Jean-Jacques Rousseau, Lettres élémentaires sur la botanique. Paris, 1789
C'est dans ce cadre rural qu'Ampère a vécu ses années de jeunesse. Un de ses voisins décrivait un jeune homme "toujours distrait et rêveur, [il] passait
dans tout le village pour un illuminé […]. Il sautait à cloche-pied dans les chemins, allait au hasard, tandis que son esprit travaillait intérieurement"3.
Vue de Poleymieux au Mont-d’Or (Mairie de Poleymieux)
2. La source de son apprentissage : la bibliothèque de Jean-Jacques Ampère
Ampère raconte encore dans son autobiographie qu'avant même de savoir lire, il jouait à apprendre les noms des oiseaux, en les associant avec les
illustrations de L’Histoire Naturelle de Buffon. Son étonnante passion pour tous les domaines du savoir remonte à l'enfance. Dès qu'il sait lire, il parcourt les
livres de la bibliothèque bien fournie que son père a constituée à Poleymieux. Il apprend par cœur des tragédies de Racine et Voltaire, et se met au latin
avec les œuvres de Virgile. À treize ans, Les éléments de mathématiques de Rivard (1772) tombent entre ses mains et l’ouvrage le séduit tant, qu’il laisse
de côté tout le reste et se passionne pour l’algèbre et les côniques. Bientôt, son père se sent complètement dépassé par les exigences intellectuelles de son
fils et il demande de l’aide à plusieurs professeurs lyonnais pour continuer la formation scientifique de son fils.
L’intérêt d’Ampère pour le calcul infinitésimal et différentiel commence avec sa lecture de l’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751–1780). Il prend
plaisir à apprendre par coeur plusieurs passages de ce grand ouvrage, composé de 35 volumes, qui présente les connaissances par ordre alphabétique
mais propose dans son introduction une classification des différentes branches du savoir. L’Encyclopédie constitue un des projets les plus remarquables de
conjonction entre les sciences, les arts et la philosophie au 18e siècle, et a marqué les savants français de la fin du siècle. L’Encyclopédie a influencé la
pensée d’Ampère jusqu’à la fin de sa vie, et elle a inspiré sa propre classification des sciences qu’il considérait, à la différence de toutes les autres, comme
une classification "naturelle", c’est-à-dire, correspondant à l’ordre de la pensée et de la réalité du monde.
Son propre fils, baptisé Jean-Jacques comme son grand père, racontera plus tard que les trois événements les plus influents dans la jeunesse de son père
furent sa première communion pour sa foi chrétienne, la lecture de l'Eloge de Descartes pour son amour de la science et la prise de la Bastille pour son
aspiration à la liberté.
Dans son Eloge de René Descartes, Antoine-Léonard Thomas décrit Descartes comme une sorte de génie, incompris en son temps. La science y apparaît
comme une aventure intellectuelle démesurée, une quête de la vérité qui doit être guidée non par un esprit analytique mais par des suppositions
métaphysiques, voire par les sentiments : "un sentiment extraordinaire; cet enthousiasme sacré, c’est un sentiment religieux qui élève et remplit son âme"4.
L’Eloge de René Descartes est d’une importance capitale dans l'apprentissage du jeune Ampère, car il lui inspire une forte passion pour la science. Mais la
vérité dans l’ordre de la connaissance doit être complétée par la vérité dans l’ordre religieux et enfin la vérité dans l’ordre politique, pour reprendre les trois
vérités que Chateaubriand mentionne dans son fameux Génie du Christianisme (1801) et qui se complètent chez les romantiques pour parfaire l'unité de
l'esprit humain.
3. Les conséquences inattendues de la Révolution française : la mort du père d’André-Marie
Les années de jeunesse d’Ampère se terminent brutalement. Tout d’abord sa soeur Antoinette succombe à la maladie, puis son père est exécuté par les
troupes de la Convention pendant la Révolution française lors du siège de Lyon. Ce terrible évènement fait tomber Ampère dans une crise profonde, dont il
ne sort qu'au bout d'un an. Son père avait toujours défendu les idéaux de la Révolution, la liberté, l’égalité et la fraternité, et pourtant il fut emporté par cette
même Révolution. Cet événement fait prendre ses distances à Ampère vis-à-vis des idéaux politiques des Lumières. Il va partager ces sentiments et ces
réflexions avec ses amis les plus chers, dont plusieurs ont vu leur famille souffrir également de la Révolution, et qui composeront le groupe appelé plus tard
l’Ecole mystique de Lyon5.
La Rue Ménestrier et le lycée de Lyon où Ampère enseigna entre 1803 et 1804.
(Société des Amis d’André-Marie Ampère)
Sa famille ayant perdu une bonne partie de ses biens avec la Révolution, Ampère, âgé d'une vingtaine d'années, s'installe à Lyon en 1797 pour donner des
leçons de mathématiques, de physique et de chimie à une dizaine d’élèves. C’est à Lyon qu’il commence à se réunir avec un groupe de jeunes gens, tous
catholiques, pour discuter de multiples sujets : la philosophie, l’histoire naturelle, la littérature ou la religion. Ses amis Pierre-Simon Ballanche, Claude-Julien