La République n’a pas à s’ingérer dans la doctrine et les cultes, car « la laïcité demeure
un acquis politique que nul ne conteste dès lors qu’elle conjugue la neutralité religieuse
de l’Etat avec le libre exercice des cultes et l’autonomie des institutions publiques
comme des institutions religieuses. [Conclusion, p. 458]» De cette rencontre entre les
diverses conceptions et pratiques de l ‘islam en France et la laïcité « se développe en fait
un métissage, une hybridation des deux. C’est comme si les musulmans n’en finissaient
pas de s’interroger sur le sens et les contours de leur appartenance à l’islam dans un
environnement largement sécularisé [p. 458] (…) « La laïcité se trouve en même temps
interpellée dans sa capacité à prendre en compte une nouvelle réalité confessionnelle… 4»
Nous invitons les lecteurs à se reporter à la Table des matières de l’ouvrage qui, « de
l’opposition à l’interaction », comme un véritable guide, décrit le chemin d’approche
permettant de se détacher des stéréotypes et d’approfondir ses connaissances à propos
d’une histoire religieuse, philosophique et politique aussi complexe.
Avec la section sur Les musulmans de France face à la sécularisation, l’auteur recense
les divers types de postures et positions rencontrées, décrivant une sécularisation très
contrastée : tant en ce qui concerne dans les niveaux et degrés d’observance [Chap. IV, p.
111 et suiv.] qu’à travers la pluralité des modes d’appartenance [Chap. V, p. 147 et suiv.].
D’autant que les sources et origines des courants de l’islam, cela est bien décrit en
première partie, sont elles-mêmes très diverses. Surtout, il ne faut pas oublier qu’elles ont
importé des éléments culturels et cultuels qui, eux, tiennent davantage aux faits
civilisationnels des pays concernés, que de l’origine islamique stricte5. Dans toutes les
religions, on a toujours tendance à élever au niveau de la doctrine et de la croyance ce qui
n’est qu’un donné culturel d’une époque et d’une région spécifique. Et, bien souvent, ces
éléments ajoutés, parce qu’ils sont proches des pratiques quotidiennes des gens, prennent
plus d’importance que les fondamentaux proprement dits, quand ils ne les occultent pas.
Concernant les conceptions « intégralistes » dans l’islam, Franck FREGOSI rappelle, dans
une interview, les conceptions et a-priori en présence :
« Parallèlement, il faut se montrer vigilant par rapport à l'émergence de courants
maximalistes, développant une vision intégraliste, exclusive, anachronique et sectaire de
l'islam. S'ils sont dans l'ultra-religiosité et pas forcément dans une démarche politique,
ces groupes trouvent leurs terrains de prédilection dans les zones de relégation et de
misère sociale. Pour qu'existe un sentiment d'appartenance, il faut que la République
puisse, dans la mesure du possible, prendre en compte les besoins religieux des individus.
Or, la laïcité est chez les musulmans, souvent perçue comme une sanction et comme une
prohibition. Il faut démontrer que la laïcité permet au contraire d'accueillir un certain
nombre de différences. Il existe une laïcité de reconnaissance qui peut légitimement
apporter des solutions pragmatiques aux questions qui se posent.6 »
4 qui constitue, faut-il le rappeler, la deuxième religion en France.
5 FREGOSI, évoque à propos des débats en Egypte sur l’islamisation du Droit, qu’un magistrat
rappelle que « sur les 6000 versets du Coran, seuls 700 d’entre eux traitent de prescriptions légales
relatives au culte, aux relations entre les hommes, et, parmi ces dernières, 90 sont toujours en
vigueur… » - « Il en déduit que ces quelques versets à teneur juridique ne justifient pas que l’on
considère le Coran comme un recueil de droit positif. » [p. 76-77]
6 Interview suite à la publication du livre de Gilles KEPEL, Banlieue de la République. Société,
politique et religion à Clichy-sous-Bois et Montfermeil - Avec la collaboration de Leyla Arslan et
Sarah Zouheir, la participation de Mohamed-Ali Adraoui, Dilek Yankaya et Antoine Jardin - Hors
série Connaissance, Gallimard, 2012.(Cette enquête réalisée à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil
[93] a établi un lien entre la relégation sociale ou géographique de certains quartiers, et la
valorisation de l'islam chez des populations où se mêlent Français issus de l'immigration et primo-
arrivants.) Voir :
http://religion.blog.lemonde.fr/2011/10/15/islam-et-republique-des-specialistes-reagissent-au-
rapport-kepel-1/