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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013
Politiquede santé et métiers infirmiers
n cancérologie, les infirmier(e)s diplômé(e)s
d'état (IDE) prennent en charge les personnes
atteintes de cancer après une formation géné-
raliste, et à travers un tuteurage « sur le terrain ». Ce tuteu-
rage relève pour certains établissements d'un compa-
gnonnage associé à un parcours de formations internes
telles la prise en charge de la douleur, certaines notions
de pathologie, de traitements, la prise en charge de la
fin de vie. Dans la majorité des établissements de santé,
diés ou non à la cancérologie, le tuteurage est une
action « de terrain », où les plus exrimentés accom-
pagnent les nouveaux embauchés dans leurs soins au
quotidien.
Aujourd’hui, 881 établissements de santé prennent
en charge des patients atteints de cancer (en chimio-
thérapie et autres traitements médicaux, en chirurgie,
en radiothérapie). Ils sont soumis à autorisation d’acti-
vité depuis 2009, délivrée par les Agences régionales de
santé (ARS).
Les autorisations des établissements à pratiquer la
cancérologie sont délivrées conformément aux décrets
de mars 2007 « relatifs aux conditions d’implantation et
aux conditions techniques de fonctionnement appli-
cables à l’activide soins de traitement du cancer » (hors
service de santé des ares qui propose une offre de
soins en cancérologie non recene dans la cartogra-
phie de l’Institut national du Cancer [INCa]).
Des établissements dits « associés » participent également
à la prise en charge des malades traités par chimiothé-
rapie dans une logique de proximité et en lien étroit avec
les établissements autorisés.
Le dispositif d’autorisation repose sur trois piliers :
des conditions transversales de qualité quel que soit
le type de prise en charge et de thérapeutique (annonce,
pluridisciplinarité, application de référentiels, etc.) ;
des critères d’agrément finis par l’INCa pour les prin-
cipales thérapeutiques du cancer ;
des seuils d’activité minimale à atteindre pour certains
traitements.
L’idée de départ repose sur les principes d’une prise
en charge de qualité des personnes atteintes de cancer,
dans des établissements possédant les connaissances et
L’Afic et l’AFITCH-OR s’associent aujourd’hui dans le cadre
d’un travail centré sur
le développement et l’émergence de métiers
infirmiers
relatifs à la prise en charge
des personnes atteintes
de cancer
et favorisés par le système de formation universitaire
Licence Master Doctorat (LMD), décret 2010-1123 du 23
septembre 2010 concernant la délivrance du grade de licence.
Le métier d'infirmier généraliste va donc tendre à évoluer vers
diverses
« spécialités ».
Contribution au Plan Cancer 3
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expertises nécessaires à cela, et traitant un nombre suf-
fisant de personnes permettant de conserver et de faire
évoluer cette expertise, au moyen de référentiels théra-
peutiques prouvés et éprouvés.
Tous les établissements de santé souhaitant exercer
les activités de traitement du cancer sont concernés par
ce dispositif, qu’ils soient publics ou privés, y compris
les centres de radiothérapie libéraux.
Les établissements disposaient d’une période de
18 mois, jusqu’à mai 2011, pour remplir l’ensemble des
exigences de qualité attendues. Les ARS ont réalijus-
qu’à fin 2011 des visites de conformité dans ces établis-
sements. Un accompagnement des établissements de
santé pendant cette phase charnière était prévu au sein
du Plan Cancer 2009-2013 (Mesure 19 Action 19.3).
Les autorisations sont aujourd’hui délivrées par les
ARS, au regard du dispositif décrit ci-dessus.
L’Institut national du Cancer (INCa) est le férent en
matière de pathologies cancéreuses au sein des entités
publiques de l’état ou relevant de l’état. Il doit apporter
son expertise en cancérologie, tant aux administrations
de l’état, aux caisses d’assurance-maladie, qu’aux autres
agences ou aux établissements publics à caractère scien-
tifique et technologique (EPST).
L’INCa est une agence d’expertise au regard de la
production, coproduction ou participation à différents
types de documents en termes de :
expertises collectives ;
conseils aux patients ;
critères d’agrément ;
textes glementaires et circulaires administratives
(ex. : cahier des charges pour le dépistage organisé du
cancer colorectal, dispositif glementaire en matière
d’autorisation des établissements de santé, circulaire
relative aux réseaux régionaux de cancérologie).
