Dépendances aux substances et comorbidités psychiatriques

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ASA | SVV Medinfo 2009/2 Suchterkrankungen
Yasser Khazaal, Daniele Zullino
Service d’addictologie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Rue verte 2, 1205 Genève
Correspondance : yasser[email protected]
Psychiatrische Leiden sind stark mit Ab-
hängigkeiten von Substanzen verbun-
den. Diese Komorbidität ist mit mehr-
fachen Komplikationen behaftet. Die
Studien, welche sich auf Personen mit
einer doppelten Diagnose beziehen,
sind sowohl in der Anzahl wie auch in der
Konzeption noch beschränkt. Es scheint
jedoch, dass Behandlungsansätze sol-
cher Abhängigkeiten wie auch die be-
kannten psychiatrischen Therapien bei
diesen Personen mit einer günstigen
Wirkung angewendet werden können.
Integrierte Behandlungen beider Leiden
werden gegenwärtig empfohlen und es
zeigen sich positive Entwicklungen.
Résumé
Les troubles psychiatriques sont forte-
ment associés aux dépendances aux
substances. Cette comorbidité est gre-
vée de complications multiples. Les
études portant sur les traitements des
personnes avec un double diagnostic
sont encore limitées par leur nombre et
leur design. Il apparaît cependant que
les approches issues des traitements
des dépendances et celles issues des
traitements psychiatriques peuvent
être généralement et raisonnablement
utilisées, dans cette population, avec
l’attente d’un impact favorable. Des
traitements intégrés des deux troubles
sont actuellement recommandés et en
voie de développement.
Le présent article présente de manière
générale les questions cliniques liées
aux comorbidités entre dépendances et
troubles psychiatriques en les illustrant
de certains exemples.
Aspects épidémiologiques
Importance et spécificités de
l’association
L’importance des liens entre les abus et
dépendances aux substances (substan-
ce use disorders : SUD) et les troubles
mentaux est bien documentés. LUS co-
morbidity survey avait conclu (Kessler,
1996) à un odds ratio (OR) de 2.4 pour
l’association vie entière et de 2.6 pour
l’association sur 12 mois d’au moins un
trouble mental et d’un SUD.
Dépendances aux substances et comorbidités
psychiatriques : Tendances actuelles
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Les troubles psychiatriques chez les
personnes avec une dépendance
Prés de la moitié des personnes avec un
SUD à l’alcool ont un trouble mental vie
entière.
Les troubles psychiatriques associés
sont particulièrement élevés (jusqu’à
près de 80%, vie entière) parmi les per-
sonnes en traitement pour un SUD.
Au-delà du double diagnostic
Des aspects psychopathologiques en
dessous (ou en dehors) des seuils dia-
L’importance de l’association est confir-
mée dans une étude Américaine plus
récente (Compton, 2007) même après
ajustement pour les facteurs sociodé-
mographiques et les comorbidités psy-
chiatriques (Table 1).
L’importance de l’association varie en
fonction des troubles psychiatriques
considérés. Elle est par exemple moins
forte pour les troubles de l’humeur uni-
polaires que bipolaires (environ 60% de
SUD, vie entière, contre 6% dans la po-
pulation générale).
Table 1 : Odds-ratio (99% CI) ajusté pour des paramètres démographiques et la présence
d’une comorbidité psychiatrique à 12 mois. Adapté de compton et al. 2007.
NB : L’étude n’a pas évalué les troubles psychotiques.
Dépendances aux drogues
Abus d‘alcool 3.7
Dépendance à l‘alcool 9
Dépendance à la nicotine 4
Tous troubles de l‘humeur 3.3
Trouble bipolaire de type 1 4.2
Dysthymie 2.8
Tous troubles anxieux 1.9
Tous troubles de personnalité 3.3
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gnostics pourraient jouer une place
importante. Parmi ceux-ci, les tempé-
raments affectifs (disposition biologi-
que se manifestant par un pattern de
l’humeur avec des attitudes vis-à-vis
de l’environnement, une sensibilité à
des stimuli externes et des modes de
réactions caractéristiques vis-à-vis de
ces stimuli) cyclothymiques et irritables
sont surreprésentés chez des personnes
sous méthadone, et ceci, indépendam-
ment des comorbidités psychiatriques.
Troubles psychiatriques et sélection
des substances
Le choix des substances consommés sem-
ble, en dehors des troubles phobiques
(avec proportionnellement plus de -
pendances à l’alcool), peu influencé par
les troubles psychiatriques concomitants.
Il serait plutôt le fait de la disponibilité
et de l’image des substances. Bien que
moins étudiés, les modes et moments de
consommation, les effets recherchés et
ressentis pourraient, être plus intriqués
avec les symptômes psychiatriques.
Temporalité
Une série d’études épidémiologiques
rétrospectives (soumises au biais de
rappel) concluent que les troubles
mentaux apparaissent en premier (ado-
lescence fréquemment), suivis par les
SUD, souvent durant la décade suivan-
te. Ainsi en cas de trouble phobique
et SUD, le trouble phobique apparaît
d’abord dans près de 70% des cas.
