Vieux arbres, arbres-habitats
Rôle symbolique
Les arbres vénérables (gigantesques, monumentaux, présidents) ont toujours attiré
l’attention de l’homme. En Europe centrale, la justice a longtemps été rendue sous de vieux
tilleuls ou de vieux chênes. Ces vieux arbres ont ainsi acquis un rôle symbolique.
Déclin prononcé
Malgré leur importance culturelle, les vieux arbres ont connu un déclin spectaculaire pour
diverses raisons : la perte de leur valeur symbolique à cause d’un changement culturel et le
développement d’une gestion forestière et d’une agriculture moderne, accompagnées de
l’abandon des utilisations traditionnelles de la forêt. Jusqu’au 19ème siècle, les vieux arbres et
les arbres creux étaient très répandus à la campagne dans les pâturages boisés ou dans les
haies, souvent sous forme d’arbre têtard, arbre que l’on a écimé régulièrement pour faire
usage comme bois de feu.
Héritages du passé
Les très vieux arbres revêtent aujourd’hui une importance exceptionnelle, compte tenu des
centaines années nécessaires à un arbre pour atteindre ce statut.
Valeur écologique par la diversité en micro-habitats
La valeur écologique d’un arbre augmente avec son âge. L’abondance et la diversité des
micro-habitats augmente considérablement avec le diamètre de l’arbre et l’épaisseur de
l’écorce, et donc avec l’âge de l’arbre. Par exemple en Suède, un chercheur a découvert que
moins de 1% des chênes de 100 ans possédaient des cavités ; tandis que tous ceux âgés de
400 ans et plus arboraient de larges cavités.
Parmi les micro-habitats portés par les vieux arbres, les plus connus sont les cavités,
naturelles ou creusées par les pics. Parmi les utilisateurs secondaires on compte nombre
d’animaux qui ne sont pas capables de creuser une cavité, mais qui en ont besoin pour leur
survie: chouette, sittelle, chauves-souris, coléoptères etc.). Par exemple, la survie du
coléoptère Osmoderma eremita, une espèce menacée, dépend fortement des cavités
contenant du terreau. De telles cavités nécessitent des dizaines d’années pour se former.
Les dendrotelmes sont des cavités très spécifiques qui sont temporairement ou
constamment remplie d’eau. Plusieurs insectes ou des microcrustacés dépendent des
dendrotelmes.
D’autres micro-habitats sont les fissures, l’écorce décollée ou les coulées de sève (servant
de nourriture aux insectes tels que les papillons de nuit), le bois pourri ou encore le lierre, les
lianes ou les champignons tels que les polypores. Certains insectes vivent à l’intérieur de
ces champignons qui leur servent d’habitat ou de nourriture.
Attention particulière
Pour toutes ces raisons, les très vieux arbres font l’objet d’une attention particulière. Afin de
promouvoir leur préservation, ils sont actuellement inventoriés dans plusieurs pays.
Où les trouve-t-on ?
En Europe, on trouve des vieux arbres dans trois types d’écosystèmes : les parcs, les vieux
vergers ou zones forestières en gestion traditionnelle (pâturages boisés) et les très vieilles
forêts.
Conservation des vieux arbres
La gestion forestière durable que l’on pratique aujourd’hui essaie de conserver les vieux
arbres. Pour cela on a trois instruments : les réserves forestières naturelles, forêts où
l’homme n’intervient plus et les arbres peuvent accomplir leur cycle naturel complet ; les
îlots de sénescence, surfaces également sans intervention humaine, mais de plus petite
taille ; les arbres-habitats qui sont de vieux arbres ou des arbres riches en micro-habitats
que l’on maintient dans un peuplement exploité.
Stratégie de conservation et changement d’attitude
La rétention d’arbres-habitats et de surfaces non exploitées nécessite un changement
d’attitude dans la gestion forestière courante. A travers une formation continue, le service
cantonal des forêts informe sur les raisons de la conservation des vieux arbres : les vieux
arbres permettent de garantir une biodiversité élevée dans une forêt et donc un meilleur
fonctionnement écosystémique. Au vu des changements climatiques, il est très important
que nos forêts soient capables d’être résistantes et résiliantes, deux capacités qui dépendent
fortement d’une biodiversité élevée. Par exemple, si une forêt abrite des organismes
capables de lutter contre des insectes ravageurs ou d’autres pathogènes, elle est plus à
même de résister à des maladies, voire de récupérer plus vite après une perturbation.
Conflits d’intérêt
Le maintien de vieux arbres pourrait interférer avec les politiques de production de biomasse
forestière pour les besoins énergétiques. Il est donc primordial que les gestionnaires
forestiers soient parfaitement au courant des bénéfices liées aux vieux arbres, mais
également des risques pour l’écosystème forestier en cas d’élimination de tels objets. Avec
ces connaissances, les conflits d’intérêt seront minimes. Car au lieu de considérer les vieux
arbres non récoltés comme une « perte d’énergie », on les considérera comme un « gain de
santé » pour la forêt. Le message : « vieux arbres = haute biodiversité = bonne santé de
la forêt » doit parvenir jusqu’aux décideurs et politiques.
Baulmes : un cas d’école
Baulmes est élue pour sa bonne gestion forestière tenant compte des vieux arbres. Cet
exemple devra inspirer d’autres propriétaires forestiers pour mettre en place une gestion
forestière moderne réellement durable : celle-ci doit dédier une place importante aux vieux
arbres afin de garantir le fonctionnement de l’écosystème forestier pour les générations
actuelle et futures.
22 avril 2015
Rita Bütler, WSL Site de Lausanne / Résponsable biodiversité en forêt Canton de Vaud
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