L`évolution digitale au Luxe mbourg: un projet politique

12 | Educateur 6 | 2016
dossier/
Lévolution digitale au Luxe mbourg:
un projet politique
En automne 2014, le gouvernement luxembourgeois faisait part de sa stratégie «Digital Lëtzebuerg»
qui ne vise rien de moins que la transformation du pays, s’appuyant sur les opp ortunités oertes par l’intelli-
gence numérique et les nouvelles technologies. Il montrait sa détermination d’ acher une volonté politique,
celle de développer un secteur croissant de l’économie, mais également de met tre à profit les opportunités
qui peuvent découler des nouvelles technologies au niveau de toutes les dimen sions socio-économiques
constituantes du pays. Le digital pour l’économie, mais aussi et surtout le digita l pour tous.
Georges Pasquier
Bénéficiant depuis plus de dix ans d’un coup d’ac-
célérateur important dans le domaine ICT avec
des développements majeurs dans le secteur du
commerce électronique, des contenus numériques,
du cloud computing, du big data, etc., le Luxembourg
a consenti à beaucoup d’eorts et d’investissements au
niveau des grandes infrastructures de communication.
Les gouvernements successifs en ont fait leur pre-
mière priorité et ont agi en conséquence. Aujourd’hui,
le Luxembourg prétend orir une des meilleures in-
frastructures digitales au monde! Mais avoir une bonne
infrastructure n’est pas susant. La transformation di-
gitale touche à tous les aspects de la vie publique et pri-
vée et les entreprises et les citoyens ont besoin que le
pays aille plus loin dans la voie engagée, que la législa-
tion soutienne leur développement et que les services
publics s’adaptent à leurs besoins. Ainsi, après avoir posé
les fondations et pour assurer la pérennité du change-
ment, le gouvernement luxembourgeois a voulu don-
ner un «toit commun aux innombrables initiatives pu-
bliques et privées» propres à l’économie et à la société
numériques. C’est dans cet esprit que le gouvernement
a franchi le pas pour «faire du Luxembourg une Smart
Nation, et donner un visage résolument nouveau à ce
pays, où il fait bon vivre et travailler», en optant pour la
stratégie «Digital Lëtzebuerg», qui se donne pour mis-
sion l’utilisation des technologies, non pas pour qu’elles
dominent l’homme, mais pour remettre celui-ci,
ainsi que ses besoins, au cœur des préoccupations.
Qu’est-ce que «Digital Lëtzebuerg»?
Au moment d’expliquer sa stratégie, le gouvernement
luxembourgeois a dit son ambition de «renforcer et de
consolider à terme la position du pays dans le domaine
de l’ICT et de hisser le Luxembourg en réel centre d’ex-
cellence high-tech». C’est donc par une action numé-
rique globale et cohérente, allant de l’informatisation
des services de l’État, aux compétences numériques
(e-skills), à l’adaptation des instruments de soutien fi-
nancier et à la poursuite cohérente de tous les eorts
déjà engagés, que les autorités allaient pouvoir donner
l’impulsion nécessaire à la nation pour que tous en-
semble puissent relever le défi. Ainsi plus qu’un pro-
jet gouvernemental imposé, «Digital Lëtzebuerg» s’est
voulu «une action stratégique cohérente, déterminée
et conséquente, l’armation d’un nouveau visage as-
sumé du pays».
Il s’agissait donc d’abord de bâtir sur le travail déjà
amorcé et d’identifier, afin de les valoriser, les initiatives
déjà en cours dans les diérents secteurs. Étant donnée
l’omniprésence des TIC, tous les secteurs de l’État béné-
ficiaient déjà de nombreuses avancées digitales, et un
inventaire s’imposait. Il fallait ensuite identifier d’éven-
tuels nouveaux axes de développement, préciser des
objectifs à moyen terme et œuvrer à mettre en place,
de manière systématique, l’ensemble des arguments
indispensables pour y arriver. Il apparaissait en eet au
gouvernement que pour la réussite d’un plan national
de cette envergure, la mise en place d’arguments forts et
de messages clairs était indispensable. Ainsi, après un
inventaire de l’existant et des projets en cours et plani-
fiés, la stratégie a dû être définie et adoptée grâce à des
concepts de communication soignés. Une méthode de
travail et une gouvernance ont été mises en place pour
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Lévolution digitale au Luxe mbourg:
un projet politique
En automne 2014, le gouvernement luxembourgeois faisait part de sa stratégie «Digital Lëtzebuerg»
qui ne vise rien de moins que la transformation du pays, s’appuyant sur les opp ortunités oertes par l’intelli-
gence numérique et les nouvelles technologies. Il montrait sa détermination d’ acher une volonté politique,
celle de développer un secteur croissant de l’économie, mais également de met tre à profit les opportunités
qui peuvent découler des nouvelles technologies au niveau de toutes les dimen sions socio-économiques
constituantes du pays. Le digital pour l’économie, mais aussi et surtout le digita l pour tous.
