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L’organisation sociale
C’est à partir de l’organisation sociale, dans ses différents aspects mythiques et historiques, la présence
des royaumes, les guerres, les alliances, les migrations, les foires annuelles et toute autre activité qui
met les gens en contact, que l’on peut parler des premiers destinataires de la nouvelle religion. Il est
important de souligner, à cet égard, que la famille arabe est patriarcale. Un regroupement de 10 à 15
familles ayant une parenté consanguine constituent un fakhdh, branche, 5 à 10 branches constituent
un batn, clan, 4 à 10 clans constituent une fraction de tribu et enfin, une fédération de 10 à 15 contons
donne lieu à une tribu. L’appartenance au groupe remonte à un ancêtre commun dont le nom doit être
porté par ses descendants. Par banû fulân, on désigne les descendants d’untel. Cet état de fait ne doit
renvoyer l’appartenance à une tribu au seul critère consanguin. Parmi les composantes d’une telle
société, on trouve le mawlâ, le client, qu’on lui attribuait l’appartenance à la tribu. Cette catégorie
regroupe les esclaves affranchis, les individus ayant choisi ou étant exclus de leurs propres groupes et
les étrangers qui désirent s’installer et appartenir à une tribu qu’ils choisissent. Les esclaves sont
considérer parmi les biens à la propriété de la tribu, ils ne peuvent en faire partie que par
affranchissement. La tribu de Quraysh, à laquelle appartient le Prophète, mérite quelques détails
nécessaires. Il s’agit d’une tribu, comptée parmi les Arabes du Nord, (descendants de leur ancêtre
‘Adnân, les Arabes du Sud – ceux du Yémen- sont les descendants de leur ancêtre Qahtân), le nom de
cette tribu est interprété suivant trois hypothèses. La première est rattachée au verbe taqarrasha qui
signifie, réunir et associer, la deuxième est assimilée au diminutif de Qirsh, le requin et enfin la troisième
hypothèse renvoie à l’ancêtre de cette tribu fihr, lui-même appelé parfois Quraysh2. C’est cette même
tribu qui, après avoir eu la mainmise sur la Mecque, consolide certaines “institutions ” organisant ainsi la
vie sociale dans cette agglomération en fonction des us et des “techniques” disponibles. En effet dans
un contexte tribal, une quelconque organisation “politique”, au sens moderne du terme ou à l’instar des
Byzantins et des Persans, était absente. Un ensemble de coutumes courantes qui servaient de
“législation ”sous l’égide du chef de la tribu et ses auxiliaires qu’il désigne lui-même.
La vie culturelle
Deux disciplines restent par excellence, les témoins, d’une part, de l’importance de la tradition orale
basée sur la maîtrise du verbe et d’autre part, la source d’une grande partie de l’histoire de cette
période. Il s’agit de la poésie et de l’art oratoire.
Fruit de la technique et de la pratique constante de la langue, la poésie représente une coutume
solidement implantée dans les milieux arabes préislamiques. Elle est la meilleure expression connue et
reconnue dans un contexte où la culture se base en premier chef sur l’oralité. Les informations
importantes sont souvent transmises grâce à la diffusion orale des poèmes acclamés. C’est la raison
pour laquelle le poète est considéré comme porte-parole de sa tribu, il est son défenseur et son
détenteur de mémoire collective. Tout événement important est célébré par des poèmes relatant les
mérites de la tribu ou de la famille à laquelle le poète appartient. Le poète inclut dans ses odes ses
sentiments personnels, le déroulement d’un événement ou les détails d’un fait historique marquant, au
point que la poésie de cette époque mérite bien son nom de “ Dîwân al-‘arab ”, l’archive des Arabes.
Dans ce même cadre, l’art oratoire a pu également s’imposer. Mais contrairement aux poètes, qui sont
issus de diverses classes sociales, les orateurs appartenaient généralement à la classe des notables de
la tribu. Ils assuraient souvent le rôle d’ambassadeurs auprès des autres tribus, de négociateurs et
diplomates de compétence confirmée. Par leur éloquence, ils sont capables de mobiliser les foules en
les convainquant de la justesse d’une guerre ou d’une razzia. Le style littéraire adopté par l’orateur est
le“ saj‘ ”, la prose rimée, dans laquelle l’allusion cachée par homonymie, “ tawriya ”, et l’affinité entre les
mots et les termes choisis permettraient de persuader et même de faire apparaître ce qui n’est pas
comme s’il était. De ce fait, un orateur jugé compétant, est capable d’attirer l’attention de l’auditeur et
d’orienter le thème du discours selon les circonstances et le message à transmettre. C’est pourquoi
l’orateur doit associer entre l’éloquence, la sagesse, la jouissance d’un esprit d’à-propos et d’une voix à
la fois puissante et attachante.
Les marchés et le pèlerinage représentaient les moments opportuns où poètes et orateurs entrent,
chacun dans art, en compétition, pour relater les faits héroïques d’une tribu ou pour appeler au soutien
d’une cause importante. En effet, ces occasions de rencontre tirent leur importance du fait qu’elles ne
réunissaient pas seulement les tribus de l’Arabie mais elles représentaient aussi l’occasion pour l’afflux
2 W. Montgomery Watt, article Quraysh, dans Encyclopédie de l’islam, Paris, Maisonneuve et la Rose, 1986, Tome V, pp 436.