2Prévention en pratique médicale, Octobre 2003
fessionnels non seulement adhèrent aux normes
établies mais les rencontrent et qu’ils acceptent
d’apporter certains correctifs à leur pratique, si
nécessaire.
Les préalables du dépistage
La prémisse au dépistage est que la détection
précoce améliore le pronostic. Pour que le
dépistage d’un cancer soit considéré dans une po-
pulation, il faut :
1. Que la maladie soit fréquente
Au Québec, le cancer du sein représente 30 % de
tous les cancers chez la femme avec un nombre de
nouveaux cas de plus de 5 000 annuellement.
2. Qu’elle puisse être détectée à une phase
pré-clinique par un test approprié
La mammographie peut détecter non seulement
des cancers avant qu’ils ne deviennent palpables,
mais également des lésions précancéreuses.
3. Que la survie soit inversement proportionnelle
au stade de la tumeur
Une détection à un stade précoce est associé à une
meilleure survie. Par exemple, pour un stade 0
(«in situ» sans métastase ni ganglion positif), la
survie à cinq ans est de 99 %, alors qu’elle est de
65 % pour un stade II B (tumeur de cinq cen-
timètres sans ganglion positif et sans métastase)1.
4. Qu’il y ait des traitements capables d’en
influencer favorablement l’évolution
Avec l’avènement des traitements systémiques
alliés aux traitements locaux-régionaux, la survie
au cancer du sein s’est accrue au cours des 20
dernières années; cette amélioration a précédé la
mise en place des programmes de dépistage par
mammographie.
La détection précoce par
mammographie
La détection d’un cancer à un stade précoce,
potentiellement curable, est l’aspect primordial du
dépistage. Le stade dépend non seulement de la
durée d’évolution du cancer depuis la première cel-
lule maligne jusqu’au diagnostic (facteur temporel),
mais surtout des caractéristiques propres à la
tumeur (facteurs intrinsèques), telles que le grade
et la présence ou l’absence de récepteurs hor-
monaux, qui dans leur ensemble confèrent au can-
cer son taux de croissance et sa propension à
essaimer à distance. À partir de modèles expéri-
mentaux, cliniques et mathématiques, il est possi-
ble de démontrer qu’en général, du moins pour les
cancers fréquents (poumon, sein, prostate, côlon),
la limite de détection clinique des cancers se situe
autour du 30ème doublement de la première cellule
maligne, lorsque le cancer atteint un volume d’en-
viron un centimètre de diamètre. À ce moment, la
tumeur a passé la majeure partie de son évolution
dans une phase cliniquement latente au cours de
laquelle des métastases, précoces ou tardives, ont
pu se produire. Le dépistage du cancer du sein par
mammographie permet de détecter un cancer plus
précocement (facteur temporel), à un volume
inférieur à celui où la tumeur deviendrait clinique-
ment palpable. Il permet potentiellement de guérir
les cancers où des métastases tardives se seraient
produites durant l’intervalle de temps compris
entre la détection par mammographie et la détec-
tion clinique. Par contre, le dépistage n’influen-
cera pas le pronostic lorsqu’il y a présence de métas-
tases précoces.
Tous les cancers ne progressent pas à des taux de
croissance identiques : certains ont des temps de
doublement rapides, d’autres des temps de double-
ment relativement lents. Ces propriétés intrin-
sèques à la tumeur limitent l’efficacité du
dépistage qui tend à ne détecter que les tumeurs
dont la vitesse de croissance est relativement
lente. La Figure 1 illustre ces aspects.
Sensibilité et spécificité
de la mammographie
Le dépistage du cancer vise les personnes asympto-
matiques. Le test de dépistage doit donc pouvoir
détecter un cancer à un stade pré-clinique, ce qui
est le cas de la mammographie. La validité d’un
test de dépistage est principalement déterminée
par sa sensibilité et sa spécificité. On entend par
sensibilité, la proportion de personnes dans la
population ayant la maladie que l’on veut dépister
et dont le test est positif, et par spécificité, la pro-
portion de personnes sans cette maladie et dont le
test de dépistage est négatif (Tableau 2A). Un test
parfait aurait une sensibilité et une spécificité de
100 %, ce qui permettrait de distinguer avec assu-
rance les personnes atteintes de celles qui ne le
sont pas. Malheureusement ces proportions ne sont
pas atteintes par la mammographie de dépistage
dont la sensibilité et la spécificité sont globale-
ment de l’ordre de 85 % et de 95 % respectivement.
La fonction d’un test de dépistage dans une popu-
lation asymptomatique diffère de celle d’un test
diagnostique chez un individu qui présente des
signes ou des symptômes. Alors que le médecin
veut pour son patient minimiser les faux négatifs
pour confirmer le diagnostic avec le plus de fiabi-
lité possible, paradoxalement, il est extrêmement
important sur une base de population, de mi-
nimiser la proportion de faux positifs. La raison
étant que dans la population générale, le nombre
de personnes atteintes de la maladie que l’on veut
dépister est de beaucoup inférieur à celui des per-
sonnes non atteintes. Par exemple, la prévalence
du cancer du sein, tout âge confondu, est de l’or-
dre de 1 %. Pour illustrer ces concepts (Tableau
2B), considérons un test dont la sensibilité et la
spécificité seraient de 90 %, sur une population de
1 000 personnes et avec une prévalence de la ma-
ladie que l’on veut dépister de 5 %.
Sur les 50 personnes malades, le test en diagnosti-
querait 45 (90 % x 50) et chez les 950 personnes
sans cette maladie, le test serait négatif chez 855 (90
% x 950). La proportion de faux négatifs et de faux
positifs est la même (10 %) mais vu la faible préva-
lence de la maladie, le nombre absolu de faux néga-