LIN3710 : Théorie syntaxique
L’accord
Brandon J. Fry
11 et 23 février 2016
1 Unités lexicales
Nous avons vu que les unités lexicales ne sont pas des unités phonologiques. Cela explique
pourquoi il n’y a pas de règles syntaxiques sensibles à des propriétés phonologiques (par
exemple déplacer le sujet au début de la phrase si et seulement s’il commence par une voyelle
nasale).
Quelles sont alors ces unités lexicales ?
Les phonèmes sont caractérisés comme des matrices de traits.
(1) /m/ =
[+ consonantique]
[+ sonore]
[- syllabique]
[+ nasal]
...
Nous pouvons considérer que les unités lexicales sont aussi des matrices de traits, en parti-
culier des traits formels (par opposition à phonologiques), c’est-à-dire des traits qui sont
pertinents uniquement à la syntaxe.
(2) elle =
N
personne : 3
nombre : singulier
genre : féminin
2 L’accord
Les phénomènes d’accord sont partout dans le langage.
Depuis une perspective descriptive, on peut caractériser l’accord comme le partage de cer-
taines propriétés d’un élément syntaxique avec un autre élément dans la phrase. Considérons
les exemples suivants.
(3) Trois hommes sont dans le jardin.
(4) Un homme est dans le jardin.
Ici, la forme de l’auxiliaire est déterminée par des propriétés du sujet.
1
LIN3710 L’accord 11 et 23 février 2016
Depuis une perspective formelle/théorique, nous pouvons considérer que la catégorie T porte
des traits qui n’ont pas de valeurs mais qui doivent recevoir des valeurs d’un autre élément
dans la phrase. 1
(5)
trois hommes
φ:3,pl,masc T
φ:
trois hommes
φ:3,pl,masc
dans le jardin
Les valeurs des traits φdu syntagme [trois hommes] sont alors copiés et fournis aux traits
de T.
(6)
trois hommes
φ:3,pl,masc T
φ:3,pl,masc
trois hommes
φ:3,pl,masc
dans le jardin
Nous pouvons nous intéresser à la problématique suivante. Il y a deux copies du syntagme
[trois hommes] dans cette phrase. Avec quelle copie est-ce que la catégorie T s’associe an
de s’accorder ?
Pour répondre à cette question, nous pouvons considérer des phrases où il n’y a qu’une
seule copie du syntagme. Par exemple, dans les phrases avec un sujet explétif, la position de
spécieur du ST est occupé par un explétif et le sujet demeure dans sa position de base.
(7)
there
T
φ:
three men
φ:3,pl,masc
in the garden
Si la catégorie T s’accorde avec le sujet dans ce type de phrase, alors nous pouvons en
conclure que la catégorie T s’accorde avec la copie inférieure du syntagme [trois hommes]
1. Il est conventionnel d’employer la lettre grecque φpour l’ensemble des traits de personne, de nombre et de
genre.
2
LIN3710 L’accord 11 et 23 février 2016
dans la structure en (6). Considérons les exemples suivants.
(8) Three men were in the garden.
(9) There were three men in the garden.
(10) One man was in the garden.
(11) There was one man in the garden.
La catégorie T s’accorde avec le sujet même lorsque celui-ci ne se déplace pas. La catégorie
T, alors, s’accorde avec la copie du syntagme qu’elle c-commande.
(12)
there
T
φ:3,pl,masc
three men
φ:3,pl,masc
in the garden
Nous pouvons également nous demander ce qui arrive lorsqu’il y a plusieurs éléments dans
une phrase qui peuvent donner les valeurs de leurs traits à une catégorie avec des traits sans
valeurs. Par exemple, dans une phrase active avec un verbe transitif, la catégorie T s’accorde
toujours avec le sujet.
(13) Nous mangeons le gâteau.
(14) *Nous mange le gâteau.
Nous pouvons expliquer ce fait en soutenant que la catégorie T doit s’accorder avec l’élément
le plus proche qui porte des traits pertinents.
(15)
T
φ:nous
φ:1,pl v+ manger
manger le gâteau
φ:3,sg,masc
Dans cette structure, nous est plus près de la catégorie T que l’est gâteau dans la mesure où
T c-commande nous et nous c-commande gâteau.
Voici une dénition plus formelle du mécanisme Accord.
(16) Accord
αs’Accorde avec βssi (si et seulement si)
a. α(la sonde (probe)) porte un trait ininterprétable/sans valeur [F : ] et β(la
cible (goal)) porte un trait interprétable/avec valeur du même type [F : val] ;
3
LIN3710 L’accord 11 et 23 février 2016
b. αc-commande β;
c. il n’existe pas de γportant un trait interprétable/avec valeur du même type
[F : val] tel que αc-commande γet γc-commande β.
Jusqu’à maintenant, nous n’avons considéré que l’accord avec le sujet. Dans beaucoup de
langues, l’objet détermine aussi l’accord. À titre d’exemple, considérons les données suivantes
de l’ojibwé.
(17) Niwaabandaan
1s.voir
minisi.
ile
‘Je vois une ile.
(18) Niwaabamaa
1s.voir
Paul.
Paul
‘Je vois Paul.
La diérence de forme du verbe semble ici dépendre de l’objet. En particulier, en
Last, l’objet est inanimé alors qu’en (18), l’objet est animé.
Considérons maintenant les données suivantes.
(19) Niwaabandaan
1s.voir
miin.
bleuet
‘Je vois un bleuet.
(20) Niwaabamaa
1s.voir
mishiimin.
pomme
‘Je vois une pomme.
Ces phrases nous posent problème à première vue parce que nous ne voudrions pas dire qu’un
locuteur de l’ojibwé considère qu’une pomme soit plus animée qu’un bleuet.
En fait, la distinction animé/inanimé semble jouer le même rôle en ojibwé que joue la dis-
tinction masculin/féminin en français. Un locuteur du français ne considère pas une chaise
comme étant plus féminine qu’un bureau, même si le mot chaise porte un trait de genre avec
une valeur féminin.
Il faut donc distinguer les traits sémantiques des traits formels/syntaxiques.
4
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !