Conseil d'Etat
Staatsrat
RÉPONSE AU POSTULAT
Auteur AdG/LA, par Raymond Borgeat, Annick Clerc Bérod (suppl.) et Rober Métrailler
(suppl.)
Objet Le statut de stagiaire dans le privé: faire le point de la situation !
Date 13.03.2015
Numéro 2.0082
Les postulants demandent que l’Etat propose, conformément aux articles 360 et 360a CO une
analyse de la situation. Ils proposent que cette analyse soit menée par l'Observatoire valaisan de
l'emploi, sur mandat de la Commission tripartite cantonale.
1. Notion de stage
Un stage se définit comme une période de formation, d'apprentissage ou de perfectionnement. Il dure
de quelques jours à plusieurs mois dans un lieu approprié, le plus souvent en entreprise, à des fins de
formation initiale ou continue. De cette définition assez commune, il ressort que la notion de stage est
comparable à celle d’un apprentissage
En droit suisse, la notion de stagiaire n’apparaît pas dans le code des obligations traitant du contrat de
travail (CO). Seul le contrat spécial sur l’apprentissage y est réglé (art. 344 à 346a CO), découlant
pour le surplus de la législation fédérale sur le sujet. Pour mémoire, un contrat d’apprentissage doit
être passé en la forme écrite et doit être approuvé par l’autorité compétente pour être valide. Ce
système s’applique en principe aussi aux contrats de stage qui doivent également être validés par le
Service de la formation professionnelle s’il dure plus de 6 mois.
2. Catégories
Il convient de distinguer les stages :
a) préalables à une formation, l’exigence posée étant une condition incontournable à la validation
d’une inscription;
b) accomplis durant la période d’études et dont l’accomplissement est nécessaire pour pouvoir se
présenter à des examens (stages pratiques);
c) suivis par des élèves qui, à la fin de leur scolarité obligatoire, entendent donner plus de
consistance à leur orientation professionnelle et suivent un ou plusieurs jours de stages
«découverte» de très courte durée (2 à 5 jours) dans des entreprises de leur choix. Précisons que
ces périodes d’aide dans le choix d’une profession sont généralement intégrées dans le cursus
scolaire.
d) des personnes sans emploi autorisées à bénéficier des mesures relatives au marché du travail
(chômage) ou des bénéficiaires de l’aide sociale pouvant prétendre à des mesures d’insertion
sociale et professionnelle.
Toute autre forme d’emploi qualifié de stage, mais non directement lié à des impératifs de formation
ou de réinsertion, quelle que soit sa durée (à l’exception de quelques jours), l’est a priori de façon
abusive et, en tout état, réclame le respect de l’ensemble des règles impératives du droit du travail, y
compris le versement d’un salaire conforme à l’usage dans la profession. De même, l’enchaînement
successif de plusieurs contrats de stage de durée déterminée auprès d’un même employeur (contrats
en chaîne) pourrait être assimilé à un contournement des dispositions légales et considéré comme un
contrat de durée indéterminée.
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3. Rémunération
La plupart des conventions collectives de travail (CCT) ne prévoient pas de salaires spécifiques
réservés aux stagiaires hors cursus de formation. Certaines calquent toutefois la notion de stage sur
le salaire le plus bas de l’échelle des traitements : c’est le cas du Secteur principal de la construction,
qui prend comme référence le salaire de la classe la plus basse. D’autres fixent des salaires
particuliers tenant compte tant du travail fourni que du but poursuivi. Mutando mutandis, il s’agit du
même but que celui de l’apprentissage.
Quant à l’Etat du Valais, sa politique constante consiste à considérer comme stagiaire toutes
personnes engagées pour une durée déterminée d’une année (avec possibilité de prolongation pour
une nouvelle année au maximum), en vue d’une formation, d’une préparation à une profession, d’un
perfectionnement de celle-ci ou en vue d’acquérir une expérience pratique dans le monde du travail.
Une échelle des salaires détermine avec précision les montants y afférents en fonction du niveau de
formation de la personne considérée. La réponse du Conseil d’Etat du 13 mars 2015 au postulat
1.0125 donne toute précision utile à ce sujet.
4. Premier emploi non rémunéré
Cette notion très usitée du terme de stage ou de stagiaire semble comporter un certain nombre
d’abus, tant sur les conditions de travail et de salaires que sur la précarité de tels emplois. La notion
de stagiaire est en effet devenue synonyme de formation en emploi dans le cadre de l’insertion dans
le monde du travail ou de prise de connaissance d’un nouveau travail.
