Pas de transition énergétique sans changement de Paradigme Pour

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Focus
Mars 2014
Thomas Ober
Consultant
Pas de transition énergétique
sans changement de paradigme
pour les réseaux électriques
Dans le cadre de la Transition Energétique, les Smart Grids sont présentés comme
LA solution, mais à quels problèmes ?
Si le développement des énergies renouvelables modifie les parcs de production d’électricité,
la fermeture de nombreuses centrales à gaz ces dernières années en témoignent, la
production massive d’énergie intermittente induit de nouveaux enjeux.
Stéphane Meunier
Directeur
En effet, le système électrique français a été conçu dans une logique de centralisation
des moyens de production alors que les énergies renouvelables sont réparties sur le
territoire, voire même diffuses pour les moyens de faible puissance.
Par conséquent, la mutation des réseaux de distribution électrique est inéluctable : les
Smart Grids bouleversent les niveaux de subsidiarité.
Le fonctionnement du réseau électrique français : quelques rappels
Le réseau électrique français a été conçu pour transporter de l’énergie des lieux de production
centralisés vers les différents points de consommation. Il se divise en trois niveaux :
ƒƒ
ƒƒ
ƒƒ
Le réseau de transport national qui permet d’acheminer de l’énergie sur de grandes
distances. Cette partie du réseau peut être maillée ou radiale en fonction des régions.
Les réseaux régionaux de répartition qui alimentent les réseaux de distribution. Leur
structure est similaire à la catégorie précédente.
Les réseaux de distribution qui desservent le client final. Leur structure est toujours
arborescente.
1
focus
Pas de transition énergétique sans changement de paradigme
La modernisation du réseau électrique
L’électricité d’aujourd’hui
Les choix de demain
Centrales
Parc photovoltaïque
Parc éolien
charges
à distance
Toiture
photovoltaïque
Station
intelligente
Cogénération
Industrie
Source : Business English Magazine (business-english.pl) / GROUPE ONEPOINT
Pour des raisons de rentabilité, les centrales
de production fournissent généralement
d’importantes quantités d’énergie et sont
connectées aux réseaux de transport national
ou régional en fonction de leur capacité de
production.
Chaque niveau du réseau possède un
niveau de tension qui lui est propre. Tous
sont reliés les uns aux autres grâce à des
transformateurs permettant de passer d’un
niveau de tension à un autre.
Les flux d’énergie au sein des réseaux
maillés peuvent être bidirectionnels,
contrairement au réseau de distribution
dans lequel le flux d’énergie est
historiquement unidirectionnel, du poste
de transformation vers les différents points
de consommation. Chaque poste de
transformation est équipé d’instruments de
mesure qui transmettent leurs informations à
des centres de dispatching dont la mission
est de superviser le réseau.
La gestion du réseau électrique et la
planification des flux qui y transitent sont
tout aussi importantes que sa structure.
En effet, l’électricité est une énergie non
stockable sous sa forme utile, qui nécessite
d’être transformée en un autre type d’énergie
pour être conservée. Que ce soit sous forme
d’énergie hydraulique, chimique (batterie)
ou cinétique (volant d’inertie), toutes ces
transformations ont un coût. Il est donc
préférable d’utiliser l’énergie produite et
injectée sur le réseau immédiatement.
Par ailleurs, pour conserver le synchronisme
des différentes sources connectées au réseau
électrique, la quantité d’énergie produite
doit être égale à celle consommée à tout
moment. Afin de répondre à cette exigence,
des réserves de puissance sont prévues
afin de pallier les déséquilibres ponctuels.
Ces réserves sont activées lorsque la
consommation excède la production : plus
cet écart est important, plus il est nécessaire
de faire appel à des moyens de pointe, en
partie constitués par des centrales thermiques
dont le combustible est issue des énergies
fossiles. Le coût de fonctionnement de ces
centrales est élevé et leurs émissions de CO2
sont considérables.
