SOINS ET ANTHROPOLOGIE
UNE DÉMARCHE RÉFLEXIVE
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 90 - SEPTEMBRE 2007 23
4) Coutu – Wakulczyk, G. (2003). Pour des soins cul-
turellement compétents : Le modèle transculturel de
Purnell. Revue Recherche en Soins Infirmiers, No. 72,
pp. 34-47.
L’auteur de cet article décrit les éléments organisa-
tionnels et techniques du modèle Purnell. C’est une
description avec la traduction complète dudit modèle.
Coutu – Wakulczyk, traduit le schéma conceptuel de
l’auteur de manière très complète, introduisant
quelques modifications organisationnelles avec l’auto-
risation de Larry Purnell. Il est dommage qu’aucun
objectif n’ait été précisé pour connaître le choix de ce
modèle culturel par rapport à d’autres. La description
est uniquement théorique sans faire référence à des
situations de la pratique. Le modèle Purnell relève de
l’approche relativiste, décrite précédemment.
5) Lepain, C.(2003). L’approche culturelle en soins
infirmiers pour les patients musulmans maghrébins
relevant des soins palliatifs. Revue Recherche en Soins
Infirmiers, No. 72, pp. 4-33.
Dans ce travail d’un investissement personnel sérieux,
il est toutefois difficile de comprendre le cadre concep-
tuel de l’auteure, car elle se réfère à Watson et à
Leininger, dont elle sélectionne des éléments sans les
justifier et en les appliquant de manière superficielle
dans son projet pratique.
Lepain a ainsi cité de nombreuses conceptions théo-
riques, les unes à côté des autres, par rapport à son
projet, telles : Leininger et Watson, Giger – Davidhizar,
Gordon avec ses diagnostiques et Kérouac, S. (1994).
Ces auteurs, leurs théories et leurs connaissances sont
de qualité variée sans être justifiées par Lepain, ce qui
diminue la cohérence théorique et pratique de son
article. Pourquoi ?
Julia B. George (1995, pp. 373-389), en analysant la
théorie de Leininger, a conclu que l’auteure de la théo-
rie de soins infirmiers transculturels n’a pas définit les
quatre concepts de base de soins infirmiers : personne,
santé, environnement, soins infirmiers. Pourtant, ces
quatre concepts sont définis par Lepain, comme s’ils
appartenaient à Leininger ? Mais, c’est à Kérouac que
Lepain emprunte ces définitions qui ne correspondent
pas à Leininger comme déjà indiqué. Elles se trouvent
chez Kérouac, qui a abordé la théorie de Leininger de
manière plutôt simplificatrice en réduisant ses expli-
cations à quelques termes (voir, «La pensée infir-
mière», 1994, pp. 43-45).
L’article de Lepain termine par un «projet clinique»
pour apprendre à soigner les patients maghrébins. La
question qui émerge avec cette approche se réfère à
la manière déductive de procéder, il y a peu de spon-
tanéité et d’initiative pour les soignants introduits dans
autant de connaissances hétérogènes.
Cet accès aux soins, catégorise les patients en les sépa-
rant des autres patients non musulmans maghrébins
et peut estomper la curiosité des soignants par le
nombre de connaissances théoriques qui leur sont
transmises (voir projet clinique, p. 12 et suivantes). Peu
de place semble être laissée aux apprenants et au
patient, car «tout» ou presque, est déjà prévu. C’est
une approche issue du relativisme culturel américain,
même si l’auteur peut l’ignorer, cependant, cette
approche «catalogue» les patients et il paraît conve-
nir plutôt à la mentalité américaine.
Pour conclure, le risque existe avec ce type d’approche
de retomber dans les soins en série : les noirs sont
soignés ainsi, les turcs autrement, les japonais comme
le dit tel livre. Cela ne serait pas trop différent de : l’ap-
pendicite, on procède ainsi, le cancer du colon selon
telle approche, un travail mécanique, automatisé. Cette
démarche néglige autant le patient que l’infirmière
comme êtres humains. Les soignants de «patients dif-
férents» peuvent se spécialiser dans une culture et
apprendre à regarder leur patient avec un regard
«musulman maghrébins», mais comment regarde-t-
on un maghrébin comme être humain ?
L’article de Catherine Lepain est le résultat d’une forte
influence de l’anthropologie américaine dans sa pra-
tique de soins.
6) Racine, L. (2003). Les potentialités de l’approche
théorique post-coloniale en recherche infirmière cul-
turelle sur l’adaptation du soin infirmier aux popula-
tions non occidentales. Revue Recherche en Soins
Infirmiers, No. 75, pp. 7-14.
Dans cet article, il y a un effort de décentration, c’est-
à-dire, cette capacité complexe de pouvoir quitter un
point de vue en le questionnant de loin et de près.
Racine propose une réflexion qui justifie son parcours
et la raison de ses choix théoriques, elle décrit claire-
ment la voie novatrice qu’elle entreprend. Racine fait
une critique du multiculturalisme occidental en démon-
trant ses lacunes et elle avance des références qui sou-
tiennent ses critiques. L’auteur introduit ensuite sa
propre perspective, où elle propose «une négociation
des différences culturelles entre la clientèle non-occi-
dentale et le personnel infirmier», un «troisième
espace» (p. 11) qui mène à une compréhension des
différences culturelles. L’auteure est consciente du che-
minement requis des soignants pour arriver à ce type
de compréhension et elle propose à ce sujet, un pro-
cessus de conscientisation. La démarche de l’auteure
est novatrice, comme elle l’indique au départ de son
article, car elle introduit un concept, la «sécurité cul-
turelle», souhaitant que la recherche infirmière cultu-
relle devienne un progrès d’action sociale, qui consiste
à développer des programmes d’éducation basés sur
la notion de sécurité culturelle. L’auteure s’est inspirée
d’Antonio Gramsci, théoricien et écrivain italien, dont
les idées ont eu du succès par son authenticité et par
son intérêt pour les classes défavorisées. L’orientation
choisie est donc politique, avec des connaissances
concernant les classes défavorisées et la théorie sou-
tenue par cette perspective.