Les études prospectives, peu nombreu-
ses, soumises à d’autres biais (choix
des échantillons : âge des populations
étudiées par rapport à l’âge moyen
d’apparition d’un trouble) ont des ré-
sultats moins homogènes. Il apparaît
cependant de manière reproductible
qu’un trouble des conduites dans l’en-
fance est associé à l’occurrence ulté-
rieure d’un SUD. Des troubles anxieux
ou dépressifs prépubertaires (en parti-
culier : phobie sociale, trouble panique)
sont associés avec un risque augmenté
de SUD ultérieur.
Comorbidité et évolution clinique
La comorbidité est associée à une plus
grande chronicité, à des épisodes psy-
chiatriques plus sévères, des rémis-
sions plus lentes, plus d’hospitalisa-
tions, un risque accru de tentatives de
suicide et plus d’atteintes à la santé
somatique.
Elle expose également à plus de diffi-
cultés sociales, moins de productivité
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professionnelle, plus de pauvreté, des
pertes de domicile, une moins bon-
ne qualité de vie, un moins bon sup-
port social et plus de stigmatisation et
d’auto-stigmatisation.
Parmi les personnes avec SUD, l’utili-
sation des soins (urgences, hôpitaux)
augmente avec le nombre de comorbi-
dités psychiatriques. Une intégration
continue des programmes de soins est
cependant plus difficile.
Ces complications ne signifient pas que
l’évolution de ces patients est forcé-
ment mauvaise. Ainsi, sur 130 patients
avec schizophrénie et SUD suivis sur 10
ans, plus de 60% d’entre eux sont en ré-
mission du SUD et une proportion simi-
laire est stable sur le plan symptômes
psychotiques, plus de 50% sont globa-
lement satisfaits de leur qualité de vie
et plus de 40% ont un emploi.
Le sens de l’association
Différentes hypothèses sont proposées
pour expliquer cette association :
Les troubles psychiatriques condui-
sent au développement des SUD :
sont évoqués : un risque accru d’ex-
position aux drogues, des troubles
favorisant une perte de contrôle des
impulsions, une automédication (par
exemple : face à des situations phobo-
gènes ou pour améliorer l’humeur).
Les SUD conduisent aux troubles psy-
chiatriques : sont évoqués, des méca-
nismes pharmacologiques (troubles
psychiatriques induits par les subs-
tances, effets panicogènes de la co-
caïne …), et environnementaux (expo-
sition à plus de stress, diminution de
l’accès à des coping efficaces).
Des facteurs communs favorisent le
double diagnostic : les facteurs impli-
qués pourraient être génétiques, psy-
chologiques (impulsivité), environne-
mentaux et/ou traumatiques.
Diverses combinaisons de ces élé-
ments sont possibles.
Traitements
Peu d’études ont por sur le traite-
ment des patients avec double dia-
gnostic, souvent exclus des études de
validation des traitements des troubles
psychiatriques.
Reconnaître le double diagnostic
Il est essentiel face à un SUD de recher-
cher de manière systématique la problé-
matique psychiatrique et vice versa. Or,
chaque trouble peut scotomiser l’autre.
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La démarche diagnostique nécessite de
répéter les investigations dans le temps.
Les modalités de traitement
Il existe différentes modalités de
traitement.
Une approche unifocale conduit à
traiter plutôt un trouble que l’autre.
Le patient ayant un trouble primaire
ou principal, il suffit de le traiter pour
que l’autre trouble se résolve auto-
matiquement ”, ce dernier étant un
possible “ effet secondaire du pre-
mier. Cette approche a pu favoriser le
non accès d’une partie des patients
au traitement d’un de leurs troubles.
Aux USA, en 2004, seuls 12% des pa-
tients à double diagnostic recevaient
des soins pour les deux troubles.
Une conceptualisation séquentielle
du traitement amène à traiter d’abord
le trouble considéré comme primaire,
principal ou plus sévère. Si la réponse
à ce traitement est trop lente, on se
retrouve dans une situation de traite-
ment unifocal.
Des traitements parallèles amènent des
unités différentes à opérer leurs soins
autour du même patient, en même
temps, mais de manière séparée, au
risque d’un manque de coordination.
Les consensus actuels recommandent
plutôt des traitements intégrés. Cet-
te position découle d’une part de la
constatation que pour une grande par-
tie des cas, des symptômes ou trou-
bles psychiques sont apparus avant le
SUD et que les problématiques liées
aux substances seraient plutôt un fac-
teur d’exacerbation ou de péjoration
de ces troubles qu’un facteur causal.
Par ailleurs, cette option stratégique
découle du fait que traiter les SUD
en premier n’est pas toujours une op-
tion “ rapidement efficace ”. Les traite-
ments intégrés vont donc répondre à
deux préoccupations fondamentales :
1. Améliorer l’accès aux soins de cha-
que trouble
2. Améliorer la qualité clinique des
soins en les combinant d’une ma-
nière cohérente.
Ces traitements intégrés se conçoivent
de manière concomitante et plus rare-
ment séquentielle.
La définition du traitement intégré est
cependant peu consensuelle.
Une distinction entre intégration des
programmes et intégration des sys-
tèmes a été proposée afin de faciliter
le développement et la lecture de ces
approches (Table 2).
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Dépendances aux substances et comorbidités psychiatriques

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