1. http://www.erdf.fr/Compensation_des_pertes
2
L’un des objectifs de la Transition Énergétique
est de se passer un maximum de ces
centrales sachant qu’il existe un effet
pervers : moins une centrale est utilisée,
plus son coût marginal de fonctionnement
est élevé et moins elle est rentable, ce qui
peut mener à sa fermeture…
Le transport d’électricité est également
soumis à des pertes qui se trouvent en
majorité sur le réseau de distribution
(6% de l’énergie acheminée1). En effet,
c’est là que le niveau de tension est le plus
faible. Il est donc préférable que les points
de consommation se situent au plus près des
sources de production. De façon naturelle,
l’électricité consommée est celle qui est
produite au plus proche.
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Pas de transition énergétique sans changement de paradigme
L’impact de l’insertion des EnR2
L’insertion massive d’énergie renouvelable
impacte le réseau à plusieurs niveaux.
Les installations de faible puissance
Les installations de production d’électricité
d’origine renouvelable de faible puissance
sont diffuses dans l’espace et intermittentes.
Ces deux caractéristiques principales
s’opposent aux sources de production
traditionnelles, centralisées et pilotables.
Le mode de gestion traditionnel du réseau
électrique risque donc de ne plus être
adapté.
Les champs d’éoliennes et les centrales
solaires
A ces installations de faible puissance,
s’ajoutent les champs d’éolienne et les
centrales solaires qui sont connectés au
réseau régional ou national (en fonction de
leur puissance). Ce sont des sources de
production de forte puissance non pilotables
dont les prévisions de production à moyen
terme s’avèrent difficiles à modéliser. Quant
aux prévisions à court terme, elles restent de
qualité limitée, bien qu’en nette amélioration
ces dernières années.
Analyse de ces nouvelles installations
A première vue, ces nouveaux moyens de
production semblent pertinents aux vues des
problématiques évoquées puisque :
ƒƒ Ils sont situés au plus près des points
de consommation.
ƒƒ Ils limitent les pertes sur le réseau.
ƒƒ Leurs sources d’énergie primaire sont
gratuites.
Mais ces nouvelles connexions sont
susceptibles de créer des situations critiques
pour le bon fonctionnement du réseau.
Tout d’abord à l’échelle locale, le
dimensionnement des réseaux de distribution
et de leurs systèmes de supervision a été
pensé pour un flux d’énergie unidirectionnel.
Dans certaines zones de forte concentration
de production d’énergie intermittente,
lorsque la production n’est pas en phase
avec la consommation (typiquement à midi,
en été), le flux d’énergie change de sens. Le
réseau de distribution peut donc localement
être soumis à des flux bidirectionnels.
Il devient donc indispensable pour les
gestionnaires d’observer le réseau de
distribution pour anticiper de possibles
congestions et prendre les mesures
adéquates garantissant la qualité de services
à ses utilisateurs.
A l’échelle du système électrique global,
l’impact de l’insertion massive des énergies
renouvelables se ressent au niveau de la
planification des sources de production
traditionnelles. En effet, la production
d’énergie renouvelable étant difficilement
prévisible, les moyens de production
traditionnels devront s’adapter aux variations.
Cet ajustement doit être réalisé rapidement
et ne peut donc pas être effectué par
les centrales nucléaires qui ont une forte
inertie. Les barrages hydrauliques ainsi
que les centrales thermiques prendront le
relais. Bien que les centrales thermiques
soient couteuses et polluantes, elles restent
indispensables au réseau grâce à leur
réactivité et leur grande flexibilité.
Du smart meter au pilotage local
des réseaux de distribution
Le déploiement des compteurs intelligents
(smart meter) permettra aux gestionnaires
de réseau de distribution de faire d’une
pierre deux coups.
En premier lieu, il permet de faire de la
télé relève des données de consommation
de façon régulière, et donc d’affiner les
prévisions de consommation.
De plus, ce compteur transmet des données
sur les caractéristiques physiques du réseau
(la tension à un point de consommation
ou encore la puissance instantanée
consommée) mais également les données de
production des installations de faible
puissance, permettant ainsi d’améliorer
les modèles de prévision de production.
Avec ces données, il sera donc possible
d’observer en quasi temps réel le réseau.
