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UNIVERSITÉ VIRTUELLE
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1917), gagnent toujours à être pensées par rapport à d’autres, car c’est dans la comparaison
que ressortent à la fois leur spécificité et ce qu’elles ont de commun, leur singularité relative
par rapport à d’autres manières humaines de faire.
Ex : pour penser la spécificité de la condition étudiante (universitaire) en Belgique
aujourd’hui, il peut d’abord s’avérer pertinent de chercher à comprendre ce qui pourrait faire
la spécificité de la vie étudiante en Belgique par rapport à la vie des jeunes qui ne passent pas
par l’université, ou d’interroger la diversité des conditions étudiantes au sein même de la
population étudiante en Belgique (étudiants qui restent habiter chez leurs parents vs étudiants
qui « kottent » ; étudiants qui travaillent vs étudiants qui ne travaillent pas ; etc.). Mais
probablement que réfléchir aussi par rapport à ce qu’est la condition étudiante dans d’autres
sociétés (qu’est-ce qu’être étudiant en Afrique centrale ou en Afrique de l’Ouest par
exemple ?) pourrait aussi être une façon suggestive de procéder, qui ferait apparaître d’autres
spécificités de la condition étudiante en Belgique. Pour évoquer rapidement les cas africains,
on s’apercevrait par exemple rapidement que ce n’est pas du tout la même proportion de
jeunes qui s’engagent dans des études universitaires en Belgique et en RDC, par exemple,
mais aussi que les proportions de jeunes hommes et de jeunes femmes y sont très différentes,
que les jeunes issus de milieux ruraux ont bien moins accès à l’université, etc. Ou que ces
jeunes sont pris dans des relations intergénérationnelles assez différentes : la famille qui a
investi dans l’éducation d’un jeune jusqu’au niveau des études universitaires dans un pays
comme la RDC a souvent des attentes en termes de retour de l’aide apportée au jeune, que
celui-ci devra à son tour porter à ses parents vieillissants une fois que lui-même aura acquis
une certaine situation, par exemple. Une part non négligeable des étudiants congolais vivent
leur cursus universitaire avec cette perspective : ils savent qu’ils représentent notamment pour
leur famille la promesse d’un retour de la solidarité dont ils bénéficient pendant leurs années
d’études. L’organisation par l’Etat d’un système de retraites et de pensions pose évidemment
les termes du problème de manière très différente en Europe occidentale.
En d’autres termes, un élargissement du cadre de la comparaison fait souvent apparaître les
spécificités d’une situation sociale quelle qu’elle soit autrement que lorsque la comparaison
porte sur des situations plus proches les unes des autres, tout comme elle permet de dégager
avec plus de force ce qui malgré tout peut se présenter de manière analogue dans des
situations pourtant différentes à toute une série d’autres égards.
L’anthropologie possède, historiquement, la spécificité d’avoir cherché à élargir le cadre de la
comparaison. Pour autant, il va de soi que l’anthropologie ne possède ni ne saurait
revendiquer le monopole de la démarche ou de l’esprit comparatif. Bien au contraire, la mise
en œuvre d’un raisonnement comparatif est essentielle dans l’ensemble des sciences sociales,
puisque la singularité d’un phénomène social, ou sa parenté avec d’autres, ne peut émerger
que dans la comparaison. Mais l’anthropologie est, historiquement, la discipline des sciences
humaines qui a fait l’usage le plus large de la comparaison entre sociétés ou entre cultures, en
s’intéressant d’emblée à d’autres sociétés et à d’autres cultures.
C’est en fait là davantage une question de degré que d’exclusivité ou différence/spécificité
radicale. Ainsi, aujourd’hui par exemple, il est des sociologues ou des psychologues qui
travaillent dans des perspectives comparatives analogues, cherchant par exemple à multiplier
une même expérience de psychologie dans différentes parties du monde pour chercher à
asseoir ou à mettre en évidence le caractère plus ou moins universel ou, au contraire,
particulier, de tel ou tel phénomène.
En outre, comme l’anthropologie partage au moins avec la sociologie le projet d’étudier la vie
sociale sous toutes ses coutures, dans toutes ses dimensions, on ne peut pas véritablement