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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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Évaluation subjective
En fait, on distingue deux types d'acouphènes. Qualifiés d'« objectifs », les premiers sont très minoritaires
(5% des cas peut-être). Muni de son stéthoscope, un médecin peut les entendre. Ils résultent habituellement
d'une malformation vasculaire (on entend, par exemple, un souffle au niveau de la carotide) et, de ce fait, sont
de caractère pulsatif, car synchronisés avec les battements cardiaques, ou appellent l'idée d'un chuintement
(flux sanguin). « Pour supprimer de tels acouphènes, il faut apporter une solution au problème sous-jacent -
par exemple, lever un rétrécissement carotidien », rapporte Philippe Lefèbvre.
La majeure partie des acouphènes sont donc « subjectifs ». Liés à un dysfonctionnement de la voie auditive,
ils ne sont perçus que par la personne qui en souffre. On les classe en deux grandes catégories. La première
renferme les acouphènes qui découlent d'une augmentation de la fréquence des décharges de potentiels
d'action au niveau de la cochlée (cellules ciliées, neurones). Autrement dit, l'oreille se met à envoyer des
signaux qui ne répondent à aucun stimulus externe. La seconde catégorie, elle, est constituée des acouphènes
dont l'origine première est une détérioration de l'acuité auditive, notamment en relation avec l'âge. Que se
passe-t-il ? À la diminution de fonction de la voie auditive répondrait une réduction des inhibitions au niveau
du cortex cérébral. Du moins, telle est l'hypothèse la plus probable. Cela suggère que le cerveau tenterait
de compenser la perte auditive en augmentant son activité, ce qui générerait des « sons fantômes ».
L'acouphène est le symptôme d'un dysfonctionnement. S'il est subjectif, son étiologie est souvent malaisée
à établir lorsqu'il n'est pas en lien avec une perte d'audition. Les causes qui peuvent l'avoir initié sont
multiples. Citons la toxicité de certains traitements par antibiotiques ou anti-inflammatoires et de certaines
chimiothérapies, les traumatismes auditifs (pétard, concert...), la surdité brusque, l'hypoacousie, un
neurinome, des problèmes cervicaux ou mandibulaires, des infections chroniques, une maladie de Ménière,
de l'hypertension, une anémie sévère, le stress et la dépression, un fort état de fatigue... « Un des problèmes
est que les études cliniques jettent généralement tous les acouphènes subjectifs dans le même panier,
explique Philippe Lefèbvre. Aussi, au niveau de l'approche thérapeutique, c'est-ce un peu comme si l'on traitait
de la même façon des pommes, des poires et des bananes. »
Il n'existe aucun paramètre objectif permettant de mesurer l'intensité d'un acouphène. Dès lors, le médecin
n'a d'autre choix que de s'en remettre à l'évaluation subjective du sujet acouphénique. « Si on demande à
un patient de situer l'intensité de son acouphène sur une échelle allant de 0 à 10, son estimation reflétera
plutôt la manière dont il le perçoit, c'est-à-dire sa capacité à l'éloigner ou non du champ de sa conscience, que
l'intensité sonore réelle », souligne le docteur Audrey Maudoux, aspirante au FNRS, doctorante et assistante
au service ORL du CHU de Liège.
Le type de son (bourdonnement, sifflement...) n'est pas caractéristique d'un acouphène particulier ni de la
cause qui l'aurait engendré. De surcroît, il a été montré que sa fréquence (grave, aigu) ne prédispose pas à
être ou ne pas être gêné par sa présence. « On retrouve plus ou moins le même pattern dans les groupes
de personnes incommodées par leur acouphène et dans les groupes qui ne s'en plaignent pas », précise
Audrey Maudoux.