Caractérisation spectrale des lasers semiconducteurs par transposition de fréquence optique dans le domaine radio-fréquence Pascal Dherbécourt, Olivier Latry, Eric Joubert, Mohamed Kétata IUT - Université de Rouen Laboratoire Electronique Microtechnologie et Iinstrumentation Département Génie Electrique et Informatique Industrielle 76 821 Mont Saint Aignan CEDEX [email protected]; [email protected]; [email protected] ; [email protected]. Section de rattachement : 63 Secteur : Secondaire RÉSUMÉ. Le travail présenté dans cet article traite de la caractérisation des spectres des lasers semi-conducteurs de type DFB largement utilisés dans les systèmes de télécommunication optiques modernes à très haut débit. La méthode développée de manière théorique et expérimentale repose sur la transposition de fréquence du spectre optique du laser dont on cherche à connaître les caractéristiques spectrales vers le domaine des radio-fréquences par mélange avec un laser de référence parfaitement connu. En s’appuyant sur cette technique, une mise en évidence de la déformation du spectre (chirp laser) sous modulation directe est présentée. Le mélange d’ondes optiques ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives pour la génération d’onde GHz ou THz dans des domaines très variés. MOTS-CLÉS : télécommunications, fibres optiques, lasers, spectre laser,laser DFB, photodiode rapide, hétérodynage, transposition de fréquence, modulation d’amplitude, modulation de fréquence, chirp laser, fonctions de Bessel, microondes, hyperfréquences, génération TéraHertz. 1. Introduction Le multiplexage en longueur d’onde DWDM combiné au multiplexage temporel TDM est largement déployé aujourd’hui dans les réseaux optiques pour augmenter la capacité de transmission (80 canaux espacés de 50 GHz sur une bande de 30 nm autour de 1550 nm). Ces progrès imposent des contraintes technologiques sur les fibres optiques par la réduction des pertes dépendant de la polarisation (PDL) et de la 1 dispersion modale de polarisation (PMD) mais aussi sur les composants d’extrémité associés. Ainsi, des émetteurs laser semi-conducteurs monomode longitudinal de type DFB à spectre étroit (quelques MHz) sont utilisés en DWDM, des photodiodes rapides de bande passante 40 à 60 GHz sont installées en réception. Afin de tester les performances de ces composants des outils de caractérisation doivent être mis en place dans les laboratoires de recherche et chez les fabricants. Notre laboratoire a développé des compétences dans ce domaine au niveau de la caractérisation spectrale des lasers DFB et des mesures de bande passante de photodiodes ultra-rapides PIN (Demi), (Latr), (Dher). 2. Transposition de fréquence optique du spectre laser : théorie et expérimentation Le principe du mélange optique détecté par photodiode rapide repose sur la réponse quadratique du transducteur opto-électrique. Le principe est illustré par la figure 1. Les ondes issues des deux sources laser1 et laser2 de fréquences respectives ν1 et ν2 sont couplées spatialement et ont la même direction de polarisation. Les sources sont de type monomode longitudinal à spectre étroit. Le spectre en puissance détecté par la photodiode présente une composante continue non exploitée et une composante de fréquence ν = ν1-v2. Un faible écart en fréquence optique (ou en longueur d’onde) engendre ainsi en réception un signal électrique facilement ajustable et mesurable par analyseur de spectre radio-fréqence RF, (Dher). Laser1 P.I.N coupleur Analyseur de spectres Contrôle lasers Laser2 Figure 1 . Principe de mélange optique de deux ondes et génération d’un signal RF La figure 2 représente un spectre expérimental obtenu par mélange de deux ondes laser centrées autour de 1550 nm, à la fréquence de νΒ=40 GHz par une photodiode rapide « Discovery Semiconducteur ». Le signal expérimental obtenu au laboratoire 2 présente une forme Gaussienne ou Lorentzienne suivant la puissance émise, de largeur de raie à mi-hauteur (FWHM) voisine de 50 MHz pour la figure 2. A partir du signal RF, la largeur de raie des lasers peut être déduite très facilement (Char). En connaissant précisément la largeur de raie d’une des sources (source étalon), il est alors possible de mesurer précisément la largeur de raie de la source sous test dans le domaine des radiofréquences. Cette caractérisation de largeur de raie d’un laser ramenée dans le domaine RF présente un intérêt certain car il est impossible de réaliser cette mesure directement dans le domaine optique. Il est à noter que la résolution limitée des