Source : http://www.slate.fr/
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1. La matrice salafiste
Ces groupes islamistes s’enracinent tous plus ou moins dans la théologie salafiste, courant le
plus rigoriste de l’islam sunnite. Le «salafisme» contemporain a été inspiré en particulier, au
XVIIIe siècle en Arabie, par le penseur Mohamed Ibn Abdel-Wahhab. Pour lui, le déclin des
pays musulmans face à l'Occident résulte de l'oubli du message originel de l'islam par des
élites musulmanes raffinées et laxistes. Il prêche une lecture littéraliste et puritaine de l'islam
et s'allie avec Mohamed Ibn Saoud, fondateur de la dynastie ultraconservatrice qui dirige
encore aujourd'hui l'Arabie saoudite, inspiratrice de l’islamisme mondial.
Dans la diversité de leurs étiquettes, ces islamistes modérés ou radicaux qui défraient
l’actualité ont en commun cette théologie salafiste ou wahhabite qui prône le retour au Coran,
à la Sunna (la tradition du Prophète), à la charia (loi islamique), à la séparation stricte entre les
sexes. Adeptes d'une lecture fondamentaliste des textes sacrés, ils vénèrent les salaf, c’est-à-
dire les «ancêtres pieux» (Mahomet et ses compagnons), imitent leur façon de parler et de
s’habiller, portent, comme eux, une longue barbe. Les femmes sajafistes se vêtent d’un niqab
qui couvre intégralement leur corps et leur visage, ne laissant apparaître que les yeux.
Ils s'estiment les représentants du seul véritable islam et appellent à purifier la religion de
toute influence occidentale et étrangère. Ils rejettent les quatre écoles traditionnelles du droit
musulman –hanéfite, malékite, chaféite et hanbalite– pour ne s'inspirer que du Coran et de la
Sunna. Ils veulent revenir aux sources précisément pour débarrasser l’islam de toutes ses
interprétations humaines, dénonçées comme des «innovations». Les «salafistes» au sens strict
se tiennent en général éloignés du combat politique, même s’ils ont présenté des candidats
lors des élections législatives de 2012 qui ont suivi la révolution en Egypte.
2. Les frères musulmans et la tentative de «ré-islamisation par le haut»
Aux sources de la pensée et des organisations islamistes contemporaines, il faut aussi citer la
société des Frères musulmans, fondée en Egypte en 1928 par l’instituteur Hassan al Banna, et
le Jamaat i-Islami, créé en 1941 au Pakistan par Abul a'la-Maududi
Ces groupes ont aussi en commun le rêve d’un retour à l’âge d'or mytifié de l'islam des
débuts. Ils réclament davantage d’islam dans tous les domaines de la vie publique et privée,
prêchent un ordre moral strict, une obéissance inconditionnelle à Dieu, la guerre contre les
«infidèles» et les juifs. Dans le sous-continent indien, le Jamaat i-Islami n’est guère contesté
par des mouvements plus radicaux, mais chez les Frères musulmans d’Egypte, une mouvance
extrémiste et terroriste va émerger, inspirée en particulier par Sayyid Qutb, penseur et militant
radical exécuté par Nasser en 1966.
Les Frères musulmans et les groupes politiques plus ou moins clandestins inspirés du
salafisme s’exportent à la fin des années 1980: le Hamas (Résistance palestinienne) est fondé
en 1987 par des Frères musulmans; en Algérie, le Front islamique du salut apparaît en 1989 et
rêve d’instaurer dans son pays un Etat islamique et la charia; en Egypte, les militants radicaux
des Frères musulmans prospèrent aussi sur fond de détresse sociale et font la guerre à Gamal