Nous n’avons pas de recensement exhaustif des infir-
mier(e)s exerçant dans le domaine de la cancérologie
(en milieu hospitalier ou libéral), mais nos actions asso-
ciatives nous ont permis d’élaborer des listings de plus
de 10 000 professionnels infirmiers.
En France métropolitaine, en 2011, on estimait à
207 000 le nombre de nouveaux diagnostics de cancer
chez l’homme. Cette estimation était de 158 500 chez la
femme. Le nombre de décès, quant à lui, était estimé à
84 500 chez l’homme et 63 000 chez la femme.
Les cancers sont consirés comme un problème
majeur de santé publique, nécessitant des actions
tant en termes de prévention et de dépistage, que
davancées thérapeutiques. Le cancer est, aujour-
dhui encore, la plus grande cause de morbidité et
mortalité.
La cancérologie d’aujourd’hui est riche de déra-
tions, de collèges, de sociétés savantes, d’associations
professionnelles et dassociations de patients. Tous
contribuent à lévolution des connaissances dans ce
domaine, comme de la qualité de prise en charge et la
qualité de vie des personnes atteintes de cancer, pen-
dant comme après un cancer.
En 1921, Gustave Roussy (1874-1948), spécialiste de
l’anatomopathologie et recteur de l’académie de Paris,
decin en chef de lhospice partemental Paul
Brousse, créait à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, la
première consultation dédiée aux malades atteints de
cancer. Dès ce moment, le but de la création d’un Insti-
tut du Cancer à Villejuif était clairement défini. Il s’agis-
sait « dassocier soins aux malades, recherche et
enseignement ».Avant que la cancérologie n’existe à
proprement parler, chaque type de cancer était pris en
charge par un médecin spécialiste d’organe : un cancer
du poumon par un pneumologue, un cancer digestif par
un gastro-entérologue.
Gustave Roussy, lui, pensait que le cancer « trans-
cendait l’organe » ; il voulait donc changer cette pratique.
Il considérait que la prise en charge devait être multi -
disciplinaire.
Considérant l’importance de ces pathologies dans la
société française en termes de santé publique, nous
avons fléchi aux problèmes pos par la prise en
charge des personnes malades afin de proposer l’émer-
gence de compétences infirmières y participant.
Considérant que la pluriprofessionnalité et la
pluridisciplinarinécessaires à une prise en soin opti-
male de la personne atteinte de cancer relèvent de for-
mations adaptées, nous demandons que soient ouverts
des groupes de travail émergeant de l’INCa au regard
de formations de spécialistes cliniques infirmiers. En
effet, de me qu’aujourd’hui les personnes atteintes
de cancer sont médicalement prises en charge par des
decins spécialisés, les mêmes possibilités doivent leur
être offertes en termes de soins infirmiers. Vous trouve-
rez en annexe une proposition de programme de mas-
ters 1 et 2 à ces fins.
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Notre réflexion a été fondée sur ce schéma :
La prise en soin de la personne atteinte de can-
cer, élargie à son entourage, nécessite en effet des
connaissances et des comtences spécifiques rele-
vant de plus qu’un « simple » tuteurage en ce qui
concerne les métiers infirmiers en cancérologie.
Le point d’entrée de la réflexion sur le développe-
ment et l’émergence des métiers infirmiers en can-
cérologie doit s’appuyer sur le parcours patient.
Aussi, il nous semble fondamentalement exigible que
ce parcours patient soit pris en charge par des profes-
sionnels du soin1ayant des connaissances approfon-
dies dans la spécialité.
De l’annonce du diagnostic à la reprise d’une acti-
vité professionnelle, ou au décès, le patient se trouve
dans une trajectoire de maladie grave, aiguë ou chro-
nique bouleversant son état de santé, et sa dynamique
personnelle, familiale et sociale.
Situation actuelle
Le binôme médico-infirmier se consacre à son cœur
de métier et manque de temps matériel pour s’occuper
de l’annonce, de l’organisation de la périphérie de
l’hospitalisation ou de la consultation, de l’éduca-
tion thérapeutique, de l’évolution des soins et des
thérapeutiques en participant à la recherche cli-
nique biomédicale. Les patients sont demandeurs d’une
prise en charge complétant l’acte médical, ayant pour
finalité d’améliorer l’environnement de leur maladie et
d’optimiser l’efficacité des traitements par une meilleure
organisation.