analyseurs de spectres optiques typiquement égale à 100 pm ne permet pas cette analyse directe autour de la longueur d’onde 1550 nm correspondant à une fréquence voisine de 193 THz. -6 1.2 x 10 1 Puissance (mW) 0.8 0.6 0.4 0.2 0 3.99 3.995 4 4.005 Fréquence (Hz) 4.01 4.015 10 x 10 Figure 2 . spectre du signal RF obtenu par mélange de deux ondes optiques dans une photodiode rapide à une fréquence νB voisine de 40 GHz. 3. Mesure de largeur spectrale de lasers DFB par simulation La simulation est une alternative intéressante à la mesure pour la mise au point de la technique de caractérisation de largeur de raie de lasers semi-conducteurs. L’utilisation d’outils performants dédiés aux communications optiques permet de prendre en compte différents paramètres et d’étudier leur influence, citons par exemple la puissance des sources, leur stabilité en longueur d’onde, le bruit de phase et d’amplitude qui constituent des paramètres primordiaux au niveau de la qualité et de la stabilité du signal. La figure 3 présente les résultats de l’évolution de la largeur de raie du signal 3 généré par la photodiode en fonction de la largeur de raie des deux lasers supposés identiques. Une largeur double de celle des sources est mesurée à droite et reportée en ordonnée, les largeurs de raie des lasers varient entre 20 et 100 MHz, le signal en réception présente une largeur de raie double typique d’un spectre de forme Lorentzienne. Il est à noter que le fittage réalisé avant la mesure doit intervenir après filtrage du signal mesuré sur l’analyseur de spectres RF afin de s’affranchir du bruit d’amplitude du signal hyperfréquence. La mesure de la largeur de raie d’un laser inconnu est ainsi réalisée de manière précise grâce à l’emploi d’un laser étalon dont on connaît parfaitement les caractéristiques spectrales. Le choix de la fréquence du signal généré, donc le décalage en longueur d’onde des deux sources doit être choisi de façon à être détecté efficacement par la photodiode dans sa plage de détection. Largeur de raie du signal hyper en MHz Mesure de largeur de raie de laser 250 200 150 100 50 0 0 20 40 60 80 largeur de raie FWHM des lasers en MHz Figure 3 . A gauche : Spectre du signal RF obtenu en simulation autour de 10 GHz , à droite évolution de la largeur de raie du signal hyperfréquence généré en fonction de la largeur de raie des deux lasers supposés identiques. 4. Mise en évidence du défaut de chirp des lasers DFB sous modulation directe Par extension au principe développé précédemment, la mise en évidence de la déformation du spectre d’un laser DFB peut être effectuée efficacement dans le domaine des radio-fréquences. Il est ainsi possible de contrôler les fluctuations de longueur d’onde très faibles (chose impossible à assurer dans le domaine optique). Ces 4 100 120 fluctuations trouvent des origines très variées et sont regroupées de façon générale sous le terme « chirp ». Les causes principales provoquant ces variations de fréquence sont les effets thermiques, les effets de rétroaction optique et les effets de modulation directe. Pour les diodes lasers, une variation de courant δI entraîne alors une variation de fréquence optique δν (Toff). Ces variations de fréquence optique de la porteuse, considérées comme des défauts, peuvent affecter le fonctionnement des systèmes multiplexés en longueur d’onde DWDM. Ce phénomène engendre par ailleurs une limitation du débit dans les transmissions rapides. L’expression du chirp ou excursion en fréquence de l’onde laser δν est donnée par l’équation [1]. δν = -αH / (4.π) .( (dP/dt) / P + υ.P) m = δI / (I0 – IS), β = δν / fm, αH = 2.β / m [1] [2],[3],[4] Figure 4. Montage simulé permettant de mettre en évidence la déformation du spectre laser dans le domaine des hyperfréquences. P représente la puissance du laser, αH le facteur d’élargissement de raie de Henry, υ une constante définissant les effets thermiques à basse fréquence de modulation. Soit m l’indice de modulation en amplitude par rapport au courant laser, l’indice de 5 modulation de fréquence β est donné en fonction du chirp et de la fréquence de modulation fm par les équations [2],[3],et [4]. Aux fréquences de modulation élevées (plusieurs dizaines de MHz), le spectre est constitué de plusieurs raies dont le nombre et les amplitudes sont données par les fonctions de Bessel de première espèce typiques des modulations de fréquence FM. Le montage décrit en figure 4 Figure 5 . Spectres du laser en modulation directe par un signal sinusoïdal : Mise en évidence du chirp pour deux puissance