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CHAPITRE 1
L’orthographe française : quelques aspects historiques et
structuraux
Lecture conseillée : CATACH Nina, L’orthographe, P.U.F., Que sais-je ?, Paris, 2008 (9
e
édition).
1.1. QUELQUES REPÈRES HISTORIQUES
- Moyen Âge : les scribes qui retranscriront pour la première fois le français naissant
auront essentiellement pour but de restituer une prononciation. Cependant, ils vont
se heurter à de nombreux écueils :
• la langue a évolué et l’alphabet latin, avec ses 22 lettres, ne suffit plus pour
retranscrire tous les sons (exemple : une même lettre « u » ou « i »va servir à
retranscrire, selon la position, des sons très différents) ;
• on prononce de façon différente selon la région de France où l’on se trouve ;
chaque scribe adapte donc sa retranscription d’un texte en fonction de la
variante régionale ;
• par simplification, l’évolution du latin au français va aboutir à la formation de
nombreux homophones monosyllabiques ; ce phénomène ne va pas
concerner les autres langues romanes (exemple : les mots qui ont donné cinq,
saint, sein, seing, ceint, sain, ne sont pas également devenus homophones
dans ces langues).
- Renaissance : à cette époque, le français s’est modifié sur tous les plans, mais
l’orthographe se fige, bien que la prononciation des mots évolue beaucoup.
Grammairiens, poètes et imprimeurs vont user de leur influence conjuguée pour
réformer les graphies du français. Les modifications les plus importantes sont :
• l’amélioration de l’alphabet (ajout des « k, j, v, w ») ;
• l’ajout de lettres pour faciliter la lisibilité (« h » à « huile » pour distinguer ce
mot de « vile » qui s’écrivait alors avec un seul « l ») ;
• le recours systématique à l’étymologie, du moins pour distinguer la masse
importante des homophones (vingt car > viginti) ; de nombreuses erreurs
d’appréciation se sont alors produites (ex. : le mot « poids ») ;
• le recours aux accents (on écrivait « il ha », avant de mettre un accent grave
sur la préposition, ce qui a permis de distinguer le verbe « il a » de « à ») ;
• les consonnes doubles : dans le cas de « nn » ou « mm », pour signifier qu’il
s’agit d’une voyelle nasalisée suivie d’une consonne nasale (ex. année,
grammaire) ; les autres redoublements vont servir à marquer la prononciation
du e ouvert (ex. il appelle) mais ce procédé sera concurrencé par l’accent
grave.
L’utilité de ces modifications étant purement visuelle, on dit de l’orthographe française
qu’elle prend à cette époque un aspect idéographique, et donc perd de son phonétisme.