Iroots _ laser et endodontie
_Les objectifs principaux d’un traitement endo -
dontique sont le nettoyage efficace du système canalaire.
Les techniques conventionnelles endodontiques utili-
sent des instruments mécaniques, ainsi que l’irrigation
ultrasonique et chimique pour la mise en forme, le net-
toyage et la décontamination complète du système
endodontique.
La complexité du système canalaire est bien connue.
De nombreux canaux latéraux, dont les dimensions et
la morphologie varient considérablement, se ramifient à
partir des canaux principaux. Une étude récente a révélé
des structures anatomiques très compliquées dans 75 %
des dents analysées. L’étude a également mis en évidence
une infection de la pulpe résiduelle après une préparation
chimio-mécanique, tant dans les canaux latéraux que
dans les structures apicales de dents vivantes et nécro-
sées, associée à une inflammation périradiculaire.1
L’efficacité d’un débridement, d’un nettoyage et d’une
décontamination de l’espace intraradiculaire, est limitée
par la complexité anatomique et l’incapacité des solu-
tions d’irrigation ordinaires, de pénétrer dans les canaux
latéraux et les ramifications apicales. Par conséquent,
il semble souhaitable de rechercher de nouveaux maté-
riaux, techniques et technologies susceptibles d’amélio-
rer le nettoyage et la décontamination de ces surfaces
anatomiques.
L’endodontie s’est intéressée à l’utilisation des
lasers dès le début des années 1970, et leur usage
s’est intensifié depuis les années 1990.2–7 Dans
ce contexte, la première partie de cet article va
décrire l’évolution des techniques et technologies
laser. La seconde partie, qui sera publiée dans
Le magazine 3/13, décrira l’ex-
trême efficacité de ces instruments pour le net-
toyage et la décontamination du système endo -
dontique. Elle envisagera également l’avenir en
décrivant les études préliminaires récemment me-
nées sur les nouvelles méthodes d’utilisation de
l’énergie laser.
_Les lasers en endodontie
La technologie laser a été introduite dans le domaine
endodontique dans le but d’utiliser l’énergie lumineuse
pour améliorer les résultats obtenus avec les procédures
traditionnelles, en renforçant la capacité de nettoyage
et d’élimination des débris et de la boue pariétale des
canaux radiculaires, et en assurant une meilleure dé-
contamination du système endodontique.
Différentes longueurs d’onde se sont révélées effi-
caces pour réduire significativement les populations
bactériennes des canaux infectés, et les résultats ont été
confirmés par des études in vitro.8D’autres études ont
démontré l’efficacité des lasers associés aux solutions
d’irrigation habituellement utilisées, telles que l’EDTA
à 17 %, l’acide citrique à 10 % et l’hypochlorite de
sodium à 5,25 % .9Les agents chélatants ont un effet
favorable sur la pénétration de la lumière laser, qui peut
atteindre une profondeur allant jusqu’à 1 mm dans les
parois dentinaires et présente un effet décontaminant
plus important que les agents chimiques.8,9
D’autres études encore ont porté sur l’activation des
solutions d’irrigation à l’intérieur des canaux par cer-
taines longueurs d’onde. Cette technique, connue sous
le nom d’irrigation activée par laser, s’est révélée sta -
tistiquement plus efficace pour éliminer les débris et la
boue pariétale des canaux radiculaires, comparative-
Fig. 1_Les lasers et le spectre
électromagnétique de la lumière.
