cultural Activities in Indonesia, Culturelink, Cultural Data Bank, Guide to Current State and Trends in Cultural Policy and Life in UNESCO Member States, Asia and the Pacifie, p. 78, Zagreb, 1992. (14) des Margaret Wyszomirski, document d’information StatesIJapan Comparative Cultural Policy Project, 1996. (15) Wiliam J. Baumol et William G. Bowen, Anatomy of the Income Gap in Performing Arts : The Economie Dilemma, New York, Twentieth Century Fund, 1966. (16) Watanabe, (17) Cité par Robert Hutchison, The Politics of The Arts Council, Sinclaire Browne, 1921, p. 55. (18) Notre diversité créatrice, ibid., p. 87. Etats-Unis, United ibid., p. 28.