Georges Pasquier
Digital Lëtzebuerg n’est pas qu’une stra-
tégie top down imposée par le Gouver-
nement, mais elle vise la création d’un
mouvement général de modernisation sur
base d’un eort collectif. Je constate que
beaucoup d’acteurs ont d’ores et déjà ex-
primé leur envie de s’associer à l’initiative.
Je me réjouis de cet engagement!
Xavier Bettel, Premier ministre
dépasser les cloisonnements des diérents champs de
compétence et de responsabilité ministériels et éviter
d’instaurer des comités ou groupes de travail lourds ou
redondants à ceux qui existaient déjà.
La présidence du projet était exercée conjointement
par le Premier ministre, le Vice-Premier ministre et
Ministre de l’Économie et le Ministre des Finances de
manière à définir les orientations politiques.
Une plateforme «Digital Lëtzebuerg» a été créée pour
rassembler autour de la stratégie les diérents acteurs et
contribuer à sa promotion à l’intérieur même du pays,
ainsi que vers l’extérieur. Une cellule de coordination et
de développement a été mise sur pied comme comité
exécutif pour prendre en charge le travail de coordina-
tion, de définition et de mise en œuvre de la stratégie.
Enfin des action teams, ou cellules thématiques, ont
été imaginées pour faire partie intégrante de l’élabo-
ration de la stratégie et de sa mise en œuvre (acteurs
publics (ministère, administration…) ou privés (associa-
tion sectorielle…), ou mélanges des deux, en fonction
du sujet et des besoins)1.
1 Pour plus d’informations, voir la conférence de presse du 20 octobre
2014: www.gouvernement.lu/4441131/dossier-de-presse-digital-letze-
buerg-20141017.pdf
Le Luxembourg,
à la pointe de l’Europe
En inaugurant l’European Data Forum 2015, le 16
novembre dernier au centre de Conférences du Kir-
chberg à Luxembourg devant quelque neuf-cents
experts de toute l’Europe, le Premier ministre Xavier
Bettel a plaidé pour que l’on aide l’UE à mener la ré-
volution digitale. «Le focus ne devrait pas seulement
être sur l’infrastructure, mais aussi sur la recherche,
la formation ou le recrutement de profils à haute va-
leur ajoutée.» Il a profité de l’occasion pour montrer
tous les atouts de la connectivité luxembourgeoise.
«Être petit ne devrait pas être un frein, a poursuivi
Xavier Bettel. Avec des acteurs majeurs comme RTL
ou SES, le Luxembourg a toujours vu grand. Il a au-
jourd’hui les atouts pour être un hub technologique
au cœur de l’Europe. «Digital Lëtzebuerg» en est un
autre exemple, même si le gouvernement ne peut
pas travailler seul. Accélérer la transition nécessite
une coopération public/privé renforcée. Nous de-
vons casser les silos et avancer sur tous les fronts.
Les entrepreneurs ont besoin de plus d’Europe.»
Un enjeu économique
Les mesures prises en Europe de l’ouest contre la crise
économique peuvent se résumer comme suit: réforme de
la protection sociale (c’est-à-dire coupes sombres dans
les dépenses sociales), augmentation de l’âge à la retraite,
flexibilisation croissante du marché du travail, baisse
des prestations de chômage, privatisations, réduction du
nombre de fonctionnaires, mise en compétition dans les
domaines sanitaires et sociaux, gel des salaires, etc. (...)
