VIII ECOULEMENTS EN CONDUITES 1. Généralités

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Université Paul Sabatier - FSI
L2 Mécanique / Mathématiques
VIII
ECOULEMENTS EN CONDUITES
L’objectif de ce chapitre est d’expliciter les pertes de charge en fonction des propriétés du
fluide en déplacement, des caractéristiques de l’écoulement et de la géométrie de
l’installation. Nous nous intéresserons dans ce chapitre plus particulièrement aux écoulements
dans les conduites cylindriques, qui sont courants dans les problèmes industriels.
1. Généralités
Nous avons vu aux chapitres précédents que l’écoulement de fluides réels s’accompagne
toujours de pertes d’énergie, ce qui se traduit par les pertes de charge
⇒ Chute de pression entre 2 sections droites d’une même conduite
Définition :
On considère habituellement 2 types de pertes de charge :
•
Ecoulement sans variation brusque de vitesse :
Dans une conduite rectiligne de section constante ou dans un profil de conduite
épousant la forme de la veine de fluide, la vitesse varie très légèrement, et la chute de
pression est due aux seuls frottements visqueux.
On parle alors de perte de charge linéaire ou régulière.
Ce type de perte de charge dépend essentiellement de la longueur de la conduite.
•
Ecoulement avec variation brusque de vitesse
La vitesse peut varier brutalement sur une courte distance (en norme, ou en direction),
la chute de pression qui en résulte est surtout due dans ce cas à la variation soudaine de
la quantité de mouvement du fluide.
On parle dans ce cas de perte de charge singulière.
Propriété :
En première approximation, la perte de charge d’une installation sans ramification est la
somme des différentes pertes de charge, linéaires et singulières.
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2. Différents régimes d’écoulements
a) L’expérience de REYNOLDS
Les multiples expérimentations réalisées par l’ingénieur anglais Osborne Reynolds (1842 –
1912) a permis de découvrir les caractéristiques propres à un fluide réel et de mettre en
évidence les deux catégories d’écoulement possibles.
Principe : injection d’un traceur dans une conduite transparente où s’écoule un fluide.
(colorant dans de l’eau)
Suivant les valeurs de la vitesse, deux situations distinctes apparaissent :
- à faible vitesse d’écoulement (vanne légèrement ouverte) le colorant se distribue de
façon ordonnée, suivant des lignes de direction parallèles à l’axe de la conduite → laminaire.
- Une augmentation du débit (vanne très ouverte) donne des lignes de courant
chaotiques, le colorant se diffuse de façon désordonnée, selon des lignes de courant
enchevêtrées → turbulent.
b) Le régime laminaire :
Aux faibles vitesses, l’écoulement est caractérisé par :
- Une distribution de vitesse parabolique
- Les couches glissent les unes par rapport aux autres
- Les filets de fluide ne se mélangent pas
- Les cellules de fluide « gardent » leur individualité.
Dans ce cas, les forces de frottement visqueux dominent, et imposent un régime laminaire.
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c) Régime turbulent :
A partir de certaines valeurs élevées des vitesses, on observe :
- apparition de tourbillons
- les lignes de courant d’instants successifs se coupent
- la répartition des vitesses semble aléatoire
- les particules se déplacent dans toutes les directions
Ce mélange des lignes de courant favorise l’homogénéisation des vitesses et des transferts de
quantité de mouvement de matière et de chaleur.
Définition :
On appelle advection le transport d’une grandeur physique d’un point à un autre d’un fluide
par mouvement d’ensemble de ses molécules.
Dans ce cas, les transferts de quantité de mouvement par advection dominent et imposent un
régime turbulent.
d) Le nombre de Reynolds
Comment savoir si un régime est ou sera laminaire ou turbulent ?
La réponse a été apportée par Reynolds (1883) qui a étudié l’influence des divers paramètres
pouvant intervenir sur la présence de l’un ou l’autre des 2 régimes :
- la masse volumique ρ du fluide,
- la vitesse V du fluide dans la conduite,
- le diamètre D de la conduite
- la viscosité dynamique μ du fluide
Il a montré que le régime d’écoulement dépend de la quantité : Re =
ρV D V D
=
μ
υ
Il s’agit d’un nombre sans dimension, appelé nombre de Reynolds
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Avec,
•
Si Re ≤ 2000 , le régime est laminaire
•
Si Re ≥ 4000 , le régime est turbulent
•
Si 2000 ≤ Re ≤ 4000 , le régime est transitoire (généralement turbulent)
Signification physique
Comme Finertie = m a = ρ v
F
ρV D
dV
dV
et Fμ = μ S
, on a inertie =
= Re
dt
dx
F fottement
μ
Le nombre de Reynolds correspond donc en fait au rapport entre les forces d’inertie et les
forces de frottement
Si Re est très grand, il y a prédominance des forces d’inertie, par contre, aux faibles valeurs,
c’est la force de frottement qui domine.
