étoPia | autour de tim jackson, inventer la ProsPérité sans croissance ? | 112
fantasmatique et toujours annoncée (à grands frais d’«investis-
sements» à leur tour porteurs de dettes nancières), capable de
produire toute notre richesse matérielle avec quelques petits grains
de matière hyper-concentrée…
Question: cette logique délirante, que Jackson dénonce à juste
titre, quelle en est la racine ultime? Il s’en approche en soulignant,
vers la n du livre, que les communautés démocratiques devraient
reprendre le contrôle de la création monétaire, trop longtemps
laissée aux mains du secteur bancaire privé. Nous y voilà! Ceux
d’entre nous qui ont lu Douthwaite, qui fréquentent la pensée de
Bernard Lietaer, omas Greco, James Robertson, Frances Hut-
chinson ou Michael Rowbotham, et qui sont donc conscients de
l’immense dommage engendré dans le capitalisme par la logique
de l’argent-dette et des paiements à intérêts, s’attendent alors à la
mise à plat du système nancier et à l’appel – incontournable – à
refondre complètement le système monétaire et la logique même
de mise en circulation de l’argent.
Et là, rien ou presque. La mayonnaise retombe et Jackson, sans
doute bien conscient qu’attaquer trop explicitement les institutions
bancaires et nancières qui innervent notre système entamerait le
consensus qu’il espère créer1, se contente d’un appel consensuel à la
re-régulation de la nance et du secteur bancaire. Malgré sa prétention
à se montrer œcuménique et rassembleur, Jackson semble ne pas
avoir lu (et en tout cas ne pas vouloir citer) les courants britanniques
du Social Credit et de la reprise en main collective et publique de
la nance. Il n’en appelle donc pas à une subversion de la logique
même de l’argent-dette, comme promue par exemple dans Rowbo-
tham (1998), Zarlenga (2002) ou Brown (2005), ouvrages largement
connus mais qu’il ne cite pas.
1 Question souvent posée par Bernard Lietaer, grand spécialiste belge des monnaies complémentaires: étant
donné que le «prix Nobel» d’économie n’est pas nancé par la Fondation Nobel mais bien par la Banque de
Suède («en mémoire d’Alfred Nobel»), est-il surprenant de constater qu’aucun économiste qui poserait des
questions trop dérangeantes sur le système monétaire, et qui surtout en appellerait à sa réforme fondamentale,
n’ait jamais été primé? La réponse est peut-être dans la question…