Engendrée par des écarts de température et de salinité de l’eau des
océans, la circulation thermohaline aura également des conséquences
sur les changements du climat. Plus denses, les eaux plus froides et
plus salées s’enfoncent, à proximité du Groenland, à des profondeurs
comprises entre 1 et 3 km. Elles alimentent un courant froid, elles se
réchauffent ensuite sous les tropiques, elles remontent en surface et
elles gagnent à nouveau l’Arctique, où elles se refroidissent, et ainsi
de suite. Les scientiques estiment qu’il faut environ 1 000 ans à une
molécule d’eau pour effectuer cet aller-retour. Le Gulf Stream est l’une
des branches de cette circulation thermohaline, que les chercheurs
américains ont dénommée le « tapis roulant océanique ». Retenez
simplement que la salinité et la température sont à l’origine de ce
phénomène d’une ampleur gigantesque, car le débit des courants ainsi
générés est 100 fois supérieur à celui de l’Amazone.
En modiant les températures moyennes et la salinité des eaux, le
réchauffement climatique et son corollaire, la fonte des glaciers, sont
susceptibles d’affaiblir cette circulation thermohaline. Le courant
chaud qui remonte aujourd’hui jusqu’en Norvège pourrait ne plus
dépasser la latitude de la péninsule Ibérique.
Il y a 22 000 ans, le Canada et une partie des États-Unis étaient
recouverts par une gigantesque calotte glaciaire. L’emprise de celle-
ci s’est peu à peu réduite pour céder la place, il y a 14 000 ans, à un
immense lac. D’une supercie égale à deux fois celle de la France, il
a été dénommé Agassiz, en souvenir du grand glaciologue originaire
de Neuchâtel. Le glacier résiduel n’occupait plus alors que la baie de
l’Hudson.
La situation était similaire au nord de l’Europe. La calotte glaciaire
recouvrait la Scandinavie, et son retrait avait permis la formation du
lac Baltique, qui deviendra plus tard la mer du même nom.
Les recherches mettent en évidence une corrélation entre les vidanges
des grands lacs proglaciaires, le niveau plus élevé des plans d’eau
jurassiens et les périodes durant lesquelles l’activité solaire était plus
faible. Je vous rappelle que plus les concentrations de carbone 14, mais
aussi de béryllium 10, sont élevées, moins le rayonnement du soleil
est intense.
L’énorme quantité d’eau douce qui s’est déversée dans l’océan lors
des vidanges des lacs proglaciaires a très probablement modié la
circulation thermohaline, et donc le climat, qui est devenu plus frais
et plus humide en Europe. L’augmentation des précipitations due aux
variations du Gulf Stream et à une activité solaire moins intense s’est
ainsi sans doute traduite par une élévation du niveau des plans d’eau
du massif jurassien.
Il y a 8 200 ans, c’est-à-dire 6 200 années avant Jésus-Christ, a eu
lieu l’une des dernières vidanges majeures des lacs proglaciaires. Sur
le territoire de la France actuelle, notamment dans les Alpes et dans
le Jura, elle s’est traduite par des précipitations plus importantes et
par une élévation du niveau des plans d’eau. Le climat est en revanche
devenu plus sec au nord et au sud de l’Europe.
Ce constat est intéressant, car il démontre que les conséquences d’un
événement climatique peuvent être très différentes d’une région à
l’ autre.
En 2050, 80 %
des glaciers alpins
auront très probablement
disparu.
5