Les politiques sociales sont considérées comme un poids
pour l’économie empêchant investissements et création
d’emplois. (...) Le défi futur du Luxembourg est moins une
définanciarisation qu’une réindustrialisation. Finalement,
ne peut-on pas parler de dumping social, d’un appauvris-
sement de l’État? Selon B. Palier «il faut investir dans le
capital humain, dans l’accueil et les capacités des jeunes
enfants, dans l’éducation et la formation tout au long de la
vie, dans les politiques permettant une meilleure concilia-
tion entre vie familiale et vie professionnelle».
Institut national de la statistique et des études
économiques (STATEC) cahier 113, p. 202
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dossier/
«Le Luxembourg est un pays unique au monde. Nous avons notre propre histoire, notre culture et nos ha-
bitudes. Nous sommes un pays où un grand nombre de nationalités et de cultures existent les unes à côté
des autres et les unes avec les autres. Nous savons créer des liens et unir, construire des ponts, et regarder
en avant. Nous sommes un pays de renouvellement et nous avons surmonté des crises dont nous sommes
sortis renforcés pour construire l’avenir. Voilà ce que nous sommes et si nous voulons rester ce que nous
sommes, il faut nous engager ensemble pour atteindre cet objectif.»
Déclaration du gouvernement sur la situation économique,
sociale et financière du pays, 11 mai 2015
Encore faut-il trouver les personnes compé-
tentes pour occuper les postes et promouvoir
l’entrepreneuriat dans ce nouveau secteur éco-
nomique. Actuellement, une grande partie de la
main d’œuvre souvent hautement spécialisée est
«importée» d’autres pays, parfois éloignés. La du-
rabilité du secteur de l’ICT dépend donc aussi de la capacité du Luxembourg
de développer un vivier national de compétences et de ressources humaines
adaptées à la diversité des métiers de l’ère numérique.
Digital (4) Education, Dossier de presse,
MEN, 20 mai 2015
Le défi EduSphère
«La société s’est mise au digital, l’école doit s’y mettre aussi», c’est par
ces mots que le 12 mars 2016, le ministre de l’Éducation nationale, de
l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, a présenté le projet eduS-
phere, «nouvel environnement d’enseignement et d’apprentissage
en ligne pour enseignants et élèves» avec l’ambition d’améliorer la
qualité de l’enseignement et de mieux préparer les élèves aux défis
de notre société moderne.
L’eduSphere est construit comme une plateforme numérique per-
mettant non seulement le partage des ressources pédagogiques de
toutes sortes, mais orant aussi un espace personnalisable et intui-
tif, un accompagnement des enseignants dans leur formation, une
fonction de coaching pour les établissements, enseignants et direc-
teurs, pour les utilisations numériques et un centre de communica-
tion pour tous les acteurs de l’école.
L’eduSphere résulte de la collaboration entre de nombreux partenaires et sa coordination est assurée par un
service du ministère. Trois phases sont prévues, qui promettent aux enseignants une progression dans l’uti-
lisation des ressources digitales.
Première phase (2015-2016): enseigner de la même façon avec des ressources digitales existantes; deuxième
phase (2016-2017): enseigner mieux avec des outils digitaux appropriés; et troisième phase (2017-2018): en-
seigner diéremment, «avec la mise en place d’une approche pédagogique nouvelle et prometteuse favori-
sant davantage la diérenciation, l’autonomie et la créativité des élèves».1
1 Plus d’informations, voir www.men.public.lu/catalogue-publications/themes-transversaux/dossiers-presse/2015-2016/160312-edusphere.pdf
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Développer un vivier national
La question de savoir comment préparer les enfants et les jeunes aujourd’hui à ce qui les attendra au
cours du prochain demi-siècle, comment les outiller pour un monde où le changement permanent do-
mine, le Luxembourg la considère comme un sérieux défi pour l’école et le monde périscolaire. Le Sta-
tec (voir page précédente) indique que certes un très grand nombre de ménages sont équipés d’outils
informatiques et d’internet. Mais les personnes à faible niveau d’instruction, les personnes inactives
et celles de plus de 55 ans sont les plus nombreuses à ne jamais avoir utilisé l’internet, par exemple
(plus de 30% des femmes et 13% des hommes qui ont un faible niveau de formation). Le numérique peut
être un facteur important de réduction des inégalités, en donnant accès à tous à des informations et
des ressources culturelles et pédagogiques de qualité et en diversifiant les méthodes d’apprentissages
pour mieux adapter l’enseignement aux besoins et au rythme de chacun.
