dieux, parce qu’ils les réservaient pour leur nourriture ; mais ils leur sacrifiaient beaucoup de
feuilles. Les mœurs s’étant polies, on changea de nourriture : on offrit aux dieux des noix. Ce
changement donna lieu au proverbe , voilà assez de gland.
VI. Après les légumes, le premier fruit de Cérès que l’on vit, ce fut l’orge. Les hommes
l’offrirent d’abord en grain aux dieux : ayant ensuite trouvé le secret de le réduire en farine et
de s’en nourrir, ils cachèrent les instruments dont ils se servaient pour ce travail ; et persuadés
que c’était un secours que le ciel leur envoyait pour le soulagement de leur vie, ils les
respectèrent comme sacrés. Ils offrirent aux dieux les prémices de cette farine, en la jetant
dans le feu et encore aujourd’hui à la fin des sacrifices, on fait usage de farine pétrie d’huile et
de vin : c’est pour rendre témoignage à l’origine des sacrifices, ce qui est ignoré de presque
tout le monde. Les fruits et les blés étant devenus très communs, on offrit aux dieux des
gâteaux et les prémices de tous les fruits : on choisissait ce qu’il y avait de plus beau et de
meilleure odeur ; on en couronnait une partie et l’on jetait l’autre dans le feu. L’usage du vin,
du miel et de l’huile ayant été ensuite trouvé, les hommes offrirent les prémices de ces fruits
aux dieux, qu’ils regardaient comme les auteurs de ces biens.
VII. On voit encore la preuve de ce que nous disons, dans la procession qui se fait à Athènes
en l’honneur du Soleil et des Heures. On y porte de l’herbe sur des noyaux d’olive, avec des
légumes, du gland, des pommes sauvages, de l’orge, du froment, des pâtes de figues, des
gâteaux de froment, d’orge, de fromage et de fleur de farine, avec une marmite toute droite.
Ces premiers sacrifices furent suivis d’autres remplis d’injustice et de cruauté de sorte que
l’on peut dire que les imprécations que l’on faisait autrefois, ont eu leur accomplissement.
Depuis que les hommes ont souillé les autels du sang des animaux, ils ont éprouvé les
horreurs de la famine et des guerres, et ils se sont familiarisés avec le sang. La divinité, pour
me servir des expressions de Théophraste , leur a par là infligé la punition qu’ils méritaient et
comme il y a des athées et des gens qui pensent mal de la divinité, en croyant que les dieux
sont méchants, ou du moins qu’ils ne sont pas plus parfaits que nous aussi voit-on des
hommes qui ne font aucun sacrifice aux dieux et ne leur offrent point de prémices et d’autres
qui leur sacrifient ce qui ne devrait pas être sacrifié.
VIII. Les Thoès qui habitaient sur les confins de la Thrace, n’offraient aux dieux, ni prémices,
ni sacrifices : aussi furent-ils enlevés de ce monde ; de sorte qu’il ne fut possible de trouver ni
aucun d’eux, ni aucun vestige de leur demeure. Ils usaient de violence envers les hommes : ils
n’honoraient point les dieux et ne voulaient pas leur sacrifier malgré l’usage reçu partout.
C’est pourquoi Jupiter fâché de ce qu’ils n’honoraient point les dieux et ne leur offraient point
de prémices, ainsi que la raison l’exige, les anéantit. Les Bassariens sacrifièrent d’abord des
taureaux, ensuite des hommes. Ils firent après cela leur nourriture de ceux-ci, comme à
présent on mange le reste des animaux dont on a sacrifié une partie. Mais qui est-ce qui n’a
pas ouï dire que devenant furieux ils se jetèrent les uns sur les autres, jusqu’à ce que cette race
qui avait introduit pour la première fois des sacrifices humains fut détruite.
IX. On ne sacrifia donc des animaux, qu’après les fruits. La raison qui obligea d’y avoir
recours était fort fâcheuse : c’était ou la famine, ou quelque autre malheur. Les Athéniens ne
les firent mourir d’abord que par ignorance, ou par colère, ou par crainte. Ils attribuent le
meurtre des cochons à Climène, qui en tua un, sans en avoir le dessein. Son mari
appréhendant qu’elle n’eût commis un crime, consulta l’oracle d’Apollon : le dieu ne l’ayant
pas repris de ce qui était arrivé, on en conclut que l’action était indifférente. On prétend que
l’inspecteur des sacrifices qui était de la famille des prêtres, voulant sacrifier une brebis,
consulta l’oracle, qui lui conseilla d’agir avec beaucoup de circonspection. Voici les propres