Les marchés du carbone forestier
Avec une taille de 25 millions d’euros en 2008, le paysage du marché du carbone forestier est
en rapide évolution, la vente de crédits carbone constituant dès à présent un levier significatif
à l’investissement pour un projet forestier. Il suscite l’intérêt des forestiers, car il est
susceptible d’améliorer leur revenu, alors mêmes qu’ils contribuent au stockage du carbone.
Cependant, cette question est complexe. La présente note schématise la situation à l’automne
2011, dans un contexte en pleine évolution.
434 projets carbone dans le monde
La carte ci-dessus montre le nombre de projets carbone par pays. Ce sont essentiellement des
projets de boisement-reboisement.
Evolution du marché du carbone
Si le décollage sur les marchés d’engagement n’a pas encore été observé, seize méthodologies
ont été acceptées par le Comité Exécutif du Mécanisme pour un Développement Propre
(MDP), qui est l’un des mécanismes de flexibilité prévu par le Protocole de Kyoto. Plus de
dix projets MDP forestiers sont enregistrés et plus d’une quarantaine de projets de boisement /
reboisement sont maintenant candidats à la validation. Parallèlement, les négociations
internationales pour définir les engagements en matière de lutte contre le changement
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climatique après 2012 envoient un certain nombre de signaux positifs concernant l’avenir du
marché carbone pour le secteur forestier. La conférence de Bali a marqué une étape fondatrice
dans la prise en compte de la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts (REDD)
dans le devenir du Protocole de Kyoto. La dynamique REDD, réaffirmée lors de la dernière
conférence internationale sur le changement climatique à Cancun, ravive la question des
modalités économiques et financières de paiement pour service environnemental.
Dans ce contexte, les projets forestiers profitent de ces nouvelles opportunités. Du côté des
marchés volontaires, l’euphorie désordonnée des premiers temps a cédé la place à
l’instauration de standards qui professionnalisent en partie ce marché non régulé.
Evolution du marché du carbone forestier, en Millions de tonnes équivalent CO2 (Source :
Ecosystem Marketplace) par type de mécanisme
Ce graphique montre que les marchés volontaires se sont progressivement imposés comme
une alternative réelle et complémentaire aux marchés d’engagement de type « Kyoto ». Les
marchés volontaires permettent en effet à des projets innovants, communicants et exemplaires
du point de vue environnemental et social de se développer. Des projets plus complexes ayant
vocations à devenir des modèles pour le reste du marché, comme les projets REDD, sont
d’ores et déjà appuyés par des mécanismes « pilotes » comme le Fonds de Partenariat pour le
Carbone Forestier de la Banque mondiale.
Le cas français
En France, quatre types d’actions contre le changement climatique dans la filière forêt-bois
française peuvent être valorisées sur des marchés du carbone :
- Augmenter le stock de carbone en forêt
- Augmenter le stock de carbone dans les produits du bois
- Substituer du bois aux combustibles fossiles (bois-énergie)
- Substituer du bois à des matériaux énergivores (bois-matériau)
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Les actions de type « augmentation du stock » sont principalement valorisables sur les
marchés volontaires du carbone. Des développements sont néanmoins nécessaires pour mettre
en œuvre cette valorisation.
Les actions de type « substitution » sont uniquement valorisables sur le marché réglementé du
carbone. Elles sont actuellement valorisées au niveau de l’utilisateur (construction
immobilière, production d’électricité, production de chaleur, etc.), mais la filière forêt-bois
peut tirer partie de ce système, par exemple à travers des contrats d’approvisionnements.
Trois catégories de projets qui peuvent être mis en oeuvre pour actionner ces leviers dans la
filière forêt-bois :
- Reboisement / Déboisement évité ;
- Gestion forestière améliorée ;
- Utilisation des produits optimisée (en termes du stockage de carbone).
Des études ont permis de comparer l’intérêt de différents projets adaptés à la situation de la
forêt française, et ce dans un contexte de changement climatique.
Comparaison de la séquestration / substitution carbone à 25 ans
Effet nets (en tCO2e/ha) = Scénario projet (SP) Scénario de référence (SR)26 (source CDC
Climat)
Cette figure synthétise la séquestration nette de carbone de chacun des projets, rapportée à
l’hectare, au bout de 25 ans. En ce qui concerne les effets valorisables dans le marché
volontaire, ce sont les projets 1, 3 et 5 qui présentent les effets les plus intéressants en termes
d’augmentation du stock forêt et les projets 3 et 6 dans les produits bois.
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Le projet 1 permet d’obtenir une hausse nette du stock forêt plus élevée que celle des projets 3
et 5 (respectivement +62 tCO2e/ha et +83,5 tCO2e/ha). En revanche, il est possible que le
projet 1 requière des coûts d’investissement et d’opérations plus élevés que le projet 3.
Le deuxième projet fournit l’impact agrégé le plus important. Celui-ci est cependant réduit de
15 % par les émissions de gaz à effet de serre liés aux travaux et aux engrais. Par ailleurs, la
valorisation de ce projet dans un cadre volontaire s’avère difficile : l’important effet de
substitution énergétique ne peut pas être valorisé dans le marché volontaire, et l’augmentation
du stock en forêt ne compense pas les émissions de gaz à effet de serre du projet.
Comparaison du nombre de crédits générés par chaque projet à 25 ans (crédits mis en réserve
inclus) – Source CDC climat
Cette figure traduit ces chiffres en quantité de crédits carbone. Elle montre que les projets 1, 3
et 5 sont ceux qui à un horizon de 25 ans génèrent le plus de crédits par hectare. Comme
indiqué auparavant, les projets 2 et 7 ne génèrent aucun crédit VCU. Ramené à l’hectare, le
nombre de crédits produits par le projet 6 devient presque négligeable. Mais vu qu’il s’agit
d’un projet à grande échelle, il atteint néanmoins 2,6 M VCU au bout de 25 ans.
En d’autres termes, tous les projets ne permettent pas une rémunération avec des crédits
carbone.
Financement des projets carbone forestier
Les crédits carbone rémunèrent un service environnemental fourni par les forêts. C’est une
source de revenus parmi d’autres (produits bois, etc.), non une source de financement. De fait,
les barrières à l’investissement sont particulièrement importantes :
- Investissements initiaux très importants,
- Les retours sur investissement sont délayés dans le temps,
- Les risques sont élevés (techniques et politiques, peu de visibilité sur les marchés, etc.)
Les co-bénéfices environnementaux renforcent la viabilité des projets.
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Cependant, la certification d’un projet carbone coûte cher, de l’ordre de plusieurs dizaines de
milliers d’euros. Elle n’est intéressante qu’à partir d’une taille minimale qui permet au porteur
de projet de rentrer dans ses frais. Pour un boisement en France métropolitaine par exemple,
l’ordre de grandeur de cette taille critique serait de 100 ha.
Pour en savoir plus
-Valorisation carbone de la filière foret-bois en France : Etude climat n°20 de la Caisse
des Dépôts et Consignations
- Le club carbone forêt-bois, fondé en 2010 par divers orgnaismes, dont ceux de la forêt
privée française : http://www.cdcclimat.com/Le-Club-Carbone-Foret-Bois.html
-Les marchés du carbone forestier
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-Economie et politique forestières – généralités
Voir aussi :
-L’évaluation économique des services fournis par la forêt pour l’eau potable
-Les différentes valeurs d’une forêt
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