Les noms d`état psychologique et leurs « objets »: explication d`une

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Les noms d’état psychologique et leurs « objets »
Lucie Barque (Université Lille 3)
Antonio Fábregas (Universitetet i Tromsø)
& Rafael Marín (Université Lille 3)
Le cas de polysémie le plus étudié dans la littérature consacrée aux noms déverbaux est sans
doute celui des noms, tels que construction, imitation, traduction…, qui peuvent dénoter,
outre l’action dénotée par le verbe source, le résultat de cette action (Grimshaw, 1990 ;
Rappaport Hovav et Levin, 1992 ; Bisetto et Melloni, 2007).
(1)
a. La construction des pyramides a duré plusieurs siècles.
b. Faire glisser une construction de plusieurs milliers de tonnes relève de la gageure.
Le nom construction en (1a) se distingue du nom construction (1b) dans la mesure où lui seul
peut être modifié par un complément exprimant le résultat de l’action de construire. Le nom
en (1b) n’accepte pas cette modification puisqu’il dénote lui-même le résultat de la
construction.
Dans cette présentation, nous allons nous intéresser à une autre alternance de sens bien
connue chez les noms déverbaux (Alonso-Ramos, 2009) : l’alternance entre un état
psychologique (étatψ) et l’« objet » de cet état, alternance illustrée par le nom obsession en
(2).
(2)
a. Laurent Maisonnave nous parle de son obsession pour la vidéo sur le web.
b. Lindsey Vonn n'a qu'une obsession à 3 semaines de Vancouver : ne pas tomber
malade.
Cette alternance présente des similitudes avec l’alternance illustrée en (1) : le nom obsession
en (2a) se distingue du nom obsession (2b) dans la mesure où lui seul peut être modifié par un
complément exprimant l’objet de l’état d’obsession. Le nom en (2b) n’accepte pas cette
modification puisqu’il dénote lui-même l’objet. On remarque toutefois que, contrairement au
nom construction en (1b), le nom obsession en (2b) semble aller de pair avec l’explicitation
de l’objet de l’état, explicitation qui ne peut se faire alors que dans une partie de l’énoncé ne
dépendant pas syntaxiquement du nom, en l’occurrence ici dans une addition en fin de phrase.
La polysémie illustrée en (2) n’est pas une polysémie systématique, c’est-à-dire
qu’elle ne s’observe pas chez tous les noms dénotant des états psychologiques (Apresjan,
1974). Notre objectif ici est de voir s’il est possible alors de prédire cette polysémie. Nous
procéderons pour ce faire en trois étapes. Nous nous pencherons tout d’abord sur les verbes
d’étatψ et sur les noms qui leur sont liés morphologiquement, afin de constituer notre corpus
d’étude de noms d’étatψ. Nous étudierons ensuite les noms d’objetψ en indiquant d’une part
leur spécificité par rapport aux noms d’objet qui résultent d’événements (tels que
construction, reproduction, etc.) et en les distinguant, d’autre part, de certains emplois de
noms d’étatψ susceptibles de leur être amalgamés. Enfin, dans un troisième temps, nous
proposerons une description précise des noms polysémiques étatψ~objetψ au regard des verbes
qui leur sont liés, nous permettant de prédire quels noms d’étatψ sont susceptibles de produire
des noms d’objetψ et quels noms d’étatψ ne le sont pas.
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