La problématique de l’observabilité résolue,
il reste aux gestionnaires du réseau à trouver
un moyen de gérer ces nouveaux flux de
puissance bidirectionnelle et la forte variabilité
de production de ces nouvelles sources de
production.
2. EnR : Energies Renouvelables - 3. CRE : Commission de Régulation de l’Energie
3
Une des solutions envisageables réside
dans le renforcement du réseau afin de
permettre une meilleure circulation des flux
et de diminuer les pertes. Néanmoins, cette
solution est onéreuse et longue à mettre en
place. De plus, elle ne résout pas la
problématique de l’utilisation des centrales
thermiques en back-up des énergies
renouvelables.
Une gestion locale du réseau permettrait de
pallier certains problèmes. En effet, les
nouvelles technologies d’onduleurs associées
aux générateurs d’énergie décentralisée
sont maintenant pilotables à distance.
Cependant, pour le moment, le pilotage des
onduleurs est interdit par la CRE3 mais cette
innovation offre de nouvelles perspectives.
Cela change complétement le statut des
EnR, jusque-là considérées comme un
élément perturbateur, pourraient devenir
un élément régulateur. La gestion locale
permettra de gérer le niveau de tension
sur le réseau de distribution en utilisant les
informations des compteurs intelligents et
en agissant sur les puissances injectées par
les installations d’énergie décentralisée. Ce
type de gestion permettra une planification
optimisée des investissements sur le réseau
grâce à une meilleure connaissance de ce
dernier. Le seul point négatif à cette solution
reste la perte d’énergie gratuite lorsque le
réseau ne peut supporter toute la production
issue des EnR.
focus
Pas de transition énergétique sans changement de paradigme
A une échelle plus globale, pour réduire l’utilisation des moyens de pointe, deux solutions
existent.
1. Lisser la consommation
Grâce aux nouvelles technologies de communication et à la domotique, les principaux
postes de consommation peuvent être pilotés.
Pour valoriser cette capacité d’effacement, des agrégateurs vont regrouper les différents
clients afin d’avoir un portefeuille suffisamment conséquent pour être valorisable sur le marché
de l’électricité. Cette solution va permettre de « recaler » les consommations avec la production
d’énergie, autrement dit agir sur la demande plutôt que sur l’offre.
2. Utiliser d’autres sources de production
Une autre solution possible est l’insertion de moyens de stockage dans les zones soumises
à des flux de puissance bidirectionnels. Le lieu de connexion de ce moyen de stockage, sa
capacité ainsi que sa technologie devront être déterminés au cas par cas par des études
technico-économiques qui permettront de justifier ces différents choix.
Cette solution, bien qu’utilisant un système de conversion électrochimique, a pour avantage
de garder la production locale et donc de limiter un maximum les pertes réseau. En effet,
le système de stockage se rechargera lorsque la production de la zone sur laquelle il
est affecté dépassera la consommation et inversement. D’un point de vue réseau, l’impact
de cette zone sera lissé et donc minime.
Si l’on pousse la réflexion sur le principe de cette solution, certaines zones pourront être
« îlotées » puisqu’elles posséderont des moyens de stockage et de production leur
permettant d’être autonomes et donc d’être coupées du réseau pendant un certain temps.
Cette solution requiert un management local pouvant apporter une meilleure sécurité des
différents éléments connectés et vue par le réseau alternativement comme un point de
consommation et comme une source de production en fonction des aléas climatiques.
Lorsque l’on parle de réseau électrique, il devient de plus en plus difficile de généraliser
les systèmes de gestion en raison de cette nouvelle diversité des profils de consommation
et de production. Il devient plus efficace de gérer certaines zones à l’échelle locale alors
que pour d’autres, une gestion traditionnelle fonctionne encore parfaitement.
Les nouvelles technologies de communication vont donc offrir une meilleure efficacité
globale en décentralisant certaines fonctions de gestion.
Pour maintenir une cohésion globale du fonctionnement du réseau national et du
marché de l’électricité, chaque entité devra rendre compte de son fonctionnement au
gestionnaire de réseau et une plus grande coopération des différents acteurs sera
nécessaire.
groupe onepoint
235, avenue Le-jour-se-lève
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