Le Doyen participe à d’importantes manifestations écologistes à Paris en marge de la COP21 C’est davantage pour des raisons de responsabilité chrétienne et en tant que membre du directoire de l’association suisse « Oeku Eglise et environnement » qu’en tant que doyen que j’ai participé aux manifestations « Lignes rouges ou D12 » à Paris le 12 décembre 2015. Avec d’autres milliers de personnes venues pour beaucoup d’entre elles de l’étranger, j’ai assisté aux événements parallèles de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, lors de la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Elle s’est déroulée du 29 novembre au 13 décembre 2015 sous le titre anglais « United Nations Framework Convention on Climate Change, 21st Conference of the Parties » (d'où le nom COP21). L’alliance suisse pour le climat avait organisé des trains en partance de Bâle et de Genève. Quelques groupes d’autres pays, comme d’Angleterre et du Vietnam, sont venus à vélo ou même à pied. Vêtu de mon habit de dominicain, je portais comme tous les autres manifestants des fleurs rouges et un autre objet également de couleur rouge, symbole de la cote d’alerte rouge pour le climat. Munis de banderoles rouges, les militants ont tracé une ligne rouge « à ne pas franchir » pour le réchauffement climatique. « Les lignes rouges de limitation à 2°C de réchauffement climatique en négociation à la COP21 sont largement dépassées et il faudra rester actifs le 12 décembre et après aussi » a déclaré le responsable de « 350.org », une des 130 organisations non gouvernementales regroupées dans la Coalition Climat 21. Une des banderoles rouges sur l’Avenue de l’Armée Le texte de l’accord du COP 21, jugé très loin des ambitions portées par différentes ONG, était facteur de mobilisation. Il était à prévoir que les militants pour le climat présents tout au long de la Conférence de Paris seraient déçus par un accord jugé trop peu ambitieux. Après avoir accepté à divers échelons les limitations de sécurité, les organisateurs n’ont pas annulé leur manifestation du samedi 12 décembre 2015 veillant à promulguer le message « Climate justice for peace » (« justice climatique pour la paix »). Le ministère de l’intérieur ayant exprimé aux organisateurs son opposition à un rassemblement au centreville, la négociation avec la préfecture de police pour son autorisation était ouverte jusqu’au samedi matin. Le vendredi, les organisateurs ont donc préparé les manifestants à des actions de désobéissance civile. Arrivés par train de Bâle, nous, les participants suisses, nous sommes rendus à un « briefing » dans la Zone d’action pour le climat, la ZAC, dans le 19e arrondissement de Paris. Il nous a été conseillé de nous présenter par groupe de deux personnes le lendemain, car selon la législation française, une manifestation peut être considérée à partir de trois personnes déjà. Il nous a été recommandé d’apprendre par cœur les noms des avocats à citer en cas d’arrestation. L’autorisation pour les manifestations était donnée presque à la dernière minute. Malgré l’état d’urgence depuis les attentats à Paris, les autorités avaient compris qu’ils ne pouvaient pas empêcher des milliers de militants pour le climat d’occuper l’espace public. Les manifestants sur l’Avenue de la Grande Armée. L’action « Lignes rouges », initialement prévue à 12h, a été avancée à 11h45 et s’est tenue sur l’Avenue de la Grande Armée, dans un quartier très symbolique de la capitale entre l’Arc de Triomphe et la Porte Maillot. Au départ, sonné par une corne de brume, les militants ont été invités à se diriger vers la Porte Maillot en déployant deux immenses banderoles et à observer une minute de silence pour les « victimes passées et futures du changement climatique ». Plusieurs milliers de personnes ont alors rendu hommage aux victimes du réchauffement climatique en dénonçant les responsables. Derrière les communautés autochtones et les populations les plus touchées en tête de cortège, plus de 10 000 personnes ont défilé en déroulant une banderole de 105 mètres de long sur laquelle on pouvait lire « We won’t stop here. It’s up to us to keep fossil fuels in the ground » Veillés par des anges gardiens et derrière une barrière de cubes on comblait l’Avenue de la Grande Armée. (Nous ne nous arrêtons pas là. À nous de décider de laisser les combustibles fossiles sous terre). Les nombreux manifestants ont été encadrés par quelques 2 000 policiers. Dans les cortèges, on pouvait entendre et lire des slogans comme « La Cop 21 n’est pas la solution » ou encore « Je suis Climat ». Les participants étaient majoritairement jeunes, mais il y avait aussi des gens aux cheveux gris comme moi. La «ligne rouge» a été symboliquement tracée par les militants à l'aide de 5 000 tulipes rouges déposées à terre sur des banderoles. Beaucoup m’adressaient la parole soit parce qu’ils faisaient partie d’un groupe chrétien et étaient ravis de voir un homme de l’Église parmi eux ou parce qu’ils étaient simplement curieux et voulaient savoir ce que je représentais. Je trouve dommage qu’à part la présence d’un autre Dominicain en habit (responsable de l’Ordre des Prêcheurs pour Justice et Paix), l’Église soit restée invisible dans cet événement. À 14h, au pied de la Tour Eiffel, une quinzaine d'organisations ont appelé les citoyens à se mobiliser de manière "pacifique et déterminée" sous le thème « +3°C État d’urgence climatique ». Les personnes présentes formaient des chaînes humaines tout au long du Champs de Mars en signe de manifestation pour une justice climatique et pour « la construction d’une paix durable dans un monde acceptable ». C’était un rassemblement « massif, pacifique et déterminé ». Je me sentais trop fatigué pour rejoindre la chaîne humaine devant moi et me suis assis sur un banc. Bientôt un autre activiste a pris place à côté de moi. Il portait un maillot de bain et deux bouées pour manifester sa peur que l’eau de mer ne lui arrive bientôt jusqu’au cou, souci justifié, considérant qu’il fait 0° C au Pôle Nord à Noël. Une photographe de presse catholique a pris furtivement une photo de nous en pleine discussion et l’a postée sur Twitter. Il me semble que Saint Pierre a soutenu la manifestation à Paris en démontrant le réchauffement climatique par ce décembre aux températures printanières. La manifestation du Champs de Mars à la Tour Eiffel s’est transformée peu à peu en un concert de musique convenant davantage aux jeunes participants qu’à ceux de mon âge. Vers 16 heures, je retournais donc à mon hébergement très content d’avoir été privilégié de témoigner pour une Eglise qui partage les soucis d’une grande partie de la société civile, surtout jeune, sur l’avenir du climat et sur la justice mondiale. Hans Ulrich Steymans