Association de la consommation d`alcool avec le risque de décès dû

mène un tel conflit. On peut aussi élargir la
focale et donner une dimension politique à
cette problématique. Le cas du dépistage du
cancer du sein y incite, tout particulière-
ment en France, et tout particulièrement
après l’annonce de la ministre française de
la Santé. Cette dernière entend ouvrir «une
grande concertation citoyenne et scientifi que
sur le dépistage du cancer du sein, en lien
avec l’Institut national du cancer (Inca)» ;
initiative associée à l’annonce «de la prise
en charge à 100% des examens de dépistage
pour les femmes particulièrement exposées».
Cette initiative se concrétise pour l’essentiel
par l’ouverture du site (www.concertation-
depistage.fr) «destiné à recueillir un maxi-
mum de contributions, d’avis et de points
de vue sur le dépistage». L’objectif est
d’«améliorer la politique de dépistage du
cancer du sein en donnant la parole aux
citoyennes et aux citoyens, mais aussi aux
différents acteurs du dépistage». Il n’en fal-
lait pas plus pour relancer la polémique
scientifique et les réquisitoires contre les in-
citations officielles à la pratique de la mam-
mographie.1
On ne peut ici comprendre les enjeux
sans rappeler le passé politique du dossier
français : dix ans après l’annonce de sa géné-
ralisation, le dépistage organisé du cancer
du sein atteint, dit-on en
haut lieu, certaines limites.
C’est là un euphémisme :
il faut parler de la stagna-
tion du taux de participa-
tion et des profondes «dif-
ficultés d’accès des fem-
mes éloignées du système
de santé». C’est aussi le
reflet des graves inégalités
qui perdurent en France ;
un pays où l’on a mis en
place, depuis 2004, un
am bitieux program me de
dépistage dit «organisé»
(DO). Son objectif était de
permettre à toutes les
femmes de 50 à 74 ans de
bénéficier au plus tôt, si nécessaire, de la
meilleure prise en charge thérapeutique.
Environ 4,3 millions de femmes sont ainsi,
chaque année, incitées à en bénéficier.
Concrètement, elles sont invitées, par cour-
rier, à passer une mammographie bilatérale
des seins – examen spécialisé et pratiqué
dans un cabinet de radiologie choisi par la
femme.
Ce programme de DO est décentralisé
aux échelons départementaux et fonctionne
en collaboration étroite avec les radiologues
libéraux qui le souhaitent. A charge, pour
eux, d’appliquer les normes d’un cahier des
charges défini à l’échelon national. Or, dix
ans après sa création, ce dépistage organisé
est encore bien loin de concerner l’ensemble
des femmes qui sont régulièrement incitées
à en bénéficier. Il faut ici savoir que, depuis
son lancement, le DO coexiste avec un dé-
pistage dit «individuel» (DI). A la différence
du précédent, il est pratiqué à la demande
du médecin traitant (le plus souvent le mé-
decin généraliste) ou du gynécologue, voire
à l’initiative même de la femme. Les exa-
mens se pratiquent alors en dehors de tout
cadre contractuel.
On ne pouvait jusqu’à présent rien trou-
ver à redire à la coexistence de ces deux
systèmes de dépistage. Tel n’est plus le cas
depuis la publication, en 2012, des résul-
tats très détaillés d’une enquête de la Haute
autorité de santé (HAS).2 On y apprenait
que le taux de participation au DO en 2009-
10 n’avait été que de 52,1%. Et que 10% des
mammographies réalisées chez les femmes
âgées de 50 à 74 ans le sont dans le cadre
d’un DI. Le rapport de la HAS relevait aussi
que le DI s’accompagne fréquemment d’écho-
graphies «en excès» susceptibles de générer
des «surdiagnostics», voire des «excès de
traitements».
La situation française a quelque chose
d’ubuesque : avec les deux systèmes réunis,
le dépistage du cancer du sein reste toujours
inférieur en France au niveau recommandé.
L’OMS l’a fixé à 70%, l’Union européenne à
75% et la loi française de santé publique de
2004 à 80%. Il existe en outre de grandes
variations géographiques hexagonales qui
recoupent d’évidentes disparités socio-éco-
nomiques.
On peut bien sûr rêver à un monde plus
rationnel et plaider pour une meilleure infor-
mation des femmes.3 Le pouvoir organise
une concertation numérique et citoyenne
pour évoquer une controverse médicale. Il y
confortera sa bonne conscience. Quant aux
femmes les plus défavorisées, jamais dépis-
tées, elles ne participeront évidemment pas
aux débats.
Jean-Yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
28 octobre 2015 2041
1 Voir notamment le site cancer-rose.fr où des médecins
questionnent l’intérêt du dépistage.
2 Voir «La participation au dépistage du cancer du sein
des femmes de 50 à 74 ans en France».
3 Voir «Dépistage des cancers du sein : un petit pas vers
une information équilibrée des femmes» Rev Prescrire
2013;33:703 - 4.
Les données des études prospectives de
cohorte, qui investiguent l’association entre
la consommation d’alcool et la survenue de
cancer colorectal (CRC), sont divergentes.
Quelques-unes suggèrent une augmenta-
tion du risque pendant que d’autres ne mon-
trent pas deffet. Des chercheurs ont analysé
neuf études de cohorte (avec plus de deux
millions de cas au total) pour évaluer à quel
niveau la consommation d’alcool influence la
mortalité due à un CRC. 4000 cas de décès
ont été enregistrés au total.
• La consommation d’une moyenne M 50 g
dalcool (environ M 5 boissons standards par
jour) a été associée avec une légère aug-
mentation du risque létale du CRC (risque
relative 1,21).
Des consommations moyennes de type
«légère» (m 12,5 g par jour) et «modéré
(12,6-49,9 g par jour) n’ont pas augmenté le
risque létal de décès par CRC. L’odds ratio
était de 0,97 et 1,04, respectivement.
Commentaires :
malgré une très grande
taille d’échantillon, les auteurs n’ont pas pu
évaluer l’influence du type de boisson con-
sommé, les habitudes de consommation ou
des taux de folates des sujets d’étude, qui
pourraient tous modifier la relation entre la
consommation d’alcool et le CRC. Globale-
ment, cette méta-analyse soutient l’hypo-
thèse d’un risque élevé de décès par CRC si
associé avec une forte consommation d’al-
cool. Cependant, elle montre de manière
convaincante qu’une consommation d’alcool
«légère» ou «modéré» de manière régulière
n’augmente pas le risque de décès par cette
maladie.
Dr Sonja T. Ebert
(traduction française)
R. Curtis Ellison, MD
(version originale anglaise)
Cai S, Li Y, Ding Y, et al. Alcohol drinking and the risk of
colorectal cancer death : A meta-analysis. Eur J Cancer
Prev 2014;23:532-9.
Lien vers la version ingrale de la lettre d’information :
www.alcoologie.ch/alc_home/alc_documents/alc-
lettreinformation-2.htm
dépendances en bref
Association de la consommation d’alcool avec
le risque de décès dû à un cancer colorectal
Service d’alcoologie, CHUV, Lausanne
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