A l’image de ce qui se passe dans l’ensemble des pays européens, des emplois non rémunérés
déguisés en stage sont apparus dans notre pays. Cette tendance se développe dans certains pans de
l’économie tertiaire, parfois considérée comme un passage obligé avant un premier emploi, et tend à
paupériser une jeunesse qui, de ce fait, cotise tardivement aux assurances sociales.
Ainsi de jeunes universitaires, pourtant déjà au bénéfice d’un ou plusieurs diplômes, acceptent de
travailler gratuitement dans des stages successifs, parfois même durant plusieurs années, faute de
pouvoir décrocher un premier poste rémunéré. Bien que plusieurs interpellations tant fédérales que
cantonales aient été déposées, à notre connaissance aucune étude approfondie n’a été réalisée ces
dernières années sur cette thématique spécifique.
5. Mesures d’accompagnement
Depuis l’entrée en vigueur des Accords bilatéraux, le législateur fédéral a promulgué des mesures
d’accompagnement visant précisément à prévenir le dumping salarial.
L'article 360a du Code des obligations prévoit en particulier que si, au sein d'une branche économique
ou d'une profession, les salaires usuels dans la localité, la branche ou la profession font l'objet d'une
sous-enchère abusive et répétée et qu'il n'existe pas de convention collective de travail contenant des
dispositions relatives aux salaires minimaux pouvant être étendue, l'autorité compétente peut édicter,
sur proposition de la commission tripartite visée à l'art. 360b, un contrat-type de travail (CTT) d'une
durée limitée prévoyant des salaires minimaux différenciés selon les régions et, le cas échéant, selon
les localités, dans le but de combattre ou de prévenir les abus.
Dans le domaine des stages, l’opportunité de mettre en œuvre une telle mesure est une éventualité
qui ne saurait être écartée prima facie. Dans un tel cas, il s’agira de définir avec soin le champ
d’application (personnes concernées), en y intégrant les éléments de définition développés ci-avant.
6. Premiers contrôles
Entre le 1er juillet et le 31 octobre 2015, sur les six situations qui ont pu faire l’objet d’un rapport de
l’Inspection cantonale de l’emploi à ce jour, la moitié constituait clairement des cas de sous-enchère
abusive.
Ces premiers constats semblent confirmer la nécessité de mener une analyse dans ce domaine, à
l’instar des démarches menées actuellement par les cantons de Genève et Vaud.
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7. Conclusion
En égard à la flexibilisation croissante du marché du travail et aux quelques cas d’abus d’ores et déjà
identifiés sur le territoire cantonal à ce jour, un examen plus approfondi des emplois qualifiés de stage
paraît justifié.
.
L’étude envisagée devrait ainsi porter sur les personnes astreintes à occuper des emplois précaires
abusivement qualifiés de stage, en vue de trouver une place de travail stable et des conditions de
travail et de salaires décentes. Ces postes de travail font concurrence au marché du travail en créant,
de fait, une situation de dumping dommageable au monde du travail dans son ensemble.
Sa réalisation pourrait intervenir en deux temps :
1. La Commission tripartite cantonale propose au Conseil d’Etat de définir cette catégorie de
travailleurs comme public-cible prioritaire parmi les branches en observation renforcée pour 2016;
2. L’Observatoire valaisan de l’emploi fera un focus spécifique sur ce public-cible, lors de la
réalisation de ses enquêtes annuelles qui répondent au mandat du bureau de la Commission
tripartite cantonale ;
3. L’Inspection cantonale de l’emploi poursuit ses enquêtes sur le terrain sur cette base, de manière à
établir s’il y a bien sous-enchère abusive et répétée, au sens de l’article 360a CO.
Une fois le bilan de ces nouvelles investigations connu, deux propositions d’action pourront être
envisagées en cas de sous-enchère abusive et répétée avérée, de manière à prévenir tout usage
excessif de cette catégorie d’employé(e)s :
1. l’imposition d’une obligation d’annonce de tout stage de moins de six mois, via un portail internet
(réservée actuellement aux seuls stages de formation de plus de six mois), fondé sur une base
légale explicite prévoyant des sanctions en cas de manquement.
2. l’édiction d’un contrat-type doté de la force obligatoire fixant les salaires minima à l’engagement de
stagiaires.
Il est proposé l’acceptation du postulat.
Conséquences sur la bureaucratie : ----
Conséquences financières : ---
Conséquences équivalent plein temps (EPT) : ---
Conséquences RPT : ---
Lieu, date Sion, le 22 janvier 2016
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