Le laser en
endodontie (Partie I)
Auteurs_ Pr Giovanni Olivi, Pr Rolando Crippa, Pr Giuseppe Laria, Pr Vasilios Kaitsas, Dr Enrico DiVito
et Pr Stefano Benedicenti, Italie et États-Unis
48 I Le magazine 2_2013
Fig. 1
DTSCMag0213_48-51_Olivi 26.09.13 11:37 Seite 1
roots _ laser et endodontie I
ment aux techniques conventionnelles et aux ultra-
sons.10–12 Une étude récente menée par Divito et al. a dé-
montré qu’un laser Erbium équipé d’un embout nu à
émission radiale, utilisé à un niveau de densité d’énergie
inférieur au seuil d’ablation et associé à une solution
d’irrigation à base d’EDTA, conduit à l’élimination effi-
cace des débris et de la boue pariétale, sans dégradation
thermique de la structure dentinaire organique.13
_Spectre électromagnétique de
la lumière et classification des lasers
Les lasers sont classés selon le domaine du spectre
électromagnétique de la lumière qu’ils émettent, visible
et invisible, proche, moyen ou lointain infrarouge. En
raison des lois de la physique optique, les divers types
de lasers sont réservés à des usages cliniques diffé-
rents (Fig. 1). Dans le spectre visible de la lumière, le la-
ser KTP (un laser au néodyme doublé en fréquence qui
émet une lumière verte – 532 nm) a été introduit en
médecine dentaire au cours des dernières années. Peu
d’études ont examiné cette longueur d’onde. L’émission
au travers d’une fibre optique flexible de 200 µm permet
son utilisation en endodontie pour la décontamina-
tion du canal radiculaire et a produit des résultats
positifs.14,15
Les lasers émettant dans le proche infrarouge (de
803 nm à 1 340 nm) ont été les premiers à être utilisés
pour la décontamination de la racine. En particulier,
le laser Nd:YAG (grenat d’yttrium-aluminium dopé au
néodyme) (1 064 nm), introduit au début des années
1990, permet de délivrer l’énergie laser par l’inter -
médiaire d’une fibre optique.5Les lasers émettant
dans le moyen infrarouge, la famille des lasers Erbium
(2 780 nm et 2 940 nm), ont également été produits
au début des années 1990. Ils n’ont été équipés d’em-
bouts minces et flexibles qu’au début de ce siècle, et ont
été utilisés et testés dans des applications endodon-
tiques. Le laser au CO2, émettant dans le lointain infra-
rouge (10 600 nm) a, quant à lui, été le premier à être
utilisé en endodontie pour la décontamination et la
fusion de la dentine apicale en chirurgie par voie ré -
trograde. Il n’est plus utilisé dans ce domaine sauf pour
le traitement de la pulpe vivante (pulpotomie et coa -
gulation de la pulpe).
Dans cet article, les lasers utilisés pour les appli -
cations endodontiques sont des dispositifs émettant
dans le proche infrarouge – diodes lasers (810, 940,
980 et 1 064 nm) et laser Nd:YAG (1 064 nm) –, et dans
le moyen infrarouge – laser au grenat d’yttrium-scan-
dium-gallium dopé à l’Erbium et au chrome (Er,Cr:YSGG,
2 780 nm) et laser au grenat d’yttrium-aluminium dopé
à l’Erbium (Er:YAG, 2 940 nm). Une courte introduction
des concepts physiques fondamentaux ré gissant l’in-
teraction entre les lasers et les tissus est indispensable à
la compréhension de l’usage des lasers en endodontie.
_Base scientifique de l’utilisation
des lasers en endodontie
Interaction laser-tissu
L’interaction de la lumière avec une cible suit les lois
de la physique optique. La lumière peut être reflétée,
absorbée, diffusée ou transmise.
_La réflexion est le phénomène dans lequel un faisceau
de lumière laser touche une cible puis est reflété par
manque d’affinité. Il est donc obligatoire de porter des
lunettes de protection pour éviter des lésions oculaires
accidentelles.
_L’absorption est le phénomène dans lequel il existe une
affinité entre l’énergie incidente et le tissu qu’elle
touche. Elle y est absorbée et peut ainsi exercer ses
effets biologiques.
_La diffusion est le phénomène dans lequel la lumière
incidente pénètre jusqu’à une certaine profondeur en
étant dispersée dans de multiples directions par rapport
au point d’interaction. Elle peut ainsi produire ses effets
biologiques à une certaine distance de la surface.
_La transmission est le phénomène dans lequel le fais-
ceau laser traverse le tissu sans affinité et n’y produit
aucun effet.
La lumière laser et le tissu ne peuvent interagir que
s’il existe une « affinité optique » entre eux. La spécificité
et la sélectivité de cette interaction est fonction de
l’absorption et de la diffusion. Moins il y a d’affinité, plus
la lumière sera reflétée ou transmise (Fig. 2).
Effets de la lumière laser sur le tissu
Grâce aux phénomènes d’absorption ou de diffusion,
l’interaction du faisceau laser avec le tissu cible produit
des effets biologiques qui se répercutent sur le plan
thérapeutique. Ces effets sont d’ordre :
_photothermique ;
_photomécanique (y compris des effets photoacous-
tiques) ; et
_photochimiques.
Fig. 2_Interaction entre
le laser et le tissu.
