La sensibilité de l`activité économique aux chocs monétaire et

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La sensibilité de l’activité économique aux chocs monétaire
et budgétaire.
Cheikh Tidiane NDIAYE
*
Résumé : Ce chapitre analyse la sensibilité de l’activité économique aux
chocs monétaire et budgétaire au Sénégal, en se basant sur une méthode
d’extraction des cycles de l’activité réelle, de l’inflation, des variables
monétaires et budgétaires, une causalité à la Granger et une méthodologie
SVAR structurel. En termes d’analyse des politiques macroéconomiques au
Sénégal, compte tenu des objectifs définis pour chaque politique, les
résultats obtenus montrent que la politique monétaire a plutôt bien rempli
ses objectifs de stabilité des prix et est restée neutre vis-à-vis de l’activité
économique, tandis que la politique budgétaire a été déficitaire et s’avère
pro-cyclique dans ce sens. Le respect des critères de convergence en matière
budgétaire n’est pas réussi malgré la mise en place des dispositifs communs
imposant une certaine discipline budgétaire aux pays membre (le Pacte de
Convergence, de Stabilité et de Croissance). Il ressort de l’analyse des
réponses impulsionnelles et de la décomposition de la variance de l’erreur
que les délais de transmission des chocs entre les variables sont très courts
et que l’activité économique est très élastique aux fluctuations des variables
monétaire et budgétaire. Elle révèle également que la politique monétaire
réagit aux chocs affectant la politique budgétaire. Les résultats de l’analyse
de la causalité à la Granger révèlent le caractère exogène des politiques
monétaire et budgétaire. Ainsi, l’absence de relation de cointégration justifie
que les effets réels des politiques monétaire et budgétaire sur l’activité
économique demeurent soumis à des sources d’incertitude liées aux chocs
imprévisibles émanant de l’extérieur du fait de la faiblesse des stabilisateurs
automatiques.
JEL CLASSIFICATION : E23, E52, E62, E63
Mots clés : Politique monétaire, Politique budgétaire, Croissance économique, Causalité,
Cointégration, VAR structurel, réponses impulsionnelles.
*Doctorant au Laboratoire d’Economie d’Orléans (LEO), E-mail : cheikh.ndiay[email protected]r
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Introduction
Les politiques monétaire et budgétaire se révèlent être deux catégories
de politique économique qui ont fait l’objet de plusieurs controverses. La
question de leur interaction et de leur influence sur l’activité économique et
l’inflation se posent avec acuité. Chacune des deux politiques est susceptible
d’accroître ou de ralentir la demande globale. Elles peuvent avoir des
impacts très différents sur l’économie et qu’un changement de l’une peut
affecter l’autre. Cet état de fait explique la distinction faite au niveau de leur
efficacité relative dans plusieurs pays. Les théories récentes de la croissance
endogène, considèrent que la politique budgétaire discrétionnaire est efficace
à la production, du fait, qu’elle permet de propulser la croissance. Celle-ci
induit à son tour un accroissement des recettes publiques et donc de la
dépense publique facteur de croissance. Les monétaristes s’opposent à
l’efficacité de la politique budgétaire en estimant qu’elle peut générer un effet
d’éviction et affirment que les variations de la quantité de monnaie ont, à
court terme, de réels effets sur la production et l’emploi du fait de la rigidité
des prix. Ils postulent également qu’une variation de la masse monétaire à
long terme, n’a d’incidence que sur le niveau général des prix, les variables
réelles resteront constantes. Ils considèrent les phénomènes monétaires
comme cause de perturbations de l’équilibre et de la croissance économique.
Les théories monétaristes s’appuient sur la théorie quantitative de la
monnaie pour établir une relation causale entre inflation et émission
monétaire.
Les politiques monétaire et budgétaire sont perçues comme étant
appropriées pour atténuer les menaces inflationnistes qui sévissent dans
toutes les économies. Ainsi, l’étude basée au Sénégal s’avère extrêmement
utile du fait qu’elle nous permet de voir dans quelle mesure ces politiques
sont appropriés aux objectifs qui leur sont attribués mais aussi d’examiner
les possibilités de choix et d’analyse de court et de long terme de ces
politiques. Puisque la conduite de la politique budgétaire est décentralisée
dans la zone UEMOA, le gouvernement du Sénégal devient responsable de
l’activité économique de son propre pays.
3
La crédibilité de l’UEMOA
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repose fondamentalement sur la maîtrise de
l’inflation et la stabilité monétaire mais aussi sur son aptitude à promouvoir
la croissance et le développement. La convergence des performances
économiques des pays membres demeure également un facteur important
afin de bien répondre au critère d’optimalité de Mundell
2
. La convergence de
ces politiques dans l’union a le mérite d’alléger les multiples chocs
asymétriques entre les membres. Une absence de celle-ci pourrait ipso facto
générer des coûts liés surtout à la « difficulté de mener une politique
monétaire profitant à tous dans le cas d’un ancrage profond des disparités
économiques »
3
. L’ultime objectif du pacte de convergence, de stabilité, de
croissance et de solidarité aspire au respect strict des critères définis pour
l’ensemble des pays membres. Le respect de ces critères est subordonné à la
mise en place d’un environnement propice susceptible de concilier les
priorités des autorités monétaire et budgétaire. Celles-ci peuvent avoir des
objectifs de court terme visant à stimuler la demande globale et l’activité
économique.
