en reste finalement à soi lorsqu’elle croit déterminer les choses en saisissant
leur essence fixe, identifiée à une qualification unique et séparée des autres
essences. Le monde des possibles est sa demeure propre et ne peut permettre
de comprendre l’existence que dans le cadre de la possibilité essentielle. Le
pensable coupé de l’être, c’est d’abord la figure du possible. Or le critère de
la possibilité, dans l’ontologie de Wolff, c’est le principe de contradiction,
exposé dès le début de l’Ontologia, après les Prolégomènes, au chapitre I,
fondement de toute la métaphysique
18
. L’être lui-même se définit alors
d’abord comme ce qui n’est pas impossible
19
et qui est possible
20
parce que,
contrairement à l’impossible, il ne comporte pas de contradiction
21
. Cet
édifice repose donc sur une pensée extérieure à son objet et réduite à son seul
mécanisme vide qui en reste à une indétermination.
Il est pourtant bien difficile de voir là un critère de l’ens réduit d’abord
à sa possibilité. Car là où il n’y a rien il ne risque pas non plus d’y avoir de
contradiction. Le domaine des êtres possibles s’identifie alors tout simple-
ment à l’impossible ou au contradictoire, c’est-à-dire pour Wolff, au néant.
Ainsi Hegel souligne-t-il la vacuité de cette catégorie du possible dans
laquelle ne se complaît que « la subtilité de l’entendement vide » qui en reste
à un « pensable » abstrait
22
. Si l’on n’en reste en effet qu’à la simple forme
« de l’identité avec soi », en faisant abstraction des conditions concrètes et
des relations de la chose avec les autres, « tout est possible » et même que « le
sultan devienne pape »
23
. Mais inversement, sans les conditions dont on fait
justement alors abstraction « tout est aussi bien impossible », rien n’existant
sans ses conditions concrètes qui rapportent et opposent quelque chose à
d’autres choses
24
. D’ailleurs l’on pourrait montrer, aussi bien pour le moi
que pour toute chose du monde naturel ou du monde spirituel, que tout est
en relation à soi-même et à autre chose, ou que Dieu lui-même, dans sa
détermination trinitaire, pourtant capitale, semble contradictoire et impos-
sible, ce pour quoi d’ailleurs il demeure un mystère pour l’entendement
25
.
Quel rapport peut donc bien entretenir avec l’existence ce possible qui est
censé la fonder ? Si en effet l’essence s’identifie au possible, le réel, quant à
lui, sera l’inessentiel. Bref, ce n’est pas l’essence qui ferait le réel mais
18. W,Philosophia prima sive ontologia (Ontologia), in Gesammelte Werke II Abt. 3
éd. J. École, Olms, 1962, p. 15ss.
19. Ontologia paragraphe 134.
20. Ibid., paragraphe 133 pour la définition du possible, 132 pour la définition de l’impos-
sible et 79 pour celle de la contradiction.
21. Ontologia, pars I, sectio 2, Cap.Ip.62,Cap. 3 p. 113-116.
22. Encyclopédie des sciences philosophiques paragraphe 143 (noté Enc. 143), Science de
la logique, SW 8, p. 323. Trad. B. Bourgeois, Vrin, 1970, p. 195.
23. Enc. 143, SW 8, p. 323. Trad. B. Bourgeois, p. 194 et addition au même paragraphe,
SW 8, p. 324. Trad. cit. p. 576.
24. Ibid.SW 8, p. 323. Trad. cit. p. 194.
25. Enc. 143 addition, SW 8, p. 325. Trad. cit. p. 577.
J.-M. LARDIC
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