Cristallisation de l’océan de magma profond et évolution primitive du noyau. S. Labrosse1,2 et J.
Hernlund1, 1Institut de Physique du Globe de Paris, 4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05, la-
rieure de Lyon.
La différence de densité entre les silicates liquides et solides dépend fortement de la pression et Stixrude et
Karki [1] ont proposé que cette différence à la base du manteau était de signe opposé à celle au sommet. Cela
signifie que si, à la suite du grand impact qui a formé la Lune, le manteau est totalement fondu [2], les cristaux
qui se forment à la base du manteau flottent jusqu’à atteindre une zone où leur flottabilité est nulle. Il en résulte
deux océans de magma, un superficiel et un profond, séparés par un manteau solide. Les évolutions de ces deux
océans sont très différentes : l’océan superficiel se refroidit très rapidement par radiation dans l’espace alors que
le refroidissement de l’océan profond est ralentit par le transfert de chaleur dans la partie solide du manteau,
d’abord par conduction puis par convection lorsque son épaisseur est suffisante.
Des arguments de diverses natures tendent à montrer l’existence actuelle d’une zone partiellement fondue à
la base du manteau terrestre : cela fournirait une explication pour les observation sismologiques de zones à très
basse vitesse (ULVZ) [3,4] et la proximité entre la température au sommet du noyau et le solidus de la pyrolite
le permet [1,5]. Si la présence de silicates fondus à la base du manteau n’est pas démontrée pour le temps pré-
sent, elle semble difficile à éviter pour le passé, le maintient de la dynamo terrestre nécessitant le refroidisse-
ment du noyau. Nous proposons un modèle d’évolution de cette zone, qui est la partie de l’océan de magma
primitif qui cristallise en dernier, et considérons son couplage avec la convection dans le manteau solide et
l’évolution du noyau liquide.
Le transfert de chaleur dans l’océan de magma profond dépend de son nombre de Rayleigh, dont les ingré-
dients qui présentent les variations les plus significatives sont la viscosité, l’épaisseur et la différence de tempé-
rature entre la base (sommet du noyau) et le sommet (liquidus du silicate). Si le magma ne contient pas de cris-
taux, ce qui est le cas dès que la température est suffisamment élevée, la viscosité est très faible et le flux de
chaleur transporté par convection dépasse de plusieurs ordres de grandeur ce qui peut être transporté au travers
du manteau solide. Une telle situation est instable et entraî ne la fusion du solide. La partie solide du manteau ne
peut donc se stabiliser qu’après avoir évacué suffisamment de l’énergie initialement contenue dans le noyau
pour que l’océan de magma contienne des cristaux en suspension et ait une viscosité intermédiaire entre celle du
liquide et celle du solide. La température dans l’océan de magma est alors fortement contrainte. Le temps néces-
saire pour atteindre cette situation est court, du même ordre que celui nécessaire à la cristallisation de l’océan de
magma superficiel. Par contre, une fois l’équilibre entre transfert de chaleur dans le manteau solide et dans
l’océan de magma partiellement cristallisé atteint, l’évolution de ce dernier et du noyau est entièrement contrô-
lée par la dynamique du manteau solide.
Le fer partitionne préférentiellement dans le liquide durant la cristallisation, ce qui a deux effets : la densité
des cristaux est plus faible que celle du liquide et, le liquide s’enrichissant en fer, voit son liquidus diminuer. Au
cours du refroidissement de l’océan de magma, les cristaux qui se forment montent dans le liquide et s’accrètent
au manteau solide. La limite supérieure de l’océan de magma descend donc progressivement. Le mouvement
inverse est possible si le flux de chaleur que transporte la convection dans le manteau solide descend en dessous
de celui transporté par la convection dans l’océan de magma. Les fluctuations de flux de chaleur dans le man-
teau solide ne se répercutent donc pas sur le noyau mais sur l’épaisseur de l’océan de magma profond. Par ail-
leurs, l’évolution chimique de ce dernier fait décroî tre son liquidus durant sa cristallisation, ce qui retarde sa
cristallisation complète. La composition du solide ainsi formé évolue également dans le temps est s’enrichie
progressivement en fer. Une stratification chimique du manteau en résulte et son effet dynamique important a
déjà été exploré [6].
L’extrême efficacité du transfert de chaleur dans un océan de magma profond et plus dense que le manteau
solide contraint fortement la température du noyau qui ne peut pas en dépasser fortement le liquidus. Une fois le
système stabilisé proche du point de fusion, son évolution lente est contrôlée par la dynamique du manteau
solide est l’évolution du liquidus avec la composition du liquide. Les conditions nécessaires au maintient d’une
couche partiellement fondue jusqu’au temps présent permettent de relier l’évolution thermique du noyau aux
paramètre du diagramme de phase du manteau inférieur.
Citations: [1] L.!Stixrude, B.!Karki (2005) Science, 310, 297–299. [2] R.!M. Canup (2004) Icarus, 168,
433–456. [3] Lay T., Garnero E. J. et William Q. (2004) Phys. Earth Planet Inter., 146, 441–467. [4] Hernlund
J. et Tackley P. J. (2002) SEDI 2002 .[5] Zerr A., Diegeler A. et!Boehler R. (1998) Nature, 281, 243–246. [6]
Davaille A. (1999) Nature, 402, 756–760.