L’accompagnement du patient (pendant et après la
maladie) doit se situer en milieu hospitalier aussi bien
qu’en milieu extrahospitalier dans un souci de conti-
nuité de soins de qualité répondant aux normes de sécu-
rité à domicile dans le cadre de réseaux ou non.
Enfin, il y a un axe quasi inexistant en France : l’édu-
cation en santé et la prévention. Là encore les IDE
devraient pouvoir velopper de nouvelles com-
tences en santé publique liées à la cancérologie
afin d’investir cet axe de prévention. Il est à noter
que dans le cadre de la certification HAS, les critères
concernant la prévention sont peu remplis par les éta-
blissements de santé.
Le programme de formation initiale en soins infirmiers
ne permet pas la construction des compétences néces-
saires à une prise en charge personnalisée et spécialisée
de la personne atteinte de cancer :
le programme de formation est un programme géné-
raliste (seules 50 heures, dont 30 heures de cours magis-
traux, 10 heures de travaux pratiques et 10 heures de tra-
vaux dirigés sur les « processus tumoraux », soit 2 crédits
ECTS (pour European Crédits Transfer System/Système
européen de transfert et d’accumulation de crédits) sur
120- sur le semestre 5 du cursus) ;
le programme de formation engendre un apprentissage
morcelé par processus et dépend surtout des parcours de
stage (pas de stage obligatoire en cancérologie) ;
la cancérologie n’est abordée qu’au travers de 5 patho-
logies cancéreuses (cancers broncho-pulmonaires, du
sein, de la prostate, du lon et mopathies) et 2 tumeurs
bénignes (gynécologique, adénome de la prostate).
Aujourd’hui, différents besoins ne peuvent être assu-
s dans le temps dical et l’absence de personnel
infirmier dédayant reçu une formation adaptée
ne permet pas de pondre de façon optimale à ces
besoins.
Les protocoles de coopération mis en œuvre par
l’article 51 de la loi HPST (juillet 2009), relevant d’ini-
tiatives locales, permettent la mise en place à titre déro-
gatoire et à l’initiative des professionnels de terrain, de
transferts d’actes ou d’activités de soins. Les visions de
nos deux associations quant à ces protocoles se
Patients
Besoins en san
Activités de soin
Missions
Besoins en formations
Besoins en connaissances/Compétences
Définitions des métiers
Population
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regroupent en diverses flexions : me si cer-
taines de ces actions présentent un intérêt majeur dans
la prise en charge des personnes atteintes de cancer,
elles sont locales, basées sur le volontariat des différents
professionnels, avec des programmes de formation « non
qualifiants » et non reconnus, sans valorisation finan-
cière pour le professionnel délégué.
De plus, la situation française pour les infirmier(e)s
exeant, de façon non reconnue ni valorie en can-
cérologie, doit alerter quant au turnover important : la
moyenne nationale identifiée est de 3 ans d’ancien-
neté dans la spécialité. La démographie (pyramide des
âges) infirmière, identique à la démographie médicale
est également à prendre en compte.
Au regard de ces différents constats et de la des-
cription du parcours patient en cancérologie intra-
comme extra-hospitalier, l’identification des besoins se
décline en 7 grands axes :
la prévention ;
l’éducation thérapeutique ;
la recherche biomédicale ;
en amont de la prise en charge, par la participation au
dispositif d’annonce, l’élaboration et la mise en œuvre
du programme personnalisé de soins (PPS) ;
en cours de traitement par l’organisation, la coordi-
nation et le suivi de toutes les facettes du PPS et des aléas
inhérents à l’évolution de la maladie ;
la maladie chronique ;
participation/coordination du programme personna-
lisé de l’après-cancer (PPAC).
Quelles nouvelles activités
pour les infirmier(e)s
de cancérologie ?
veloppement de la légation de parole lors de
l’annonce et du suivi.
Mise en œuvre/prescription du bilan d’extension, et/ou
prétraitement.
Mise en œuvre/prescription du bilan prégreffe.
Mise en œuvre/prescription du bilan de suivi théra-
peutique.
Ok reconduction de traitement (traitements PO, cycles
au-dedu 2e, J8, J15 pour les traitements injectables).
Prescription et pose des voies d’abord centrales, et
gestion des complications potentielles (absence de
reflux, obstruction).
Myélogramme.
