J-D. Reynaud (1988) considère en effet l’organisation sous l’angle des régulations qui s’y
déploient, à l’instar des approches en sociologie des organisations s’intéressant aux jeux des
acteurs avec la règle (Crozier et Friedberg, 1977 ; Friedberg, 1997).
La théorie de la régulation sociale articule deux concepts centraux pour les sciences de
gestion et souvent considérés comme contradictoires : l’autonomie et le contrôle, cherchant à
« rendre compte de la relation entre le système de contraintes et les comportements des
acteurs individuels » (de Terssac, 1992, p. 35). Dans cette perspective, J-D. Reynaud définit la
régulation conjointe comme « une rencontre entre deux régulations », une régulation de
contrôle (la tentative du management de contrôler le comportement des acteurs de
l’organisation) et une régulation autonome (l’effort des acteurs pour résister à cette emprise et
peser eux-mêmes sur le contenu de leur travail afin de le rendre plus facile) (Reynaud, 1988 ;
de Terssac, 2003). Une approche par la TRS vise à identifier la façon dont les différentes
tentatives de régulation du travail se complètent, se conjuguent, s’affrontent ou encore
s’empêchent mutuellement.
C’est la grille de lecture également utilisée par F-X. de Vaujany (2005, 2006) et
A. Grimand (2006) pour analyser l’appropriation des outils de gestion par ceux qui les
utilisent. Mais précisons auparavant ce que l’on entend par outils de gestion.
A l’instar d’A. David, on pourra envisager, dans un premier temps, que la notion d’outil de
gestion renvoie à tout « dispositif formalisé permettant l’action organisée » (David, 1998,
p. 44). Soulignant son caractère formalisé, contextuel et finalisé, J-C. Moisdon définit quant à
lui l’outil de gestion comme « un ensemble de raisonnements ou de connaissances reliant de
façon formelle un certain nombre de variables issues de l’organisation (…) et destiné à
instruire les divers actes classiques de la gestion » (Moisdon, 1997, p. 7).
Nous parlerons ici d’outils, pris au sens large, pour indiquer aussi bien ce que F-X. de
Vaujany qualifie dans son modèle analytique d’objets de gestion (schémas, indicateurs…), de
règles de gestion (règles comptables, principes managériaux…), d’outils de gestion (ensemble
d’objets de gestion intégrés selon des règles) et de dispositifs de gestion (système
organisationnel porté par une vision) (de Vaujany, 2005 ; 2006).
Certains auteurs se sont intéressés à la finalité et au rôle des outils de gestion. Ainsi,
développant l’analyse de J-C. Moisdon sur les deux modes d’existence des outils de gestion,
celui « qui vise à normer les comportements et [celui] qui consiste à créer et propager du
savoir » (Moisdon, 1997, p. 8), A. David propose quatre rôles des outils : la conformation des
comportements, l’investigation du fonctionnement organisationnel, l’accompagnement de la
mutation et l’exploration du nouveau (David, 1998).
D’autres approches ont cherché à analyser la structure même des outils de gestion.
A. Hatchuel et B. Weil (1992) définissent ainsi ce qu’ils appellent les techniques managériales
comme un ensemble de trois éléments en interaction : un substrat technique, une philosophie
gestionnaire et une vision de l’organisation. Notons qu’un outil n’est jamais porteur de savoirs
en lui-même mais au travers des schèmes sociaux d’utilisation mobilisés par les acteurs
lorsqu’ils se l’approprient (Lorino, 2002).
L’objet de cet article étant d’analyser comment la montée en puissance des régulations
et des dispositifs gestionnaires portés par les tutelles viennent percuter l’activité des petits
établissements de santé et de quelle manière le management s’en saisit, nous proposons
d’utiliser l’approche de F-X. de Vaujany (2005, 2006) et A. Grimand (2006) sur
l’appropriation des outils de gestion, fondée sur la TRS.
La perspective appropriative des outils de gestion (de Vaujany, 2005, 2006 ; Grimand,
2006) propose de conjuguer dans une « compréhension conjointe » plusieurs regards :
- la perspective rationnelle, celle des concepteurs ou diffuseurs de l’outil avec leurs
préoccupations d’efficacité et d’efficience, du côté de la régulation de contrôle ;