La modélisation macroéconomique de l’influence des politiques monétaire et
budgétaire est une approche qui consistera dans le cadre de cette analyse à
étudier à court, moyen et long terme laquelle de ces deux politiques est la
plus susceptible de jouer un rôle déterminant sur l’activité économique. Pour
y parvenir, nous utilisons une analyse des cycles, les relations de causalité
et les modèles VARs. Une abondante littérature portant sur ces modèles a
tenté d’expliquer la crédibilité des politiques macroéconomiques du fait qu’ils
sont réputés être appropriés pour les études sur la politique économique ou
des variables macroéconomiques en général.
Ces méthodes d’analyse
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La zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) est caractérisée par une monnaie
commune, le franc CFA, regroupant huit pays membres : le Sénégal, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée
Bissau (depuis 1997), le Mali, le Niger, le Bénin et le Togo.
2
Le critère d’optimalité de Mundell suppose la mobilité des facteurs de production. Selon SEMEDO, G. et
VILLIEU, P. (1997), la zone franc ne répond pas à ce critère du fait de la flexibilité des prix et des salaires très
limité et la faiblesse de la mobilité du facteur travail. Cet état de fait nécessite un ajustement permanent du
change pour corriger les déséquilibres réels internes et externes.
3
Cf. Conjoncture, septembre 2005, p.20.
4
permettent d’identifier les impulsions responsables des déséquilibres de
court ou long terme des différentes variables macroéconomiques. Ce sont des
modèles dynamiques qui intègrent à la fois les évolutions de court terme et
de long terme des variables. L’étude de ce modèle nous permettra de dégager
les conditions de cohérence et de transmission des politiques monétaire et
budgétaire. Dans le cadre de cette modélisation, nous chercherons à évaluer
l’interaction entre les différentes autorités chargées de la gestion des
politiques monétaire et budgétaire. Les variables retenues sont le Produit
Intérieur Brut (PIB), la masse monétaire (M), les dépenses publiques
totales (G) et l’inflation appréhendée par le déflateur du PIB (P). Toutes les
variables sont exprimées en logarithme. Les séries sont en données
4
annuelles et couvrent la période 1960 – 2006.
Ce chapitre sera centré d’abord sur une brève revue de la littérature et une
analyse brève de la situation macroéconomique, ensuite sur l’analyse des
cycles des politiques monétaire et budgétaire et des relations de causalité à
la Granger et enfin sur les analyses de la transmission des chocs à travers
une approche SVAR.
4
Les données proviennent de la base de données « World Development Indicators » version 2008.
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Revue de la littérature
Beaucoup d’études s’inspirant également de la modélisation VAR ont
tenté de justifier le bien fondé, l’interdépendance et les mécanismes de
transmissions des politiques monétaire et budgétaire (Ansari, 1996 ; Funke,
1996 ; Blanchard et Perotti, 1999 ; Bruneau et al., 1999 ; Garcia et
Verdelhan, 2001 ; Wickens et Motto, 2001 ; Aarle et al., 2003 ; Sabaté et al.,
2004 ; Biau et Girard, 2005 ; Komaki, 2008). En Europe, de nombreuses
études ont été consacrées à l’analyse des politiques monétaires et
budgétaires, mais, faute de données suffisantes après le passage à l’euro, ces
travaux utilisent généralement des reconstitutions de données agrégées à
partir de données nationales disponibles avant la création de l’union en
1999. La principale justification de cette démarche réside dans la mise en
place des dispositifs de convergence bien avant 1999, tels que la création du
Système Monétaire Européen en 1975 ou les contraintes imposées par le
Traité de Maastricht en 1992, dont le but était d’assurer l’adaptation des
futurs pays membres à un nouveau fonctionnement spécifique à l’union
monétaire. Pourtant, malgré cet argument, il est clair que le processus de
convergence s’est réalisé lentement et que la reconstitution de données d’une
union hypothétique dont l’existence remonte parfois à 1970 pourrait
conduire à des résultats biaisés par rapport aux vraies particularités de la
zone Euro.
Les études empiriques réalisées sur les pays européens, pour évaluer
les politiques macroéconomiques peuvent être réparties en trois grandes
catégories, toutes utilisant des approches de type SVAR (VAR Structurels)5.
Si une première catégorie contient des études orientées explicitement vers
l’analyse de la transmission monétaire (Gerlach & Smets, 1995, Barran &
al., 1996, Ehrman, 2000, Wehinger, 2000, Ciccarelli & Rebucci, 2006 ou
Monticelli & Tristani, 1999), une seconde catégorie rassemble des études
particulièrement dédiées à la transmission des chocs budgétaires (Dalsgaard
5
Cette méthode semble particulièrement adaptée à ce type d’exercice, car elle permet d’isoler la réponse des
principales variables macroéconomiques à des chocs structurels et à des innovations de politique économique,
et d’analyser la transmission de ces chocs dans le temps.
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