de modulation par les fonctions de Bessel. Une onde laser étalon (polarisée en DC) très pure spectralement est mélangée par couplage optique au laser à tester modulé en amplitude directement par un signal sinusoïdal de fréquence fm =1GHz. Le signal résultant est détecté via la photodiode par l’analyseur de spectres RF autour d’une fréquence résultante voisine de 10 GHz. Le facteur αH du laser sous test est fixé à la valeur 5, valeur typique pour les lasers DFB dédiés aux télécommunications. La figure 5 représente le spectre du signal RF détecté par la photodiode pour deux valeurs d’amplitude du courant de modulation du laser sous test, (m = 0.25 à gauche et m = 0.5 à droite). Nous regroupons dans le tableau suivant 6 les différents paramètres calculés dans les deux cas à partir des équations [3] et [4]. Nous observons comme prévu pour les deux cas un spectre constitué de raies espacées de la valeur de la fréquence de modulation fm = 1 GHz. Le nombre de raies contenues dans le spectre augmente en même temps que la valeur de l’indice de modulation de fréquence β. La méthode de mesure ainsi développée permet de caractériser la déformation du spectre optique d’un laser par transposition de fréquence dans le domaine RF par modélisation par les fonctions de Bessel. Indice de modulation d’amplitude : m Indice de modulation de fréquence : β Excursion de fréquence pour fm = 1 GHz : δν GHz m = 0.25 β = 0.625 δν = 0.625 m = 0.5 β = 1.25 δν = 1.25 5. Conclusion Les travaux présentés dans cet article permettent de mettre en évidence l’intérêt du mélange de deux ondes optiques. Le mélange permet de transposer le spectre d’un laser vers le domaine des radio-fréquences pour une mesure précise des propriétés spectrales des sources ainsi que la stabilité en fréquence optique ou longueur d’onde. La connaissance précise de ces paramètres est primordiale dans l’utilisation des émetteurs dans les systèmes haut débit DWDM. Le mélange d’onde optique trouve aussi des applications dans la mesure de bande passante de photorécepteur. Par balayage en fréquence optique d’un des laser, le signal RF est ramené vers le domaine des microondes, par mesure de la puissance du signal électrique fourni par le photorécepteur, un banc automatisé de mesure de bande passante de photodiodes rapides InGaAs a été développé au sein du laboratoire (Latr). Le mélange optique trouve aujourd’hui des applications dans le domaine de la génération d’ondes GHz ou THz, domaine jusqu’ici inaccessible par les oscillateurs électroniques. De nouvelles perspectives apparaissent au niveau de la génération de fréquence porteuse supérieures à 60 GHz pour la distribution radio par fibre optique à l’intérieur des bâtiments. Dans une plage de fréquence plus haute, les ondes Térahertz possèdent des caractéristiques intéressantes en termes de perméabilité. L’imagerie THz peut ainsi être envisagée dans des domaines variés, citons à titre d’exemple, la sécurité des accès, la médecine, le domaine de la physique et de la chimie, l’astronomie, l’archéologie ou les travaux publics. Ajoutons enfin que des domaines tels que les 7 radars pour l’aviation ou pour l’automobile (radar anticollision) sont concernés par ces fréquences élevées. La génération d’ondes THZ très stables en fréquence ne peut être obtenue qu’à partir de laser bi-fréquences générant deux fréquences optiques à l’intérieur d’une même structure. Ces structures sont aujourd’hui à l’étude avec un objectif de coût réduit [Sydl], [Mush]. Bibliographie Chardonnet Ch., Laser monofréquence et stabilisation Les Lasers et leurs applications scientifiques et médicales, Société Française d’Optique. Demiguel Stéphane, Photodiodes rapides à adaptateur de mode intégré pour les liaisons optiques/radiofréquences à 60GHz et les transmissions numériques à 40 GHz, thèse de doctorat de l’Université de Rouen, octobre 2001 Dherbécourt Pascal, Etude et réalisation d’un générateur d’onde optique modulée en amplitude à très haute fréquence, thèse de doctorat de l’Université de Rouen, juin 2002 Latry Olivier et al 2006, Experimental considerations on bandwidth measurement of ulta-fast photoreceptors by optical heterodyning, revue Measurement , vol. 40, issue 4, Mai 2007, p. 406417. Lecoy Pierre., Principes et technologies des télécoms , Paris, Editions Hermes Lavoisier, 2005. Musha M et al 2004, A highly stable mm-wave synthesizer realized by mixing two lasers locked to an optical comb generator , revue Optics Communications , vol. 240, 2004, p. 201-208. 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