Remarque :
On ne peut pas extrapoler un modèle de fluide à faible viscosité à celui d’un fluide parfait,
avec un Re tendant vers l’infini. La distinction des deux régimes n’a pas de sens pour un
fluide parfait.
Définition
En entrée de conduite, le profil des vitesse évolue sur une certaine distance avant de se
stabiliser (et se conserver ensuite).
On définit la longueur d’entrée ou d’établissement par la grandeur Le , avec :
•
Pour Re < 100 :
Le D = 0.6
•
Pour 100 < Re < 200 :
Le D = 0.06 Re à 0.03 Re
•
Pour Re > 2000 :
Le D = 0.6 Re 0.25 à 0.8 Re 0.25
•
Pour Re > 4000 (turbulent) : Le D = 50 à 100
3. Etude du régime laminaire
Régime aussi appelé régime de Poiseuille
(Médecin - Physicien français, 1869, qui s’est intéressé à la circulation sanguine)
Considérons une longueur L d’un tube rectiligne incliné, de rayon intérieur R, parcouru par un
liquide en régime laminaire établi.
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Rappels :
r
r
Dans son mouvement le fluide est soumis à son poids P , aux forces de pression Fp et aux
r
forces de frottement Fμ . On a vu au chapitre précèdent que l’étude de son mouvement par le
PFD se traduit par l’équation de Navier :
r
r
∂ 2U r
∂V
ρ g − Grad P + μ 2 e x = ρ
∂t
∂y
Son intégration en tenant compte de l’adhérence à la paroi donne un profil de vitesses
parabolique dans le tube (cf. écoulement de Poiseuille cylindrique) :
V (r ) = −
(
1 dP* 2
R − r2
4 μ dx
)
dP * d ( P + ρ gz ) ΔP * ΔP + ρ g Δz
où
=
=
=
= Cste dans ce cas
dx
dx
L
L
La vitesse est maximale au centre du tube : Vmax
( Δz L = sin θ )
1 ΔP * 2
=−
R
4μ L
Conséquences :
•
∂V 1 ΔP *
r
=
Contrainte de cisaillement : τ = μ
∂r
2 L
•
Débit : Qv ≠ S V = ∫∫ V (r ) dS = ∫
S
R
0
∫
2π
0
Fμ = τ p A = π R 2 ΔP *
→
V (r ) r dr dθ = ... =
π D 4 ΔP *
128 μ L
Il s’agit de la loi de Hagen-Poiseuille (1840)
Qv R 2 ΔP * Vmax
=
=
S
8μ L
2
•
Vitesse moyenne : Vmoy =
•
Vc2
1
Cœfficient de correction d’Ec : α = 2 , où Vc2 =
Qv
Vmoy
Vc2 =
1
Qv
∫∫
S
2
V (r ) 3 rdrdθ = ... = 2 Vmoy
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⇒
∫∫
S
V 3 dS (vitesse d’Ec)
α =2
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Pertes de charge :
L’écoulement permanent d’un fluide réel peut être décrit par le théorème de Bernoulli
généralisé :
α1 ρ
V12
V2
+ ρ g z1 + P1 = α 2 ρ 2 + ρ g z 2 + P2 + ΔPc ,
2
2
avec α 1 = α 2 = 2
Dans le cas d’une conduite de section constante, d’après la conservation de la matière
(équation de continuité) la vitesse moyenne reste constante dans l’écoulement : V1 = V2
D’où, entre deux points (1) et (2) distants de L, on a :
ρ g ( z1 − z 2 ) + P1 − P2 = ΔPc
Soit encore ΔPc = Δ ( P + ρ g z ) = ΔP * = Cste ,
les pertes de charge sont donc constantes (linéaires)
En tenant compte du résultat précédent concernant le débit Qv et la définition du nombre de
Reynolds, on peut aussi écrire : ΔPc =
64 1
L
ρV 2
Re 2
D
Il s’agit de l’équation de Darcy-Weisbach
De manière générale, les pertes de charge peuvent s’écrire sous la forme : ΔPc = f
1
L
ρV 2
2
D
où λ est un cœfficient de frottement ou de perte de charge,
qui dans le cas de la cas cylindrique en régime laminaire vaut 64 Re
Remarque : cette écriture monte aussi qu’en régime laminaire, la perte de charge est
proportionnelle à l’énergie cinétique du fluide ( ρ V 2 2 )
4. Etude du régime turbulent
Dans l’industrie, la grande majorité des écoulements sous pression est de nature turbulente.
a) Notion de turbulence
Définition :
Un écoulement est dit turbulent lorsque certaines des grandeurs caractéristiques, comme la
pression P, la vitesse V, …présentent des variations rapides et instationnaires.
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Les particules fluides ne se déplacent plus sur des lignes de courant réguliers, mais courbes et
instationnaire, et forment des tourbillons.
Le caractère turbulent d’un écoulement a pour conséquence un profil de vitesse plus régulier
(effet de moyenne…) :
Description :
Le principe d’étude consiste, en un point donné d’un écoulement permanent, à écrire la
vitesse instantanée V (t ) comme étant la somme de la vitesse moyenne dans le temps V et
d’un terme variable V ' (t ) qui porte toute l’information des fluctuations de vitesse en ce point:
V (t ) = V + V ' (t )
Sur un intervalle de temps assez grand, la moyenne des fluctuations V ' (t ) est nulle, on peut
alors définir une valeur efficace de ces fluctuations (comme pour une tension…) :
Veff =
V '2
On évalue alors l’intensité de la turbulence par le rapport :
Veff
V
b) Etat de surface et diamètre des conduites
En régime turbulent, à tous les paramètres déjà retenus dans le cas du régime laminaire s’en
ajoute un nouveau la rugosité de la paroi, qui joue un rôle très important. En effet,
l’écoulement devient de plus en plus sensible a de petites perturbations et les aspérités vont
dévier localement la trajectoire de particules et promouvoir la turbulence.
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Définitions :
Pour une conduite de diamètre D, on définit une rugosité relative par le quotient ε D
où ε est une épaisseur moyenne caractérisant la hauteur, la forme, le nombre, et la répartition
des aspérités. Cette grandeur ε est appelée rugosité absolue.
Exemples
Pour un débit fixé, le choix du diamètre de conduite est dicté le plus souvent par la perte de
charge maximale admissible.
c) Perte de charge
En régime turbulent, les pertes de charge ne sont plus proportionnelles au débit ( ΔPc ≈ Qv )
comme en écoulement laminaire, mais dépendent de Qvn
où l’exposant n varie entre 1,8 et 2 suivant l’état de la paroi.
En pratique, on considère que la perte de charge est proportionnelle au carré du débit ( n = 2 )
et on peut toujours utiliser l’équation de Darcy-Weisbach :
ΔPc = λ
1
L
ρV 2
2
D
mais le coefficient de perte de charge λ est fonction non seulement de Re mais aussi de la
rugosité de la paroi ε : λ (Re, ε )
d) Expériences de Nikuradsé
En 1932, Nikuradsé publia ses travaux au cours desquels il étudia l’influence de la rugosité
sur le profil des vitesses, dans des écoulements en conduite cylindrique.
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Il réalisa artificiellement différentes rugosités en revêtant la paroi intérieure de ses conduites
de grains de sable calibrés par tamisage.
Résultat
On constate que :
•
dans le domaine Re < 2000 :
quel que soit l’état de la surface, le coefficient de perte de charge vaut f =
•
64
Re
dans le domaine 4000 < Re < 10 5 :
le coefficient de perte de charge est donné par la relation de Blasius : f = 0.316 Re −0.25
formule dans laquelle la rugosité n’intervient pas.
On parle d’écoulement turbulent lisse
•
dans le domaine Re > 10 5 jusqu’à l’horizontale :
le coefficient de perte de charge est donné par la 1ère équation de Karman-Prandtl :
1
f
•
(
= 2 log Re
)
f − 0.8
dans le domaine de l’horizontale :
le coefficient de perte de charge est indépendant du nombre de Reynolds.
Son expression est donnée par la 2ème équation de Karman-Prandtl :
⎛ 2ε ⎞
= 1.74 − 2 log⎜
⎟
f
⎝ D⎠
1
Dans ce domaine, on dit que l’écoulement est turbulent rugueux
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e) Formule de Colebrook ; diagramme de Moody
Pour les conduites industrielles, les valeurs du coefficient de perte de charge s’alignent sur
une courbe régulière qui s’écarte légèrement de la courbe de Nikuradsé.
Une équation empirique a été proposée par Colebrook en 1939 pour représenter la totalité de
la courbe, depuis Re = 4000 jusqu’à Re < 10 8 :
⎛ ε
2.51
= −2 log⎜
+
⎜ 3.71 D Re f
f
⎝
1
⎞
⎟
⎟
⎠
Quand ε tend vers zéro, on retrouve l’équation du régime turbulent lisse, alors que lorsque ε
tend vers l’infini, on obtient le régime turbulent rugueux.
Il est souvent commode d’utiliser une représentation graphique de λ en fonction de Re ,
paramétrée par les valeurs du rapport ε D . C’est le diagramme de MOODY :
La premières étape pour déterminer les pertes de charges dans un écoulement sera de calculer
le nombre de Reynolds pour connaître le type de régime et déterminer ensuite ΔPc , soit avec
la formule adéquate, soit graphiquement.
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5. Pertes de charge singulières (à titre indicatif, hors programme)
Exemples de singularités présentes dans un écoulement, ΔPc = k
1
ρV 2
2
Calcul
Le traitement d’un réseau hydraulique, comportant à la fois des pertes de charges régulières et
singulières s’effectue par analogie avec les circuits électriques (montage en série ou en
parallèle), pour obtenir la perte de charge totale
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