L’ÉCHOGRAPHIE EN MÉDECINE D’URGENCE C’est l’histoire qui donne raison ! Frédéric LAPOSTOLLE*, Tomislav PETROVIC*, Claude LAPANDRY*, Frédéric ADNET* n 1983, MASSEN et MERCAT présentaient dans la Revue des SAMU un travail prémonitoire sur "l’intérêt des explorations par les ultrasons dans les véhicules de transports primaires d’urgence des malades ou blessés"(1). En dépit d’obstacles techniques majeurs, les appareils n’avaient de portatifs que le nom et nécessitaient une alimentation de 220 Volts, les auteurs concluaient que "les explorations aux ultrasons sont possibles et souhaitables lors des transports médicalisés, permettant un diagnostic précoce de certaines lésions graves thoraco-abdominales ou des membres pour la mise en œuvre de traitements ou gestes de réanimation sur place, pour orienter directement le patient sur le centre spécialisé le mieux adapté à son état, pour informer l’équipe hospitalière des lésions précises, afin de ne pas perdre un temps précieux entre l’heure de l’accident et celle du traitement et d’assurer le transport avec une meilleure sécurité". Plus de vingt ans plus tard, l’histoire leur donne raison. MASSEN et MERCAT étaient juste en avance d’une révolution technologique ! Non seulement les progrès technologiques autorisent maintenant la réalisation extrahospitalière de l’échographie mais ils le permettent dans des conditions que MASSEN et MERCAT n’auraient certainement pas imaginées. Les appareils sont légers, autonomes, simples d’usage, dotés de dopplers, de la couleur ; les sondes sont interchangeables ; les images d’excellentes qualité, immédiatement transmissibles sur un ordinateur… et les prix en continuelle diminution. Mais, au-delà des considérations techniques, l’introduction de l’échographie dans la pratique extrahospitalière constitue pour la médecine d’urgence un défi organisationnel et scientifique. En effet, l’introduction, dans le champ de pratique original qu’est la médecine extrahospitalière d’une nouvelle technique, qu’il s’agisse d’une méthode diagnostique, d’un traitement pharmacologique, ou d’un appareil de monitorage constitue chaque fois un défi ! Ce défi se relève en trois temps : 1. disposer de retours d’expériences nombreux, fiables et positifs sur la technique dans son usage intrahospitalier apportant de forts arguments en faveur d’une exportation en dehors de l’hôpital de la technique considérée. 2. montrer la faisabilité de la technique en extrahospitalier. Ce qui, dans le cas de l’échographie concerne autant les aspects techniques que la formation des médecins. 3. démontrer le bénéfice pour le patient de l’introduction de cette nouvelle technique dans la pratique médicale extrahospitalière. La nécessité de cette démonstration est multiple. Elle est, d’abord une question de principe, scientifique. Il appartient aux "précurseurs" de faire la démonstration du bien fondé de leur idée. En effet, comme l’écrivaient récemment Georges CHARPAK et Henri BROCH "la charge de la preuve revient toujours à celui qui affirme quelque chose de nouveau et plus la chose affirmée sort du cadre des lois établies… plus les preuves apportées pour étayer cette proposition doivent être robustes"(2). Ne pas faire cette démonstration revient à ralentir, sinon bloquer, le développement de cette technique. Ce risque est particulièrement prégnant lorsque la mise en œuvre de cette technique suppose des investissements financiers importants comme l’échographie. Seule la démonstration d’un service majeur rendu au patient peut faire accepter ce coût. En outre, sans cette démonstration qui favorise la diffusion de la technique, les "précurseurs" deviennent des marginaux cantonnés dans une pratique confidentielle. Ceci est paradoxal pour des "précurseurs" qui sont généralement les principaux défenseurs de la technique. Malheureusement, ces mêmes "précurseurs" ne sont pas toujours les pionniers de la démonstration scientifique du bien fondé de leur idée. Enfin, sans cette démonstration, les "précurseurs"sont exposés à un risque majeur, médicolégal qui, de nos jours, ne saurait être négligé. Une pratique médicale moderne ne peut se concevoir sans une évaluation digne de ce nom. Dans le cadre de l’échographie, cela signifie valider un modèle de formation et déterminer, dans le contexte spécifique extrahospitalier, les indications privilégiées, les modalités de réalisation des examens et le niveau de performance atteint par les opérateurs. Cela signifie aussi connaître les atouts et les limites de la technique, ses performances en sensibilité, spécificité et valeurs prédictives. Ce démonstration revient à faire la démonstration qu’il est "normal" de se tromper, dans des limites qui ont été scientifiquement établies, ce qui constitue une sécurité indispensable pour l’opérateur confronté à prendre des décisions à la lumière d’un nouvel examen. E * SAMU 93, EA 3409, SMUR de Bobigny, centre hospitalier d’Avicenne, 125 rue de Stalingrad - F-93009 Bobigny cedex. La Revue des SAMU - 2005 - 365 à 366 La mission des "précurseurs" n’est donc pas simple. Elle l’est d’autant moins que toutes les "bonnes idées" ne