symbolisme, la mythologie, l'économie primitive, etc.), il s'agit d'attirer l'attention sur ce qui
se passe sur ses marges, c’est-à-dire sur la façon dont l'héritage intellectuel, méthodologique
et conceptuel de la discipline est aujourd'hui mis à l'épreuve pour élaborer des outils
susceptibles de comprendre le monde contemporain. Notre ambition n'est donc pas de réaliser
un état des lieux de la discipline (cf. L’Homme, 1986) mais plutôt, sans esprit d’exhaustivité,
d’attirer l’attention sur un certain nombre de questions qui témoignent de la formidable
vitalité, en France et à l’étranger, de l’anthropologie. La diversité interne de cette discipline,
sa faiblesse numérique dans les sciences humaines et sociales (par rapport à l’histoire, la
sociologie ou la géographie), et la remise en cause de ses certitudes dans un contexte post-
colonial, conduisent à une redéfinition de ses frontières et à l'émergence de nouveaux espaces
de discussion. De ce dynamisme actuel, nous avons bien conscience de ne présenter qu’une
vision partielle, un certain nombre de thèmes n'ayant pu être traités dans ce numéro (par
exemple l'esthétique, le genre et la sexualité, l’anthropologie biologique, les "aires
culturelles", etc.).
Après s'être un temps efforcé de se constituer en « science naturelle des sociétés »,
mimant la posture et le vocabulaire de disciplines mieux établies, l'anthropologie sociale
assume de plus en plus sa condition de « science historique ». Parmi les frontières que
l'anthropologie a transgressées figurent celles qui ont un temps défini son objet propre, par
opposition avec les sociétés dont étaient originaires ses praticiens : sociétés sans État, sans
écriture, sans techniques avancées. Ainsi les anthropologues, depuis l'entre-deux-guerres au
moins, ont affaire à des sociétés qui sont toutes saisies par l’État, colonial ou post-colonial.
C’est ainsi que pour nombre de chercheurs, qui revendiquent le terme d'anthropologie sociale,
sa place est bien au sein des sciences sociales. L’enquête de terrain ethnographique, qui reste
dans l’auto-définition disciplinaire sa source principale de légitimité, est aujourd'hui
également pratiquée dans d’autres champs disciplinaires. Plus complexe est sans doute la zone
de contact avec la psychologie cognitive, qui se propose d'analyser « scientifiquement » le
fonctionnement de l'esprit humain à partir d'un nombre réduit de propositions, mais faisant
souvent abstraction de la complexité des descriptions ethnographiques.
La discipline au niveau mondial a été dominée par trois « écoles » principales : une
"anthropologie sociale" britannique, héritière de Bronislaw Malinowski et A. R. Radcliffe-
Brown ; une « école française », à laquelle Marcel Mauss, puis Claude Lévi-Strauss ont donné
un rayonnement international ; enfin « l'anthropologie culturelle » nord-américaine, dont
Clifford Geertz et Marshall Sahlins sont deux figures contemporaines emblématiques. Or,
depuis plusieurs années déjà, l'anthropologie est marquée à la fois par la multiplication de