Le magazine 2_2013 I 49
Fig. 2
DTSCMag0213_48-51_Olivi 26.09.13 11:37 Seite 2
Iroots _ laser et endodontie
La diode laser (810 nm à 1 064 nm) et le laser Nd:YAG
(1 064 nm) émettent dans le domaine du proche infra-
rouge du spectre électromagnétique de la lumière. Ils
interagissent essentiellement avec le tissu mou par le
phénomène de diffusion (dispersion). Le laser Nd:YAG
pénètre plus profondément dans les tissus mous (jusqu’à
5 mm) alors que la diode laser a un effet plus superficiel
(jusqu’à 3 mm). Leur faisceau est sélectivement absorbé
par l’hémoglobine, l’oxyhémoglobine et la mélanine, et
il produit des effets photothermiques sur le tissu. Par
conséquent, leur utilisation en médecine dentaire est li-
mitée à la vaporisation et à l’incision du tissu mou. Ils sont
également utilisés pour le blanchiment des dents où le
faisceau laser sert à l’activation thermique du réactif. En
endodontie, ils représentent actuellement la meilleure
méthode de décontamination en raison de leur capacité
de pénétrer à l’intérieur des parois dentinaires (jusqu’à
750 µm pour la diode laser 810 nm ; jusqu’à 1 mm pour le
laser Nd:YAG),8et de l’affinité des bactéries pour ces lon-
gueurs d’onde qui permettent de détruire les organismes
par des effets photothermiques.16
Les lasers Erbium (2780 nm et 2940 nm) émettent
dans le domaine du moyen infrarouge et leur faisceau
est essentiellement absorbé par la surface du tissu mou,
de 100 à 300 µm, et jusqu’à 400 µm dans les parois
dentinaires.8,17
La cible est l’eau, qui sert de « chromophore » (un
groupement d’atomes qui en absorbant la lumière est
responsable de l’aspect coloré d’une substance), et c’est
pourquoi ces lasers sont utilisés en médecine dentaire
pour les tissus mous et les tissus durs. La teneur aqueuse
de la muqueuse, de la gencive, de la dentine et du tissu
carieux, permet aux lasers Erbium de vaporiser ces tis-
sus et d’y produire des effets thermiques. L’éclatement
des molécules d’eau génère une réaction photomé -
canique qui contribue au processus d’ablation et de
nettoyage (Fig. 3).18–20
Paramètres influençant l’émission de l’énergie laser
L’énergie laser est émise de différentes façons par
différents instruments. Les diodes lasers émettent
l’énergie sous forme d’onde entretenue (fonctionne-
ment en mode continu). Il est possible d’interrompre
mécaniquement cette émission énergétique. Le laser
fonctionne alors en mode « déclenchement périodique »
ou « haché », dit aussi « impulsionnel » (il serait inexact
dans ce cas de parler de mode « pulsé ») et cette in -
terruption permet un meilleur contrôle de l’émission
thermique. La durée de l’impulsion et les intervalles
entre les impulsions sont exprimés en millisecondes ou
microsecondes (temps de fonctionnement/non fonc-
tionnement).
Le laser Nd:YAG et la famille des lasers Erbium émet-
tent une énergie laser en mode pulsé, dont les impul-
sions peuvent être relaxées, de sorte que chaque impul-
sion débute de manière naturelle à certains moments,
s’intensifie et se termine en suivant une progression
gaussienne. L’intervalle entre chacune des
impulsions permet au tissu de se refroidir
(temps de relaxation thermique), ce qui amé-
liore le contrôle des effets thermiques (Fig. 4).
Les lasers Erbium fonctionnent également
avec un pulvérisateur d’eau intégré doté
d’une double fonction de nettoyage et de
refroidissement. En mode pulsé, un train
d’impulsions est émis à différentes cadences
de répétition, appelées « fréquence de récur-
rence » qui s’exprime en Hertz, variant géné-
ralement de 2 à 50 impulsions par seconde.
Une fréquence de récurrence maximale de
l’émission est similaire à un mode continu,
alors qu’une fréquence de récurrence in -
férieure allonge le temps de relaxation
thermique. La fréquence de l’émission (fré-
quence de récurrence des impulsions) in-
fluence la puissance moyenne émise, selon
la formule indiquée dans le tableau I.
Fig. 3_Coefficients
d’absorption tissulaire.
50 I Le magazine 2_2013
Tableau I_Paramètres d’émission
de la lumière laser.
Ppuissance (en watt – W)
Eénergie (en joules – J)
Rfréquence de récurrence des impulsions (en hertz – Hz)
Pd densité de puissance (en W/cm2)
Ffluence ou densité d’énergie (en J/cm2)
P(W) puissance moyenne = E x R
PP(W) puissance de crête = E / durée d’une impulsion (en secondes)
Tableau I
Fig. 3
DTSCMag0213_48-51_Olivi 26.09.13 11:37 Seite 3
roots _ laser et endodontie I
Un autre paramètre important dont il faut tenir
compte est la « forme » de l’impulsion, qui décrit l’effica-
cité et la dispersion de l’énergie ablative sous forme
d’énergie thermique. La durée de l’impulsion, qui est
de l’ordre de la microseconde à la milliseconde, produit
les principaux effets thermiques. Des impulsions plus
courtes, de quelques microsecondes (<100) à quelques
nanosecondes, produisent des effets photomécaniques.