franchissent pas les obstacles de la course à la démonstration scientifique. Ne jetons pas la pierre aux "précurseurs" ! Pour l’échographie, l’histoire a donné raison à MASSEN et MERCAT ! Pourtant, ne doutons qu’ils aient été raillés par leurs collègues lorsqu’ils déplaçaient péniblement au domicile des patients leur échographe de 20 kg ! Raillés, nous l’avons été aussi lorsque nous avons présenté notre première expérience de l’échographie il y a quelques années(3). Mais depuis, nous en avons montré la faisabilité(4, 5), nous avons validé l’organisation de notre formation théorique et pratique, établi le niveau de performance atteint par les opérateurs après cette formation(6) et démontré le bénéfice apporté par l’échographie dans la prise en charge extrahospitalière des patients(7). Plus de vingt après MASSEN et MERCAT ! Nous sommes ravis de contribuer à leur donner raison. RÉFÉRENCES 1. 2. 3. 4. MASSEN H, MERCAT C. Intérêt des explorations par les ultrasons dans les véhicules de transport primaires d’urgence des malades ou blessés. Rev SAMU 1983;7:321-4. CHARPAK G, BROCH H. Devenez sorciers, devenez savants. Odile Jacob, Paris 2002. LENOIR G, PETROVIC T, METZGER J, GALINSKI M, CHANZY E, AGOSTINUCCI JM, ADNET F, LAPOSTOLLE F. Intérêt de l'échographie en médecine d'urgence préhospitalière. 44e Congrès de la SFAR. Paris, 19-22 Septembre 2002. Ann Fr Anesth Réanim 2002;21:R265. LAPOSTOLLE F, PETROVIC T, LENOIR G, METZGER J, TAILLANDIER C, BACQUES O, FRANCESCI C, ADNET F. Utilisation extrahospitalière de l’échographie en traumatologie. Rev 5. 6. 7. SAMU 2001;4:300-1. LAPOSTOLLE F, PETROVIC T, CATINEAU J, GARCIA S, ADNET F. Out-of-hospital ultrasonographic diagnosis of a left ventricular wound after penetrating thoracic trauma. Ann Emerg Med 2004; 43, 422-3. LAPOSTOLLE F, PETROVIC T, CATINEAU J, LENOIR G, ADNET F. Training emergency physicians to perform out-of-hospital ultrasonography. Am J Emerg Med 2005;23:572. LAPOSTOLLE F, PETROVICT, LENOIR G, CATINEAU J, GALINSKI M, METZGER J, CHANZY E, ADNET F. Usefulness of hand-held ultrasound devices in out-of-hospital diagnosis performed by emergency physicians. Am J Emerg Med (In Press). ◆ ◆ ◆ MEDIFORUM 2005 2e Forum de l'Urgence - Conseil Français de Réanimation Cardio-Pulmonaire 3, 4 NOVEMBRE 2005 • MONTPELLIER LE CORUM - www.mediforum.org Secrétariat Scientifique : Caroline Telion, SAMU de Paris, Hôpital Necker - Enfants Malades, 149, rue de Sèvres F-75015 Paris. [email protected] JEUDI 3 NOVEMBRE 2005 • Le Point sur les dernières recommandations 1 Modérateurs : PY. GUEUGNIAUD, D. MEYRAN • Introduction. P. CARLI , D. ZIDEMAN • Alerte et appel d’urgence. P. DUMONT • La chaine de survie à l’hôpital et en préhospitalier.P. PETIT • Place de la ventilation dans la RCP de base. V. HUBERT • Massage cardiaque. P. PLAISANCE • Les DSA et les DA. P CASSAN 12h30-14h00 SYMPOSIUM MEDTRONIC • Le Point sur les dernières recommandations 2 Modérateurs : P. PETIT , P. MOLS • Recueil des données et des résultats concernant la prise en charge des ACR en France et en préhospitalier. B. JARDEL • Le contrôle des voies aériennes. F. ADNET • Différentes techniques instrumentales de MCE. P CARLI • Place des vasopresseurs dans la réanimation de l’arrêt cardiaque. PY. GUEUGNIAUD • Place des antiaryhmiques au cours des FV et des FV réfractaires. P. MOLS • Quelles différences pour la réanimation de l’enfant. C. TÉLION 18h00-19H00 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CFRC Détresse respiratoire aiguë 1 Modérateurs : P. RAY, O. JONQUET • Physiopathologie de la dyspnée. C. STRAUS • Intérêt des marqueurs biologiques. P. RAY • Contrôle des voies aériennes en urgence. F. ADNET • Faut-il donner des corticoïdes dans l’insuffisance respiratoire aiguë des BPCO ? L PAPAZIAN • La mucoviscidose. D. LESBROS • Critères de gravité des pneumopathies aiguës communautaires. B. RENAUD Détresse respiratoire aiguë 2 Modérateurs : P. PLAISANCE (Paris), P. MESNER (Nîmes) • Apport de l’échographie. L MULLER • Traitement de l’OAP cardiogénique. F. TEMPLIER • Traitement de l’asthme aigu grave. P. PLAISANCE • La grippe. Critères de gravité et mesures préventives. P. HAUSFATER • Analgésie des traumatismes thoraciques. E.VIEL VENDREDI 4 NOVEMBRE La douleur aux Urgences Modérateurs : JE. DE LA COUSSAYE, JJ. ELEDJAM • Un mythe médical aux Urgences : la douleur abdominale (traumatique, médicale, chirurgicale. F. NAVARRO, B. RIOU • Les consultations et Centres de la Douleur doivent-ils participer à l’accueil des urgences ? E. VIEL La douleur thoracique aux urgences dans tous ses états Modérateurs : JP. AUFFRAY, P. MESSNER • Les oubliés du Syndrome Coronarien aigu : faut-il hospitaliser toutes les douleurs thoraciques ? PM. ROY • Régulation médicale de la douleur thoracique. JP. AUFFRAY • Prise en charge du SCA non ST+ en préhospitalier et aux urgences. P. GOLDSTEIN • La contre-pulsion au cours du transport d’un patient présentant un SCA-ST+ compliqué : indications, modalités de réalisation. JL. Gérard (Caen) • Conduite à tenir devant une douleur thoracique d’origine pariétale (DTOP). D. Pateron (Bondy) La Revue des SAMU - 2005 - 366