multiples, le mouvement même de l’image anéantit la représentation en soumettant le
désir de voir à la disparition de ses références perceptives. « L’image existe hors de nous
et hors du monde manifesté. L’image est toujours une image de notre mort en imago, ce
modèle intemporel qui concerne presque toujours le visage en son épiphanie. » La
représentation du corps répondant à un modèle idéal de beauté semble alors occulter cette
imago de la mort grâce à l’illusion d’un référent qui perdure. C’est l’image figée (comme
image référentielle) qui conjure l’angoisse de la mort alors qu’elle la représente.(…)
Même le face-à-face avec le miroir n’impose pas de limite au jeu des images du corps.
L’image reflétée à la surface du miroir apparaît simultanément comme un « rappel à
l’ordre » et comme un leurre. L‘image de soi incite à dire : « Tu peux t’imaginer tout ce
que tu veux, n’oublie pas que tu es tel que tu te vois. Le miroir ne trompe pas, il te dit
l’état présent de ton corps. Et si tu ne veux pas le voir, détourne toi... » Le miroir est
comparable à un tableau vide sur la surface duquel surgit l’autoportrait. Les grimaces, les
sourires, les fards et autres cosmétiques ne changeront guère l’image reflétée. Quitter le
cadre, c’est se donner la liberté de jouir avec toutes les images du corps. Revenir vers le
cadre, c’est retrouver une image référentielle qui prend valeur de vérité. Pourtant, le
miroir est aussi un leurre, l’image reflétée n’est pas à l’origine des autres images, elle dit
à la fois : « C’est toi et ce n’est pas toi ! » Même face au miroir, toutes les images du
corps continuent de surgir comme si le référentiel ne signifiait une quelconque réalité de
l’état du corps que sous le mode du leurre. Selon Paul Schilder, « L’intérêt que nous
portons au miroir trahit la labilité de notre modèle postural, le caractère incomplet de nos
données immédiates, la nécessité où nous sommes de fournir un perpétuel effort de
construction pour élaborer l’image de notre corps. » Nous ne pensons pas que ce
processus de construction vise une unité référentielle qui nous serait chaque fois donnée
par le face-à-face avec le miroir. La labilité des images du corps ne se mesure pas à une
pareille référence qu’elle ne cesse au contraire de déstructurer. La connaissance de notre
corps et du corps des autres nous entraîne surtout dans le vertige d’un non-savoir qui
induit des constructions imaginaires et qui déstabilise le principe même de la relation
spéculaire. Le miroir n’a pas pour fonction de confirmer des données que nous avons
acquises sur notre corps, il réactive au contraire notre imaginaire. S’il sert de pièce à
conviction en nous offrant la preuve momentanée de ce qu’est notre corps, c’est dans le