Prescriptions en soins de support (antalgiques de palier
1, gestion de certains effets secondaires, de l’image cor-
porelle, de l’alimentation entérale…).
Prescription et mise en œuvre de la prise en charge
des plaies cancéreuses.
Éducation thérapeutique.
Ponctions d’ascite simple.
Gestion du globe vésical (du BladderScan® (scanneur
de vessie) au sondage).
Évaluation oncogériatrique (autonomie, fragilité).
Afin de répondre aux besoins identifiés, aux activi-
tés de soins spécialisés en canrologie, nous propo-
sons une acquisition de compétences de niveau exper-
tise en 3 temps :
une certification basée sur la validation des acquis de
l’expérience (en s’appuyant sur un parcours profes-
sionnalisant associé à des savoirs théoriques) fixée entre
3 et 5 ans, avec une valorisation financière sous forme
de prime pour la spécialité ;
un master 1 pour les métiers IDE de type : infirmier(e)
d’annonce et d’interface, infirmier(e) de coordination
du parcours de soins, infirmier(e) coordinateur de
greffes, infirmier(e) en éducation thérapeutique, infir-
mier(e) de recherche clinique, avec une valorisation
financière de type Nouvelle Bonification Indiciaire (NBI)
(dans la fonction publique) ;
Un master 2 pour linfirmier(e) spécialiste clinique
(pratiques avancées), infirmier(e) en santé publique avec
une valorisation financière de type NBI.
Derrière ce cursus, et au regard de l’universitarisa-
tion de la profession infirmière, un doctorat centré sur
la recherche dans la discipline des sciences infirmières
se devra d’être mis en place.
Un programme national de ces formations sera une
assurance qualipour l’émergence puis l’homogénéi-
sation des pratiques et des compétences en cancérolo-
gie. Un lien fort de l’université avec les associations pro-
fessionnelles et les sociétés savantes en cancérologie
(quelle que soit la spécialité : oncologie, hématologie,
soins de support, etc.) permettra la construction de pro-
grammes de formation en adéquation avec les besoins
évolutifs de la spécialité et des patients.
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Intitulé de poste Connaissances et Compétences
Master 1
Infirmier(e) Capacités relationnelles et éducatives
d’annonce et d’interface Pathologies et traitements des cancers
Organisation
Capacité à élaborer et à conduire une consultation infirmière
Infirmier(e) Capacités relationnelles et éducatives
de coordination Connaissance de la territorialité professionnelle et sociale
du parcours de soins, infirmier(e)
Infirmier(e) Capacités relationnelles et éducatives
coordinateur de greffes Capacité à élaborer et à conduire une consultation infirmière
Infirmier(e) Capacités relationnelles et éducatives
en éducation Capacité à élaborer et à conduire une consultation infirmière
thérapeutique
Infirmier(e) Bonnes pratiques cliniques, législation
de recherche clinique Essais cliniques en Cancérologie
Parcours patient en Cancérologie
Réalisation de document de soins protocolaires
Anglais médical
Capacités relationnelles et éducatives (patients et autres soignants)
Pathologies cancéreuses
Capacité à élaborer et à conduire une consultation infirmière
Capacités d’analyse de situations complexes
Rigueur et méthode
Études de faisabilité, organisation et gestion des protocoles
Coordination de la prise en charge des patients inclus dans ces protocoles
et leur suivi
Suivi qualité du recueil des données relatif aux exigences protocolaires
Master 2
Infirmier(e) spécialiste Pathologies et traitements des cancers
clinique (pratiques Actes délégués type « coopérations HPST »
-avancées) Compréhension et analyse de situations de soins complexes en cancérologie
Autonomie
Organisation
Capacités relationnelles et éducatives
Capacité à élaborer et à conduire une consultation infirmière
Travail en collaboration avec différents acteurs et métiers
Infirmier(e) Pathologies et traitements des cancers
en santé publique Épidémiologie
Capacités à élaborer des programmes d’éducation à la prévention, à la vie « après cancer »
Capacités relationnelles et éducatives
1AFIC : Association Française des Infirmier(e)s de Cancérologie (www.assoafic.org)
2AFITCH-OR : Association Française des Infirmier(e)s de Thérapie Cellulaire Hématologie Oncologie et Radiothérapie (www.afitch-or.asso.fr)
3 InVs : Institut de Veille Sanitaire
4Selon le Code de la Santé Publique, définissant les professions médicales et d’auxiliaires médicaux.
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