Du point de vue de l’anthropologie politique et historique (Cf. Balandier (1963), les
situations coloniales et les dynamiques du dedans et du dehors traduisent des transformations
permanentes des sociétés dites exotiques et interdisent toute vision essentialiste sur les
sociétés. De même, selon Althabe (1973), les formes «traditionnelles » telles les danses de
possession, ne sont que des libérations dans l'imaginaire face à des oppressions post coloniale.
Ces approches ont l’intérêt d’historiciser les sociétés et d’adopter une approche dynamique.
Elles occultent, en revanche, largement le champ de l’économie
Une anthropologie des projets de développement ?
Olivier de Sardan (2001) différencie trois approches de l’anthropologie du
développement; celle discursive qui traite de la rhétorique, celle populiste qui privilégie les
savoirs populaires et celle de l’interactionnisme méthodologique qui traite des interrelations
notamment à partir des projets de développement. La question économique a été, ainsi,
réintroduite par l’anthropologie des projets (de) ou appliquée au développement (Chauveau
(1981-82), Olivier de Sardan (1995), J-F Baré (2001). Le développement est alors conçu
comme un terme et une catégorie locale porté par un des acteurs ou locuteurs mais non pas un
concept susceptible d’expérimentation ou de réfutation. Olivier de Sardan le définit comme
«l’ensemble des processus sociaux induits par les opérations volontaristes de transformation
d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu
mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources
et/ou techniques/et ou savoirs » (Olivier de Sardan (1995) p 7). Dans le cas des transactions
corruptives, plusieurs degrés apparaissent entre les normes pratiques adaptatives, quasi
tolérées, transgressives et palliatives face à la défaillance des services publics.
Le projet de développement est «une arène à l’intérieur de laquelle s’affrontent et
négocient des groupes stéréotypes dotés de ressources, d’objectifs et de visions du monde
différencié » (Bako-Arifari, Le Meur in Baré (2001) p 134. Face au «package» technique, aux
savoirs et pouvoirs des intervenants dominants (les experts en développement), les acteurs
«dominés» ont des principes d’action fondés sur la ruse, le détournement, la réinterprétation
(Copans, 2007, Ferguson 1990). Cette approche micro veut rompre avec une vision macro et
normative en terme de modernisation, et holiste de fait social total. Elle dévoile les raisons des
échecs des projets portés par les acteurs développementalistes et montre en quoi un projet
économique soit disant neutre politiquement est au cœur du politique
Cette anthropologie du développement présente également des limites. Elle analyse
peu en quoi les rapports hégémoniques conduisent à intérioriser des normes et à modifier les
aspirations des «développés». Elle demeure pauvre sur les régimes économiques (rentiers,
d’accumulation) et politiques (autoritaires, totalitaires) à l’intérieur desquels se déploient les
projets et les stratégies d’acteurs.
VERS UNE ANTHROPOLOGIEECONOMIQUE DANS UN MONDE GLOBALISE
Présentée précédemment, la dichotomie entre anthropologie et économie échoue à
comprendre la manière dont les acteurs s’insèrent dans des sociétés mondialisées et dominées
par le capitalisme même si celui-ci ne détruit pas les autres formes comme “la locomotive
écrase la brouette ». Elle intègre mal les transformations très rapides socio-institutionnelles
des sociétés liées notamment à l’urbanisation, à l’explosion démographique, aux mutations
culturelles et religieuses, à la conflictualité. Elle aboutit à une représentation dualiste
tradition/modernité, formel/informel, légal/’illégal, licite/ illicite, légitime/illégitime, sociétés
«matures » du Nord,/ Sociétés complexes du Sud .au lieu de prendre en compte, la
dialectique de l’universel et du particulier dans toute société, l’hybridité, le métissage, la
transgression des règles,les interconnexions, les transformations. Elle tend à privilégier de
manière synchronique les marqueurs identitaires en termes d’autochtonie, de référents