Qu’est-ce que DIGITAL (4) EDUCATION?
Dans sa conférence de presse du 20 mai 2015, le mi-
nistre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la
Jeunesse, Claude Meisch, a insisté sur le fait que le
nom de la stratégie Digital (4) Education permet
une double lecture qui illustre parfaitement les deux
objectifs prioritaires:
digital education: la préparation des jeunes à un
environnement de travail complexe et en mutation
permanente, et à leur rôle de citoyen dans le do-
maine privé et public,
digital for education: la promotion de nouvelles
stratégies d’apprentissage et de projets pédago-
giques innovants, utilisant le numérique à l’école et
dans le monde périscolaire.
Et pour répondre à la question évoquée dans le cha-
peau de cette page, le Ministre a jugé que les com-
pétences indispensables au XXIe siècle portent sur
deux volets: D’abord préparer le jeune à vivre dans
un environnement de travail complexe et en mu-
tation permanente; l’école et le monde périscolaire
doivent développer des compétences dans quatre
domaines essentiels qu’il appelle les 4C: la com-
munication, la collaboration, la créativité et l’esprit
critique. Préparer ensuite le jeune à assumer son
rôle dans le domaine privé et public, l’école et le
monde périscolaire doivent proposer des situations
d’apprentissages qui favorisent la compréhension
du monde et de la société, l’épanouissement et le
bien-être personnel.
Les projets phares
La stratégie Digital (4) Education se décline en
plusieurs dimensions concrètes appelées projets
phares: un programme qui vise à promouvoir une
utilisation plus sûre des TIC à travers une informa-
tion cohérente et des conseils aux citoyens, sous le
nom de BEE SECURE. Un portail pour enseignants
destiné à soutenir l’enseignement et l’apprentissage
(EduSphere). Un outil numérique d’apprentissage
des mathématiques pour le cycle 4 de l’enseigne-
ment fondamental (MathemaTIC). Un programme
de développement de compétences techniques et
technologiques (avec l’introduction générale de Of-
fice 365 for Education, et un projet de tablettes nu-
mériques en classe), programme appelé DCL (Digi-
tal Classroom Lëtzebuerg). Un programme qui vise à
améliorer les compétences numériques (program-
mation, sécurité, design, communication…) des
jeunes résidants luxembourgeois et à contribuer à
l’instauration d’une culture numérique au Luxem-
bourg. Dans ce cadre devaient notamment être mis
en place des Maker-Space, lieux de découverte, mais
surtout espaces de création où les jeunes peuvent
mettre au point leurs propres outils numériques
(BEE CREATIVE).1
Cinq dimensions spécifiques
À noter encore que la stratégie Digital (4) Education
s’articule autour de cinq dimensions pour lesquelles
les outils nécessaires (logiciels, hardware, ressources
pédagogiques, scénarios pédagogiques, lieux d’ap-
prentissage…) sont mis à la disposition des acteurs
scolaires ou périscolaires pour créer des situations
d’apprentissage qui favorisent le développement des
compétences pour le XXIe siècle. La dimension ci-
toyenne, qui doit permettre de former des citoyens à
l’aise dans le monde digital. La dimension éthique et
sociale: qui permet l’utilisation des TIC de manière
plus sécurisée et plus responsable. La dimension de
soutien à l’apprentissage, pour créer des situations
d’apprentissage qui développent des compétences
du XXIe siècle. La dimension productive et opéra-
tive, pour mettre en place les compétences tech-
nologiques. La dimension créative ou innovatrice,
avec les espaces dits Maker-Space pour stimuler les
talents et contribuer à former les futurs spécialistes
de l’économie numérique.
L’initiative DIGITAL (4) EDUCATION
1 Pour le détail de ces projets phares, voir la conférence de presse du
Ministère de l’Éducation nationale de l’Enfance et de la Jeunesse du
20 mai 2015 (http://www.men.public.lu/catalogue-publications/the-
mes-transversaux/dossiers-presse/2014-2015/150520-digital-4-edu-
cation.pdf)
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