Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 6
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elles sont toutes à une même distance de nous ! Ce
sont uniquement les luminosités intrinsèques qui sont
différentes. Et relevons sa remarque dans la
"Conversation avec le messager céleste" :
"Et, si l’on réunissait en un seul les petits disques de
10'000 étoiles, de combien celui-là dépasserait-il
alors le disque apparent du Soleil ? Si cela est vrai, et
s’il existe d’autres soleils de même nature que le nô-
tre, comment se fait-il qu’à eux tous ils ne surpas-
sent pas notre Soleil en éclat ? "
Autrement dit, les étoiles découvertes par Galilée doi-
vent être plus petites que le Soleil… Pour Kepler, l’U-
nivers borné contient donc trop peu d’étoiles pour ren-
dre lumineux nos nuits. Implicitement, un univers in-
fini ferait le contraire, et l’énigme de l’obscurité se
précise.
A la fin du XVIè siècle, deux grands courants d’idée
s’affrontent : le courant cartésien (lancé bien sûr par
René Descartes vers 1640) ayant des principaux dé-
fenseurs sur le continent (dont notamment Christian
Huygens et Gottfried Leibniz) et le courant newtonien.
Dessin ci-dessus : les flux tourbillonnaires imaginés par Descartes,
sorte de fluides plus ou moins denses dans l’espace, maintiennent
par des forces de répulsion (pression) la cohésion des système.
Les cartésiens pensent à une créa-
tion initiale par Dieu et ensuite la
matière est gouvernée par des lois
naturelles. Il n’existe pas de vide,
car selon Descartes "il n’est pas pos-
sible que ce qui n’est rien ait de
l’extension", l’espace en tant que tel
n’existe pas non plus et seule la ma-
tière est douée d’extension. Les for-
ces sont uniquement des forces de
contact . On est donc loin de l’ato-
misme.
La pensée newtonienne rétablit le
Dieu interventionniste, les forces
sont à distance et le vide existe (ce
vide obscur qu’on peut « observer »
entre deux étoiles), l’espace existe
indépendamment de la matière et les
atomes ne posent pas de problème.
Newton était dans sa jeunesse stoï-
cien (« Dieu a créé, dans l’espace
mystérieux et infini, un système ma-
tériel d’extension finie ») mais il
penchera progressivement pour un
Univers infini.
Image ci.dessus : la cosmologie stoïcienne de Guericke
Mais déjà avant la publication des Principia, un certain
ingénieur allemand du nom d’Otto von Guericke mit du
"plomb dans l’aile" des idées cartésiennes en "créant" du
vide (notamment lors de sa fameuse expérience des hé-
misphères à Magdebourg en 1657). Il mit également en
évidence que la lumière se propage dans le vide. Dès lors,
l’espace obscur entre les étoiles est la révélation de ce
vide extracosmique. Dans ce sens, et aussi étonnamment
tardif que cela puisse paraître, Guericke est le premier à
relever que le système stoïcien était en adéquation
avec l’obscurité du ciel nocturne !
On peut alors comprendre qu’en se ralliant à cette idée,
bien des savants de l’époque ne se posèrent plus la ques-
tion de savoir pourquoi la nuit est noire !
Le glissement de Newton vers un Univers infini peut être
relevé, non pas dans ses Principia où il reste assez vague
sur la question, mais dans ses lettres au pasteur Bentley.
Citons un extrait significatif :
"Si la matière de l’Univers était également répartie à tra-
vers les cieux, chaque particule ayant une gravité innée
vers tout le reste, et si l’espace entier dans lequel cette