Le spectacle
1. La voix des sans voix
Un récit ruisselant de merveilles où l’auteur
fait s’entrechoquer les langages, la poétique
et la politique, le réel et le surréel, l’histoire et
le mélodrame. Une nuit d’hiver, un bateleur
solitaire, qui n’a pour seul compagnon qu’un
loup, recueille une petite fille aveugle. Et un
enfant mutilé, qui fut enlevé sur ordre du roi et
défiguré, la bouche fendue jusqu'aux oreilles
comme le Joker de Batman. L’enfant se
nomme Gwynplaine, le saltimbanque Ursus et
l’animal Homo. Ursus baptise la petite fille
Déa. Les deux enfants grandissent en
s’aimant dans une vie errante qu’ils mènent
avec leur père adoptif à travers l’Angleterre.
Reconnu pour le fils d’un noble proscrit à
cause de sa fidélité républicaine, Gwynplaine
devient Lord Clancharlie. Désiré puis rejeté
par une femme très belle et très étrange, la
duchesse Josiane, il se retrouve devant le
Parlement où il tente de dire la misère du peuple et la révolution à venir. On rit de lui.
Découragé par la dureté de la société aristocratique, il revient sur le bateau qui emporte
Ursus et Déa bannis, à temps pour rejoindre celle-ci dans la mort. Mort qui n’est pas fin,
mais ouverture et accomplissement de leur amour. Jusqu’au cœur secret des mots, révélant
leur âpre saveur d’eau forte, le conteur, diseur, colporteur d’essences de vies, Gérard
Guillaumat met en lumières et ombres ce poème visuel porté par le double mouvement de
l’engloutissement et de la remontée vers la lumière. Il restitue l’écume d’un texte, son dessin.
Ouvrant sur les dimensions fabuleuses du mythe, L'Homme qui rit est une oeuvre-clé, au
centre de l’univers hugolien. Ce qui domine ici, c’est la figure humaine d’un Hugo en exil,
blessé, déchiré, désenchanté et qui continue néanmoins à rêver. On peut voir dans
l’aventure de Gwynplaine, enfant défiguré devenu paria vivant en marge de la compagnie
des hommes qui l’ont abandonné, l’itinéraire initiatique d’un homme vers son salut. Récit nuit
et lumière de l’espoir, du chaos vaincu, de la prophétie révolutionnaire au-delà des défaites
apparentes.
Avec L'Homme qui rit, Gérard Guillaumat entreprend avec Isabelle Chladek une
nouvelle expérience qui consiste à chercher un autre rapport avec le public que
celui qu'il a créé dans ses spectacles précédents. Au cœur d’un petit théâtre