La durée de l’impulsion modifie la puissance de crête de
chacune des impulsions, selon la formule indiquée dans
le tableau I. Les lasers dentaires actuellement disponibles
sur le marché, le Nd:YAG dont les impulsions varient
de 100 à 200 µm et les lasers Erbium dont les impulsions
varient de 50 à 1000 µm, sont des lasers pulsés en mode
relaxé. Par ailleurs, les diodes lasers, qui émettent l’éner-
gie en mode continu, peuvent être interrompues par un
moyen mécanique afin d’obtenir une émission éner -
gétique dont la durée des impulsions varie de quelques
millisecondes à quelques microsecondes selon le modèle
de laser.
Effets de la lumière laser sur les bactéries
et les parois dentinaires
En endodontie, les lasers sont utilisés pour produire
des effets photothermiques et photomécaniques, qui
résultent de l’interaction de différentes longueurs d’onde
et de différents paramètres, sur les tissus cibles. Ces tissus
sont la dentine, la boue pariétale, les débris, la pulpe
siduelle et les bactéries dans toutes leurs formes de
regroupement.
Selon les diverses sorties utilisées, toutes les lon-
gueurs d’onde détruisent la membrane cellulaire par leurs
effets photothermiques. En raison des caractéristiques
structurelles des différentes membranes cellulaires, il est
possible de détruire plus facilement les bactéries à Gram
négatif avec une énergie et un rayonnement moindre que
les bactéries à Gram positif.16 Les rayons laser émis dans
le proche infrarouge ne sont pas absorbés par les tissus
durs dentinaires et n’ont aucun effet ablatif sur les
surfaces dentinaires. L’effet thermique du rayonnement
se manifeste jusqu’à 1 mm de profondeur dans les parois
dentinaires et permet d’obtenir un effet décontaminant
dans les couches plus profondes de la dentine.8Les rayons
laser émis dans le moyen infrarouge sont bien absorbés
par le milieu aqueux des parois dentinaires et ils pro -
duisent donc un effet décontaminant et ablatif sur la
surface du canal radiculaire.8,16
L’effet thermique des lasers, utilisé pour son action
bactéricide, doit être contrôlé afin d’éviter des dommages
aux parois dentinaires. Lorsque les paramètres sont bien
réglés, les caractéristiques de la vaporisation de la boue
pariétale et de la structure dentinaire organique (fibres de
collagène) par l’irradiation laser sont celles d’une fusion
superficielle. Seuls les lasers Erbium ont un effet ablatif
superficiel sur la dentine, lequel semble supérieur dans
les zones intercanaliculaires, plus riches en eau, que dans
les zones péricanaliculaires plus calcifiées. Lorsque des
paramètres ou des modes opératoires incorrectes sont
employés, les dommages thermiques sont manifestes
et se traduisent par de vastes zones de fusion, de re -
cristallisation de la matrice minérale (bulle), et la présence
de microfractures superficielles accompagnant la car -
bonisation de la surface radiculaire interne et externe.
Lorsque la durée d’impulsion est très courte (moins
de 150 µs), le laser Erbium atteint sa puissance de crête
avec une très faible énergie (moins de 50 mJ). L’utilisation
d’une énergie ablative minimale réduit au maximum les
effets thermiques et ablatifs indésirables sur les parois
dentinaires, alors que l’atteinte de la puissance de crête
déclenche avantageusement le phénomène d’excitation
des molécules d’eau (chromophore cible) et produit
consécutivement les effets photomécaniques et photoa-
coustiques (sous forme d’ondes de choc) sur les parois
dentinaires, grâce aux solutions d’irrigation introduites
dans le canal radiculaire. Ces effets sont extrêmement
efficaces pour éliminer la boue pariétale des parois den-
tinaires, ainsi que le biofilm bactérien, et pour déconta-
miner le canal radiculaire. Cet aspect sera examiné dans
la seconde partie de l’article.10–13_
Note de la rédaction : une liste complète des références
est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans
la version anglaise de roots, numéro 1/2011.
Fig. 4_Modes d’émission
de la lumière laser.
_Mode continu (onde entretenue)
_Mode à déclenchement périodique,
ou haché
_Mode pulsé
Le magazine 2_2013 I 51
continuous wave mode
gated mode
pulsed mode Fig. 4
Pr Giovanni Olivi, InLaser Rome
Advanced Center for Esthetic and Laser Dentistry
Piazza F. Cucchi, 3, 00152 Rome, Italie
Tél. : +39 065815190
www.inlaser.it
Le magazine
_contact
DTSCMag0213_48-51_Olivi 26.09.13 11:37 Seite 4
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !