Les prévisions pour la biodiversité enfin à la portée des scientifiques

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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Mercredi 27 octobre 2010
Les prévisions pour la biodiversité
enfin à la portée des scientifiques
L’érosion de la biodiversité va se poursuivre au cours du 21ème siècle. Cependant des
mesures politiques effectives pourraient en ralentir le rythme si elles sont guidées par
une communauté scientifique unie et renforcée.
Plusieurs grandes études mondiales sur le devenir de la biodiversité ont été analysées par un
groupe d’experts internationaux, conduit par Paul Leadley du laboratoire Ecologie, Systématique
et Evolution (Université CNRS/ Paris-Sud 11/AgroParisTech, France) et Henrique Miguel
Pereira de l’université de Lisbonne (Portugal) et soutenu par le programme DIVERSITAS1, le
PNUE et la Convention sur la Diversité Biologique. La synthèse de ces travaux est publiée le 27
octobre dans la revue Science.
Les auteurs de cette synthèse ont étudié différents scénarios d’évolution de la biodiversité
terrestre2, en eau douce et marine. Les indicateurs utilisés sont non seulement les extinctions
d’espèces mais également l’abondance et la structure des communautés, la perte et la
dégradation des habitats ainsi que les modifications de la distribution des espèces.
Leurs résultats sont sans détour, ils démontrent la nécessité de changer aujourd’hui les
comportements de société afin d’éviter à l’avenir un fort déclin des populations de nombreuses
espèces.
Pour Paul Leadley professeur à l’Université Paris-Sud 11, « il n’y a aucun doute que le mode de
développement actuel mènera à une perte catastrophique de la biodiversité. Même les scénarios les
plus optimistes prédisent des extinctions et le déclin démographique de nombreuses espèces ». Si
stopper la perte de biodiversité reste « une bonne intention » ce n’est malheureusement pas un
objectif réaliste à moyen terme (d’ici 2020).
Cependant, de réels progrès sont possibles. Des scénarios récents montrent que lutter de façon
coordonnée contre le changement climatique et la déforestation peut ralentir la perte de
biodiversité. « Il y a de vraies opportunités pour intervenir, avec des politiques efficaces » confirme
Paul Leadley. Mais les mesures doivent être prises au plus vite, et cette étude montre que « les
marges de manœuvre se réduisent rapidement ». En fonction des mesures politiques prises
aujourd’hui les modèles prévoient une augmentation de la couverture forestière mondiale
d’environs 15% dans le meilleur des cas ou une réduction de plus de 10% dans le pire scénario
d’ici 2030.
1
DIVERSITAS est un programme international sur les sciences de la biodiversité créé en 2002, qui a pour objectif de promouvoir
une approche scientifique intégrée de la biodiversité, en liant les disciplines biologiques, écologiques et sociales afin de produire de
nouvelles connaissances pertinentes pour la société et de fournir des bases scientifiques pour la conservation et l’utilisation durable
de la biodiversité.
2 Millennium Ecosystem Assessment (2005), Global Biodiversity Outlook 2 (2006), the Global Environmental Outlook 4 (2007), IPCC
(2007), International Assessment for Agricultural Science, Technology and Development (2008) et de nombreuses études publiée
dans les journaux scientifiques.
Pour les experts scientifiques, la nouvelle plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité
et les services écosystémiques (IPBES3) est de ce fait «extrêmement importante». Elle pourra
proposer des définitions, des indicateurs de biodiversité et des scénarios issus du consensus
scientifique et utilisables par les décideurs. « Les enjeux pour l’humanité sont importants. Les
scientifiques ont besoin d’agréger leur expertise au sein de l’IPBES pour informer les décideurs
politiques d’une seule voix, unifiée, et qui fait autorité » poursuit Henrique Pereira de l’Université
de Lisbonne au Portugal.
L’IPBES peut jouer un rôle majeur en organisant la coopération scientifique pour réduire les
incertitudes de certains scénarios. Par exemple, les modèles prévoient des taux d’extinctions
d’espèces qui varient entre moins de 1% par siècle (proche du taux d’extinction actuel) à plus de
50 %. « Les amplitudes du changement climatique et celles des modifications à venir dans l’usage
des terres expliquent en partie ces écarts. Mais les manques de connaissances sur l’écologie de
certaines espèces sont également une source importante d’incertitudes » explique Paul Leadley.
Un défi majeur reste de prévoir le laps de temps qui mène une espèce à l’extinction et qui peut
varier de quelques décennies à plusieurs millénaires. « Il y a encore des incertitudes dans les
modèles et un désaccord au sein de la communauté scientifique concernant la probabilité des
extinctions de masse pour le siècle à venir. Mais il y a actuellement de véritables efforts de
recherche pour affiner les modèles et de nouveaux développements méthodologiques permettront
d’améliorer les prédictions» complète Thierry Oberdorff, directeur de recherche à l’IRD, coauteur de l’étude.
Cependant, les chercheurs insistent sur le fait que les changements de répartition des espèces ou
des tailles des populations seront certainement plus critiques pour le bien être humain que les
extinctions. Ces variations de l’abondance et de la taille des populations d’espèces sont
également de meilleurs indicateurs pour mesurer les pressions de l’activité humaine sur la
biodiversité. Par exemple, les espèces terrestres pourraient voir leur abondance se réduire de 10
à 20 % en moyenne d’ici 2050, principalement en raison de changement dans l’utilisation des
terres (conversion des forêts en terres agricoles, urbanisation…). Dans le domaine aquatique, la
diminution des populations de poissons due à la surpêche, à la pollution ou au changement
climatique pourrait s’avérer désastreuse pour les sociétés humaines.
« Les risques d’extinctions devraient être élevés à l’avenir, mais la « crise de la biodiversité » est
beaucoup plus que ça » assure M. Pereira. « pour le siècle à venir les changements dans
l’abondance des espèces et dans la composition des communautés auront des conséquences
importantes au niveau local».
« Pendant longtemps on a cru qu’il était impossible de produire des scénarios du devenir de la
biodiversité eu égard à sa complexité. Mais à l’instar des climatologues, les experts de la
biodiversité commencent aujourd’hui à être en mesure de faire des prévisions. Les recherches ont
beaucoup progressé et il faut continuer dans ce sens pour disposer enfin des éléments pertinents
qui aideront la prise de décision » confirme Xavier Le Roux, directeur de la FRB qui vient d’initier
un programme national de grande envergure sur les scénarios de la biodiversité.
3
Pensée sur le modèle du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), l’IPBES devrait entrer en vigueur
en février 2011, si il est approuvé ;
Les décisions prises aujourd'hui peuvent
conduire à des différences dans la couverture
forestière mondiale d’ici à 2030 de 10 millions
de kilomètres carrés (une superficie à peu
près la taille du Canada ou la Chine).
Les auteurs :
* Paul Leadley, Université Paris-Sud, directeur du laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution (ESE)
CNRS/ Université Paris-Sud 11/AgroParisTech, France
coordinateur, pour DIVERSITAS, de la synthèse sur les scénarios de biodiversité dans le cadre des Perspectives
Mondiales pour la Biodiversité 3 (GBO3) pour le Convention sur la Diversité Bioogique (version française du rapport
technique disponible sur www.fondationbiodiverste.fr). Paul Leadley est également membre du Conseil scientifique
de la FRB et préside le comité de pilotage du programme national FRB « modélisation et scénarios de biodiversité ».
* Henrique M. Pereira, Vânia Proença, and Patrícia Rodrigues, Centro de Biologia Ambiental, Universidade de
Lisboa, Portugal.
* Juan F. Fernandez-Manjarrés, CNRS, Laboratoire d'Ecologie, Systématique et Evolution, Université Paris-Sud
11/CNRS/AgroParisTech, France
* Rob Alkemade, Netherlands Environmental Assessment Agency, Netherlands
* Jörn P. W. Scharlemann and Matt Walpole, United Nations Environment Programme World Conservation
Monitoring Centre, UK
* Miguel B. Araújo, Departamento de Biodiversidad y Biología Evolutiva, Madrid, Spain, and Universidade de Évora,
Portugal
* Patricia Balvanera, Universidad Nacional Autónoma de México
* Reinette Biggs, Stockholm University, Sweden
* William W. L. Cheung, University of East Anglia, United Kingdom
* Louise Chini, University of Maryland, USA
* H. David Cooper, Secretariat of the Convention on Biological Diversity, Canada
* Eric L. Gilman, Hawaii Pacific University, USA
* Sylvie Guénette and Ussif Rashid Sumaila, University of British Columbia, Canada
* George C. Hurtt, University of Maryland, and Joint Global Change Research Institute, USA
* Henry P. Huntington, Pew Environment Group, USA
* Georgina M. Mace, Imperial College London, UK
* Thierry Oberdorff, Institut de Recherche pour le Developpement, France
* Carmen Revenga, The Nature Conservancy, USA
* Robert J. Scholes, CSIR Natural Resources and Environment, South Africa
L’article paru dans la revue Science est accessible sur le site de Science Express. Il est disponible sur demande auprès
de AAAS Office of Public Programs : +1-202-326-6440; [email protected]
Pereira H.M., Leadley P. et al., Scenarios for Global Biodiversity in the 21st Century, Science (vol.330, 29
octobre 2010)
Paul Leadley, Thierry Oberdorff et d’autres experts français sont disponibles pour interviews
Contact presse pour la France :
Elisabeth Leciak, Fondation pour la recherche sur la biodiversité
[email protected] 01 80 05 89 22
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