Lettre circulaire AI n 334

publicité
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes
7 juillet 2015
Lettre circulaire AI n 334
Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015)
1. Situation de départ
Par arrêt du 3 juin 2015 (9C_492/2014), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique en matière d'évaluation du droit à une rente de l'assurance-invalidité en cas de troubles somatoformes douloureux et d'affections psychosomatiques assimilées. La présomption qui prévalait jusqu'à ce jour, selon laquelle ces
syndromes peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible, est abandonnée. Désormais, la capacité de travail réellement exigible des personnes concernées doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée, à la lumière
des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini (consid. 4 de l’arrêt cité).
L’abandon de la présomption du caractère surmontable de la douleur n’a pas d’influence sur l’exigibilité et la nécessité d’une preuve objective (art. 7, al. 2, LPGA). Des évaluations et des limitations subjectives qui ne sont médicalement pas explicables ne peuvent toujours pas être considérées comme
des atteintes à la santé invalidantes (sans compter que souvent aucun traitement adéquat n’est suivi).
Par conséquent, il faut partir du principe que la personne assurée est valide (consid. 3.7.1 et 3.7.2 de
l’arrêt). Un degré d’invalidité qui ouvre le droit à une rente peut être reconnu seulement lorsque les
conséquences fonctionnelles sont étayées sans contradiction et selon toute vraisemblance par des
constatations médicales basées sur les indicateurs standards (consid. 6 de l’arrêt). La personne assurée continue à supporter le fardeau de la preuve (consid. 6 de l’arrêt).
2. Structure des procédures d’instruction
La nouvelle procédure d’instruction doit se baser sur les indicateurs suivants :
A.
Catégorie « degré de gravité fonctionnel »
a. Complexe « atteinte à la santé »
i. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic
ii. Succès du traitement ou résistance à cet égard
iii. Succès de la réadaptation ou résistance à cet égard
iv. Comorbidités
b. Complexe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
c. Complexe « contexte social »
B.
Catégorie « cohérence » (points de vue du comportement)
a. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
b. Poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
L’application de la liste des indicateurs doit toujours tenir compte des circonstances du cas particulier.
Il ne s’agit pas d’une checklist où il suffit de cocher des rubriques (consid. 4.1.1 de l’arrêt).
DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3
juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
1/6
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes
Un aperçu détaillé des indicateurs se trouve dans le tableau en annexe.
3. Atteintes à la santé concernées par la nouvelle jurisprudence
Par affections psychosomatiques, il faut entendre toutes les affections citées au ch. 1017.4 CIIAI. Il
sera examiné si d’autres affections devront être instruites conformément à la nouvelle procédure.
4. Règlementation transitoire
a. Cas pendants auprès de l’office AI
Il y a lieu de distinguer trois différentes constellations :
-
Un mandat d’expertise a déjà été établi / la plateforme SuisseMED@P a attribué le mandat :
Si à cause de la nouvelle jurisprudence, l’établissement de l’expertise subi des retards, l’office
AI, sur demande du centre d’expertise médicale, stoppe le chronomètre.
Dans chaque cas particulier, il faut examiner si, sur la base des indicateurs déterminants, l’expertise permet une appréciation convaincante. Selon les indications contenues dans l’expertise, un complément ponctuel devra être demandé.
-
Un mandat est déjà déposé sur SuisseMED@P, mais la plateforme ne l’a pas encore attribué : Il doit être garanti que l’expert / le centre d’expertise observe les indicateurs standards
(consid. 4.1.3 et 5.2.2). il faut examiner si, sur la base des indicateurs déterminants, l’expertise permet une appréciation convaincante. Selon les indications contenues dans l’expertise,
un complément ponctuel devra être demandé.
-
Un mandat d’expertise n’a pas encore été établi : Un catalogue de questions qui tient compte
de la nouvelle jurisprudence sera mis à disposition des offices AI dès que possible. Jusqu’à
ce moment, les offices AI ne mandateront plus de nouvelles expertises mono-, bi- ou
pluridisciplinaires qui pour instruire les cas de troubles psychosomatiques. Les offices
AI seront informés sur la levée de cette suspension.
Les droits de participations des assurés doivent être respectés.
b. Cas ayant déjà fait l’objet d’une décision entrée en force
La nouvelle jurisprudence ne constitue pas un motif pour revenir sur une décision entrée en force, ni
au titre d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), ni au titre d'une adaptation à une nouvelle jurisprudence (cf. ATF 135 V 201).
L’office AI entre en matière sur une nouvelle demande ou une demande de révision uniquement lorsque la personne assurée rend plausible une modification du taux d’invalidité (art. 87, al. 2 et 3, RAI,
art. 17 LPGA). Des évaluations et des limitations subjectives de la personne assurée qui ne sont médicalement pas explicables (p ex. amplification subjective du sentiment de la douleur) ne sont pas suffisantes.
DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3
juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
2/6
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes
ANNEXE
Indicateurs standards en détail
Nota bene : L’application de la liste des indicateurs doit toujours tenir compte des circonstances du cas particulier. Il ne s’agit pas d’une checklist où il suffit de cocher
des rubriques (consid. 4.1.1 de l’arrêt).
A. Catégorie « degré de gravité fonctionnel »
a. Complexe « atteinte à la santé »
 Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée aident à ne pas séparer les limita‐
i. Expression des éléments pertinents
tions fonctionnelles dues à cette atteinte des conséquences (directes) de facteurs non assurés. pour le diagnostic
 Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic.  Les motifs d’exclusion selon l’arrêt 131 V 49 doivent être pris en considération. Normalement, il n’existe pas d’atteinte à la santé assurée, lorsque la perte de rendement se base sur des aggravations ou sur des phénomènes similaires. Des indices en faveur d’un tel comportement ou d’un bénéfice secondaire de la maladie suivants sont présents par exemple lorsque : - Il existe une divergence considérable entre les douleurs décrites et le comportement de la personne assurée ou son anam‐
nèse ; - La caractérisation des douleurs intenses alléguées reste vague ; - Aucun traitement médical et aucune thérapie ne sont suivis ; - Des plaintes présentées de manière démonstrative semblent peu crédibles à l’expert ; - Des limitations importantes dans le quotidien sont alléguées, toutefois l’entourage psycho‐social reste intact. Si dans le cas particulier, il est clair que ces motifs d’exclusion ne permettent pas d’admettre une atteinte à la santé, il n’existe à priori aucune base pour une rente d’invalidité, également lorsque les critères de classification d’un trouble somatoforme doulou‐
reux sont présents. Dans la mesure où les signes en question apparaissent en plus d’une atteinte à la santé indépendante, leurs effets doivent être considérés dans le cadre de l’aggravation.  La gravité de l’évolution de la maladie doit être rendue plausible à l’aide de tous les éléments disponibles provenant de l’étiologie et pathogenèse déterminantes pour le diagnostic. En particulier, la description du trouble somatoforme douloureux faite dans la CIM 10, ch. F45.4, met en évidence les facteurs étiologiques : la caractéristique du trouble est qu’il survient « dans un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psychosociaux » qui jouent le rôle principal pour le début, le degré de gravité, l’exacerbation ou le maintien des douleurs.  Les conclusions sur le degré de gravité ne doivent plus être tirées de la notion de bénéfice primaire de la maladie. DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
3/6
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes
ii. Succès du traitement ou résistance à cet  L’échec définitif d’une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l’art, avec une coopération optimale de l’as‐
égard suré, indique un pronostic négatif. Si par contre le traitement demeuré sans résultat ne correspond pas (ou plus) à l’état actuel de la médecine ou apparaît inapproprié dans le cas d’espèce, il n’y a rien à en tirer en ce qui concerne le degré de gravité du trouble.  Des troubles psychiques du type qui nous intéresse ici ne sont considérés comme invalidants que s’ils sont graves et qu’ils ne peu‐
vent pas (ou plus) être traités médicalement.  En cas de maladie de relativement courte durée – donc pas encore devenue vraiment chronique –, il devrait en général exister encore des options thérapeutiques et une résistance au traitement devrait donc être exclue. Cela montre que la question de l’évo‐
lution d’un trouble somatoforme douloureux (« durable ») vers un état chronique n’est la plupart du temps pas très utile pour ju‐
ger du degré de gravité : sans une accentuation de la douleur à long terme, une incapacité de travail invalidante n’est guère imagi‐
nable ; il en va déjà de même pour le diagnostic.  Au reste, pour autant qu’il faille admettre que le recours à des thérapies et le fait de se montrer coopérant sont dus à la présence ou à l’étendue des souffrances perçues, il en va de la cohérence des effets d’une atteinte à la santé. iii. Succès de la réadaptation ou résistance  Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical, mais à cet égard aussi de la réadaptation au sens juridique. En effet, comme le traitement médical raisonnablement exigible (qui, sous réserve de l’art. 12 LAI, n’est pas à la charge de l’assurance‐invalidité) engage l’assuré à pourvoir en quelque sorte à sa propre réadaptation, celui‐ci doit, sur le plan professionnel, se réadapter en principe lui‐même avant de participer, si cela est indiqué, à des mesures de réadaptation et de réinsertion (art. 8 s. et art. 14 ss LAI). Lorsque de telles mesures entrent en considération après une évaluation médicale mais que la personne demandant une rente n’y participe pas, cela est considéré comme un indice sérieux d’une atteinte non invalidante. A l’inverse, une réadaptation ratée malgré une coopération optimale peut être significative dans le cadre d’un examen global prenant en compte les circonstances individuelles du cas d’espèce.  La comorbidité psychique n’est plus prioritaire de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu’en fonction de son iv. Comorbidités
importance concrète dans le cas d’espèce, notamment en tant que baromètre pour savoir si elle prive l’assuré de certaines res‐
sources.  Les anciens critères de « comorbidité psychiatrique » et de « maladies physiques concomitantes » sont réunis en un indicateur uniforme. Il faut une approche globale des interactions et autres liens du trouble douloureux avec toutes les pathologies concomi‐
tantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel, ne relève pas de la comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.  L’exigence d’une approche globale est en principe applicable indépendamment de la question de savoir comment se présente la relation entre le syndrome douloureux et la comorbidité. C’est pourquoi, par exemple, une dépression ne perd plus toute significa‐
tion en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources seulement à cause de sa connexité médicale (éventuelle) avec DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
4/6
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes

b. Complexe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
c. Complexe « contexte social »




la douleur. Toutefois, les tableaux cliniques qui apparaissent comme de simples variantes de la même entité dans des qualifica‐
tions différentes au niveau du diagnostic sur la base de symptômes identiques ne constituent d’emblée pas une comorbidité. Si‐
non, l’atteinte à la santé pouvant être qualifiée et décrite de plusieurs manières serait évaluée à double. Il n’existe pas une relation linéaire entre le nombre de douleurs physiques qui ne s’expliquent pas suffisamment d’un point de vue organique (ou le nombre de syndromes somatoformes dans leurs diverses manifestations) et le degré de gravité de l’atteinte fonc‐
tionnelle. Il n’existe donc pas une règle schématique basée sur l’idée que «plus le nombre des diverses plaintes est grand, plus les limitations fonctionnelles sont élevées». Au contraire, les divers symptômes et résultats risqueraient d’être simplement juxtaposés et évalués de manière purement mécanique et quantitative, ce qui fausserait le regard sur l’effet global du tableau clinique pour établir le statut fonctionnel. A côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité, qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le con‐
cept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » entre aussi en considération. Ces fonctions désignent des capacités inhérentes à la personnalité, qui permettent des déductions sur la capacité physique. Comme le diagnostic de la personnalité dépend dans une plus forte mesure du médecin qui procède aux examens que d’autres indicateurs (liés par exemple aux symptômes ou au comportement), les exigences en matière de motivation sont ici particulière‐
ment élevées. Ces exigences seront précisées dans des lignes directrices médicales encore à élaborer. Le contexte social influence aussi la manière dont se manifestent concrètement les effets (déterminants de manière seulement causale) de l’atteinte à la santé. A ce sujet, il y a deux choses à retenir : d’une part, si des contraintes sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. D’autre part, des ressources (mobili‐
sables) peuvent aussi être tirées du contexte de vie de l’assuré, notamment le soutien dont il bénéficie dans son réseau social. Il faut toujours s’assurer que l’incapacité de gain pour des raisons de santé (art. 4, al. 1, LAI), d’une part, et le chômage non assuré ou d’autres situations éprouvantes, d’autre part, ne se recouvrent pas. B. Catégorie « cohérence » (points de vue du comportement)
 L’indicateur d’une limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie revient à se demander si a. Limitation uniforme du niveau des
la limitation en question se manifeste de la même manière dans la profession et l’activité rémunérée (ou, pour les personnes sans activités dans tous les domaines comactivité lucrative, dans les actes habituels de la vie), d’une part, et dans les autres domaines de la vie (par ex. l’organisation des parables de la vie
loisirs), d’autre part.  L’ancien critère du retrait social doit à son tour être interprété de telle sorte qu’il ne se réfère pas qu’à des limitations, mais qu’il concerne aussi les ressources ; à l’inverse, un retrait conditionné par une maladie peut cependant aussi diminuer encore les res‐
sources.  Dans la mesure du possible, il est recommandé de faire une comparaison avec le niveau d’activité sociale avant la survenance de l’atteinte à la santé. Le niveau d’activité de l’assuré doit toujours être considéré en relation avec l’incapacité de travail invoquée. DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
5/6
Département fédérale de l’intérieur DFI
Office fédéral des assurances sociales OFAS
Domaine Assurance-invalidité
Procédures et rentes
b. Poids des souffrances révélé par
l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
 La mise à contribution d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet (en complément au point de vue du succès du traitement et de la réadaptation ou de la résistance à ceux‐ci) d’évaluer le poids effectif des souffrances.  Tel n’est toutefois le cas que si le comportement en question n’est pas influencé par la procédure en cours en matière d’assurance. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsqu’il est clair que le refus ou la mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible doit être attribuée à une incapacité (inévitable) de l’assuré de comprendre sa maladie.  De manière similaire, il faut tenir compte du comportement de l’assuré dans le cadre de sa réadaptation professionnelle (et de ses propres efforts de réadaptation). Un comportement manquant de cohérence est, là aussi, un indice que la limitation invoquée serait due à d’autres raisons qu’à une atteinte à la santé assurée. DFI OFAS Lettre circulaire AI n 334 / Nouvelle procédure d’instruction pour les atteintes psychosomatiques (arrêt 9C_492/2014 du 3 juin 2015) (Valable à partir du 07.07.2015)
6/6
Téléchargement